République du Turkménistan

Turkménistan

3) Politiques linguistique

 

1 Le statut des langues

Le gouvernement turkmène a adopté une politique linguistique à deux volets: l'une concerne la langue turkmène, l'autre, les langues étrangères. Le premier volet — la turkménisation — est orienté de telle sorte que le nationalisme de l'État puisse satisfaire la grande majorité de la population turkmène; le second volet est destiné à assurer une certaine ouverture culturelle et économique sur le monde, d'où le recours aux langues telles que le russe, l'anglais, le turc, même le français.

1.1 Les dispositions constitutionnelles

La Constitution du Turkménistan a été adoptée le 18 mai 1992, puis modifiée en 1995, en 1999, en 2003, en 2006, en 2008, en 2016, en 2017; elle comprend huit sections et 142 articles. Des modifications à la Constitution peuvent être apportées par référendum ou à la majorité qualifiée des deux tiers des membres des Medjlis (Assemblée nationale; en turkmène, Türkmenistanyň Mejlisi).

L'article 21 de la Constitution proclame que le turkmène est la langue officielle du Turkménistan. En même temps, l'article 28 garantit l'égalité des droits et des libertés de tous les citoyens, indépendamment de la nationalité, de l'origine ethnique et... de la langue:

Article 21

La langue officielle du Turkménistan est la langue turkmène. Tous les citoyens du Turkménistan ont le droit d'employer leur langue maternelle.

Article 28

Le Turkménistan garantit l'égalité des droits et libertés de l'homme et du citoyen, ainsi que l'égalité de l'homme et du citoyen devant la loi et le tribunal, indépendamment de la nationalité, de la couleur, du sexe, de l'origine, des biens et du statut officiel, du lieu de résidence, de la langue, de la religion, de l'opinion politique ou d'autres circonstances.

Effectivement, la Constitution prévoit bel et bien que les locuteurs parlant d'autres langues, sans les nommer (p. ex., l'ouzbek, le kazakh, l'arménien, l'ukrainien, le tatar, l'azéri, le baloutchi et l'ossète), ont le droit d'employer leur langue maternelle.

1.2 La loi sur la langue

Le 20 mai 1990, soit à la veille de l'indépendance, l'Assemblée nationale a adopté la Loi sur la langue de la République socialiste soviétique du Turkménistan (appelée aussi «Loi sur la langue»), laquelle est encore en vigueur aujourd'hui. La loi linguistique ne concerne pas l'application des langues dans la vie privée, les contacts interpersonnels, les établissements et les organismes privés ainsi que les activités religieuses. Selon l'article 3 (par. 1) de la Loi sur la langue, le gouvernement du Turkménistan doit créer des conditions du libre usage et du développement du bilinguisme et du multilinguisme pour les langues des peuples vivant sur le territoire de la République:

Article 3

1) La RSS du Turkménistan crée les conditions du libre usage et du développement des langues des peuples résidant sur le territoire de la République. La RSS du turkmène assure aux citoyens l'étude de la langue officielle, démontre son souci pour le développement du bilinguisme et du multilinguisme national-russe et russe-national.
 
2) La RSS du Turkménistan aide à la satisfaction des besoins religieux et
aux demandes culturelles et linguistiques des Turkmènes résidant à l’extérieur de la République.

En même temps, la République assure l'étude de la langue officielle à ses citoyens et manifeste le souci dans le développement du bilinguisme de la nation et du sentiment national russe.

La politique linguistique est décrite dans cette Loi sur la langue, qui proclame le turkmène comme langue officielle. La loi compte 36 articles traitant des droits linguistiques des citoyens; elle garantit l'emploi de la langue turkmène par l'État dans l'administration, la justice, les entreprises, le système d'éducation ainsi que dans les domaines de la culture et de la science. Elle réglemente également l'usage des toponymes et l'emploi des langues dans les médias. Toutefois, la loi sur la langue accorde au russe le statut de langue des communications interethniques. En effet, l'article 2 de la loi précise que «les langues des relations internationales dans la RSS du Turkménistan sont la langue officielle et le russe». Voici le libellé des articles 1 et 2 de la Loi sur la langue :

Article 1er

1) La langue officielle de la RSS du Turkménistan est turkmène.

2) La RSS du Turkménistan assure la protection de l’État sur le turkmène et manifeste le souci de son développement général et son application active dans les pouvoirs et organismes publics, dans l’économie, l'éducation publique, la culture, l’équipement technique, le secteur des services, l'information massive et d'autres domaines de la vie publique.

3) Le statut du turkmène en tant que langue officielle ne doit pas léser les droits constitutionnels des citoyens des autres nationalités résidant dans la RSS du Turkménistan à se servir de la langue de leur nationalité.
 
Article 2

Les langues des relations internationales dans la RSS du Turkménistan sont la langue officielle et le russe.

Au moment de l'indépendance, la priorité politique consistait à construire une nouvelle nation. C'est pourquoi le gouvernement a tenté de favoriser d'abord la fierté nationale turkmène, notamment dans sa politique linguistique. On peut cependant se demander comment on peut accorder le statut de «langue officielle» à une langue (le turkmène) et donner en même temps des droits similaires à tous les locuteurs des autres langues! Cela peut sembler inconciliable, mais apparemment pas pour les Turkmènes pour lesquels il s'agit d'un «compromis acceptable» ou d'un «accommodement raisonnable». Il reste à vérifier dans la pratique jusqu'à quel point le respect des autres langues a été tenu en compte.

2 Les langues de la législation

Jusqu'en 1995, le Parlement s'appelait le «Conseil suprême du Turkménistan» et, jusqu'à l'indépendance du Turkménistan en 1991, il s'appelait le «Conseil suprême de la RSS du Turkménistan». Après les premières élections législatives de 1994, le Parlement national a été renommé et transformé en «Medjlis du Turkménistan» (en turkmène: Türkmenistanyň Mejlisi). Celui-ci est composé de 125 députés élus pour un mandat de cinq ans dans des circonscriptions uninominales. Le multipartisme est en principe autorisé, tandis que le président peut nommer des maires et des gouverneurs régionaux. Cette procédure confère ainsi une influence importante au pouvoir central dans les affaires locales. Les autres pouvoirs du Conseil sont répartis entre le Parlement et le président.

2.1 Les langues de la législation

Dans le domaine de la législation, le turkmène est la langue officielle, mais les lois sont adoptées en deux versions, l'une en turkmène, l'autre en russe par traduction. Cette pratique semble conforme aux dispositions de l'article 6 de la Loi sur la langue:

Article 6

1) Dans les pouvoirs publics et l’administration, dans les organismes de la RSS du Turkménistan, le travail de bureau doit être effectué dans la langue officielle. Les actes des pouvoirs publics et de l’administration doivent être adoptés dans la langue officielle et publiés dans la langue officielle et en russe.
 
2) Les congrès, sessions, conférences, plénums, séances, réunions et discussions doivent se dérouler dans la langue officielle. Pour les personnes ne connaissant pas la langue officielle,
la traduction est assurée pour la langue russe ou, en autant que possible, pour une autre langue. Les participants ont le droit de choisir la langue de leur intervention. Les documents et les décisions de leurs activités sont rédigés dans la langue officielle.

3) Dans la RSS du Turkménistan, la langue de travail des activités internationales, dans toute l'Union et entre les républiques, ainsi que les problèmes de traduction, est définie par leur comité d'organisation.

4) Les pouvoirs publics, l’administration et les organismes des collectivités locales avec une majorité formée d'une autre nationalité peuvent utiliser, à côté de la langue officielle, leur langue maternelle.

Cet article imposant une sorte de bilinguisme turkmène-russe devait rester en vigueur jusqu'au 1er juillet 1999. Durant une grande partie de la décennie de 1990, la plupart des lois du Parlement (le Medjlis) étaient encore rédigées en russe, puis traduites en turkmène. Les pratiques réelles des dirigeants politiques révèlent que le turkmène était utilisé surtout dans les communications publiques, et que le russe était systématiquement employé dans les réunions de travail.

Puis, au milieu de la décennie, le président Saparmourat Niazov a rendu obligatoire l'usage du turkmène lors des réunions du cabinet et pour tous les représentants officiels du gouvernement. Certains représentants de haut rang ont été publiquement critiqués par le président pour leur méconnaissance de la langue turkmène. Les députés parlent maintenant presque exclusivement en turkmène lorsqu'ils sont turkmènes, mais en russe pour ceux qui ne maîtrisent pas bien la langue officielle. Il n'y a pas de traduction du turkmène vers le russe. Les lois sont aujourd'hui rédigées en turkmène et traduites en russe.

En 2019, le président turkmène, Gourbangouly Berdimuhammedov, qui avait promis des réformes politiques, a déclaré que le Parlement monocaméral du pays, le Medjlis, devait fusionner avec le Conseil du peuple (Halk Maslahaty) pour devenir une institution à deux chambres. Le Conseil populaire serait la Chambre haute du Parlement réformé; il avait été créé en 2017 sur la base du Conseil des personnes âgées. Le président de la Cour suprême, le président du Parlement et certains législateurs, les membres du gouvernement, le procureur général, le président du Conseil de sécurité de l'État, les chefs et les membres des conseils régionaux et les représentants régionaux choisis par les organes locaux figurent parmi les membres de le Conseil.

2.2  La procédure électorale

De façon générale, le Turkménistan est considéré comme un régime autoritaire, voire une dictature, où les élections ne constitueraient qu'une façade. Des réformes ont été introduites en ce qui concerne la durée du mandat présidentiel (portée à sept ans au lieu de cinq), le nombre de mandats maximal qu'un président peut exercer, les partis politiques d'opposition officiellement autorisés, etc. Il n'y a pas de réelle campagne électorale au Turkménistan, et il n'existe aucun débat entre les candidats. Il faut préciser que plus de 90% de ces candidats sont en fait tous membres du même parti, le Parti démocratique du Turkménistan, celui du président Berdimuhammedov.

