République de Roumanie

Roumanie

1) Généralités

 

Capitale: Bucarest 
Population: 19,1 millions (2021)
Langue officielle: roumain
Groupe majoritaire: roumain (89,0 %)
Groupes minoritaires: hongrois (5,6 %) et autres langues (romani, ukrainien, allemand, russe, turc, serbe, tatar, slovaque, bulgare, yiddish, croate, tchèque, polonais, grec, arménien, etc.
Système politique: république parlementaire
Articles constitutionnels (langue): art. 6, 13, 23, 32, 62, 73 et 128 de la Constitution de 1991; la Convention-cadre des langues minoritaires de 1995 (Conseil de l’Europe), la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992 (Conseil de l’Europe)
Lois linguistiques:  
Décret n° 137 sur l'organisation et le fonctionnement du Conseil des minorités nationales (1993); Décret n° 17 du gouvernement sur la création, l'organisation et le fonctionnement du Département pour la protection des minorités nationales (1997); Arrêté n° 14 sur la traduction en roumain des émissions diffusées en d'autres langues (1999); Loi n° 24 sur les règles de technique législative pour l'élaboration des actes normatifs (2000-2010);  Loi n° 215 sur l'administration publique locale (2001); Décret sur l'approbation des Règles pour l'application des dispositions concernant le droit des citoyens appartenant à une minorité nationale d'employer leur langue maternelle dans l'administration publique locale (2001); Loi n° 500  sur l'usage du roumain dans les institutions, les relations et les lieux publics (2004); Décret n° 111 sur l'organisation et le fonctionnement du Département des relations interethniques (2005); Loi n° 299 sur le soutien aux Roumains hors frontières (2007-2017); Loi n° 27 sur la langue des signes roumaine (2020); Décret n° 137 sur l'organisation, le fonctionnement et attributions les de certaines structures au sein de l'organigramme du gouvernement (2020); Projet de loi sur le Statut d'autonomie du Pays sicule (2020, non adopté).
Lois à portée linguistique (justice):  Loi n° 36 sur les notaires en droit public et les activités notariales (1995-2018); Loi n° 35 sur l'organisation et le fonctionnement de l'institution de l'Avocat du peuple (1997); Loi n° 218 sur l'organisation et le fonctionnement de la police roumaine (2002-2020); Loi n° 304 sur l'organisation du système judiciaire (2004); Code pénal (2009); Code de procédure pénale (2010); Code de procédure civile (2010-2016); Code de procédure administrative (2012).
Lois diverses à portée linguistique: Loi n° 21 sur la nationalité roumaine (1991-2010); Loi n° 75 sur le lever du drapeau roumain, l'hymne national et l'usage des sceaux avec les armoiries de la Roumanie par les autorités et les institutions publiques (1994); Loi n° 41 sur l'organisation et le fonctionnement des sociétés de radiodiffusion roumaines et des sociétés de télévision roumaines (1994-2017); Loi n° 84 sur l'éducation (1995, abrogée); Loi n° 119 sur les actes d'état civil (1996-2013); Loi n° 84 sur les marques et indications géographiques (1998-2020); Loi n° 188 sur le statut des fonctionnaires (1999)Loi n°148 sur la publicité (2000); Loi n° 544 sur l'accès à l'information d'intérêt public (2001); Loi n° 504 sur l'audiovisuel (2002); Loi n° 360 sur le statut de policier (2002); Code du travail (2003-2011); Loi n° 14 sur les partis politiques (2003-2015); Loi n° 340 sur le préfet et l'institution du préfet (2004-2009); Règlement d'application de la loi n° 84/1998 sur les marques et indications géographiques (2010)Loi n° 1 sur l'éducation nationale (2011); Loi n° 208 sur l’élection du Sénat et de la Chambre des députés, ainsi que sur l’organisation et le fonctionnement de l’Autorité électorale permanente (2015); Loi n° 115 sur l'élection des autorités de l'administration publique locale (2015); Loi n° 201 fixant les conditions de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes (2016); Règlement-cadre d'organisation et de fonctionnement des classes avec enseignement d'une langue vivante en régime intensif, respectivement bilingue dans les établissements d'enseignement préuniversitaire (2017); Code administratif ( 2019); Règlement d'organisation et de fonctionnement du Conseil local (2021); Règlement de la Chambre des députés (2021).

