United Kingdom

Territoire britannique
de l'océan Indien

(British Indian Ocean Territory : BIOT)

Territoire britannique d'outre-mer

Capitale:  île de Diego Garcia
Population:  2000 habitants (+ 1500 militaires)
Langue officielle: anglais (de facto)
Groupe majoritaire:  anglais  (55 %)
Groupes minoritaires: créole mauricien, créole seychellois
Système politique:  territoire britannique d'outre-mer
Articles constitutionnels (langue):  aucune disposition linguistique dans la
British Overseas Territories Act de 2002
Lois linguistiques:  sans objet

1   Situation géographique

Le Territoire britannique de l'océan Indien (British Indian Ocean Territory ou BIOT en anglais) est l'une des régions ultrapériphériques appartenant au Royaume-Uni. Ce territoire, d'une superficie totale de 60 km², est constitué d'environ 2300 îles dans l'archipel des Chagos, situé au milieu de l'océan Indien, c'est-à-dire entre l'Afrique et l'Indonésie. Les îles les plus importantes sont d'abord Diego Garcia, l'île la plus grande et la plus australe, puis les îles Salomon, l'île Nelsons, les îles Peros Banhos, Three Brothers, Eagle, Egmont et Danger.

Seule l'île de Diego Garcia (44 km²) est habitée (par des militaires et des civils sous contrat): c'est un atoll de corail en forme de U évasé (voir la photo) de quelque 10 km de large, situé à peine au-dessus du niveau de la mer, un endroit idéal pour abriter une flotte de navires. La base militaire avec les logements est située au nord-ouest de l'atoll; plus au sud, une piste d'aviation, puis les dépôts de munitions et enfin un poste de surveillance de l'espace (GEODSS).

La base de Diego Garcia permet aux États-Unis de contrôler le trafic aérien et maritime sur environ 75 millions de kilomètres carrés. 

La superficie totale du territoire est de 60 km², alors que l'océan Indien au complet s'étend sur une surface de quelque 75 000 000 de kilomètres carrés. Cela étant dit, il faut considérer que le BIOT couvre une étendue de 54 400 km² (avec les droits maritimes), soit l'équivalent du Togo ou de la Croatie, ou un peu moins de deux fois la Belgique (32 545 km²).

2 Données démolinguistiques

Le Territoire britannique de l'océan Indien n'a plus de population indigène. En 2001, l'île de Diego Garcia comptait quelque 1500 militaires britanniques et américains, plus 2000 civils, dont un grand nombre de travailleurs agricoles. Presque toute la population est non résidente et parle l'anglais. Les anciens Chagossiens parlent le créole mauricien ou le créole seychellois et l'anglais, sinon le français, parfois le filipino des Philippines. Les militaires n'emploient exclusivement que l'anglais, alors que la seule langue de communication reste l'anglais. Le territoire est administré par un commissaire qui réside à Londres et dépend du Foreign and Commonwealth Office; ce commissaire est représenté à Diego Garcia par un officier de la Royal Navy.

3 Données historiques

Les îles de l'archipel des Chagos furent découvertes au début du XVIe siècle lors d'une expédition portugaise en route vers l'Inde. Les îles étaient alors inhabitées, bine qu'elles fussent situées à quelque 500 km seulement des Maldives. Les Portugais nommèrent ainsi l'archipel: Cinco Chagas, c'est-à-dire les «cinq plaies du Christ». Ce nom aurait été transformé ensuite par les navigateurs hollandais, français et anglais en Chagos.

3.1 Une colonie française

En 1776, François de Souillac, alors gouverneur français de la colonie regroupant l'île Maurice, les Seychelles et La Réunion, décida de prendre possession des Chagos, encore inoccupées. Il envoya dans l'archipel des colons français et des esclaves africains et malgaches. L'île Diego Garcia devint une léproserie pour les malades de l'île Maurice (alors appelée «île de France»). Dès 1786, la Grande-Bretagne réclama les Chagos aux Français.

3.2 Une colonie britannique

Après le traité de Paris de 1814, tous les îles de l'océan Indien, sauf La Réunion, devinrent britanniques. Ainsi, les Chagos firent partie administrativement des colonies britanniques des Seychelles et de l'île Maurice. La population locale comprenant essentiellement des Métis d'Africains, d'Asiatiques et de colons français arrivés au XVIIIe siècle. À la suite de l'indépendance de ses colonies, le Royaume-Uni reprit en mains cet archipel pour des raisons de stratégie militaire.