- Le Parlement

D'après la Loi sur les élections des députés au Parlement (2008), il est clair que seule la langue officielle peut être employée sur les bulletins de vote:

Article 2

Le suffrage universel

1) Le droit de vote est accordé aux citoyens du Turkménistan qui ont atteint l'âge de 18 ans le jour du scrutin.

Article 35

Le bulletin de vote

1) Le bulletin de vote doit inclure dans l’ordre alphabétique tous les candidats inscrits à la députation du Medjlis pour une circonscription donnée en indiquant les nom, prénom, patronyme, poste occupé (profession) et lieu de travail et de résidence de chaque candidat. Les bulletins de vote doivent être imprimés dans la langue officielle.

- Le Conseil populaire

Le Conseil populaire du Turkménistan, appelé en turkmène "Türkmenistanyň Halk Maslahaty", est le plus haut organisme représentatif du pays, conformément à la Constitution du Turkménistan et représentant les intérêts du peuple du Turkménistan. Le Khalk Maslakhaty fut créé en 1992, mais il fut aboli en 2008. Il était composé de 2507 membres, dont certains étaient élus et d'autres étaient nommés par le président. Tous les candidats aux élections appartenaient au parti au pouvoir.

Le Khalk Maslakhaty fut reformé en 2017 et appelé "Halk Maslakhaty du Turkménistan" sur une autre base. En effet, le 9 octobre 2017, la Loi constitutionnelle du Turkménistan «sur le Halk Maslakhaty du Turkménistan» a été adoptée, selon laquelle le président du Turkménistan est aussi le président du Halk Maslakhaty du Turkménistan. Les travaux du Conseil populaire se font sous forme d'assemblées générales. Celles-ci sont compétentes si au moins les deux tiers du nombre total de ses membres sont présents. Les décisions du Halk Maslakhaty du Turkménistan sont adoptées sous forme de décisions à la majorité simple des voix du nombre total de membres participant à ses réunions. De plus, les décisions adoptées par le Conseil populaire ont force obligatoire dans tout le Turkménistan; elles ne peuvent être modifiées ou annulées que par lui. Selon la même loi, le président du Halk Maslakhaty nomme un député parmi les membres du Halk Maslakhaty, mais ce nouveau Conseil populaire n'est pas légalement le successeur du précédent "Khalk Maslakhaty" du Turkménistan, qui a existé de 1992 à 2008.  Plus de 2500 représentants des cinq régions du pays et d'Ashgabat sont devenus des participants à ce «forum national».

En vertu de la Loi sur l'élection des membres du Khalk Maslakhaty et des Gengeshi (2012), les bulletins de vote doivent être imprimés dans la langue officielle et, par décision de la commission électorale compétente, ils peuvent l'être dans une autre langue employée par la majorité des électeurs de la circonscription:

Article 3

Le suffrage universel

1) L'élection des membres du Khalk Maslakhaty et des gengeshi est universelle. Les citoyens du Turkménistan qui ont atteint l'âge de dix-huit ans le jour du scrutin ont le droit de voter.

2) Toute restriction directe ou indirecte du droit de vote des citoyens du Turkménistan, en fonction de la nationalité, de la race, du sexe, de l'origine, des biens et du statut officiel, du lieu de résidence, de la langue, de la religion, des opinions politiques, de l'appartenance à un parti ou de l'absence d'appartenance à un parti est interdite.

Article 41

Le bulletin de vote

1) Le bulletin de vote comprend tous les candidats inscrits dans la circonscription donnée, en indiquant le nom (par ordre alphabétique), le prénom, le patronyme, le poste (profession), le lieu de travail et la résidence de chaque candidat. Les bulletins de vote sont imprimés dans la langue officielle et, par décision de la commission électorale compétente du velayat, du district, de la ville, ils peuvent être imprimés dans une autre langue employée par la majorité des électeurs de la circonscription.

- Le gengech

Un gengech est un conseil local élu et représentatif d'un district ou d'un village. Selon la Loi sur le gengech (2008), celui-ci doit mettre en œuvre les fonctions d'une administration locale (budget local, routes, artisanat, agriculture, développement économique, élections, etc.). Il s'agit donc d'un autre organisme représentatif des citoyens dans une ville, un district, un quartier, d'un village. Le territoire d'un ou plusieurs villages forme un "gengeeshlik" (en turkmène: gengeslikiň; en russe: gengeshlika; dans lequel le gengech est créé. Dans le cas d'un gengech, la législation est relativement souple dans la mesure où il est possible de recourir à une autre langue que le turkmène si elle est employée par la majorité des électeurs d'une circonscription, ce qui n'est probable que pour les Ouzbeks, les Kazakhs et les Baloutches

3 Les langues de la justice

Le système judiciaire est resté sensiblement similaire à celui qui existait à l'époque soviétique. Il existe 61 tribunaux de district et de municipalité, 6 tribunaux provinciaux (dont un pour la capitale Ashkhabat) et une Cour suprême. La Constitution déclare la mise en place d'un pouvoir judiciaire indépendant. Dans la pratique, le rôle du président dans la sélection et la révocation des juges compromet considérablement ladite indépendance judiciaire, car le président nomme tous les juges pour un mandat de cinq ans, sans contrôle législatif, à l'exception du président de la Cour suprême.

Les accusés dans les affaires pénales bénéficient d'un certain nombre de droits procéduraux, notamment le droit à un procès public et le droit à l'assistance d'un avocat. Dans la pratique, le gouvernement nie souvent ces droits, mais les accusés peuvent quémander au président sa clémence. Celui-ci a traditionnellement libéré un grand nombre de prisonniers dans des amnisties déclarées périodiquement, bien que certains prisonniers politiques aient été exemptés de ces amnisties.

3.1 L'obligation de la langue officielle

L'article 35 de la Loi sur la langue rappelle l'interdiction de discriminer des citoyens pour des motifs linguistiques dans les tribunaux:

Article 35

L'infraction aux droits des citoyens dans le choix de la langue d’enseignement et de la formation, l’appel aux organismes publics de l’État, aux tribunaux et autres agences de protection de la loi, la discrimination des citoyens pour des motifs linguistiques, l'établissement des privilèges illégaux par des attributs linguistiques, ainsi que d'autres dérogations à la Loi sur la langue de la RSS du Turkménistan sont interdits.

3.2 La traduction selon les besoins

L'article 104 de la Constitution de 2016 précise bien que, dans un tribunal, la procédure judiciaire doit se dérouler dans la langue officielle et que les justiciables qui ne parlent pas cette langue ont le droit de recourir aux services d'un interprète afin de pouvoir s'exprimer dans leur langue maternelle:

Article 104

Toute procédure judiciaire doit se dérouler dans la langue officielle. Les personnes participant à un procès et ne connaissant pas la langue de la procédure se voient garantir le droit de se familiariser avec les éléments du dossier, de participer aux actions judiciaires avec l'aide d'un interprète, ainsi que le droit de s'exprimer lors de l'audience dans leur langue maternelle.

L'article 9 de la Loi sur les tribunaux (1991) exige que la procédure judiciaire se déroule en turkmène, mais les justiciables qui ne parlent pas la langue de la procédure ont le droit de parler et de donner des explications dans leur langue maternelle au moyen d'un interprète:
 

Article 9

Langue dans laquelle se déroule la procédure

1) La procédure judiciaire et la tenue des registres dans tous les tribunaux du Turkménistan doivent se dérouler dans la langue officielle.

2) Les justiciables participant à la procédure, qui ne parlent pas la langue de la procédure doivent avoir le droit de parler et de donner des explications lors des audiences dans leur langue maternelle ou dans toute langue de communication librement choisie, et aussi de recourir aux services d'un interprète conformément à la manière prescrite par la législation du Turkménistan.

L'article 13 du Code de procédure civile (2015) reprend les mêmes dispositions :

Article 13

Langue de la procédure judiciaire

1) La procédure civile doit se dérouler dans la langue officielle.

2) Les personnes participant à la cause et ne connaissant pas la langue de la procédure se voient garantir le droit de se familiariser avec les éléments du dossier, de participer à la procédure judiciaire par le biais d'un interprète, ainsi que le droit de s'exprimer au tribunal dans leur langue maternelle.

3) Les actes judiciaires, conformément à la procédure établie par la loi, sont remis aux personnes participant à la cause, traduits dans leur langue maternelle ou dans une autre langue qu'elles maîtrisent.

Il en est ainsi à l'article 28 du Code de procédure pénale (2009):

Article 28

La langue de la procédure

1)
La procédure judiciaire au Turkménistan doit dérouler dans la langue officielle.

 
2) Les participants au procès qui ne parlent pas la langue de la procédure ont le droit de faire des déclarations, de donner des explications et des témoignages, de soumettre des pétitions, de déposer des plaintes, de se familiariser avec tous les documents du procès, de s'adresser au tribunal dans leur langue maternelle ou dans une autre langue qu'ils maîtrisent, et utiliser les services d'un interprète selon la procédure prescrite par le présent code.

3) Les documents judiciaires et documents d’enquête, conformément à l’ordonnance établie par le présent code, sont remis à l’accusé et au défendeu
r par traduction dans leur langue maternelle ou dans une autre langue qu’ils maîtrisent
.

