République slovaque

Slovaquie

(3) La politique linguistique slovaque à l'égard des minorités nationales

 

Rappel

Rappelons que les minorités nationales de la République slovaque constituaient, en 2001, environ 15 % de la population totale. Le gouvernement slovaque reconnaît 11 groupes ethniques: les Hongrois, les Tsiganes, les Tchèques, les Ruthènes, les Ukrainiens, les Allemands des Carpates, les Moraves, les Croates, les Polonais, les Bulgares et les Juifs.

Les langues en Slovaquie en 2001

Langues
Nombre
Pourcentage
Slovaque
Hongrois
Tsigane
Tchèque
Ruthène
Ukrainies
Allemand
Morave
Croate
Polonais
Bulgare
Juifs (yiddish)
Autres
Non identifiés

4 614 854
   520 528
    89 920
    44 620
    24 201
   10 814
     5 405
     2 348
        890
     2 602
     1 179
        218
     5 350
   56 526

85,8 %
  9,7 %
  1,7 %
  0,8 %
  0,4 %
  0,2 %
  0,1 %
  0,1 %
    0,02 %
    0,04 %
    0,02 %
      0,004 %
  0,1 %
 1,1 %

 

5 379 455

100 %

Source: Conseil de l'Europe, 2003.

1 La protection juridique

Les minorités nationales de la Slovaquie bénéficient de mesures de protection relativement élevées, que ce soit dans les droits constitutionnels, les droits et avantages reconnues par la législation ou les instances institutionnelles qui ont été créées dans le but de traiter des questions relatives aux minorités linguistiques.

1.1. Le rappel des droits constitutionnels

Il semble utile de rappeler les droits constitutionnels des groupes minoritaires en Slovaquie. Ainsi, l’article 12 de la Constitution déclare ce qui suit sur les libertés et droits fondamentaux (en quatre paragraphes):

Article 12

1) Les êtres humains son libres et égaux dans dignité et dans leurs droits. Les droits fondamentaux et les libertés sont inviolables, inaliénables, protégés par la loi, et ne peuvent être contestés.

2) Les droits fondamentaux et les libertés sont garanties sur le territoire de la république de Slovaquie à tous sans égard au sexe, à la race, la couleur de la peau, la langue, la croyance et la religion, la conviction politique ou autre, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à un groupe national ou ethnique, la propriété, la naissance ou toute autre position. Personne ne peut être désavantagé ou avantagé pour ces motifs.

3) Chacun a le droit de décider librement de sa nationalité. Toute influence sur cette décision et toute forme de pression visant à l’assimilation est interdite.

4) Personne ne peut être limité dans ses droits en raison de ses libertés et droits fondamentaux.

Quant à l’article 33 de la Constitution, il précise que «nul ne peut être pénalisé en raison de son appartenance à une minorité nationale ou à un groupe ethnique». Cependant, c’est l’article 34 qui traite plus spécifiquement des droits des minorités nationales de la République slovaque en leur reconnaissant le droit de recevoir une instruction dans leur propre langue, de l'utiliser dans leurs communications avec les diverses administrations et de participer aux délibérations sur toute affaire les concernant :

Article 34

1) L'épanouissement, notamment le droit d'avoir, en commun avec les autres membres d'une minorité nationale ou d'un groupe ethnique, sa propre vie culturelle, de diffuser et de recevoir les informations dans sa langue maternelle, de s'associer dans des associations nationales et de fonder et faire fonctionner des institutions éducatives et culturelles est garanti à tout citoyen de la République slovaque appartenant à une minorité nationale ou à un groupe ethnique. Les modalités sont fixées par la loi.

2) Les citoyens appartenant à une minorité nationale ou à un groupe ethnique bénéficient, dans les conditions fixées par la loi, en dehors du droit d'acquérir la langue officielle, également du droit:

a) de recevoir une instruction dans leur propre langue;
b) d'utiliser leur langue dans leurs rapports avec les administrations;
c) de participer aux délibérations sur toute affaire concernant les minorités nationales et ethniques.

[...]

Toutefois, l’exercice de ces droits ne peut porter atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Slovaquie, ce qui peut éventuellement réduire la portée de ces mêmes droits:

3) L'exercice des droits garantis par la présente Constitution aux citoyens appartenant à une minorité nationale ou à un groupe ethnique ne doit pas menacer la souveraineté et l'unité territoriale de la République slovaque ni avoir pour effet sa discrimination par rapport au reste de la population.