1 Situation géographique

D'une superficie de 237 500 km² (Royaume-Uni : 244 820 km²), la Roumanie (ou România en roumain) est limitée au nord par l’Ukraine, à l’est par la Moldavie et la mer Noire, au sud par la Bulgarie et à l’ouest par la Serbie et la Hongrie.

Afin d’aider à comprendre la partie historique qui suit, on peut consulter une carte représentant les huit provinces historiques de la Roumanie: la Bucovine, la Moldavie (à ne pas confondre avec la république de Moldavie à l'est), la Dobroudja, la Munténie, l’Olténie, la Transylvanie, le Banat et le Crisana-Maramures. Aujourd’hui, il est plus pertinent de ne retenir que quatre grandes divisions territoriales (macro-régions): la Transylvanie, la Sévérine, la Moldavie-Bas-Danube et la Munténie. La Moldavie, la Munténie et la Transylvanie existent depuis le Moyen Âge, alors que l’Olténie, le Banat et la Bucovine sont issus des grands bouleversements qui ont eu lieu au XVIIIe siècle; le territoire de la Crisana-Maramures correspond actuellement à une délimitation administrative. La Roumanie a aussi fait partie du «Bloc de l'Est» communiste.

1.1 Les départements

Le territoire de la Roumanie est partagé présentement en 41 judeţe, excluant la ville de Bucarest (voir la carte des départements). Le terme roumain județ ou județe au pluriel, est issu de l'ancien roumain "Жуδε" ("jude") signifiant «juge», mot qui vient du latin médiéval «judex», lui-même provenant du latin judicium. C'était donc une juridiction qui pouvait rendre la justice. L'équivalent français de judet pourrait être «département».

En ce qui concerne les départements, leurs pouvoirs qui leur sont dévolus sont d'ordre administratif. Il existe un palier décisionnel, le Conseil départemental qui est responsable de l’application de certaines activités telles que le développement économique et social, le patrimoine, la justice et la sécurité publique, les relations interinstitutionnelles, le développement durable, etc.

1.2 Villes et municipalités

Au plan local, la loi roumaine distingue les communes (comună/comunele), les villes (oraș/oraşele), les municipalités (municipiu/municipii). Une municipalité (du latin municipium) est une unité administrative territoriale; ce statut est accordé aux grandes villes, à fort degré d' urbanisation, avec une population relativement importante et généralement supérieure à 15 000 habitants, avec un rôle économique, social, politique et culturel important. Quant à l'octroi effectif du statut de commune, elle se fait par arrêté, car il ne suffit pas de répondre à des critères stricts. La commune n'a pas d'autres subdivisions administratives, même si officieusement les plus grandes communes sont divisées en quartiers. En fait, les localités qui ne répondent pas à un ou plusieurs de critères d'une commune sont classées comme des villes ou si elles ne sont pas urbanisées comme des communes.

Toutes ces entités ont un conseil local constitué de conseillers dont les sièges sont répartis à la proportionnelle, les partis étant les mêmes qu’aux niveaux national et départemental; le nombre de sièges est proportionnel à la population. Tandis que le conseil local tient lieu de pouvoir législatif, une mairie détient le pouvoir exécutif.

2 Données démolinguistiques

La population du pays est multiethnique, même si les Roumains d’origine représentent quelque 90 % des habitants et parlent le roumain, une langue romane comme l'italien, le français, l'espagnol, le portugais, etc. Les locuteurs du roumain sont majoritaires à Bucarest et dans 39 départements sur 41. Ils ne sont majoritaires entre 50 % et 80 % que dans les départements suivants: Bihor, Cluj, Mureş, Satu Mare et Sălaj. Les roumanophones ne représentent moins de 50 % de la population que dans deux départements: Harghita (14,1 %) et Covasna (23,2 %). 