Avec les années, ces dispositions ont été de moins en moins appliquées, sauf pour les locuteurs russophones. En fait, toutes les minorités qui ne connaissent pas ou s'expriment mal dans la langue officielle ont recours au russe, jamais à leur langue maternelle. Faire appliquer ses droits linguistiques équivaudrait à être reconnu automatiquement coupable. D'ailleurs, le système judiciaire turkmène souffre de graves problèmes, car la plupart des juges sont inféodés au régime au pouvoir. Selon Amnistie internationale, il est fréquent que les autorités turkmènes aient recours aux accusations et aux condamnations sans preuves, sinon à la détention arbitraire, voire à la menace et à la torture. Des détenus se sont vu refuser leur libération parce qu'ils n'avaient pas voulu prêter allégeance au président Niazov sur le Ruhnama. Le public n'est pas admis dans les tribunaux, tout se déroulant à huis clos. Bref, les droits de la personne ne sont pas garantis dans les tribunaux du Turkménistan. De là à assurer en plus des droits linguistiques, ce serait grandement exagéré.

3.3 Le prononcé du verdict

Ce même Code de procédure pénale prévoit dans quelle langue le verdict est prononcé, celle dans laquelle s'est déroulé le procès, mais si cette langue n'est pas comprise par le justiciable,  le verdict doit être rendu compréhensible dans la langue maternelle de celui-ci ou dans une autre langue qu'il maîtrise ou par le moyen de la traduction:

Article 421

Condamnation

1) Ayant résolu les problèmes visés à l'article 414 du présent code, le juge ou le tribunal procède à l'élaboration du verdict.

2) Le verdict doit être prononcé dans la langue dans laquelle s'est déroulé le procès.

Article 431

Proclamation du verdict

1) Après la signature du verdict, le tribunal retourne dans la salle d’audience et le président ou le juré du tribunal annonce le verdict. Toutes les personnes présentes dans la salle d’audience, y compris la composition du tribunal, écoutent le verdict en se levant.

2) Si le verdict est présenté dans une langue que le condamné ou l'acquitté ne parle pas, ce verdict doit être rendu compréhensible dans la langue maternelle du prévenu ou dans une autre langue qu'il maîtrise.

Article 433

Présentation d'une copie du verdict

2) Si le verdict est prononcé dans une langue que le condamné ou l'acquitté ne connaît pas, il doit recevoir une traduction écrite de la condamnation dans sa langue maternelle ou dans une autre langue qu'il maîtrise.

Dans les faits, le système judiciaire fait systématiquement appel aux traducteurs, sauf pour les russophones. Dans le prononcé du verdict, la traduction se fait du turkmène au russe, très rarement dans une autre langue minoritaire, sauf en cas de nécessité absolue.

3.4 Les pénalités aux infractions administratives

En vertu du Code des infractions administratives (1993), toute violation ou restriction des droits et libertés d'un citoyen en relation avec sa nationalité, sa race, son sexe, sa langue, sa religion, etc., entraîne l'imposition d'une amende d'un montant de cinq à dix fois le montant de base :

Article 59

Violation de l'égalité des droits des citoyens

Toute violation ou restriction directe ou indirecte des droits et libertés d'une personne et d'un citoyen en relation avec sa nationalité, sa race, son sexe, son origine, ses biens et son statut officiel, son lieu de résidence,
sa langue, sa religion, ses opinions politiques, son appartenance à un parti ou son absence d'appartenance à un parti, entraînera l'imposition d'une amende d'un montant de cinq à dix fois le montant de base ou une arrestation administrative pour une durée maximale de quinze jours.

Article 549

Annonce de la décision en cas d'infraction administrative et remise d'une copie de la décision

1) La décision en cas d'infraction administrative est annoncée dès la fin de l'examen du procès.

2) Une copie de la décision est remise ou envoyée à la personne pour laquelle elle a été rendue, ou au représentant de la personne morale, ainsi qu'à la victime, à sa demande.

3) Si la décision est rédigée dans une langue que les personnes mentionnées dans la deuxième partie du présent article ne parlent pas, elle doit être traduite dans leur langue maternelle ou dans une autre langue qu'elles parlent.

Depuis le 1er janvier 2020, le montant de base pour déterminer le montant minimum des pensions est de 338 manats (96,57 $) et le montant de base pour le calcul des prestations de l'État est de 322 manats (92 $). La valeur de base est un indicateur économique qui détermine la valeur nominale abstraite du pouvoir d'achat en espèces, qui n'est pas associée à l'évaluation de biens incorporels ou corporels spécifiques. En d'autres termes, la valeur de base est utilisée pour la commodité du calcul de certains types d'amendes, de taxes, de droits, etc. Depuis le 1er janvier 2020, le salaire minimum au Turkménistan est de 870 manats (248,57 $US) par mois. Soulignons que le revenu annuel moyen au Turkménistan est de 6670$ (dans le monde: 10 295$.

3.5 La procédure d'arbitrage

Comme pour toute autre procédure judiciaire, le Code de procédure d'arbitrage (2001) exige l'usage de la langue officielle ou d'avoir recours à un interprète:

Article 7

La langue de la procédure

1) La procédure d'arbitrage doit se dérouler dans la langue officielle du Turkménistan.

2) Les participants au procès qui ne connaissent pas la langue de la procédure ont le droit de se familiariser avec le dossier, de participer aux activités procédurales par
l'intermédiaire d'un interprète.

Article 43

Le traducteur

1) Un traducteur est une personne qui parle des langues dont la connaissance est nécessaire à la traduction; il est désigné par le tribunal dans les cas prévus par le présent code.

2) Le traducteur est tenu de comparaître lors d’un appel au tribunal et d’effectuer la traduction en temps entier, correct et opportun.

3) Le traducteur a le droit de poser des questions aux personnes présentes lors de la traduction pour clarifier l'interprétation.

Effectivement, la traduction est courante pour le russe, mais rarissime pour l'ouzbek.

3.6 Les actes notariés

Au Turkménistan, la tâche principale d'un notaire est d'assurer la protection des droits et des intérêts légitimes des personnes physiques et morales, ainsi que des intérêts de l'État en accomplissant des actes notariés pour le compte du gouvernement. Au point de vue linguistique, l'article 14 de la Loi sur les notaires et les activités notariales (2015) impose l'usage de la langue officielle:
 

Article 14

Langue de travail des notaires

Les documents notariaux doivent être rédigés
dans la langue officielle du Turkménistan, et les documents émis à la suite d'actes notariés doivent être publiés dans la langue officielle du Turkménistan.

En plus des notaires, certains actes peuvent être effectués par des fonctionnaires d'un Gengech :

1) certifier les testaments;
2) certifier une procuration;
3) prendre les mesures nécessaires pour préserver l'héritage;
4) prouver la fidélité des copies des documents et des extraits de ceux-ci;
5) prouver l'authenticité de la signature sur les documents.

Seulement seuls les notaires publics reconnus par l'État peuvent attester de la fidélité d'une traduction. Si le notaire ne parle pas les langues concernées, la traduction peut être effectuée par le traducteur, tandis que l'authenticité de la signature du traducteur est certifiée par le notaire.

4 Les langues de l'administration publique

Rappelons que le Turkménistan est divisé en cinq oblasts (en russe: Область) ou velayats (en turkmène), ce qu'on appellerait en français des «régions», voire des «provinces» : Balkan, Daşoğuz, Ahal, Lebap et Mari. Chacun de ces velayats est divisé en districts ou arrondissements appelés "etrap" en turkmène (en russe: Этрап ) dirigé par un hakim (préfet ou maire d'arrondissement). 

4.1 Le bilinguisme institutionnel

Au moment de l'adoption de la Loi sur la langue en 1990, le bilinguisme était de rigueur dans l'Administration publique. Les articles 10 (obsolète depuis 1999) et 11 de cette loi sont très clairs à ce sujet: il est obligatoire pour un employé de l'État d'avoir une connaissance suffisante du turkmène pour remplir adéquatement ses fonctions, et de parler le russe.

Article 10 (obsolète)

Les employés des entreprises,  institutions et organismes de la RSS du Turkménistan sont dans l’obligation de connaître la langue officielle à un degré suffisant pour remplir leurs fonctions officielles. Ces personnes répondent aux demandes et plaintes des citoyens de l’État en russe ou dans une autre langue acceptée par les parties.
 

Cet article 11 devait rester en vigueur jusqu'au 1er juillet 1995, mais le gouvernement a étendu ce délai jusqu'en décembre 1999. Toutefois, l'article 11 de la Loi sur la langue est demeuré en vigueur en précisant que certains documents doivent être publiés en turkmène ou en russe, alors que d'autres (adhésion aux organismes publics, actes d'état civil, etc.) doivent l'être dans les deux langues:
 

Article 11

1) Les documents officiels sont distribués aux citoyens par les pouvoirs publics et l’administration, les institutions, entreprises et organismes de la RSS du Turkménistan dans la langue officielle ou en russe, ou dans les deux langues.
 
2) Les documents officiels distribués aux citoyens à leur résidence, les travaux confirmant leur adhésion dans les organismes publics, les actes juridiques portant sur l’état civil, etc., sont rédigés
dans la langue officielle et en russe.  

Depuis 1999, beaucoup de fonctionnaires ont été destitués; ce sont surtout des russophones et des représentants d'autres minorités. Aujourd'hui, seule une poignée de non-turkménophones occupe des emplois d'importance dans les ministères, car la plupart des postes vacants sont maintenant interdits à ceux qui ne parlent pas le turkmène. Suite à ces restrictions, beaucoup de russophones ont considéré leur situation comme se détériorant et ont demandé la citoyenneté russe afin de quitter le pays. Qui plus est, on ne permet plus aux représentants des minorités ethniques de tenir des postes dans des domaines tels que la justice, l'armée, la police, la finance, etc. La plupart des Ouzbeks, des Kazakhs et des Arméniens furent donc démis de leurs fonctions. 