En fait, les Hongrois, qui n’étaient déjà pas favorables au démantèlement de la Fédération tchécoslovaque, se sont opposés à ces dispositions constitutionnelles qu’ils considéraient trop restrictives et ne garantiraient pas pleinement les droits des minorités.

1.2 La législation linguistique

Heureusement, le gouvernement slovaque a adopté une législation élaborée en matière de protection des langues des minorités nationales, notamment la Loi sur l'emploi des langues des minorités nationales (1999), mais aussi la Loi sur la radio slovaque (no 270/1993), la Loi sur la télévision slovaque (no 271/1993), la Loi sur les tribunaux et la magistrature (no 335/1991), la Loi sur la procédure civile (no 70/1992), la Loi sur la procédure pénale (no 158/1992), la Loi du Conseil national de la République slovaque du 7 juillet 1994 portant sur la désignation des municipalités dans les langues minoritaires (loi 191/1994), la Loi du Conseil national de la République slovaque sur l’état civil (no 154/1994), la Loi portant modification de la Loi sur le réseau des écoles primaires et secondaires (no 542/1999), etc.

Dans le passé, de nombreux Hongrois avaient accusé le gouvernement slovaque d’avoir non seulement limité l’emploi des langues minoritaires dans sa Loi sur la langue officielle de 2005 et de 2009, mais aussi d’avoir trahi ses promesses répétées d’adopter une autre loi linguistique destinée, cette fois-ci, à protéger les langues des minorités. Justement, le 10 juillet 1999, soit quatre ans plus tard, le gouvernement a fait adopter la Loi sur l'emploi des langues des minorités nationales, qui entrait en vigueur le 1er septembre de la même année. De toutes ces lois linguistiques, la plus importante semble être cette loi qui régit l'usage des langues minoritaires dans les communications officielles.

2 Les droits en matière de législature

Comme on le sait, la seule langue admise au Parlement est le slovaque, ce qui est conforme à l’article 6 de la Constitution et à l’article 1er de la Loi sur la langue officielle de 2009, qui déclare que le slovaque est la langue officielle sur le territoire de la République. La Loi sur la langue officielle fait obligation aux employés du gouvernement, dont évidemment les députés, d’utiliser le slovaque dans leurs activités officielles. Plus précisément, l’article 3 (par. 3) de la Loi sur la langue officielle édicte que toutes les lois du Parlement, tous les décrets du gouvernement et autres règlements doivent être rédigées dans la langue officielle. Par ailleurs, la loi no 270/1995 a modifié la Loi sur la langue officielle, et on peut lire cet article 3 (paragraphe 3):

Article 3

3) Dans la langue officielle:

a) sont publiés les lois, les actes gouvernementaux et autres textes juridiques d'application générale, y compris les règlements municipaux, les ordonnances et autres documents publics, en plus de certificats émis par les établissements d'enseignement qui font de la formation et de l'instruction dans les langues minoritaires ou dans une langue étrangère;

C’est pourquoi les débats parlementaires ne se déroulent qu’en slovaque et les lois ne sont rédigées qu’en cette langue.

Dans le cadre du système politique de pluripartisme, la Slovaquie autorise la formation de partis politiques «pluriethniques», ce qui permet aux membres des minorités nationales de participer activement à la vie politique du pays. Ces partis politique sont généralement bien organisés et font élire une quinzaine de personnes qui, cependant, doivent utiliser le slovaque au Parlement (Conseil national slovaque).

Par exemple, parmi les partis politiques des minorités nationales enregistrées par le ministère de l’Intérieur, mentionnons, pour les Tsiganes, le Parti pour l'intégration des Roms de Slovaquie (SIR), le Parti pour la protection des droits des Roms de Slovaquie (SOPR), l’Initiative civile des Roms de la République slovaque (ROISR), le Parti démocratique social des Roms de Slovaquie (SSDR), l’Union de l'initiative civile des Roms dans la République slovaque (UROI), le Congrès rom de la République slovaque, le Mouvement démocratique des Roms dans la République slovaque (DHR), le Parti des Roms de Slovaquie (République slovaqueOS), le Parti national rom (RNS), le Parti des démocrates roms dans la République slovaque (SRD), le Parti du travail et de la sécurité, l’Alliance démocratique des Roms dans la République slovaque, l’Intelligentsia rom pour la coexistence dans la République slovaque (RIS), le Mouvement démocratique chrétien rom dans la République slovaque (RKDH); pour les Hongrois, le Parti hongrois de la coalition (Magyar Koalíció Pártjá), le Mouvement populaire hongrois pour la réconciliation et la prospérité (Magyar Népi Mozgalom a Megbékélésért és Jólétért), le Parti civil libéral conservateur hongrois (Magyar Választási Konzervatív Liberális Polgári Párt); pour les Ruthéno-Ukrainiens, l’Assemblée démocratique Podduklianska (PDH). Ces partis politiques servent à promouvoir la cause et à défendre les intérêts de leur communauté respective.