2.1 Une langue latine distinctive

Si le roumain est une langue d'origine latine (langues romanes), il a au cours des siècles perdu son aire géographique continue avec les autres langues romanes. En effet, le roumain s'est retrouvé en grande partie enclavé par les langues slaves, le hongrois étant  une exception, notamment par l'ukrainien au nord, le serbe et le bulgare au sud, mais les autres langues ne furent jamais très loin: macédonien, monténégrin, croate, slovène, slovaque, polonais, tchèque, biélorusse et russe. À l'est de la Roumanie se trouve le hongrois, une langue ouralienne, qui a longtemps exercé une grande influence dans le pays.

Bref, la langue roumaine fut radicalement coupée des autres langues romanes avec le résultat qu'elle a évolué un peu différemment, des autres langues latines : non seulement le roumain a conservé davantage d'éléments grammaticaux du latin d'origine, mais il a subi des influences slaves, turques ottomanes, hongroises et grecques que les autres langues romanes n'ont pas connues.  

Il en est résulté une langue romane différente des autres en dépit d'un fonds commun d'origine latine, dont en voici quelques exemples écrits :

Latin

Français

Roumain

Italien

Espagnol

Occitan

Catalan

Portugais

nocte

nuit

noapte

notte

noche

nuèit

nit

noite

cantare

chanter

cânta (cînta)

cantare

cantar

cantar

cantar

cantar

capra

chèvre

capra

capra

cabra

cabra

cabra

cabra

lingua

langue

limbǎ

lingua

lengua

lenga

llengua

lingua

platea

place

piaţǎ

piazza

plaza

plaça

plaça

praça

pons

pont

pod

ponte

puente

pònt

pont

ponte

hospitalis

hôpital

spital

ospedale

hospital

espitau

hospital

hospital

Comme c'est souvent le cas pour les langues romanes, beaucoup de mots issus du latin sont les mêmes d'une langue à l'autre, bien que des différences lexicales puissent subsister parmi ces langues. Par exemple, le mot latin ripa a donné «rive» en français, «riva» en italien, «rio» en portugais, mais on a banc en catalan, banco en galicien et bancă en roumain.  Manifestement, il s'agit là de termes d'une origine différente. En roumain, environ 60% des mots sont d'origine latine.

Là où les différences sont les plus fréquentes, ce sont les prononciations et les éléments grammaticaux, qui sont rarement identiques entre les langues. Au-delà des ressemblances lexicales évidentes, le roumain a conservé du latin des éléments grammaticaux que, par exemple, le français et les autres langues ont délaissés, dont la déclinaison et le genre neutre.

- La déclinaison

Nominatif Masc.
Fém.
Le garçon attend
La fille attend
Băiatul așteaptă
Fata așteaptă
Génitif Masc.
Fém.
Le ballon du garçon
Le ballon de la fille
Minge băiatului
Minge fetei
Datif Masc.
Fém.
Je parle au garçon
Je parle à la fille
Vorbesc cu băiatul
Vorbesc cu fata.
Accusatif Masc.
Fém.
Je regarde le garçon
Je regarde la fille
Mă uit la băiat
Mă uit la fată.
Vocatif Masc.
Fém.
Garçon!
Fille!
Băiat!
Fiică!
En roumain, la terminaison des noms et des adjectifs change selon leur fonction dans la phrase. Cette langue compte cinq cas : nominatif (sujet), génitif (complément de nom), datif, accusatif (complément d’objet direct et la plupart des compléments d’objet indirect et circonstanciels avec préposition) et vocatif.  Si toutes les langues romanes sont dites flexionnelles, le roumain l'est encore davantage: les mots changent de forme en fonction de leur rapport grammatical aux autres mots de la phrase. Pour désigner la fonction de complément d’objet indirect ou de complément du nom, un mot roumain a une désinence spécifique, respectivement le datif, le génitif ou l'accusatif. Pour certains mots, le vocatif est aussi employé afin d’exprimer une apostrophe. Ce fort emploi des déclinaisons distingue le roumain des autres langues romanes, avec lesquelles il n’a que peu été en contact au cours des siècles.

