Le «symbole» ou le «signal»

Une forme de punition à incidence linguistique

L’histoire de l'éducation en France au cours des XIXe et XXe siècles est là pour nous rappeler l’usage institutionnalisé du fameux «symbole» accroché au cou des élèves, de la délation, des brimades et des vexations de la part des instituteurs dont la mission était de supprimer l'usage des parlers locaux. Un jeune Breton ayant fréquenté l'école dans les années 1960 en donne ce témoignage: 

À cette époque, le symbole était un morceau de fer pour mettre sous les sabots des chevaux. On le donnait au premier qui arrivait et qui parlait breton et ensuite, quand celui-ci trouvait un autre qui parlait breton, il le lui donnait. Comme ça, toute la journée. À la fin de la journée, le dernier attrapé par le symbole était mis en pénitence et il devait écrire en français: «Je ne parlerai plus jamais en breton», cinquante ou cent fois. Celui qui était pris souvent restait à l'école après 16 h 30, pendant une heure ou une demi-heure dans le coin de la salle.

Ces procédés ont été heureusement abandonnés et l'on ne retrouve plus d'affiches contemporaines du genre: «Il est interdit de cracher par terre et de parler patois.» Mais les patois ne sont pas disparus pour autant. Il s'agissait, en fait, de techniques d'assimilation que la France a largement utilisées, à partir de la fin du XIXe siècle, dans son empire colonial: au Maghreb, en Afrique noire, dans l'océan Indien (île de La Réunion) et dans le Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, etc.). Cette pratique n'est pas totalement disparue dans les anciennes colonies françaises, notamment en Afrique francophone. 

Dans certains pays d'Afrique, dont le Bénin, le fameux «signal» est généralement un objet dit «vilain» (par exemple, un os d’animal ou des coquillages) suspendu par une ficelle au cou de l'élève qui a osé utiliser un mot dans sa langue maternelle, c'est-à-dire dans une autre langue que le français. Le signal peut faire le tour des élèves, que ce soit dans la cour de récréation, en dehors des cours ou dans la classe pendant un cours. De cette façon, les enfants sont amenés à se dénoncer les uns les autres. L'élève qui porte le dernier le signal reçoit une punition supplémentaire. Cette pratique est en voie de régression, mais elle existe encore.

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