En 1792, le gouvernement colonial du Bas-Canada (Québec) créait le comté de Buckinghamshire, qui était destinée «à tous ceux qui désirent s'établir sur les terres de la Couronne dans la Province du Bas-Canada», c'est-à-dire aux loyalistes et aux colons britanniques qui ne désiraient pas s'intégrer au régime des seigneuries.

Le premier canton concédé fut celui de Dunham au nord du lac Champlain, créé en 1796, mais ce ne fut qu'une dizaine d'années plus tard que la région prit le nom officiel d'Eastern Townships of Lower Canada, par opposition aux Western Townships of Upper Canada créées au Haut-Canada (Ontario). Puis le nom fut bientôt simplifié en Eastern Townships.

Le territoire formait un immense triangle compris entre la rivière Richelieu et la rivière La Chaudière, les frontières américaines et les seigneuries en bordure du Saint-Laurent au nord, ce qui comprenait alors à la périphérie les villes de Granby et de Drummondville. Les nouvelles concessions, toutes à l'extérieur des seigneuries traditionnelles, introduisaient le tenure en «franc et commun soccage» ou «tenure anglaise» dans le Bas-Canada.

La région des Eastern Townships se peupla d'Américains, de Britanniques, d'Écossais et d'Irlandais, le territoire étant encore interdit aux Canadiens français. Dès le début, les appellations, toutes tirées du répertoire britannique, identifièrent en anglais la plupart des toponymes de la région. La plupart des toponymes rappelaient un lieu ou un personnage de l'histoire de l'Angleterre. Par exemple, la ville de Drummondville (<sir Gordon Drummond, administrateur intérimaire de l'Amérique du Nord britannique de 1815 à 1816) fut fondée en 1815. Connue à l'origine sous le nom de Hyatt's Mill, Sherbrooke devint une municipalité en 1818 (< John Coape Sherbrooke, gouverneur en chef de l'Amérique du Nord britannique de 1816 à 1818). Quant au toponyme Granby, il a été donné en l'honneur de John Manners, fils du 3e duc de Rutland et petit-petit-fils du premier marquis de Granby (1721-1770).

2 Les Cantons de l'Est

À partir de 1840, sinon un peu auparavant, les Canadiens de langue française vinrent eux aussi s'installer dans les Eastern Townships, à partir des rivières Bécancour, Arthabaska et Saint-François.

En 1858, l'écrivain canadien Antoine Gérin-Lajoie (1824-1882) traduisit en français la dénomination Eastern Townships en Cantons de l'Est, qui devint depuis la terminologie officielle. En 1852, les quelque 60 000 anglophones étaient nettement majoritaires dans les Cantons de l'Est, car les francophones dépassaient à peine les 20 000 habitants.

Cepen dnant, à partir de 1871, alors que la province de Québec faisait partie du Canada depuis 1867, la majorité anglophone commença à se réduire: le recensement de 1871 révéla que les anglophones étaient 70 000; les francophones, 53 000. En 1881, les francophones étaient passés à plus de 82 000, alors que le nombre des anglophones avait baissé à moins de 67 000. On suppose que c'est vers 1875 que la situation démographique s'est inversée en faveur des francophones.

La carte de gauche illustre à partir de quand la majorité anglophone a commencé à décliner. Le déclin s'est amorcé en 1861 pour se stabiliser vers 1881. En même temps, les francophones ont effectué une déferlante sans arrêt entre 1852 et 1891. C'est ainsi qu'on croit que c'est vers 1875 que la courbe démographique s'est inversée en faveur des francophones.

Les francophones ont donc pris une trentaine d'années pour devenir majoritaires, aidés en cela par un fort taux de natalité et... l'arrivée du chemin de fer en 1853. À la suite de la minorisation des anglophones, le gouvernement du Québec modifia les frontières des Cantons de l'Est en réduisant la partie nord (cantons d'Upton, d'Acton, de Wendover, de Grantham, d'Aston, de Sommerset, etc.) intégrée au Centre-du-Québec et la partie est (cantons de Dorset, de Jersey, de Marlow, etc.) intégrée dans Chaudière-Appalaches.