Les langues romanes (portugais, espagnol, français, italien, etc.) ont vu la simplification de leur système de déclinaisons au profit d’autres stratégies, notamment l'emploi des prépositions (avec, de, à, par, dans, en, pour, sur, vers, etc.) qui existent aussi en espagnol, en portugais, en catalan, etc.

- Le genre neutre

De plus, la séparation spatio-temporelle des roumanophones a aussi valu au roumain de garder le genre neutre (issu du latin), en plus du masculin et du féminin. Le neutre roumain est assez similaire au neutre latin : il n’utilise pas de déterminant spécifique, mais fonctionne au singulier comme le masculin et au pluriel comme le féminin. En principe, le genre neutre correspond aux noms inanimés qui, au singulier, ont le genre masculin et au pluriel le genre féminin. Par exemple, on a en roumain le mot lucru («chose») au singulier est semblable au masculin, mais au pluriel lucruri («choses») est de genre féminin. De même le mot scaun («chaise») fait au pluriel scaune («chaises»).

- Le déterminant postposé

Au lieu de séparer le déterminant du nom, le roumain attache le premier à la fin du second, un peu comme si on disait, au lieu de «le chien» en français, «chien-le». Voici quelques exemples avec le nominatif, tout en remarquant que le déterminant est postposé:

Masculin le garçon, l'arbre
les garçons, les arbres
băiatul, copacul
băieții, copacii
Féminin la fille, l'oiseau
les filles, les oiseaux
fata, pasărea
fete, păsări
Neutre la route, l'exemple
les routes, les exemples
drumul, exemplul
drumuri, exemple
À la fin d’un nom commun roumain, comme en français, on trouve la marque du pluriel, mais aussi la marque de l’article défini : en français, on écrit un garçon en en roumain unbăiat, mais le garçon se dit băiatul avec l'article postposé. Pour le pluriel, la marque de l’article défini s’ajoutera au pluriel indéfini : des garçons se dit băieți et les garçons se dit băieții.

Dans les langues romanes, les déterminants sont normalement placés devant un nom, mais en roumain, comme nous le savons, les déterminants sont placés après et prennent des formes différentes selon que le déterminant est défini ou indéfini. En voici des exemples avec les mots pantof («chaussure») et perete («mur»):

  Déterminant défini Déterminant indéfini
Singulier pantoful (= la chaussure) un pantof (= une chaussure)
Pluriel pantofii (= les chaussures) doi pantofi (= deux chaussures)
  Mot se terminant par -e  
Singulier peretele (= le mur) un perete (= un mur)
Pluriel pereții (= les murs) doi pereți (= deux murs)
- une tulipe : o lalea,
- la tulipe : laleaua,
- des tulipes : lalele,
- les tulipes: lalelele,
- deux tulipes : două lalele
- deux garçons : doi băieți
- deux filles : doua fete
Les marques du pluriel et de l’article défini varient en fonction du genre du nom, (masc., fém., et neutre), ce qui donne des résultats inattendus pour une langue romane. Dans les exemples, ci-dessous, le mot lalea («tulipe) est neutre, băiat («garçon») est masculin et fată («fille») est féminin.

On peut constater aussi que le numéral deux s'accorde en roumain: două lalele (neutre), doi băieți (masc.) et doua fete (fém.).

