Grisons

Loi sur les langues du canton des Grisons

Sprachengesetz des Kantons Graubünden (all.)
Legge sulle lingue del Cantone dei Grigioni (ital.)
Lescha da linguas dal chantun Grischun (rom.)

(2006)

La présente Loi sur les langues (all.: Sprachengesetz; ital.: Legge sulle lingue; rom.: Lescha da linguas) a été adoptée par le Parlement cantonal des Grisons, le 19 octobre 2006, en allemand, en italien et en romanche. La traduction française a été faite par Jacques Leclerc à partir de la version officielle en italien (Legge sulle lingue del Cantone dei Grigioni). Ce texte en français n'a donc qu'une simple valeur informative. La Loi sur les langues a été suivie en 2007 d'une Ordonnance sur les langues.

En Suisse, notamment dans le canton des Grisons (et dans le canton du Tessin), il existe une entité administrative différente de celle des cantons, des districts et des communes (municipalité) : les «cercles» (en allemand: Kreis; en italien: circolo; en français: cercle ou arrondissement). Dans les textes juridiques suisses, on utilise tantôt le terme «cercle» (usage local) tantôt le terme «arrondissement» (usage général). Il existe 39 «cercles» (ou «arrondissements») dans le canton des Grisons.

Loi sur les langues
du canton des Grisons du 19 octobre 2006

Le Grand Conseil du canton des Grisons,

vu l'article 3 de la Constitution cantonale ;
vu le message du gouvernement du 16 mai 2006,

édicte :

I. Dispositions générales

Article 1

But

1) La présente loi entend :

a) renforcer le trilinguisme qui caractéristique essentiellement le canton;
b) consolider au niveau individuel, social et institutionnel la conscience du plurilinguisme cantonal;
c) promouvoir la compréhension et la cohabitation entre les communautés linguistiques cantonales;
d) sauvegarder et promouvoir la langue romanche et italienne;
e) soutenir par des mesures particulières la langue romanche menacée;
f) créer dans le canton les fondations pour un institut du plurilinguisme.

2) Dans l'accomplissement de leurs obligations, le canton, les communes, les corporations régionales et communales, les districts, les arrondissements («cercles») et autres entités de droit public prêteront une attention à la composition linguistique traditionnelle des régions et prendront en considération la communauté linguistique autochtone.

Article 2

Objet

La présente loi réglemente :

a) l'emploi des langues officielles cantonales de la part des autorités et des tribunaux du canton;
b) les mesures destinées à la sauvegarde et à la promotion des langues romanche et italienne, ainsi que les échanges entre les communautés linguistiques cantonales ;
c) l'attribution des communes et des arrondissements aux régions linguistiques, ainsi que la coopération entre le canton et les communes, les corporations régionales et communales, les districts, les arrondissements et autres entités de droit public dans le choix de leurs langues officielles et scolaires.

II. Langues cantonales officielles

Article 3

Principes

1) Les langues officielles du canton trouvent application dans la législation, dans l'exercice du droit et dans la jurisprudence.

2) Chacun peut s'exprimer devant les autorités cantonales dans une langue officielle de son choix.

3) Les autorités cantonales répondent dans la langue officielle dans laquelle elles ont été consultées. Dans les rapports avec les communes, les corporations régionales et communales et les arrondissements, les autorités emploient les langues officielles respectives. Dans la procédure de recours, la langue de la procédure doit être conforme à la langue officielle employée dans la décision attaquée.

4) Dans les rapports écrits, les autorités cantonales et les tribunaux cantonaux emploient les langues officielles dans leurs formes standard.

5) La forme standard du romanche employée par les autorités cantonales et les tribunaux cantonaux est le rumantsch grischun. Les locuteurs du romanche peuvent s'adresser au canton dans les idiomes ou en rumantsch grischun.

Article 4

Le Grand Conseil

1) Dans les délibérations du Grand Conseil et dans ses commissions, chaque membre s'exprime dans la langue officielle de son choix.

2) Chaque membre du Grand Conseil peut demander des traductions sur les propositions transmises dans la langue officielle qu'il connaît.

3) Les documents officiels à publier dans le Recueil systématique du droit cantonal des Grisons doivent être traduits dans toutes les langues officielles pour leur traitement au Grand Conseil et dans ses commissions.

Article 5

Gouvernement

1) Les membres du gouvernement travaillent dans la langue officielle de leur choix.

2) Le gouvernement réglementera dans une ordonnance spéciale la traduction dans les langues officielles cantonales des documents officiels, avis, communiqués presse, sites Internet, documents, correspondance et enseignes d'édifices et panneaux routiers cantonaux.