Les membres des autres minorités ne sont pas nécessairement représentés au Conseil national, car il faut que leurs partis politiques, lors des élections législatives, obtiennent un nombre de voix suffisant pour entrer au Parlement (5 %). Toutefois, ils peuvent être représentés au plan local dans le cadre des élections communales : par exemple, la minorités hongroise est celle qui a fait élire le plus de «maires hongrois» (plus de 200). Par ailleurs, beaucoup de membres des minorités ont été élus maires ou conseillers municipaux en tant que candidats de divers partis politiques non fondés sur des bases ethniques.

3 Les droits en matière de justice

La législation slovaque a prévu plusieurs mesures juridiques en matière de justice à l’égard des minorités nationales. Selon la législation, les tribunaux doivent accepter l’utilisation de toute langue minoritaire, mais ce droit n’implique pas nécessairement que le juge devra comprendre les propos de l’accusé ou des témoins. Ce droit signifie que l’accusé peut demander les services d’un interprète lorsqu’il parle dans sa langue. L'article 5 de la Loi sur l’emploi des langues des minorités nationales ne prévoit aucune disposition en matière judiciaire, puisque «le droit d'employer la langue minoritaire dans la procédure judiciaire et autres domaines est réglementé par une autre législation».

Ainsi, les art. 2 et 18 de la Loi sur la procédure pénale de 2005 autorise le recours à un traducteur lorsqu'un justiciable déclare ne pas connaître la langue dans laquelle se déroule la procédure:

Article 2

Principes fondamentaux de la procédure pénale

20)
Si un accusé, son représentant légal, une victime, un témoin ou une personne concernée déclare ne pas connaître la langue dans laquelle se déroule la procédure, il a le droit de recourir à un interprète ou à un traducteur.

Article 28

Interprète et traducteur

1) S'il est nécessaire de traduire le contenu du témoignage ou de la personne visée à l'article 2.20 parce qu'un justiciable déclare ne comprendre ou ne pas parler la langue dans laquelle se déroule la procédure, il lui est assigné un interprète. Celui-ci peut être exceptionnellement un greffier.

2) Si un justiciable, en vertu de l'art. 2.20, choisit une langue qui n'est pas inscrite dans le registre des interprètes ou si la question est urgente que les interprètes inscrits sont inaccessibles, l'autorité judiciaire prend application de la loi ou requiert les services d'un interprète judiciaire afin que le justiciable puisse comprendre la procédure dans la langue officielle de l'État .

3) S'il est nécessaire de traduire des documents ou des témoignages, il est assigné un traducteur. Le paragraphe 2 s'applique en effectuant les changements nécessaires.

On trouve des principes juridiques similaires dans la Loi sur la procédure civile (loi no 70/1992), la Loi sur la procédure pénale (loi no 158/1992) et la Loi sur la structure du Conseil constitutionnel de la République slovaque, les affaires dont il est saisi et le statut des juges (loi no 38/1993). L'article 7.2 de la Loi sur la langue officielle de 2009 reconnaît aux minorités nationales le droit d'employer leur langue maternelle:

Article 7

L'emploi de la langue officielle dans la procédure judiciaire, la procédure administrative et devant les autorités d'application de la loi

1) Dans leurs communications mutuelles avec les citoyens et les tribunaux, la procédure judiciaire, la procédure administrative, la procédure devant les autorités d'application de la loi, les ordonnances et les procès-verbaux des tribunaux, des organismes administratifs et autorités d'application de la loi doivent être menés et publies dans la langue officielle.

2) Les droits des membres appartenant aux minorités nationales et aux groupes ethniques ou ceux des étrangers qui ne parlent pas la langue officielle, conformément aux règlements particuliers, demeurent intacts.

Le texte ne le dit pas clairement, mais il s’agit de communications orales, et ce, même si un justiciable connaît la langue officielle. La nouvelle Loi sur la langue officielle (art. 7) semble avoir davantage limité les droits des langues minoritaires, interdisant sans l’affirmer ouvertement l'emploi du hongrois ou de toute autre langue minoritaire dans presque tous les domaines publics. À l’article 5 (par. 2) de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (modifiée par les Protocoles 3, 5 et 8), on peut lire: «Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des motifs de son arrestation et de toute accusation portée contre elle.» Le paragraphe 3 de l’article 6 précise:

Article 6

3) Tout accusé a droit notamment à:

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend, et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui; [...]

e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience.