Évidemment, ces exemples ne prétendent pas expliquer toute la grammaire roumaine, car ils servent uniquement à montrer que le roumain se présente un peu différemment des autres langues romanes. Bien que le roumain ait été tenu éloigné de ses cousines romanes, cela ne l’a empêché de suivre le même développement qu’elles, mais avec des différences notables. De plus, le roumain fut enclavé par les langues slaves et le hongrois, dont la grammaire est fondée sur les déclinaisons. Cependant, leur influence n’a pas conduit à leur disparition en roumain, mais plutôt à une évolution particulière depuis le latin d'origine.

Il faut aussi considérer que chacune des nombreuses langues romanes a subi des influences phonétiques et lexicales plus ou moins différentes au cours de leur histoire. Par exemple, le français doit ses différences à l'influence du francique des Francs, l'Espagne à celles des Wisigoths et des Arabes, l'Italie à celle des Ostrogoths, mais le roumain a subi l'empreinte des Slaves, alors que le turc ottoman, le grec, le hongrois, l'albanais et l'allemand ont également été d'importantes sources d'emprunts de mots. Par rapport aux autres langues latines, telles que l'italien, l'espagnol, le portugais ou le français, le roumain diffère donc en raison des influences slaves, des particularités grammaticales et des mutations phonétiques multiples.

- L'orthographe et l'alphabet

Quant à l'orthographe du roumain, sur la base de l'alphabet latin, elle diffère totalement du français, puisqu’à l'instar de celle de l'italien, elle est phonétique : à chaque phonème correspond une lettre. Les mots se prononcent exactement comme ils s’écrivent, ce qui, par exemple, est loin d’être le cas du français ! Pour des phonèmes que d'autres langues écrivent avec plusieurs lettres, le roumain utilise des signes diacritiques tels que ă (= ë dans que), â (proche du i français), î (remplace le â en début de mot), ș (= ch) et ț (= ts). Ce sont cinq lettres latines auxquelles on a ajouté ce qu'on appelle en français un accent ou une cédille. Cependant, il existe quelques exceptions : les phonèmes [ke], [ki], [ge] et [gi] s'écrivent comme che, chi, ghe et ghi, c'est-à-dire trois lettres pour seulement deux phonèmes.

L'alphabet cyrillique a été employé en roumain jusqu'en 1865, mais il ne correspondait pas au cyrillique moldave de la Moldavie. L'Église orthodoxe roumaine n'a abandonné l'alphabet cyrillique qu'en 1881, soit après l'indépendance de la Roumanie et la libération de la Bulgarie. L'alphabet cyrillique a été utilisé en Moldavie (République socialiste soviétique) après la Seconde Guerre mondiale et jusque dans les années 1990. Aujourd'hui, seule la Transnistrie séparatiste continue d'employer l'alphabet cyrillique pour le roumain.

2.2 Les variétés roumaines

Aujourd'hui, toutes les langues roumaines (roumain standard, moldave, aroumain ou macédo-roumain, istro-roumain, mégléno-roumain, transylvain, etc.) sont parlées dans une aire linguistique (voir la carte spécifique et les explications à ce sujet) située plus ou moins autour de la Roumanie. Il faut retenir que le roumain a été très tôt influencé par les langues slaves et par la proximité des cultures byzantine et orthodoxe. Ainsi, le roumain revêt une apparence conservatrice par rapport au latin, mais avec des innovations et des originalités importantes. Cela dit, on distingue les variétés suivantes:

1) Les variétés septentrionales : le daco-roumain (qui est devenu le roumain officiel et le moldave officiel) ainsi que l'istro-roumain (considéré comme éteint†). Il s'agissait d'une langue intermédiaire entre le romanche, le ladin et le frioulan des Alpes, et les langues latines orientales tels le daco-roumain, l'aroumain et le mégléno-roumain.