Au recensement de 2011, les anglophones n'étaient représentaient 6,6% de la population; les francophones, 90%.

3 La région administrative de l'Estrie

En 1946, l'historien Maurice O'Bready (1901-1970), alors secrétaire général de la Société historique des Cantons de l'Est et l'un des fondateurs de l'Université de Sherbrooke, avait proposé de changer la désignation «Cantons de l'Est» par le terme Estrie, plus aisé à intégrer en français par l'adjectif estrien ou l'appellation Estrien/Estrienne, et ce, d'autant plus que le vocable «Cantons de l'Est» était une traduction de "Eastern Townships" par oppositions aux "Western Townships" en Ontario. Or, l'appellation Estrie est loin de faire l'unanimité, car de nombreux citoyens de la région préfèrent conserver le nom historique de «Cantons de l'Est», car cette appellation évoque une réaction très positive au sein de la population et semble cohérente avec l'histoire de la région. Par contre, paradoxalement, les Cantons-de-l'Est sont situées à l'ouest du Québec, ce qui est illogique dans la mesure où les Western Townships de l'Ontario n'existent plus.

En 1981, le gouvernement du Québec créait l'Estrie, une région administrative comprenant la plus grande partie des Cantons-de-l'Est, mais sans les cantons situés à l'ouest (Farnham, Granby, Dunham, Sutton, etc.) intégrés à la Montérégie.

Surnommée la «reine des Cantons de l'Est», Sherbrooke devint le principal centre économique, politique, culturel et institutionnel de la région.

Les villes estriennes importantes (plus de 5000 habitants) sont Magog (25 000), Asbestos (6900), Coaticook (6900), Lac-Mégantic (6100), Cookshire-Eaton (5500) et  Windsor (5300).

La ville de Granby (61 000 hab.), surnommée la «princesse des Cantons de l'Est», ne fait plus partie de l'Estrie, de même que Cowansville, Farnham, Bromont, Lac-Brome, etc., qui font partie de la Montérégie.

La région administrative de l'Estrie est découpée et divisées en sept municipalités régionales de comté, appelées MRC, et 89 municipalités locales. L'Estrie est limitée au sud par les États-Unis, à l'ouest par la MRC de la Montérégie, au nord par la MRC du Centre-du-Québec et au nord-est par la MRC de Chaudière-Appalaches.

Les sept MRC avec leur chef-lieu sont Sherbrooke (Sherbrooke), les Sources (Asbestos), le Val-Saint-François (Richmond), Memphrémagog (Magog), Coaticook (Coaticook), le Haut-Saint-François (Cookshire-Eaton) et Le Granit (Lac-Mégantic).

En 2011, la population estrienne était de 306 915, dont 88,9% de francophones, 6,6% d'anglophones et 3,2% d'allophones. Rappelons qu'à l'origine, les anglophones formaient 100% de la population dans les Eastern Townships.

4 Cantons-de-l'Est et Estrie

L'Estrie, région administrative, ne doit pas être confondue avec la région touristique des Cantons-de-l'Est. En effet, la région administrative de l'Estrie et la région touristique des Cantons-de-l'Est n'ont pas exactement les mêmes frontières.

Les municipalités régionales de comté (MRC) de La Haute-Yamaska (Granby, Roxton Pond, Ste-Cécile-de-Milton, Sheffort, etc.) et de Brome-Missisquoi (Bromont, Farnham et Cowansville) ne font pas partie de l'Estrie (légalement en Montérégie), mais elles sont incluses dans les Cantons-de-l'Est. Bref, la Région touristique des Cantons-de-l'Est englobe deux MRC de plus que l'Estrie.

Cependant, en juillet 2021, les deux MRC de la Montérégie ont demandé leur intégration dans les Cantons-de-l'Est, ce qui remettait en question la double appellation Cantons-de-l'Est / Estrie. Dorénavant, les frontières entre la région administrative de l'Estrie et la région touristique correspondent, mais les deux appellations demeurent, l'une administrative (Estrie), l'autre touristique (Cantons-de-l'Est).

Dernière mise à jour: 07 mars 2024