3.3 Le BIOT et le statut militaire

Lors d'un accord secret (1961) entre le Royaume-Uni et les États-Unis entre le premier ministre britannique, Harold Macmillan, et le président des États-Unis, John Fitzgerald Kennedy , les Américains prenaient l’engagement d’installer une base militaire dans cette région afin de défendre les intérêts du monde occidental. Pour ce faire, il fallait que le territoire britannique désigné échappe au processus de décolonisation et que sa population en soit évacuée, plus précisément les Chagossiens caractérisés comme des Noirs (anciens esclaves), des analphabètes, des catholiques et des unilingues créolophones. Les Américains croyaient alors à ce vieil adage toujours populaire: «No people, no problem!» À la suite de ces tractations politiques, le gouvernement britannique créait le BIOT (British Indian Ocean Territory) par un décret-loi (“Order in Council“) en date du 8 novembre 1965.

Dès lors, la région devenait officiellement un territoire britannique d'outre-mer. En 1966, le Royaume-Uni loua l'île de Diego Garcia aux États-Unis pour une période de cinquante ans, renouvelable pour vingt ans (soit jusqu'en 2016). L'article 11 du traité précisait ce qui suit:

Article 11

Le gouvernement des États-Unis et le gouvernement du Royaume-Uni prévoient que les îles resteront disponibles pendant un laps de temps indéterminé afin de répondre aux besoins éventuels des deux gouvernements en matière de défense. En conséquence, après une période initiale de 50 ans, le présent accord demeurera en vigueur pendant une période supplémentaire de 20 ans, à moins qu’un des deux gouvernements, deux ans au plus avant la fin de la période initiale, notifie à l’autre sa décision d’y mettre fin, auquel cas le présent accord expirera deux ans après la date de cette notification.

Les États-Unis y ont implanté une base militaire d'importance considérable (dont les investissements atteignent le milliard de dollars) qui est devenue le pivot de la stratégie américaine dans l'océan Indien; en effet, l'US Navy peut y surveiller le trafic maritime à la sortie du golfe Persique. Diego Garcia est la plus vaste des îles Chagos avec une superficie de quelque 40 km². Entre 1967 et 1973, les quelque 2000 insulaires furent tous déportés manu militari à l'île Maurice (1400) et aux Seychelles (600).  Certains observateurs ont qualifié ce dépeuplement des îles de «déportation massive». Puis seuls les militaires britanniques et américains y eurent accès. Londres fit «accepter» la transaction aux Mauriciens, c'est-à-dire la perte de souveraineté sur Diego Garcia, en en faisant l'une des conditions imposées pour accéder à l’indépendance (qui surviendra en mars 1968). Les États-Unis ne voulaient absolument pas que leurs installations militaires puissent un jour être remises en cause par un futur État indépendant. Par la suite, le gouvernement britannique offrit à l'île Maurice une compensation de quatre millions de livres comme «règlement complet et définitif».

En 2000, un jugement de la Haute Cour britannique invalida l'ordre d'évacuation (l'Immigration Ordinance de 1971) qui avait été donné, mais laissa le statut militaire spécial de Diego Garcia. La Grande-Bretagne avait édicté une autre ordonnance permettant celle-là aux anciens habitants des Chagos ainsi qu'à leurs descendants, y compris leurs petits-enfants, de retourner dans les îles et d'y résider, à l'exception de Diego Garcia. Le bail des États-Unis sur l'île de Diego Garcia expirera en 2016, mais l'archipel des Chagos est réclamé par l'île Maurice et les Seychelles. Une zone de 200 milles marins dénommée Fisheries Convention and Management Zone (FCMZ) a été proclamée le 1er octobre 1991 pour le BIOT par une «déclaration d’intention» publiée le 7 août 1991 selon laquelle la Grande-Bretagne exercera sa juridiction sur cette zone pour tout ce qui concerne la pêche.

Aujourd'hui, quelques centaines de Chagossiens sont retournés sur Diego Garcia, même si leur rapatriement est rendu malaisé en raison de la présence militaire américaine. Mais le gouvernement britannique a décidé de recourir à des Orders in Council en juin 2004 pour interdire tout accès à l'archipel des Chagos, y compris aux Chagossiens, comme c'était le cas avant le jugement de la Haute Cour. En conséquence, nul n'a désormais le droit d'accès au territoire ou ne dispose sur le territoire que d'un droit d'accès fort limité. Pour le gouvernement britannique, toute réinstallation à court terme des Chagossiens dans les îles paraîtrait «hautement précaire» et impliquerait des investissements permanents pour une période indéterminée.