Le daco-roumain constitue la variété la plus importante parmi les langues roumaines. Il est localisé dans l'actuelle Roumanie, en Moldavie et dans les zones limitrophes de la Serbie, de la Bulgarie, de la Hongrie et de l'Ukraine. Le daco-roumain est généralement fragmenté en deux grandes variétés dialectales: le moldave (à l'est et dans quelques enclaves en Ukraine) et le transylvain (à l'ouest). Toutefois, d'autres découpages sont possibles où ces dialectes empruntent leurs noms à diverses régions de la Roumanie: Maramures, Crişana, Banat, Monténie, Olténie. Ainsi, les variétés septentrionales ("graiurile nordice") comprennent le maramuréchois ("Maramuresean"), le transylvain ("Ardelenesc"), le moldave ("Moldovenesc") et le banatéen ("Banatean").

Les différences linguistiques sont peu importantes et tous les locuteurs se comprennent aisément. Un mot sur le transylvain; parmi les quelque 7,7 millions de Transylvains, plus de 5,6 millions (72,7 %) parlent le transylvain; cette variété est parlée quasiment par tous les roumanophones transylvains, même par les enfants qui n'apprennent le roumain littéraire qu'à l'école. Il n'y a que les gens d'origine moldave ou valaque qui ne parlent pas le dialecte transylvain.

Quant à l'istro-roumain, il est aujourd'hui disparu, car le dernier locuteur est décédé en 2006. Il a été pratiqué au cours de la dernière décennie par un millier de locuteurs dans la région de Učka Gora (Slovénie).

2) Les variétés méridionales : les variétés méridionales ("graiurile sudice") comprennent le monténien ("Muntenesc"), l'olténien ("Oltenesc") et le dicien ("Dician"). Le valaque set de base à la langue littéraire au sud). †

On distingue une variété de roumain parlée plus au sud de la Roumanie, notamment en Bulgarie, en Macédoine, en Albanie et en Grèce : il s'agit de l'aroumain, du mégléno-roumain et du macédo-roumain.

L'aroumain est une langue apparentée au roumain, mais il n'est intelligible qu’à 20 % tout au plus pour un locuteur du roumain (daco-roumain) et réciproquement. Cette langue est parlée par environ 250 000 locuteurs au nord de la Grèce, au sud de l'Albanie, à l'est de la Serbie, en Bulgarie et en république de Macédoine. L'aroumain est appelé familièrement macédo-roumain en Roumanie, mais il n’est ni officiel ni reconnu par les scientifiques.

Quant au mégléno-roumain, il est parlé par une communauté musulmane d'environ 15 000 locuteurs localisés au nord-est de Salonique (Grèce) et au sud de la Bulgarie.

Pour ce qui est du macédo-roumain, il s'agit de l'aroumain parlé en Macédoine, ce qui implique des variantes très mineures entre l'aroumain et le macédo-roumain.

En daco-roumain, les différences régionales sont faibles et n’empêchent aucunement une totale compréhension mutuelle. Les différences entre ces variétés régionales sont extrêmement mineures: elles consistent essentiellement à quelques dizaines de mots régionaux et quelques différences d'ordre phonétique. On estime qu'environ 4% du lexique serait différent entre la Transylvanie, la Moldavie (y compris la Moldavie occidentale roumaine) et la Valachie. Voici quelques exemples, fournis par M. Spiridon Manoliu, et préconisés par la république de Moldavie (pour la variété moldave):

Français Transylvain Valaque Moldave
chou Varză Varză Curechi
serviette de toilette
(«débarbouillette», en français québécois
Stergar ou prosop Prosop Stergar
dispute Ceartă ou sfadă

Ceartă

Sfadă

jeune June Tânăr Tânăr
massue Bâtă Bâtă ou măciucă Bâta
melon Pepene Pepene Harbuz
voix, parler (dialecte)