Il semble clair que le recours à un interprète soit la pratique courante lorsqu’un membre d’une minorité nationale veut s’exprimer oralement dans sa langue. Cependant, le juge n'est pas tenu de comprendre une autre langue que la langue officielle. Les membres des minorités ont le droit de s'exprimer dans leur langue, pas celui de se faire comprendre. Les frais encourus à toute partie qui emploie sa langue maternelle sont payés par l'État.

4 Les droits linguistiques en matière administrative

Les minorités nationales ont le droit constitutionnel d’utiliser leur langue dans leurs communications avec les autorités de l'État. Rappelons cet article 34 de la Constitution:

Article 34

Les citoyens appartenant à une minorité nationale ou à un groupe ethnique bénéficient, dans les conditions fixées par la loi, en dehors du droit d'acquérir la langue officielle, également du droit [...] d'utiliser leur langue dans leurs rapports avec les administrations.

En vertu de l'article 2 de la Loi sur l’emploi des langues des minorités nationales, tout citoyen appartenant à une minorité nationale a le droit reconnu de s’adresser par écrit aux organismes gouvernementaux et aux entités autonomes dans sa langue maternelle dans la mesure où sa communauté minoritaire représente au moins 20 % de la population totale d’une municipalité désignée par la loi.

Article 2

1) Les citoyens de la République slovaque, membres des minorités nationales et, de par les résultats du dernier recensement, représentent au moins 20 % de la population totale d'une municipalité peuvent employer la langue de la minorité au sein de cette municipalité dans leurs communications officielles.

2) La liste des municipalités est fixée par décret du gouvernement de la République slovaque, conformément au paragraphe 1.

3) Tout citoyen de la République Slovaque, membre d'une minorité nationale, a aussi le droit de soumettre par écrit une demande dans sa langue aux organismes administratifs et aux entités territoriales locales (ci-après mentionnés comme les «autorités publiques») dans une municipalité répondant aux conditions fixées par le paragraphe1. Les autorités publiques de cette municipalité, conformément au paragraphe 1, répondent à la fois dans la langue de la minorité et dans la langue officielle, à l'exception des documents publics.

4) Toute décision rendue selon la procédure administrative par les autorités publiques dans une municipalité donnée, conformément au paragraphe 1, est publiée, sur demande, à la fois dans la langue de la minorité en plus de la langue officielle. En cas de doute, le texte de la version publiée dans la langue officielle prévaudra.

5) Les autorités publiques situées dans les bâtiments d'une municipalité répondant aux conditions fixées par le paragraphe 1 sont également désignées dans la langue minoritaire.

6) Les entités administratives territoriales dans la municipalité répondant aux conditions fixées par le paragraphe 1 publient les formulaires officiels aux citoyens de leur juridiction dans la langue officielle et, sur demande, dans la langue de la minorité.

Le gouvernement slovaque aurait encouragé par toutes sortes de restrictions les unités administratives à éliminer notamment le hongrois. Les Hongrois n’utilisent plus le hongrois que lorsqu’un fonctionnaire de service est lui-même un Hongrois. Ne l’oublions pas, les employés de l’État ne sont pas tenus de connaître la langue des minorités.

Les organismes d'autonomie locale situés dans les municipalités désignées par la loi doivent fournir aux citoyens les formulaires officiels dans la langue officielle et, sur demande, également dans une langue minoritaire. En ce cas, le nom de l’entité administrative affiché sur les bâtiments publics sera aussi donné dans une langue de la minorité. Selon l’article 3 de la Loi sur l’emploi des langues des minorités nationales, le bilinguisme est étendu aux assemblées des organismes autonomes ainsi qu’aux conseil municipaux:

Article 3

1)
Les assemblées de l'autorité publique dans la municipalité répondant aux conditions fixées par le paragraphe 1 de l’article 2 peuvent aussi être conduites dans la langue de la minorité, moyennant l'accord de toutes les personnes présentes.

2) Le représentant de la municipalité dans la communauté minoritaire, conformément au paragraphe 1 de l'article 2, a le droit d'employer la langue de la minorité lors des assemblées tenues par cet organisme. La municipalité doit prévoir un service de traduction.

3) Tout document d’une communauté répondant aux conditions fixées au paragraphe (i) de l’article 2 peut être conservé dans une langue de la minorité.