4.2 La turkménisation

Dans la pratique, l'administration fut turkménisée, même si le russe a conservé certaines prérogatives. Ainsi, la Loi sur la fonction publique de 2016 ne mentionne plus la langue russe comme préalable, mais uniquement le turkmène, la langue officielle: 

Article 22

Droit à la fonction publique et restrictions liées à l'admission à la fonction publique

1)
Les citoyens turkmènes, indépendamment de la nationalité, de la race, du sexe, de l’origine, de la propriété et du statut officiel, du lieu de résidence,
de la langue, de la religion, de la religion, des croyances politiques, de l’appartenance à un parti ou du manque d’appartenance à toute partie, lesquels citoyens parlent la langue officielle du Turkménistan, ont droit au service public, en tenant compte des qualifications, des directives et des restrictions établies par la présente loi.

Article 25

Conditions fondamentales d'admission à la fonction publique

2) Les conditions d'admission à la fonction publique sont les suivantes:

1. une instruction appropriée, à l'exception des cas où une certaine formation n'est pas nécessaire pour occuper un poste public;

2.  la durée du service et l’expérience requises dans la spécialité, sauf lorsqu’elles ne sont pas prévues pour une charge publique;

3.
la connaissance de la langue officielle;

4. la connaissance de la Constitution du Turkménistan, ainsi que les lois applicables à l'exercice des fonctions pertinentes.

Par le fait même, ce sont les fonctionnaires russophones ou appartenant aux minorités qui ont été soumis à la discrimination, pas les citoyens. Ces derniers peuvent recourir au turkmène ou au russe sans inconvénient. Les faits révèlent que presque tous les membres des minorités nationales ont recours au russe plutôt qu'au turkmène qu'ils maîtrisent généralement mal. Aujourd'hui, il demeure indispensable de connaître soit le turkmène soit le russe pour obtenir des services gouvernementaux. Pour accéder à un emploi dans la fonction publique, la connaissance de la langue officielle est maintenant obligatoire. La turkménisation des dirigeants et des cadres est devenue une donnée incontournable, et on ne compte plus les hauts fonctionnaires ministériels et les instances médicales qui ont été remplacés par des Turkmènes. Pourtant, l'article 1.3 de la Loi sur la langue reconnaît encore aux minorités linguistiques le droit de recourir à leur langue maternelle: « Le statut du turkmène en tant que langue officielle ne doit pas léser les droits constitutionnels des citoyens des autres nationalités résidant dans la RSS du Turkménistan à se servir de la langue de leur nationalité.» Manifestement, ces dispositions concernant les droits constitutionnels des citoyens des autres nationalités ne sont plus appliquées.

De son côté, l'article 12 de la Loi sur la citoyenneté (1992-2007) exige une connaissance suffisante de la langue officielle pour obtenir la citoyenneté du Turkménistan :

Article 12

Conditions pour acquérir la nationalité du Turkménistan

1) Toute personne compétente qui a atteint l'âge de dix-huit ans peut être admise à la citoyenneté turkmène sur sa demande écrite, dans le cas où elle:

1. s'engage à se conformer et à respecter la Constitution et les lois du Turkménistan;

2.
connaît suffisamment la langue officielle du Turkménistan pour pouvoir communiquer;

Quant à la Loi sur le statut juridique des étrangers au Turkménistan (1993-2010), elle ne précise rien de particulier puisqu'elle réfère à d'autres actes juridiques;

Article 2

Législation du Turkménistan sur le statut juridique des ressortissants étrangers au Turkménistan

1)
La législation du Turkménistan sur le statut juridique des citoyens étrangers est basée sur la Constitution du Turkménistan et comprend la présente loi et d'autres actes juridiques réglementaires du Turkménistan régissant le statut juridique des citoyens étrangers au Turkménistan.

2) Si d'autres règles sont instituées par un traité international du Turkménistan que celles prévues par la présente loi, les règles du traité international s'appliquent.

Le Turkménistan a signé la Convention de La Haye du 5 octobre 1961; il accepte sans restriction les documents apostillés dans un autre État partie à la Convention. La Russie et le Turkménistan ont signé un accord sur la reconnaissance mutuelle des documents officiels. Un document dûment exécuté sur le territoire de l'une des parties au contrat est reconnu par un autre État sans formalités supplémentaires. Une apostille officielle n'est pas nécessaire dans les documents officiels russes soumis au Turkménistan; une traduction officielle suffit. Symétriquement, et les documents du Turkménistan en Russie ne nécessitent qu'une traduction notariée. Cependant, les traductions certifiées par le Turkménistan une fois en en Russie ne sont pas valides, elles doivent être certifiées par un notaire russe.

Bien que la langue officielle soit toujours exigée, la Loi sur les appels d'offres pour la fourniture de biens, l'exécution de travaux, la prestation de services pour les besoins de l'État (2014) autorise aussi l'emploi d'une langue étrangère supplémentaire:

Article 17

L'ordre et les modalités de l'offre

6)
Les documents d'appel d'offres doivent être rédigés dans la langue officielle du Turkménistan. Le soumissionnaire peut également décider d'employer
une langue étrangère.

Article 21

Dossier de l'appel d'offres

2)
La documentation relative à l'appel d'offres comprend:

1. des instructions pour la préparation des offres (devis);

20. une langue étrangère dans laquelle, en plus de la langue officielle du Turkménistan, les offres (devis) doivent être établies;

Autrement dit, la langue étrangère seule, même le russe, ne suffit pas, il faut aussi la langue officielle!

4.3 Les dénominations, désignations  et appellations dans l'affichage et la publicité

Selon la Loi sur la langue, les toponymes doivent avoir une dénomination turkmène (art. 28), de même que les raisons sociales (art. 30), les affiches, la signalisation routière, la publicité (art. 31) et l'étiquetage des produits (art. 32).

Article 28

1) Dans la RSS du Turkménistan, les noms des régions, districts, villes, villages et bourgs, les territoires historiques, les rues, les places, les monuments et autres toponymes géographiques ont des noms désignés dans la langue officielle. L'orthographe de leurs noms en russe et en d'autres langues est indiquée sans traduction avec la conservation de la transcription et de la prononciation nationale.

2) Le nom des rues ou autres lieux nommés en russe ou en d’autres langues est inscrit en général sans traduction pour le turkmène et rédigé dans la langue dans laquelle ces lieux sont nommés en appliquant les règles d'orthographe du turkmène.
 
3) La RSS du Turkménistan assure la conservation historique traditionnelle du nom géographique des toponymes, met sous le contrôle de l'opinion publique l'appropriation des nouveaux noms, interdit sans raison sérieuse de tout changement de nom des villes et villages constituant un héritage historique et naturel.

Article 30

Les noms des institutions, entreprises, organismes et leurs subdivisions structurales sont donnés dans la langue officielle et dupliqués en russe, mais si cela est nécessaire aussi en d’autres langues.
 

Article 31

1) Les textes des sceaux officiels et des tampons des entreprises, institutions et organismes sont rédigés dans la langue officielle et sont dupliqués en russe.

2) Les textes des formulaires, des enseignes, des annonces, de la publicité officielle, des tarifs et des listes de prix ainsi que de toute information visuelle sont rédigés dans la langue officielle et sont dupliqués en russe et, dans les territoires de résidence compacte des autres groupes nationaux, dans leur langue maternelle.
 
Article 32

1) Les produits manufacturés fabriqués par les entreprises de la République sont fournis avec des étiquettes, labels, modes d’emploi dans la langue officielle avec une traduction en russe ou dans une autre langue.

2) Les labels et l'étiquetage industriel et les denrées alimentaires et les modes d’emploi dans la RSS du Turkménistan doivent contenir l'information dans la langue officielle et en russe et, en cas de besoin, dans la langue du destinataire.

On comprend ici que le bilinguisme est une pratique courante, mais nous sommes en 1990, au moment de l'adoption de la loi. Depuis cette époque, beaucoup de choses ont changé, car la situation en 1990 se présentait à l'ère du bilinguisme. D'ailleurs, l'article 33 de la Loi sur la langue, qui porte sur la disposition des textes d'information visuelle, les inscriptions en turkmène devaient être en évidence tout en étant de taille identique:

Article 33

Les textes d'information visuelle sont présentés comme suit : à gauche ou au-dessus, le texte dans la langue officielle, à droite ou en dessous le texte en russe, et ils sont formés par des lettres de taille identique. L'information orale, les annonces et la publicité sont présentées en premier lieu dans la langue officielle, puis en russe ou en une autre langue.

Cette affiche bilingue (ci-contre) était conforme à la loi à l'époque de l'adoption de la Loi sur la langue en 1990: c'est le nom de la rue Andizhan à Ashgabat. On y voit un panneau, aujourd'hui obsolète, en cyrillique turkmène et en cyrillique russe. Ce type de panneau bilingue n'est plus utilisé au Turkménistan, parce que tout le pays est passé à l'alphabet latin dans les premières années du présent siècle. Le bilinguisme n'a pas tenu très longtemps, mais il peut être encore présent avec l'anglais.

Il existe une loi qui a pour titre: Loi sur la procédure d'attribution des noms aux entreprises d'État, aux organismes, aux institutions, aux objets géographiques et autres, et à leur dénomination (2015). Cette loi règle l'attribution des noms aux objets géographiques pour les autorités de l'État, les Gengeshi (Conseils locaux) et les groupes de citoyens: mais elle ne mentionne aucunement la question de la ou des langues:

Article 7

Procédure d'attribution de noms aux objets géographiques et leur dénomination

1)
Les autorités de l'État, les Gengeshi et les groupes de citoyens peuvent faire des propositions pour désigner des objets géographiques et les renommer.