Cuvânt, grai ou vorbă

Cuvânt ou vorbă

Grai ou vorbă
neige Nea ou omăt

Zăpadă

Nea ou zăpadă
perceuse Burghiu Burghiu Sfredel
têtard Ghițălar Mormoloc Mormoloc

Phonétiquement, il existe aussi trois variétés différentes. Les locuteurs du daco-roumain se comprennent tous entre eux, mais ils reconnaissent immédiatement la région d’origine de leur interlocuteur. Cela étant dit, les régionalismes moldaves se retrouvent souvent en Transylvanie et inversement; par exemple, le mot omăt («neige») est même davantage employé en Moldavie plutôt qu’en Transylvanie ou, à tout le moins, la distribution géographique n’est pas si nette qu’on le croit. Quoi qu'il en soit, la correspondance entre les trois grandes régions historiques et les parlers roumains demeure approximative. De plus, les variétés valaques, devenues langues des médias, dominent en fait dans toute l’aire du daco-roumain, surtout chez les jeunes générations, et ce, malgré les efforts des autorités de Chisinau (Moldavie).

On compte des roumanophones non seulement en Roumanie, mais aussi en Moldavie (2,6 millions), au Kazakhstan (20 000), en Azerbaïdjan (1400), au Turkménistan (1900), en Ouzbékistan (4200), en Russie (178 000), en Ukraine (325 000), en Hongrie (8400), aux États Unis (300 000), au Canada (30 000), en Israël (250 000), ainsi qu'en Serbie (16 000), au Monténégro (4400), en Finlande (1000), en Australie (7700), etc. Ces roumanophones y ont une vie à part des Roumains du pays et tentent souvent de conserver leur langue et leur culture, sans pour autant accepter la domination de la Roumanie, comme «mère patrie».

2.3 Le roumain et le moldave

Le roumain et le moldave sont deux termes pour désigner la même langue daco-roumaine, dont l'une est parlée en république de Roumanie, l'autre en république de Moldavie. Voici à ce sujet un petit texte de M. Spiridon Manoliu permettant de comparer brièvement le roumain et le moldave:

Français Roumain Moldave

L'écrivain Vasile Stati, en comparant la langue académique standardisée, qu'il reconnaît comme roumaine, à une seule variété régionale, celle parlée en Moldavie roumaine et indépendante, qu'il définit comme «langue moldave différente du roumain», a publié un dictionnaire titré Roumain-moldave, mais qui est en fait "roumain-roumain", pour que les Moldaves puissent mieux séparer la langue roumaine littéraire qu'ils apprennent à l’école, de la langue familière parlée à la maison par la famille.

Scriitorul Vasile Stati, comparând limba academică standardizată, pe care o admite ca "română", cu o singură variantă regională, cea vorbită în Moldova românească si independantă, pe care o defineste ca "limba moldovenească, diferită de cea română", a publicat un dictionar întitulat "român-moldovenesc" dar de fapt "român-român", ca moldovenii să poată deosebi mai bine limba română literară pe care o învată la scoală, de limba de casă vorbită în familie. Cărturarul Vasile Stati, punînd fată în fată limba academică standardizată, pe care o primeste ca "română", si un singur grai regional, cel vorbit în Moldova românească si independantă, pe care îl priveste ca "limba moldovenească, separată de cea română", a dat la tipar un slovar "român-moldovenesc" pentru ca moldovenii să poată deosebi mai bine limba literară pe care o învată la scoală, de limba de casă vorbită în familie.

Il existe de très légères différences entre le roumain et le moldave, mais en général les Roumains ne distinguent le moldave que lorsque ses locuteurs emploient un mot russe là où eux-mêmes auraient employé un mot anglais ou français (par exemple, parahod au lieu de pachebot pour un «paquebot», ou samaliot au lieu d’avion). Il convient de savoir aussi que le roumain est davantage influencé par l'anglais que le moldave au point où certains linguistes n'hésitent pas à affirmer que le roumain actuel (le daco-roumain) s'apparenterait à un «anglo-valaque». Par exemple, le mot licenta (fr. «licence») désigne maintenant une «autorisation d'utilisation» (comme en anglais); le mot privata (fr. «toilette») a acquis le sens de «privée»; le mot ordinator (fr. «ordinateur») est devenu computer. Un atelier mecanic est devenu un car-service. On écrit maintenant match au lieu de meci et tramway pour tramvai, etc. 