3) Le canton doit promouvoir les connaissances de son personnel dans les langues officielles cantonales.

Article 6

Embauche

À parité des compétences, pour l'occupation des postes dans l'Administration cantonale, il est de règle d'accorder la préférence aux candidats qui disposent de connaissances de deux ou éventuellement des trois langues officielles.

Article 7

Tribunaux

1. Dispositions générales

1) Le président du tribunal établit, sur la de base de la présente loi, en quelle langue officielle les tribunaux se déroulera la procédure judiciaire.

2) Dans les débats, les membres des tribunaux s'expriment dans la langue officielle de leur choix.

3) Les sentences, les résolutions et les décisions sont rédigées dans la langue officielle dans laquelle se déroule la procédure judiciaire.

4) Au cas où une partie ne connaît seulement qu'une autre langue officielle, le président du tribunal ordonne, sur demande, une traduction sans frais des débats relatifs à la sentence.

5) Toute dérogation aux dispositions de la présente loi est autorisée avec le consentement des parties.

Article 8

2. Tribunaux cantonaux

1) Dans leurs mémoires et requêtes destinées aux tribunaux cantonaux, les parties peuvent employer une langue officielle cantonale de leur choix.

2) La langue de la procédure se conforme en règle générale à la langue officielle employée dans la décision attaquée respectivement à la langue officielle parlée par la partie défenderesse.

Article 9

3. Tribunaux du district

a) Districts unilingues

1) Les districts composés d'arrondissements communaux unilingues avec une même langue officielle sont considérés comme des districts unilingues. La langue officielle d'un district unilingue correspond à ces cercles.

2) Dans les mémoires et affaires, la langue officielle employée doit être celle du district.

3) Les débats principaux se tiennent dans la langue officielle du district.

Article 10

b) Districts plurilingues

1) Les districts composés d'arrondissements («cercles») communaux unilingues avec des langues officielles différentes dans les arrondissements respectivement plurilingues sont considérés comme des districts plurilingues. Les langues officielles d'un district plurilingue sont toutes les langues officielles des arrondissements.

2) En leurs mémoires et affaires, les parties peuvent employer une seule langue officielle du district.

3) Les débats principaux se tiennent en règle générale dans la langue officielle parlée par la partie défenderesse ainsi que la partie attaquée.

III. Promotion des langues romanche et italienne,
Échanges entre les communautés linguistiques

Article 11

Canton

1. Institutions

1) Le canton verse des subventions annuelles à la Lia Rumantscha, la Pro Grigioni Italiano et l'Agentura da Novitads Rumantscha pour la sauvegarde et la promotion de la langue et la culture romanches ainsi que pour l'italien.

2) Le fait de concéder des subventions cantonales dépend du respect des accords d'allocation convenus entre le canton et les institutions ayant droit à ces subventions, celles-ci étant valables pour une période de quatre ans.

3) Les devis, rapports annuels et comptes annuels doivent être soumis au gouvernement pour approbation.

4) Les subventions cantonales varient entre le 10 % et le 50 % des dépenses déclarées selon l'accord alloué.

5) Le Grand Conseil fixe selon sa propre compétence les crédits pour les subventions cantonales.

Article 12

2. Projets et mesures particulières de promotion

a) Secteurs, critères de calcul

1) Le canton peut verser des subventions à des communes, et à d'autres entités de droit public et privées, en particulier pour :

a) des mesures et projets destinés à la sauvegarde et à la promotion des langues romanche et italienne, ainsi que pour le trilinguisme cantonal ;
b) des mesures et projets destinés à la compréhension entre les communautés linguistiques cantonales ;
c) des journaux et revues de langues romanche et italienne, les indemnités pour les allocations pour la sauvegarde de la langue, dans la mesure où ces allocations ne puissent pas être fournies en guise de couverture des dépenses;
d) l'élaboration, la traduction et la publication de travaux scientifiques sur les langues cantonales, leurs idiomes et dialectes, sur le plurilinguisme, ainsi que sur la politique linguistique et la clarté;
e) la traduction d'oeuvres littéraires en langue romanche;
f) des cours de langue romanche ou italienne destinés à l'intégration des allophones;
g) un institut du plurilinguisme dans le canton des Grisons;
h) la création d'écoles ou de classes bilingues dans les communes de langue allemande.

2) Les subventions cantonales doivent être conformes en particulier à la qualité de la mesure, à son importance pour la région linguistique et à ses conséquences sur la sauvegarde et la promotion linguistique.