2) Le nom attribué à l'objet géographique doit refléter les signes les plus caractéristiques de la zone dans laquelle cet objet est situé, et les caractéristiques ethnographiques et nationales du territoire correspondant.

3) Les objets géographiques peuvent se voir attribuer le nom de personnes directement impliquées dans la découverte, l'étude, la mise en valeur ou la fondation d'objets géographiques. Les objets géographiques qui n'ont pas de noms peuvent se voir attribuer les noms de personnalités publiques et nationales éminentes, de représentants de la science et de la culture, conformément à la procédure établie par la présente loi et d'autres actes juridiques réglementaires du Turkménistan.

Article 11

Protection du nom des objets géographiques

Les noms des objets en tant que partie intégrante du patrimoine historique et culturel du peuple du Turkménistan sont protégés par l'État. L'attribution de noms à des objets ou le remplacement de noms d'objets sans motif et l'usage de noms d'objets déformés ne sont pas autorisés.

Par contre, la Loi sur la publicité (2016) fait une courte allusion à la langue officielle obligatoire à l'article 5:

Article 5

Exigences générales en matière de publicité

1)
Les exigences générales pour la publicité sont la légalité, l'exactitude, la fiabilité, l'usage de formulaires et de moyens qui ne causent pas de pertes publicitaires au consommateur ni de préjudice moral.

La publicité est autorisée à inclure uniquement des messages ou des images visuelles qui ne violent pas les normes éthiques, humanistes, morales, sociales et les règles de la décence.

5) La publicité au Turkménistan doit être présentée dans la langue officielle.

Les exceptions sont les suivantes:

1. les médias dans lesquels la publicité est présentée dans la langue inscrite dans les documents statutaires ou les documents d'enregistrement des médias;

2. la publicité présentée à la discrétion de l'annonceur dans des langues étrangères, laquelle est destinée à un consommateur étranger ou conformément aux traités internationaux du Turkménistan;

3. la publicité contenant des appellations et des termes étrangers généralement acceptés, qui sont utilisés dans l'orthographe originale et/ou n'ont pas d'équivalents similaires dans la langue officielle;

4. la publicité contenant des noms de produits fabriqués dans une langue étrangère, des pseudonymes créatifs, des noms originaux de groupes créatifs et d'œuvres littéraires, des noms de domaine de sites, ainsi que des invitations à travailler ou à étudier pour des personnes parlant couramment des langues étrangères;

5. la publicité contenant des marques (raisons sociales) enregistrées selon une procédure établie, des lettres syllabiques dans un ensemble typographique (logos), qui peuvent être données dans la langue d'origine.

Dans la publicité, il est permis d'employer une langue étrangère avec la langue officielle, à la condition que le contenu et la conception technique du texte dans la langue étrangère soient identiques au texte dans la langue officielle.

La traduction de contenu publicitaire
d'une langue dans une autre
ne doit pas altérer sa signification principale.

 

Les affiches en russe (alphabet cyrillique) sont devenues rarissimes au Turkménistan. La très grande majorité des affiches sont en turkmène et en alphabet latin. L'anglais est rare aussi, mais il est néanmoins devenu plus fréquent que le russe, notamment pour les hôtels, les chaînes de restauration rapide et les sites touristiques.

Par ailleurs, ce même article 5 (paragraphe 8) de la Loi sur la publicité interdit d'utiliser la publicité à des fins de propagande ou d'agitation de changements violents dans le système constitutionnel, de violation de l'intégrité territoriale du Turkménistan et d'atteintes à la sécurité de l'État; de discriminer les droits de l'homme sur la base de leur nationalité, de leur couleur, de leur sexe, de leur origine, de leur propriété et statut officiel, de leur lieu de résidence, de leur langue, de leur religion, etc.; pour diffuser des informations contenant des secrets d’État ou d’autres secrets protégés par la loi.

De plus, le paragraphe 9 de l'article 5 de la Loi sur la publicité interdit, entre autres, d'employer des jurons, des images obscènes et insultantes, des comparaisons et des expressions par rapport à une personne sur la base de sa nationalité, de sa couleur, de son sexe, de son origine ethnique, de sa propriété et de son statut officiel, de son lieu de résidence, de sa langue, de sa religion, etc.;  d'employer des phrases et des mots étrangers parce qu'ils peuvent entraîner une distorsion du sens des informations. On peut deviner que ces restrictions peuvent servir de prétexte pour les autorités pour intervenir et freiner la liberté d'expression!

4.4 La langue officielle et les citoyens

Conformément à la Constitution, rappelons-le, le statut du turkmène en tant que langue officielle ne doit pas léser les droits des citoyens des autres nationalités résidant au Turkménistan à se servir de la langue de leur nationalité. L'article 7 du Code du travail (2009) interdit la discrimination en ce sens:

Article 7

Interdiction de la discrimination dans les relations de travail

1)
Il est interdit de restreindre les droits du travail ou d'obtenir des avantages dans leur mise en œuvre en fonction de la nationalité, de la race, du sexe, de l'origine, des biens et du statut officiel, du lieu de résidence,
de la langue, de l'âge, de la religion, de l'opinion politique, de l'appartenance à un parti ou de l'absence d'appartenance à un parti, ainsi que d'autres circonstances non liées aux qualités commerciales des employés et aux résultats de leur travail.

Quant à la Loi sur la protection du consommateur (2014), elle oblige le vendeur, le fabricant et l'entrepreneur de communiquer les informations (nom du produit, nom du fabricant, nom du pays d'origine, adresse légale, etc.) aux consommateurs dans la langue officielle et/ou en russe ou en anglais:  

Article 14

Droit de recevoir une information complète et fiable sur le vendeur, le fabricant (entrepreneur), sur le produit (travail, service)

8) Les informations prévues au paragraphe 2 du présent article doivent être communiquées aux consommateurs dans la langue officielle, et les informations prévues au paragraphe 5 du présent article doivent être dans la langue officielle et/ou en russe et/ou en anglais, et en outre, à la discrétion du vendeur, du fabricant et de l'entrepreneur, dans d'autres langues.

Dans les faits, les citoyens du Turkménistan qui ne parlent ni le turkmène, ni le russe, ni l'anglais sont fortement désavantagés. Néanmoins, la Loi sur le médiateur (2016) permet aux requérants de s'adresser au médiateur dans leur langue maternelle ou dans une autre langue qu'ils parlent, et une réponse sera donnée dans la langue officielle avec une traduction dans la langue concernée:

Article 25

Langue du bureau du médiateur

1) Le travail du bureau du médiateur doit être effectué
dans la langue officielle du Turkménistan.

2) Les requérants peuvent s'adresser au médiateur
dans leur langue maternelle ou dans une autre langue qu'ils parlent. Dans ce cas, la réponse est donnée dans la langue officielle avec une traduction dans la langue concernée au requérant.

Après la vague de turkménisation de 1996, la politique linguistique s'est assouplie, du moins à Achgabat qui est redevenue partiellement bilingue. Alors qu'il réunissait l'élite du pays, le président Niazov déclarait en mai 1996 que les futures générations devraient être trilingues: turkmène, russe et anglais. Le problème, c'est qu'il y a loin de la coupe aux lèvres!  Toutefois, il n'y a pas que la langue turkmène qui constitue une obligation dans le pays, car il faut également connaître le Ruhnama, le livre saint du président dont il serait l'auteur. Les ministères doivent organiser régulièrement des journées consacrées à l'Ouvrage, le permis de conduire comprenant, depuis 2004, une épreuve de connaissance du Ruhnama.

5 Les langues de l'éducation

Bien que le système éducatif turkmène conserve la structure centralisée du système soviétique, des modifications significatives sont en cours depuis plusieurs années. Il fallait d'abord redéfinir la nation dans son idéologie turkmène, puis satisfaire aux besoins du marché qui exigeait une main-d'œuvre habilitée à promouvoir la participation du Turkménistan au sein des activités économiques internationales. C'est pourquoi certaines réformes en éducation furent mises en œuvre, dont la réintroduction de l'alphabet latin pour la langue turkmène et la révision de l'histoire du Turkménistan dans les écoles, puis la formation de cadres multilingues capables de fonctionner en turkmène, en russe et en anglais.

5.1 La législation scolaire

Les articles 19 à 27 de la Loi sur la langue sont consacrés à l'éducation. Les plus importants articles sont les suivants:

Article 19

1) La RSS du Turkménistan assure à tous les citoyens le droit à l’éducation préscolaire, primaire, secondaire et aux études supérieures dans la langue officielle ou en russe. Dans les lieux de résidence compacte des groupes nationaux, l'éducation préscolaire, primaire et secondaire est assurée dans langue maternelle ou, éventuellement, dans la langue officielle ou en russe.

2) Il est du devoir des parents de veiller à ce que les enfants maîtrisent la langue officielle et toute autre langue maternelle.

Puisque la Constitution désigne le turkmène comme la langue officielle, celui-ci est une matière d'enseignement obligatoire à l'école, bien que ce ne soit pas nécessairement la seule langue d'enseignement. En effet, l'article 19 de la Loi sur la langue prévoit que l'enseignement primaire peut se faire dans la langue officielle, en russe ou dans toute autre langue maternelle des enfants appartenant à un groupe national. La seule réserve mentionnée : il faut que ce soit dans un lieu de résidence compacte d'une communauté linguistique.

L'article 20 précise que l'enseignement est assuré à tous les niveaux seulement pour la langue turkmène et le russe:

Article 20

1) La RSS du Turkménistan assure l'éducation des citoyens résidant sur le territoire de la République aux langues turkmène et russe dans les écoles secondaires, les écoles professionnelles techniques, les études secondaires spéciales et établissements supérieurs ainsi que dans les formes d'enseignement.
 