Pour les autorités moldaves, tous ceux qui sont opposés à la «langue moldave» sont perçus comme des «agents de l'impérialisme culturel roumain». Compte tenu des tensions politiques, il paraît impossible d'en arriver à un consensus entre la Moldavie et la Roumanie. Chaque fois que le problème linguistique est discuté en Roumanie, le problème de la «bonne définition» ressurgit, d’autant plus que l’Académie de Bucarest (Roumanie) et l'Académie de Chisinau (Moldavie) sont en complet désaccord. Le gouvernement de la Moldavie encourage l'identité moldave et considèrent même l'identité roumaine comme étant l'expression de l'«expansionnisme roumain». Tant que ces tensions existeront, il ne sera pas possible d'en arriver à un compromis entre les deux pays.

2.4 Les minorités nationales

Il existe une quarantaine de minorités nationale en Roumanie, mais à quelques exceptions près, le nombre des membres de chacune d'elles se situe entre quelques centaines et moins de 50 000 locuteurs. Seuls les Hongrois (5,6%) et les Valaques (2,6%) dépassent les 100 000 locuteurs.

Groupe ethnique Population Pourcentage Langue maternelle Filiation linguistique Religion principale
Roumain 17 035 000 89,0 % roumain

langue romane

chrétienne
Hongrois (Magyar) 1 070 000 5,6 % hongrois langue ouralienne chrétienne
Valaque 507 000 2,6 % valaque langue romane chrétienne
Aroumain 49 000 0,25 % aroumain langue romane chrétienne
Ukrainien 45 000 0,23 % ukrainien langue slave chrétienne
Allemand 32 000 0,16 % allemand langue germanique chrétienne
Turc 24 000 0,12 % turc langue altaïque (turcique) islam
Russe 21 000 0,10 % russe langue slave chrétienne
Tatar 21 000 0,10 % tatar langue altaïque (turcique) islam
Moldave 19 000 0,09 % moldave (roumain) langue romane chrétienne
Rom/Tsigane des Balkans 19 000 0,09 % romani langue indo-iranienne chrétienne
Saxon transylvain 19 000 0,09 % allemand langue germanique chrétienne
Tatar de Crimée 18 000 0,09 % tatar de Crimée langue altaïque (turcique) islam
Serbe 16 000 0,08 % serbe langue slave chrétienne
Slovaque 12 000 0,06 % slovaque langue slave chrétienne
Chinois 10 000 0,05 % chinois mandarin famille sino-tibétaine religion ethnique
Rom/Tsigane des Carpates 9 600 0,05 % romani des Carpates langue indo-iranienne chrétienne
Bulgare 6 400 0,03 % bulgare langue slave chrétienne
Croate 4 700 0,02 % croate langue slave chrétienne
Britannique 3 900 0,02 % anglais langue germanique chrétienne
Français 3 800 0,02 % français langue romane chrétienne
Grec 3 200 0,01 % grec langue grecque chrétienne
Juif roumain 2 900 0,01 % roumain langue romane religion ethnique
Italien 2 500 0,01 % italien langue romane chrétienne
Polonais 2 200 0,01 % polonais langue slave chrétienne
Tchèque 2 200 0,01 % tchèque langue slave aucune
Nogaï 2 000 0,01 % nogaï langue altaïque (turcique) islam
Indien 1 500 0,00 % hindi langue indo-iranienne hindouisme
Arménien 1 200 0,00 % arménien isolat indo-européen chrétienne
Macédonien 1 100 0,00 % macédonien langue slave chrétienne
Gagaouze 1 000 0,00 % gagaouze langue altaïque (turcique) chrétienne
Juif de l'Est 600 0,00 % yiddish langue germanique religion ethnique
Autres 162 000 0,84 % - - -
Total 2021 19 127 800 100 % - - -