En vertu du paragraphe 2 de l’article 4 de la Loi sur l’emploi des langues des minorités nationales, dans le territoire des municipalités répondant aux conditions fixées par la loi, toute information importante, notamment les avis publics concernant la sécurité et la santé, devra être affichée dans des endroits accessibles à la fois dans la langue officielle et dans la langue minoritaire.

Article 4

1) La municipalité peut, sur son territoire, conformément au paragraphe 1 de l'article 2, désigner les noms des rues et autres dénominations géographiques locales dans la langue minoritaire.

2) L'information importante, principalement les avis et les notes des services de santé, sont, dans la municipalité concernée par le paragraphe 2 de l'article 2, doit être affichée dans des endroits accessibles par le grand public à la fois dans la langue minoritaire et dans la langue officielle.

3) Les autorités publiques, dans une municipalité concernée par le paragraphe 1 de l'article 2, peuvent, dans le cadre de leur juridiction, fournir, sur demande, l'information en général par des règlements obligatoires dans la langue minoritaire.

Cependant, l’article 7 de la Loi sur l’emploi des langues des minorités nationales réaffirme le droit des Slovaques de ne connaître que la langue officielle:

Article 7

1) Les autorités publiques et leurs employés utilisent la langue officielle dans les communications officielles et peuvent recourir à la langue minoritaire selon les conditions prescrites par la présente loi et d'autres lois. Les autorités publiques et leurs employés ne sont pas tenus de recourir à la langue minoritaire.

2) Les autorités publiques d'une municipalité, conformément aux conditions exigées par le paragraphe 1 de l'article 2, fixent les conditions d'emploi de la langue minoritaire en vertu de la présente loi et d'autres lois.

Non seulement les fonctionnaires ne sont pas tenus de connaître une autre langue que le slovaque, mais les représentants de la population hongroise au sein des différents domaines de l’administration publique locale affirment que le personnel minoritaire aurait été progressivement réduit. Par exemple, alors que les Hongrois constituaient 10 % de la population totale de la Slovaquie, ils n’occupaient en 1992 que 6 % des postes de l’administration publique locale et seulement 3 % ceux au sein de l’administration centrale. Dans les 15 arrondissements habités par des Hongrois, aucune administration n’était dirigée par un fonctionnaire de nationalité hongroise. En 1995, les 17 fonctionnaires hongrois dirigeant les administrations de niveau inférieur ont été démis de leurs fonctions. Enfin, les divisions administratives ont été modifiées en 1996 et la population hongroise n'est maintenant majoritaire dans aucune des huit régions créés. Tous ces faits limitent considérablement les offres de service en une langue minoritaire.

En réalité, lorsque les membres des minorités habitent dans des municipalités où ils forment au moins 20 % de la population, les problèmes sont moins nombreux, car de nombreux fonctionnaires appartiennent eux-mêmes à des minorités. Cependant, des citoyens slovaques se seraient plaints d'obtenir difficilement des services en slovaque dans certaines municipalités hongroises.

Un autre cas concerne l’utilisation des patronymes et des toponymes. Le Parlement slovaque a adopté une recommandation du Conseil de l’Europe relativement à l’usage du hongrois dans les patronymes: un Hongrois a le droit de conserver son nom hongrois. L’article 1er de la Loi du sur la désignation des municipalités dans les langues minoritaires (loi 191/1994) précise que «dans les municipalités dans lesquelles les membres des minorités ethniques représentent au moins 20 % de la population (ci-après: la «municipalité»), la signalisation routière doit être indiquée de façon distincte dans la langue des minorités nationales, en indiquant le début et la fin de la localité»:

Article 1er

1)
Dans les municipalités dans lesquelles les membres des minorités ethniques représentent au moins 20 % de la population (ci-après: la «municipalité»), la signalisation routière doit être indiquée de façon distincte dans la langue des minorités nationales, en indiquant le début et la fin de la localité.

2) Les panneaux de signalisation visés au paragraphe 1 doivent être placés en dessous des panneaux de signalisation avec le nom de la localité, qui est toujours indiquée dans la langue officielle. (1)

3) La liste des dénominations des localités dans les langues minoritaires est annexée à la présente loi; les affiches dans les localités ont un caractère local.

4) Le ministère de l'Intérieur a prévu un règlementation pour les panneaux routiers contraignant à apposer des affiches à titre informatif dans les langues minoritaires des localités concernées, affiches qui diffèrent des panneaux routiers avec le nom de la municipalité.