2) Les directeurs des établissements préscolaires, écoles, les professeurs et les éducateurs sont embauchés s’ils possèdent la langue d’enseignement et d'éducation adoptée par l’établissement concerné.

L'article 26 de la Loi sur la langue énonce un objectif complètement obsolète, la promotion de l'écriture turkmène traditionnelle sur la base de l’alphabet arabe:

Article 26

La RSS du Turkménistan contribue à la promotion de l'écriture turkmène traditionnelle sur la base de l’alphabet arabe, organise son étude dans les établissements d’enseignement, effectue la préparation du personnel pédagogique et scientifique correspondant et crée les bases matérielles nécessaires.

Nous savons maintenant que les autorités turkmènes sont passées à l'alphabet latin depuis le début du XXIe siècle. Mais la loi n'a pas été modifiée en ce sens.

La Loi sur l'éducation (2013) précise quelles sont les langues d'enseignement. L'article 5.2 énonce que «la langue turkmène en tant que langue officielle est la langue principale de l'enseignement et de l'éducation dans tous les types d'établissements d'enseignement, quelle que soit leur forme de propriété». Ainsi, tous les établissements d'enseignement doivent offrir un enseignement dans la langue officielle du Turkménistan :

Article 5

Langues d'enseignement et d'éducation

1)
Les langues d'enseignement et d'éducation dans les établissements d'enseignement sont déterminées par la présente loi et par d'autres actes juridiques normatifs du Turkménistan.

2)
La langue turkmène en tant que langue officielle est la langue principale de l'enseignement et de l'éducation dans tous les types d'établissements d'enseignement, quelle que soit leur forme de propriété.

Tous les établissements d'enseignement doivent
offrir un enseignement dans la langue officielle du Turkménistan.

3) L'État fournit une assistance aux citoyens turkmènes dans l'étude de leur langue maternelle, conformément à la législation du Turkménistan.

5.2 Les langues d'enseignement

Au moment de l'indépendance, le pays possédait deux réseaux linguistiques complets: l'un en langue turkmène, l'autre en russe. Aujourd'hui, l'instruction est donnée en turkmène dans environ 80 % des écoles primaires et en russe dans 16 %. Comme les Russes forment moins de 3 % de la population, cela signifie que d'autres communautés ethniques fréquentent ces établissements russophones. Le prestige des écoles russes, reconnues pour offrir une meilleure instruction, attire non seulement les enfants des autres minorités ethniques (Ouzbeks, Kazakhs, Arméniens, Ukrainiens, Tatars, Azéris, etc.), mais aussi des enfants turkménophones. En général, on enseigne trois langues dans les écoles turkmènes: le turkmène comme langue d'enseignement, le russe et l'anglais comme langues secondes. L'anglais est facultatif, le russe, obligatoire. Le turc est également enseigné dans les écoles des grandes villes.

Pour ce qui est des écoles des minorités nationales autres que russophones, elles demeurent peu fréquentes (autour de 4 %), même si cette population devrait atteindre les 16 %. Seules quelques écoles dans le nord du pays enseignent dans les langues des minorités, notamment en ouzbek et en kazakh. Dans les écoles turkmènes, la langue seconde est le russe, parfois l'anglais ou les deux. Dans toutes les écoles des minorités (y compris russophones), le turkmène est une matière obligatoire comme langue seconde. Les écoles secondaires offrent leur instruction soit en turkmène (la plupart) soit en russe (la minorité).

L'ancien président Saparmourat Niazov avait décidé de déplacer tous les Ouzbeks du Turkménistan dans le désert de Karakoum au centre du pays afin d'éviter toute dérive «séparatiste». Son estimation personnelle de la population ouzbèke lui permettait de ne pas ouvrir d'écoles dans lesquelles l'ouzbek serait enseigné, car le seuil fatidique des 4 % de la population nécessaire n'était pas atteint. Le faible niveau d'instruction des membres des minorités et leur manque de maîtrise de la langue officielle au profit du russe diminuaient grandement leur chance d'entrer dans les établissements post-secondaires avec comme conséquence qu'ils se trouvaient nécessairement exclus du marché du travail.

Toutes les minorités ethniques, y compris les russophones, connaissent un déclin social et économique progressif. De nombreuses communautés ethniques ont été transférées contre leur gré, d'autres ont été expulsées, alors que des individus tentant de quitter le pays ont fait l'objet d'extorsions; ils se sont aussi butés à des obstacles administratifs et à la perte de leur passeport. Les membres appartenant aux minorités ethniques sont aujourd'hui considérés comme des citoyens de seconde zone par l'élite turkmène. Aujourd'hui, les écoles en langue minoritaire n'existent presque plus, sauf un lycée russe à Achgabat.

5.3 L'enseignement supérieur

Il existe 23 établissements d'enseignement supérieur au Turkménistan. Dix-huit d'entre eux sont civils et cinq sont des établissements d'enseignement supérieur militaire. Tous les établissements d'enseignement supérieur du Turkménistan sont sous la juridiction de l'État.

Les universités ont été entièrement turkménisées depuis le mois de février 2001. La Russie s'en est inquiétée, car tous les départements de langue et de littérature russes ont été fermés et les professeurs, congédiés. Les universités doivent dorénavant utiliser exclusivement le turkmène: les professeurs qui n'avaient pas de connaissance approfondie de la langue officielle ont été, eux aussi, congédiés. Quant aux étudiants russes unilingues, ils ont été mis à la porte.

En 2003, le président Niazov a annoncé que l'enseignement supérieur ne serait plus gratuit. Comme les professeurs n'étaient pas bien payés, la corruption s'est vite installée. Ainsi, la réussite d'un étudiant dépendait moins des connaissances acquises pendant ses années d'étude que de sa capacité à payer le diplôme désiré aux professeurs. Les universités, très contingentées, acceptent seulement environ 3000 étudiants par année, soit 10 % du nombre admis avant l'indépendance.

Auparavant, l'ancien président Niazov avait fait fermer les universités et les bibliothèques, avait interdit le théâtre, le ballet et l'opéra jugés «contraires à l'esprit du peuple turkmène» de religion musulmane. Les études supérieures, de deux ans au maximum, tout comme l'examen du permis de conduire, s'articulent autour des pensées de son livre, le Ruhnama, par ailleurs l'unique manuel scolaire disponible durant des années.

La connaissance de la langue russe est également une chance d'accéder à l'enseignement supérieur dans un pays russophone. Le système actuel d'admission dans les universités turkmènes entraîne une fuite massive de candidats à l'étranger. Avec la suppression d'un visa de sortie en 2001, les candidats turkmènes ont commencé à explorer les possibilités de formation à l'étranger. La maîtrise de la langue russe, par exemple, s'est avérée pratique lors de l'entrée dans les universités spatiales post-soviétiques. Ainsi, juste en Biélorussie très russophonisée, environ 8000 Turkmènes étudient dans les universités de ce pays. Étant donné le nombre d'étudiants turkmènes en Russie, en Ukraine, en Biélorussie , au Kazakhstan et au Kirghizistan, la langue russe sera pendant longtemps une sorte de lien avec les États environnants.

Au Turkménistan, le système d'éducation devint un instrument de propagande politique dans la mesure où le Ruhnama a littéralement remplacé le système scolaire du pays. Déjà en avril 2004, un rapport de la Fédération d'Helsinki sur le Turkménistan ("Turkmenistan: The Making of a Failed State", c'est-à-dire «Le Turkménistan, la création d'un État défaillant») indiquait que le but de l'administration de Niazov n'était pas d'instruire les enfants, mais plutôt d'implanter durablement la propagande gouvernementale et de priver les enfants de la capacité d'analyser de manière critique le régime politique.

5.4 Les langues étrangères

Les paragraphes 4, 5 et 6 de la Loi sur l'éducation (2013) font mention des langues étrangères dont l'apprentissage est encouragé par l'État:

Article 5

4) Dans les établissements d'enseignement des pays étrangers ou conjointement avec eux s'ils œuvrent sur le territoire du Turkménistan, conformément à la présente loi et à d'autres actes juridiques normatifs et aux traités internationaux du Turkménistan, la principale langue d'enseignement est la langue étrangère correspondante.

La langue officielle du Turkménistan dans ces établissements d'enseignement doit être utilisée pour enseigner les disciplines scolaires qui font partie de la composante nationale du programme pédagogique.

5) L'État encourage l'acquisition par les citoyens du Turkménistan des
langues étrangères dans les établissements d'enseignement de tous types, quelle que soit la forme de propriété.

L'étude des langues étrangères est incluse dans les programmes pédagogiques généraux et professionnels en tant que matières obligatoires.

6) Conformément aux traités internationaux du Turkménistan, l'État aide les ressortissants turkmènes vivant hors de son territoire à obtenir un enseignement secondaire général
dans leur langue maternelle.

Dès le mois d'octobre 2002, alors que l'année scolaire était commencée, des classes de langue russe furent supprimées dans tout le pays, notamment dans les régions de Balkan (district de Garry Gala), d'Ahal (district de Bäherden), de Daşoguz et de Mari, car le nombre d'élèves s'est soudainement révélé «insuffisant».  Pour le régime de Niazov, une classe de russe doit compter au moins 30 élèves. Dans la pratique, les fonctionnaires exigent plutôt que les classes regroupent pas moins de 45 élèves, dont 30 Russes. La fermeture de classes de langue russe a commencé dans les régions où la population d'origine russe était plus faible. Mais beaucoup de groupes d'autres nationalités (Ouzbeks, Kazakhs, Arméniens, Azéris, Tatars, etc.), qui voulaient donner une éducation scolaire en russe à leurs enfants, furent touchés. Les écoles secondaires russes ont vu leur nombre diminué grandement ces dernières années: il n'existe plus qu'une seule école secondaire russe-turkmène dans la capitale (Achgabat).