3.4 Les revendications territoriales

De son côté, la république de Maurice continue de revendiquer les 65 îles de l’archipel des Chagos que les Britanniques ont pris de force, il y a quatre décennies, après avoir expulsé tous ses habitants vers Maurice et les Seychelles. Maurice considère qu'en supprimant Diego de son territoire en 1965 les Britanniques ont agi en violation du droit international et des résolutions de l'ONU condamnant le démembrement d'un État non encore indépendant. Aux termes du paragraphe 6 de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux du 14 décembre 1960 (résolution 1514 XV de l'Assemblée générale des Nations unies), qui interdit le démembrement d'un territoire colonial avant l'accession de celui-ci à l'indépendance : «Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l'unité nationale et l'intégrité territoriale d'un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations unies».

L'année 2016 est évoquée comme une date charnière, car c'est alors que prendra fin le bail de cinquante ans accordé par les Britanniques aux Américains en 1966. Il semble bien que Diego, l'île principale de l'archipel des Chagos, devrait faire l'objet d'un accord tripartite entre Maurice, le Royaume-Uni et les États-Unis. Pour les Américains, Diego Garcia compte parmi les bases militaires les plus importantes au monde; elle abrite une flotte de bombardiers (B-2 et F-111) et de sous-marins nucléaires; quelque 1700 militaires et 1500 civils d’origine américaine, mauricienne, sri lankaise et philippine y vivent temporairement et travaillent sous contrat. Le journaliste britannique du Sunday Telegraph, Simon Winchester, a visité Diego Garcia en novembre 2001 et il en est arrivée à la conclusion qu’il s’agissait de la plus grosse base militaire américaine du monde.

Dans une lettre datée du 1er juillet 1992 adressée aux autorités mauriciennes, le gouvernement britannique a soutenu que la souveraineté sur l'archipel serait rendue à Maurice lorsque la base militaire de Diego Garcia ne serait plus nécessaire à la défense de l'Occident, ce qui laisse la porte ouverte à bien des interprétations. De leur côté, les États-Unis ont fait savoir qu’ils s’opposeraient catégoriquement au retour des Chagossiens à Diego Garcia, et ce, aussi longtemps que ce territoire insulaire serait utile aux intérêts des puissances occidentales (?), donc la Grande-Bretagne et les États-Unis. Quoi qu'il en soit, le 22 octobre 2008, les cinq arbitres de la Chambre des lords (les Law Lords) ont rendu un jugement en faveur du gouvernement britannique. Les "Law Lords" ont estimé que la Grande-Bretagne avait vidé l'archipel des Chagos pour des raisons politiques et qu'ils n'avaient pas à évaluer le bien-fondé de sa démarche. Le chef de l'État mauricien a traité les Britanniques de «colons dominateurs». Enfin, des études britanniques ont révélé que, en raison du réchauffement climatique, la montée de l'océan entraînerait à moyen terme la quasi-disparition de Diego Garcia.

Pour les Chagossiens exilés à l'île Maurice, le temps presse, car personne ne poursuivra cette lutte quand il n’y aura plus de Chagossiens natifs de l’archipel d'ici un certain nombre d’années. C'est peut-être ce que veut le Royaume-Uni?

4 La «politique linguistique»

Ce serait même exagéré de parler de «politique linguistique» dans cette enclave britannique de l'océan Indien. L'unilinguisme anglais est omniprésent dans le fonctionnement du territoire, sans que cette situation soit le moindrement remise en cause. En fait, c'est un microcosme de la société britannique et de la société américaine, qui se perpétue dans l'océan Indien, car le Territoire britannique de l'océan Indien fait partie intégrante du Royaume-Uni. Il s'agit vraiment d'un cas flagrant de non-intervention linguistique. De toute façon, Diego Garcia est, selon le Sunday Express,  l'un des endroits les plus secret de la planète ("as secret a place as can be found on the planet"). En fait, l'inaccessibilité de Diego Garcia en raison de son isolement géographique en plein océan Indien facilite le secret qu'imposent les activités de cette base militaire plus américaine que britannique. C'est ce qui explique aussi l'exclusivité de la langue anglaise.

Dernière mise à jour: 24 déc. 2015  

Bibliographie

ATCHIA-EMMERICH, Bilkiss. «La situation linguistique à l'île Maurice. Les développements récents à la lumière d'une enquête empirique», Université de Nuremberg, dissertation inaugurale à la Faculté de philosophie II (science de la langue et de la littérature, 20 janvier 2005, 225 p.

GOVERNMENT OF MAURITIUS, «History of Mauritius» dans Official Home Page, Port-Louis, 26 septembre 1999,
[http://ncb.intnet.mu/govt/index.htm].

LEYMARIE, Philippe, «Grandes manœuvres dans l’océan Indien. La base de Diego Garcia, sur la route des pétroliers et des cargos» dans Le Monde diplomatique, décembre 1976, p. 19.

ORAISON, André. «Diego Garcia: enjeux de la présence américaine dans l'océan Indien» dans Cairn, no 207 2003/3.
 


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