Une recommandation du Conseil de l’Europe ayant trait aux panneaux signalétiques bilingues dans les municipalités à majorité hongroise a été agréée par le gouvernement. En novembre 1993, le gouvernement a en effet approuvé un projet de loi sur les noms de lieux non slovaques, qui permettait l'usage de toponymes pouvant être traduits du slovaque en hongrois dans les localités où les Hongrois représentaient 20 % au moins de la population. L'article 3a de la Loi sur la langue officielle de 2009 continue d’obliger les panneaux à porter des inscriptions en slovaque, mais il est possible en plus d'employer la langue des minorités:

Article 3a

L'emploi de la langue officielle dans le domaine des noms géographiques


Doivent être dans la langue officielle le nom des municipalités et de leurs places, les noms des rues, les toponymes et autres lieux publics, ainsi que les données sur les cartes de l'État, notamment les cartes des cadastres; la désignation des établissements et la désignation des rues et autres lieux et indications géographiques peuvent être dans les langues des minorités nationales au moyen de règlements particuliers.

Dans les municipalités fixées par la loi, les organismes administratifs locaux compétents doivent s’assurer que les établissements sont indiqués dans les langues minoritaires nationales par des panneaux routiers distincts. Ces organismes ont pris des mesures dans ce sens et veillent à ce que les établissements soient indiqués sur les routes dans les langues minoritaires nationales.

Enfin, la Loi sur la langue officielle, d'après les représentants hongrois, en violation du paragraphe 2b de l'article 34 de la Constitution slovaque, aurait «criminalisé» l'emploi du hongrois dans tous les contacts officiels, interdisant, par exemple, l'emploi de la langue maternelle entre un patient et un médecin hongrois. On comprend pourquoi les Hongrois se sentent niés dans leurs droits constitutionnels, notamment leurs droits d’être des citoyens égaux et non des citoyens de seconde classe. Ils affirment que le gouvernement utilise des mesures discriminatoires basées sur la connaissance de la langue officielle.

5 Les droits linguistiques en matière d’éducation

Les droits constitutionnels en matière d’éducation pour les minorités nationales sont clairement reconnus. Rappelons cet article 34 de la Constitution qui stipule que «les citoyens appartenant à une minorité nationale ou à un groupe ethnique bénéficient, dans les conditions fixées par la loi, en dehors du droit d'acquérir la langue officielle, également du droit [...] de recevoir une instruction dans leur propre langue».

Ces dispositions juridiques donnent le droit aux minorités nationales de se doter d’écoles ou de classes dans lesquelles la langue d’enseignement est une langue minoritaire, et ce, de la maternelle au secondaire. Ces écoles font partie du système d'éducation de la République slovaque et sont financées sur le budget de l'État. En dehors des écoles publiques, la loi autorise la création d'écoles privées et d'écoles religieuses financées également par l'État.

Mentionnons que la Loi sur l’emploi des langues des minorités nationales ne s’applique pas dans le domaine de l’éducation. Conformément aux dispositions fixées dans la Constitution, l’article 3 de la Loi sur le réseau des écoles primaires et secondaires (dite Loi sur les écoles ou loi no 29/1984 modifiée par des dispositions ultérieures) déclare ce qui suit:

Article 3

1) La formation et l'éducation sont dispensées dans la langue officielle. Les citoyens de nationalité allemande, bohémienne, hongroise, polonaise et ukrainienne (ruthène) jouissent du droit à l'éducation dans leur propre langue dans une mesure correspondant aux intérêts de leur développement national.

Autrement dit, ce ne sont pas toutes les minorités qui, dans les faits, bénéficient de ce droit constitutionnel à recevoir leur instruction dans leur langue. Le réseau d’éducation slovaque, dont font partie les écoles utilisant des langues minoritaires, comprend tous les niveaux d'instruction dans la langue maternelle des minorités, depuis l'école maternelle jusqu'à l'université. En général, les enfants appartenant à certains petites minorités ne seront tout simplement pas assez nombreux pour obtenir des écoles primaires et secondaires dans leur langue, voire des classes où l’on enseigne cette langue; que l’on pense aux Croates, aux Bulgares, aux Polonais, etc. Quand il est effectif, le droit à l’enseignement minoritaire dans les écoles (primaires et secondaires) peut s’appliquer de trois façons:

1) La langue minoritaire peut être utilisée comme langue d’enseignement: toutes les matières sont alors enseignées dans la langue maternelle des minorités, tandis que la langue officielle (slovaque) est enseignée comme matière obligatoire; ce sont surtout les Hongrois qui bénéficient de ce type d’enseignement.