En 2018, une étape importante fut la décision d'élargir l'éventail des langues étrangères étudiées dans les écoles tout en tenant compte de la dynamique du développement d'une coopération internationale multiforme. L'étude des langues suivantes fut encouragée: l'anglais, le français, l'allemand, le japonais, etc. La connaissance de la langue anglaise a considérablement amélioré les qualifications et, souvent, la situation financière d'un citoyen. Outre la perspective séduisante de déménager dans les pays occidentaux, l'anglais est demandé par un grand nombre de sociétés et d'organisations étrangères nouvellement arrivées. La maîtrise de l'anglais est devenue l'une des conditions d'emploi dans ces organisations, ce qui a donné une impulsion à l'étude de l'anglais.  

Un événement mérite d'être souligné dans le domaine de l'enseignement des langues: un accord de coopération a été signé entre la France et le Turkménistan en 1994. Il s'agit du décret no 96-917 du 11 octobre 1996 portant publication de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Turkménistan dans le domaine de l'enseignement des langues, signé à Achgabat, le 28 avril 1994. En vertu de cet accord, le Turkménistan s'engage, à partir de l'année scolaire 1994-1995, d'ouvrir des sections de langue française dans ses établissements d'enseignement supérieur, en particulier l'Institut pédagogique d'État turkmène de langues et de littérature azadi; à transformer l'une de ses écoles secondaires en école à enseignement renforcé de langue française; à créer un centre de langue française au sein de l'Institut pédagogique d'État turkmène de langues et de littérature azadi; et à apporter un soutien à la diffusion de la langue et de la civilisation françaises à la radio et à la télévision du Turkménistan. 

Dans les faits, le choix des langues étrangères demeure très limité au secondaire en plus du russe. C'est principalement l'anglais, mais certaines écoles enseignent également l'allemand. Compte tenu du fait qu'il n'y a plus beaucoup d'écoles de langue russe dans le pays, celle-ci est de plus en plus enseignée comme langue étrangère. L'absence d'une méthodologie efficace pour l'enseignement des langues étrangères conduit au fait que la plupart des diplômés des écoles turkmènes ne les possèdent même pas au niveau le plus bas.

5.5 L'influence étrangère

Deux pays jouent un rôle non négligeable en Turkménistan: la Turquie et les États-Unis.

- La Turquie

Ces dernières années, la Turquie a entrepris d'occuper une place importante dans l'éducation en créant de nombreuses écoles mixtes turco-turkmènes et en fondant des universités spécialisées dans les domaines économiques et agronomiques. Tous les ans, de nombreux étudiants turkmènes, mais également des étudiants provenant des autres républiques d'Asie centrale, viennent faire leurs études universitaires à Ankara, alors que des étudiants turcs sont inscrits en grand nombre dans les facultés turkmènes de médecine et de pharmacie. De nombreux cours de langue turque sont maintenant dispensés dans la capitale turkmène où il existe au moins 14 écoles turques.

- Les États-Unis

Les États-Unis sont aussi présents à tous les niveaux du système éducatif turkmène. Les Américains ont eu recours à une organisation non gouvernementale: les Peace Corps (ou Corps de la paix). Cet organisme regroupe des bénévoles qui, sous contrat d'un an ou de deux ans, sont envoyés à Achgabat, ainsi que dans la plupart des villes du pays, pour promouvoir la langue anglaise. Afin de stimuler les étudiants turkmènes, l'Ambassade américaine organise annuellement un concours où les meilleurs étudiants se voient offrir une année universitaire aux États-Unis. On compte au Turkménistan des milliers de candidats. Les Américains ont aussi mis sur pied un programme de cours d'anglais à la télévision (deux fois par semaine) et ils ont équipé des bibliothèques de livres et de manuels de langue anglaise.

En raison de la réduction de l'enseignement en russe, ainsi que de la «turkménisation» du secteur public, la jeune génération du Turkménistan a commencé à parler de moins en moins le russe. Dans les années 1990, la langue russe, en tant que «langue supplémentaire», avait comme concurrents linguistiques le turc et l'anglais.

5.6 Un système à repenser

Selon les experts, le problème du système d'éducation au Turkménistan est complexe, car il faudrait instaurer des réformes fondamentales et réduire les pénuries de programmes, de manuels, de méthodologies et de personnel efficaces. L'approche de l'enseignement ne prévoit pas de dialogue entre l'enseignant et l'élève et ne développe pas la pensée analytique chez les écoliers. Le même modèle d'enseignement a été préservé depuis l'époque soviétique : les élèves écoutent et enregistrent assis devant l'enseignant, sans avoir la possibilité de discuter ou d'exprimer leur opinion. 

Les écoles du Turkménistan manquent d'enseignants qualifiés, tandis que le caractère soviétique de l'enseignement est encore préservé dans les classes. Au lieu de sujets généraux, ils étudient le Ruhnama du Turkmenbachi (Niazov) et maintenant les livres du président Berdimouhamedov. Avec l'avènement de ce deuxième président au Turkménistan, la réforme de l'éducation a pourtant été proclamée. Mais dans les écoles, au lieu des matières générales, le Ruhnama demeure toujours à l'étude. On sait que sous l'ancien président Niazov, la période d'études au lycée avait été réduite à neuf ans. De plus, des matières telles que la physique, la chimie, l'histoire du monde et la littérature avaient disparu du programme scolaire. Arrivé au pouvoir, le président Gourbangouly Berdimouhamedov a été promis que de nouveaux manuels feraient leur apparition dans les écoles et les matières générales nécessaires dans les programmes.

Jusqu'à présent, tous les changements dans le système d'enseignement secondaire sont encore limités dans l'ensemble, le seul changement majeur étant le retour à l'enseignement sur dix ans, puis en 2014 sur douze. De plus, un certain nombre de sciences naturelles et humaines ont été officiellement réintroduites dans le programme scolaire. Cependant, l'étude de la chimie et de la physique n'est limitée que par une idée générale du sujet. Dans les cours de géographie, les étudiants ne reçoivent des connaissances que sur le Turkménistan, ainsi que dans les cours de biologie sur le monde végétal. L'histoire du Turkménistan est présentée comme l'histoire d'un État entier indépendant, la période soviétique de soixante-dix ans est décrite comme l'époque coloniale. L'accent principal dans l'étude d'une histoire aussi adaptée est mis sur l'identité nationale des Turkmènes.

Les écoles situées en dehors de la capitale sont généralement des bâtiments délabrés de l'ère soviétique; peu d'entre eux sont chauffés ou raccordés au réseau d'approvisionnement en eau et en égouts. En 2000, le président Niazov a réduit le nombre d'enseignants travaillant dans le pays, ce qui a entraîné un surpeuplement des classes.

6 Les langues des médias

Au Turkménistan, la liberté de presse n'existe pas. Les publications étrangères sont en principe interdites, les signaux satellites sont bloqués et l'Internet est assujetti à des restrictions et à des prix élevés fixés par le seul fournisseur de service, le gouvernement. C'est aussi le pays le plus répressif des anciennes républiques soviétiques de l'Asie centrale en matière de liberté de la presse, car la censure y est totale. Tous les journaux sont strictement contrôlés par les autorités et ont tous pour fondateur l'ex-président Niazov. Ainsi, à la Une de tous les grands journaux est apparu le dicton suivant (en traduction) :

Que ma langue se fige à la moindre déloyauté envers Toi
Que mon souffle me quitte si je trahis Ma Patrie, Mon Président,
Ton Drapeau sacré

La diffamation ou l'insulte sur la personne du président dans les médias sont passibles de peines allant jusqu'à vingt-cinq ans de prison. Non content de posséder un monopole absolu sur la presse écrite et l'audiovisuel, l'État tente par tous les moyens de filtrer les informations venant de l'extérieur en bloquant la distribution de journaux étrangers. La classement mondial de ''Reporters sans frontières'' pour la liberté de la presse place le Turkménistan à la 167e place (sur 168), juste après la Corée du Nord. Pendant deux décennies (de 1985 à 2006), le président Niazov nommait lui-même les rédacteurs en chef, qui étaient ensuite soumis à une période probatoire de six mois. Les responsables des journaux devaient prêter un serment de fidélité au président sur leur bannière et consacrer l'essentiel de leur couverture à ses «exploits». Le bureau de presse du président, l'agence de presse nationale et d'autres institutions publiques étaient la principale source d'information. Le système s'est perpétué avec le deuxième président, Gourbangouly Berdimouhamedov.

On compare souvent le Turkménistan à la Corée du Nord, lesquels constituent parmi les pays les plus fermés au monde; les deux États ont adopté des idéologies exotiques et un culte particulier de la personnalité des hauts dirigeants.

6.1 La presse écrite

Les journaux publiés au Turkménistan sont relativement nombreux et ils jouent un rôle important pour le gouvernement dans la diffusion de l'information. La plupart des journaux sont publiés en turkmène, en russe et en turc. L'agence de presse officielle du pays est la Türkmendöwlethabarlargullugy, qui publie le bulletin d'information hebdomadaire Turk-menistan News.