Article 13

b) Préalables pour l'octroi des subventions

1) Les subventions cantonales dépendent du propre fonctionnement adéquat des bénéficiaires des subventions.

2) Les subventions cantonales ne sont pas versées à des projets qui poursuivent principalement des buts lucratifs.

Article 14

Communes

Les communes adoptent des mesures destinées à la sauvegarde et à la promotion des langues autochtones des communes.

Article 15

Échanges entre les communautés linguistiques

1) Le canton et les communes doivent promouvoir les échanges d'élèves, de classes et d'enseignants entre les communautés linguistiques.

2) À cette fin, le canton et les communes peuvent verser des subventions à des organismes spécialisés dans les échanges.

IV. Langues officielles et scolaires des communes et arrondissements

Article 16

Communes

1. Langues officielles
a) Choix

1) Les communes définissent les langues officielles dans leur législation en tenant compte des principes communs de la présente loi.

2) Les communes ayant une proportion d'au moins 40 % de leur population appartenant à une communauté linguistique autochtone sont considérées comme des communes unilingues. Dans ces communes, la langue autochtone est la langue officielle de la commune.

3) Les communes ayant une proportion d'au moins 20 % de leur population appartenant à une communauté linguistique autochtone sont considérées comme des communes plurilingues. Dans ces communes, la langue autochtone est l'une des langues officielles de la commune.

4) Pour déterminer la proportion en pourcentage d'une communauté linguistique, il est fait état des résultats du dernier recensement fédéral. Sont considérées appartenant à la communauté linguistique romanche ou italienne toutes les personnes qui ont répondu à au moins une question sur l'appartenance linguistique indiquant la langue romanche ou italienne.

Article 17

b) Champ d'application

1) Les communes unilingues sont tenues d'employer leur langue officielle, en particulier lors des assemblées communales, lors des votations communales, dans les communications et publications communales, dans les rapports officiels avec les administrés, ainsi que pour la signalisation des bureaux et des routes. Dans le cas des panneaux privés destinés au public, la langue officielle doit être adéquatement prise en compte. 

2) Les communes plurilingues sont tenues d'employer de manière appropriée la langue officielle autochtone.

3) Les communes réglementent les détails relatifs au champ d'application de leurs langues officielles en collaboration avec le gouvernement.

Articles 18

2. Langues d'enseignement

a) Dispositions générales

1) Les communes réglementent dans leur législation la langue d'enseignement dans l'école publique en tenant compte des principes de la présente loi.

2) L'attribution des communes en communes unilingues et en communes plurilingues est assignée de façon similaire aux dispositions sur les langues officielles.

3) Dans l'intérêt de la sauvegarde d'une langue cantonale menacée, le gouvernement peut, sur demande de la commune, autoriser des exemptions dans le choix de la langue d'enseignement.

Article 19

b) Communes unilingues

1) Dans les communes unilingues, l'enseignement de la première langue est dispensé dans la seule langue officielle de la commune. Ces communes prévoient que la première langue fasse l'objet d'un soin particulier à tous les niveaux scolaires.

2) Le choix de la langue seconde est basé sur les prescriptions de la loi scolaire cantonale.

Article 20

c) Communes multilingues et communes de langue allemande

1) Dans les communes plurilingues, l'enseignement de la première langue est dispensée dans la langue autochtone.

2) Dans les communes plurilingues et les communes de langue allemande, dans l'intérêt de la sauvegarde de la langue autochtone, le gouvernement peut, sur demande de la commune, autoriser la gestion d'une école publique bilingue.

3) Dans les communes ayant une proportion d'au moins 10 % de leur population appartenant à une communauté linguistique autochtone, il est fait obligation pour l'école d'offrir au choix l'enseignement du romanche ou de l'italien.

Article 20a

d) Écoles régionales bilingues

Sur proposition de la corporation régionale, le gouvernement peut autoriser des écoles régionales bilingues sur la base d'un concept de gestion d'une école publique bilingue. Le canton peut accorder des subventions à ces écoles.

Article 21

3. Compétences linguistiques

Dans les communes unilingues ayant comme langue officielle le romanche ou l'italien, ainsi que dans les communes plurilingues, les communes prévoient des offres à l'intention des allophones pour l'apprentissage et l'amélioration de la compétence linguistique dans la langue autochtone.

Article 22

4. Associations de communes/unions de communes

1) Si deux ou plusieurs communes unilingues et plurilingues s'associent, les dispositions de la présente loi sur l'emploi des langues officielles et des langues d'enseignement sont appliquées par analogie. Pour déterminer le pourcentage de la population appartenant à une communauté linguistique, il faut établir le nombre total de la population résidant dans la nouvelle commune.