2) La langue minoritaire peut être utilisée comme langue d’enseignement, mais seulement dans certaines matières, alors que le slovaque est enseigné dans les autres; il s’agit d’un enseignement dit bilingue; ce type d’enseignement est surtout offert aux enfants ruthènes, ukrainiens et allemands.

3) La langue minoritaire peut être enseignée comme matière particulière (langue et littérature), tandis que toutes les autres matières sont enseignées dans la langue officielle; par manque d’élèves, ce type d’enseignement est généralement offert aux enfants ruthènes, ukrainiens et allemands.

Ce sont les parents qui décident que leurs enfants iront ou non dans les écoles de la minorité ou les écoles dites bilingues, mais plusieurs parents ne demandent pas l’exemption réglementaire parce qu’ils jugent, par exemple, que la distance séparant leur lieu de résidence et l’école est trop éloignée. D’autres parents, issus de mariages linguistiquement mixtes, préfèrent envoyer leurs enfants à l’école slovaque dans l’espoir que leurs enfants trouveront de meilleures occasions pour se trouver du travail.

- Les écoles maternelles

En 1997, on comptait en Slovaquie dans les écoles maternelles minoritaires quelque 166 000 «Bohémiens» et 1100 Roms, 152 000 Hongrois, 12 000 Ruthènes, 159 Polonais, 85 Ukrainiens et 85 Allemands. Les minorités disposant proportionnellement le plus d’écoles maternelles sont les Hongrois, puis les Ruthènes et les Ukrainiens. En réalité, il existe autant sinon plus d’écoles dites «bilingues» que d’écoles «unilingues». L’un des objectifs du ministère de l'Éducation est de moderniser les écoles maternelles tsiganes (rom), l'accent étant mis sur l'éducation en langue slovaque et la création des conditions permettant d'instruire des enfants de cinq ou six ans, ainsi que des enfants en retard dans leur scolarité, en exploitant tous les moyens disponibles pour leur préparation à l'entrée dans les écoles primaires.

- Les écoles primaires

Au total, on dénombre plus de 622 000 élèves fréquentant les écoles primaires publiques de Slovaquie. Plus de 90 % de ceux-ci fréquent des écoles de langue slovaque. Environ 75 % des élèves hongrois vont dans les écoles où l’on enseigne leur langue maternelle, les autres 25 % devant pour diverses raisons fréquenter les écoles slovaques. On compte plus de 260 écoles de langue hongroise pour 52 000 élèves. Dans quelque 130 agglomérations à population hongroise majoritaire, il n’existe pas d’écoles de langue hongroise. Depuis de nombreuses années, le nombre d’écoles et de classes où l'enseignement est assuré en hongrois semble diminuer au lieu d’augmenter. En vertu de la législation en vigueur, la langue slovaque doit être enseignée comme langue seconde.

Les Ukrainiens (plus de 600 enfants) disposent, pour leur part, de 13 écoles primaires dont la langue d’instruction est l’ukrainien et de deux écoles bilingues (ukrainien-slovaque). L’une des difficultés majeures de cette communauté provient du fait que le nombre d’enfants inscrits en ukrainien ne soit pas toujours suffisant pour ouvrir une école, voire une classe, dans leur langue.

Pour les quelque 375 enfants ruthènes, les difficultés sont plus grandes, car ils ne disposent que d’une dizaine d’écoles primaires où seule la langue ukrainienne (non le ruthène!) est enseignée. Le problème dans ce cas n’est pas tellement l’enseignement de la langue qui est très près de l’ukrainien, mais l’enseignement de la religion qui est distincte: les Ruthènes sont de confession uniate, contrairement aux Ukrainiens qui sont, eux, de confession orthodoxe. Les Ruthènes demandent que leurs enfants bénéficient d’écoles bilingues où ils peuvent apprendre une heure ou deux par semaine l’histoire et la littérature dans leur langue maternelle, le ruthène au lieu de l’ukrainien. Or, les Ruthènes sont les seuls minoritaires à réclamer des écoles bilingues... et ils ne les obtiennent pas.

Les autres minorités obtiennent des classes où l’on enseigne la langue maternelle en tant que langue d’enseignement. C’est le cas pour les 1300 élèves bohémiens, 60 élèves polonais, 90 élèves allemands, etc. Pour les Tsiganes roms et bohémiens, la situation est plus délicate dans la mesure où les enfants de ces communautés ne fréquentent pas régulièrement leurs écoles. C’est pourquoi le ministère de l’Éducation tente de faire modifier progressivement certaines valeurs à l'intérieur des familles roms, de sorte que l'éducation devienne une valeur acceptée et une condition favorisant la résolution des problèmes sociaux, culturels et économiques. En général, la langue tsigane est utilisée comme «langue d'appui» dans les écoles maternelles et les écoles primaires préparatoires.