Les quotidiens les plus répandus dans le pays sont Turkmenistan, Watan, Achkhabat et Nesil, tous en langue turkmène. En général, ils ne comptent que huit pages, sont peu diffusés et diffusent la litanie des propagandes du pouvoir en place. Le Neytralnyy Turkmenistan est un peu plus  influent auprès de la population russophone qui se méfie des autorités. Des quotidiens régionaux sont aussi répandus tels que Turkmen Gundo-gary de Türkmenabat, Balkan de Balkanabat, Maru-Şahu-Jahan de Mari et Dasoguz Habarlary de Daşoguz. Les hebdomadaires tels que Galkynyş, Habarlar et Biznes Reklama ont une certaine diffusion, tandis que parmi les publications mensuelles Diyar et Altyn Asyryng Ykdysadiyeti (un magazine d'économie publié en turkmène, en russe et en anglais) sont assez répandues. Il n'existe pas de journaux destinés spécifiquement aux minorités ethniques. Comme pratiquement tous les médias imprimés, les journaux appartiennent à l'État et sont imprimés par des presses publiques. La censure fonctionne à travers un système à trois niveaux: un comité pour protéger les secrets d'État, les rédacteurs en chef et l'autocensure des journalistes qui savent qu'un faux pas peut leur coûter leur carrière, et peut-être leur liberté.

6.2 La presse électronique

Les émissions radiophoniques au Turkménistan sont diffusées par la NTRC, la National Television and Radio Company, l'organisme de l'État préposé à la gestion des services de radiodiffusion et de télévision. Les émissions sont réalisées essentiellement en langue turkmène. Les stations nationales TMT1 et TMT2 diffusent en turkmène, mais aussi en russe (quinze minutes par jour) et en anglais. Pour la population russophone, il existe la station russe Mayak. Les principales stations de télévision sont Altyn Asyr, Yaşlyk et Mi-ras, qui transmettent en turkmène. La population russophone dispose seulement de la station ORT, car le gouvernement a retiré l'autorisation d'émettre à la chaîne RTR de Moscou; la station ORT est très écoutée par les Turkmènes qui apprécient sa programmation plus attrayante. Les émissions de radio officielles présentent un régime lourd de chansons sur l'ex-président Niazov. Deux stations de radio étrangères diffusent en turkmène: la radio iranienne Radio Gorgan et le service turkmène de RFE / RL. La station d'État russe Mayak (en russe) peut également être reçue. 

Pour les autres minorités, le gouvernement ne mène aucune politique culturelle et s'en remet à la langue russe pour les quelques échanges autorisés. Un programme quotidien, retransmis par le satellite Türksat et diffusé par ondes hertziennes, offre à la population turkmène quatre heures quotidiennes de télévision turque. Des émissions de télévision, de la musique et des "talk-shows" turcs sont désormais assez courants; ils ont donné naissance à toute une culture «quasi turque» au Turkménistan.

Les trois chaînes de télévision du Turkménistan  ̶  Altyn Asyr («âge d'or»), Miras («patrimoine») et Yashlyk («jeunesse»)  ̶  arborent toutes une silhouette du président littéralement omniprésent dans le coin de l'écran. La couverture se concentre fortement sur Niazov, y compris les longs discours et les réunions du cabinet. Les autres émissions sont composées de musique patriotique et de rediffusions inoffensives de l'ORT géré par l'État russe. Toute la programmation est en turkmène, à l'exception d'un journal télévisé quotidien de 10 minutes en russe. La politique du personnel et la censure reproduisent la situation dans la presse écrite. Les systèmes par satellite et par câble ont été interdits en avril 2003, laissant les chaînes turkmènes officielles la seule source de divertissement télévisé et de nouvelles. Bien que nous n'ayons aucune information sur le nombre de téléspectateurs ou les cotes d'écoute, le grognement occasionnel du président Niazov selon lequel les fonctionnaires devaient produire des tarifs plus vivants peut indiquer qu'il était conscient d'une certaine insatisfaction à l'égard de la programmation. Selon des informations officielles, le Turkménistan est en train de créer une quatrième chaîne de télévision pour diffuser en plusieurs langues étrangères. Plusieurs contrats ont apparemment été attribués à des entreprises étrangères pour fournir un soutien technique; on ne sait toujours pas quand et si la chaîne commencera réellement à diffuser.

La proximité linguistique et culturelle du Turkménistan et de la Turquie a permis à la langue turque d'occuper rapidement un espace assez vaste dans l'environnement linguistique. Ainsi, une partie importante de la population de langue turkmène est facilement passée aux médias turcs avec la propagation des antennes paraboliques. Des émissions de télévision, des programmes, de la musique et des talk-shows turcs ont commencé facilement sur le sol turkmène et ont donné naissance à toute une culture «quasi turque» au Turkménistan.

6.3 La langue russe

Les changements «tectoniques» tels l'effondrement de l'Union soviétique ont entraîné une véritable révolution linguistique avec l'avènement du turkmène comme langue officielle. Mais la langue russe au Turkménistan demeure encore aujourd'hui un héritage de l'ère soviétique. Avec le soubresaut de la souveraineté, le Turkménistan fait partie de la majorité des pays qui ont décidé de se distancier du passé soviétique, dont la langue russe est l'un des symboles. L'effritement de la population russophone dans les années 1990, la «turkménisation» du secteur public et la baisse du niveau d'éducation ont considérablement miné la position de cette «grande et puissante langue». Mais malgré cela, la langue russe reste la langue principale de la communication interethnique et un instrument de connaissance quasi indispensable.

Les médias russes demeurent encore populaires au Turkménistan. Les chaînes fédérales russes (en particulier Channel One, Russia, ainsi que les chaînes de divertissement comme TNT, STS), et maintenant les sites Internet (Odnoklassniki, VK, Mail.ru) sont très demandés par tous les groupes sociaux. La langue russe reste dominante dans le segment turkmène d'Internet, tandis que le turkmène et le turc remplissent également l'espace du réseau turkmène. Le fait est qu'au départ, l'Internet turkmène était principalement utilisé par la population urbaine russophone, ce qui faisait du russe le principal outil de communication Internet. Les annonces et la publicité en ligne, par exemple, se trouvent principalement en russe, pour atteindre un public plus large.

Dans la situation économique actuelle du Turkménistan, la connaissance de la langue russe accroît considérablement la compétitivité en milieu urbain. Malgré la turkménisation constante et la honte dans laquelle s'est trouvée la langue russe, sa signification reste néanmoins importante dans le Turkménistan moderne. Le nombre de locuteurs russophones «ethniques» est en train de fondre, mais l'usage du russe est encore important, en particulier dans les sociétés où l'hétérogénéité et la mobilité sont plus grandes.

Malgré toutes les difficultés de l'environnement et le nombre décroissant de locuteurs, le russe demeure reste à la fois une langue de communication et une langue d'outil dans le Turkménistan moderne. Bien qu'à la fin des années 1990, certains prédisaient la disparition imminente de la langue russe de l'environnement linguistique des Turkmènes, l'expérience d'aujourd'hui montre qu'il est encore trop tôt pour la faire disparaître. Les technologies de réseau et la disponibilité sans précédent des informations (même au Turkménistan) sont devenues une nouvelle source de vie pour la langue russe et l'ont à nouveau rendue pertinente. La situation économique et politique au Turkménistan entraîne une émigration constante de la population russophone, voire turkmène russophone. Dans ce scénario, il est possible que la langue russe à l'avenir ne reste que dans les quartiers des grandes villes du Turkménistan avant de voir se réduire durablement en faveur de la langue officielle.

Le Turkménistan a élaboré une politique linguistique nationaliste tout orientée vers la valorisation de la langue officielle, le turkmène. En soi, cette orientation est légitime, mais elle a engendré d'énormes effets pervers qui nuisent à la cause première. Certes, il fallait que le pays sorte de sa soviétisation linguistique et permette à sa langue nationale de devenir la langue de remplacement du russe. Il n'était pas normal que les russophones fassent la pluie et le beau temps, et s'affichent comme une majorité fonctionnelle. Le turkmène devait prendre la place qui lui revenait.

Cependant, la politique de turkménisation a pulvérisé les droits linguistiques de toutes les minorités, y compris ceux des russophones. Du moment où le russe devenait une langue minoritaire, il aurait dû conserver des droits, moins étendus que ceux de la majorité, mais certainement pas carrément abolis. En ce sens, les États baltes (Lituanie et Estonie, moins la Lettonie) ont beaucoup mieux réussi l'équilibre entre la valorisation de leur langue nationale et la place du russe et des autres langues dans leur société. Dans le cas du Turkménistan, il n'en a pas été ainsi, car la politique de valorisation de la langue officielle a fini par se transformer en chasse aux sorcières.

La politique linguistique fut totalement contrôlée par un président mégalomane, paranoïaque et totalitaire. En réalité, l'ex-président Niazov faisait davantage penser à Joseph Staline (URSS) en moins brutal plutôt qu'à Saddam Hussein (Irak), à Musata Kemal Atatürk (Turquie) ou à Kim Jong il (Corée du Nord). Ce qui est encore plus dangereux, c'est que la politique narcissique du «président à vie» a fini par être centrée entièrement sur son fameux Ruhnama au mépris des droits humains les plus élémentaires. Si la politique de valorisation de la langue officielle provient à l'origine d'une intention fort légitime, elle a dégénéré en politique répressive menant à la liquidation des autres langues. C'est là un danger courant lorsque la politique est entièrement guidée par une seule personne! La mort de Niazov ne semble pas avoir entraîné une politique plus ouverte, sauf que le Turkménistan risque de basculer dans le giron des États-Unis après avoir été sous la tutelle de la Russie. En même temps, le nouveau président Berdimouhamedov a autorisé le retour du russe dans toutes les écoles du pays. Le niazovisme n'est peut-être pas mort, puisqu'il se perpétue dans le régime actuel qui ne tolère ni la dissidence ni l'exercice des libertés civiles et politiques. En ce sens, le Turkménistan demeure le pays plus rétrograde de toute l'Asie centrale en matière de protection linguistique.

Turkménistan


1) Situation générale
 

2) Données historiques
 

3) La politique linguistique
 
 
4) Bibliographie
 


 

Dernière mise à jour: 08 mai 2023
 

 
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