2) Les corporations régionales et communales réglementent l'usage des langues officielles et éventuellement le statut des langues d'enseignement. Elles tiennent compte adéquatement de la situation linguistique particulière des communes.

Article 23

5. Changement de langue

1) Le changement d'une commune unilingue en une commune plurilingue et l'inverse, ainsi que le changement d'une commune plurilingue en une commune germanophone sont sujets à la consultation populaire. Une telle proposition présuppose que la proportion de la population appartenant à la communauté linguistique autochtone tombe en dessous de 40 % dans le cas du changement d'une commune unilingue en une commune plurilingue, et en dessous de 20 % dans le cas du changement d'une commune plurilingue à une commune germanophone.

2) Un changement linguistique est considéré accepté si, dans le cas du changement d'une commune unilingue en une commune plurilingue, la majorité a approuvé le changement; et, dans le cas du changement d'une commune plurilingue en une commune germanophone, les deux tiers des votants l'ont approuvé, une fois déduits les suffrages blancs et nuls.

3) Les décisions sur les changements de langue nécessitent l'approbation du gouvernement.

Article 24

Arrondissements (''cercles'')

1) Les arrondissements composés de communes unilingues ayant une même langue officielle sont considérés comme des arrondissements unilingues. Dans ces arrondissements, la langue officielle est celle des communes qui en font partie.

2) Les arrondissements composés de communes ayant différentes langues officielles dans le respect des communes plurilingues sont considérés comme plurilingues. Les langues officielles de ces arrondissements sont toutes celles des communes membres.

3) Les procédures civiles et pénales en présence du président de l'arrondissement trouvent leur application en correspondance avec les dispositions sur les tribunaux généraux.

4) Les arrondissements réglementent les détails du champ d'application de leurs langues officielles en collaboration avec le gouvernement.

V. Dispositions finales

Article 25

Modifications du droit en vigueur

Les lois suivantes sont modifiées comme suit :

1. Loi du Grand Conseil (LGC) du 8 décembre 2005

Article 45

Abrogé

2. Code de procédure civile du canton des Grisons (CPC) du 1er décembre 1985.

Art. 48a

Les langues judiciaires doivent être conformes à la loi cantonale sur les langues.

3. Loi sur la justice pénale (LGP) du 8 juin 1958.

Art. 101a

Les langues judiciaires doivent être conformes à la loi cantonale sur les langues.

4. Loi sur la justice administrative dans le canton des Grisons (Loi sur le tribunal administratif, LTA) du 9 avril 1967.

Article 20

Les langues judiciaires doivent être conformes à la loi cantonale sur les langues.

5. Loi sur la promotion de la culture (LPCult) du 28 septembre 1997.

Article 2 cpv. 1

1) Le canton peut soutenir au moyen de subventions un ensemble de communes, d'autres entités de droit public et des institutions privées dans leur engagement à promouvoir la production et l'intervention culturelle, ainsi que la recherche et le souci du patrimoine culturel.

Article 3 paragraphe c)

Abrogé

Article 6 cpv. 1

1) Le canton peut soutenir au moyen de subventions annuelles récurrentes des institutions publiques et privées, des associations chapeautant les cantons et opérant dans les domaines de la culture, ainsi que de la recherche culturelle, à la condition que ces mêmes institutions développent un objectif remarquable au niveau cantonal ou y accordent une importance supra-régionale. L'attribution des subventions peut être subordonnée à l'acquittement des obligations pour les réalisations.

Article 12 cpv. 1 et 2

1) Abrogé

2) Le canton peut organiser, afin de promouvoir la production culturelle professionnelle, des concours pour l'attribution de bourses d'études non arrivées à échéance, et la commission des travaux peut adopter des mesures aptes à promouvoir les arts.  

Article 26

Disposition transitoire

Les dispositions sur les langues officielles et les langues d'enseignement des communes ne s'appliquent pas à des décisions des communes prises avant l'entrée en vigueur de la présente loi ou en l'espèce qui ont été vérifiées avant cette date.

Article 27

Adaptation d'actes législatifs communs

Les actes législatifs des communes et des arrondissements, ainsi que les statuts des unions de communes doivent être conformes aux nouvelles prescriptions dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur de la présente loi.

Article 28

Référendum et entrée en vigueur

1) La présente loi est sujette à un référendum facultatif.

2) Le gouvernement fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.

Au nom du Grand Conseil,

le Président : Agathe Bühler- Flury

le Chancelier : Claudio Riesen

Date de publication : le 26 octobre 2006

Échéance limite du référendum : le 24 janvier 2007

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