- Les écoles secondaires

Selon les statistiques officielles du gouvernement slovaque, on ne compterait que 68 000 élèves dans les 155 écoles secondaires publiques du pays. En principe, les conditions nécessaires pour l'instruction secondaire pour les élèves appartenant à une minorité nationale sont plus ou moins les mêmes que pour les Slovaques. On compte plus d’une dizaine d’écoles secondaires hongroises et huit écoles bilingues, ce qui correspond aux besoins de 75 % de la population hongroise (pour un total de 5200 élèves). Il faut ajouter aussi 21 centres de formation secondaire bilingues. Le plus grave problème des écoles secondaires hongroises semble être la connaissance déficiente des élèves pour le slovaque. Un autre problème viendrait du manque de manuels d’histoire en hongrois. Les représentants des écoles hongroises soutiennent que les manuels actuels présentent l’histoire de la Slovaquie de manière incomplète et tendancieuse, car les Hongrois sont «oubliés» et leur importance «considérablement diminuée».

En ce qui a trait aux Ukrainiens, la situation semble alarmante. La diminution du nombre des écoles primaires aurait eu des effets négatifs dans les écoles secondaires. Il n’y a que quelques écoles ukrainiennes (pour 130 élèves) et une seule en ruthène (67 élèves). Il y a des classes spéciales pour les élèves polonais et allemands.

Selon les associations minoritaires, le gouvernement préparerait une nouvelle loi scolaire qui pourrait avoir pour effet de réduire encore davantage leurs droits linguistiques en cette matière. En effet, le ministère de l'Éducation aura le droit de fixer les matières dans lesquelles les écoles des minorités pourront enseigner en langue maternelle et lesquelles devront être enseignées dans la langue officielle slovaque. Selon le projet de loi, l'histoire, la géographie et l'éducation physique, ainsi que toutes les matières spécialisées, devraient être enseignées dans la langue officielle du pays. Quoi qu’il en soit, le gouvernement slovaque a considérablement élargi les compétences du ministre de l'Éducation au détriment des administrations locales. Il en résulte que, dans la pratique, les représentants municipaux hongrois des agglomérations à majorité hongroise n’ont plus le droit d’intervenir dans la nomination des directeurs d’école. Ceci aurait permis la révocation de plusieurs directeurs d’école d’origine hongroise.

Enfin, en vertu de la Loi portant modification de la Loi sur le réseau des écoles primaires et secondaires (no 542/1999), la documentation officielle à l’intention des administrateurs, des parents et des enfants doit être bilingue. Ainsi, peut-on lire l’article 3 (section 11 a et 11 b de cette loi:

Article 3

11- a) La documentation pédagogique dans les écoles primaires et secondaires est établie dans la langue officielle. Dans les écoles où une langue minoritaire nationale est lange véhiculaire, cette documentation est bilingue, établie dans la langue officielle et dans la langue de la minorité nationale des intéressés.

b) Les bulletins scolaires des élèves des écoles primaires et secondaires sont établis dans la langue officielle. Les élèves des écoles primaires et secondaires dans lesquelles une langue minoritaire nationale est langue véhiculaire reçoivent des bulletins scolaires bilingues, établis dans la langue officielle et dans la langue de la minorité nationale des intéressés.

Les paragraphes 3 et 4 de la Loi sur la langue officielle de 2009 impose que tous les documents administratifs ou pédagogiques soient bilingues, en slovaque et dans la langue minoritaire:

Article 4

3) Tous les documents pédagogiques et autres documents dans les écoles et les établissements scolaires sont dans la langue officielle. Dans les écoles et les établissements scolaires où l'instruction et l'enseignement sont dans les langues minoritaires, la documentation pédagogique est bilingue, soit dans la langue officielle et dans la langue des minorités nationales. Dans les écoles et les établissements scolaires où l'instruction et l'enseignement sont dans les langues minoritaires, les autres documents sont bilingues, soit dans la langue officielle et dans la langue des minorités nationales.

4) Les manuels et les textes pédagogiques employés dans le système d'éducation de la République slovaque sont publiés dans la langue officielle, en plus des manuels et des textes éducatifs destinés à l'étude dans la langue des minorités nationales, des groupes ethniques et d'autres langues étrangères. Leur publication et leur emploi sont traités par des règlements particuliers.

- L’enseignement supérieur

En ce qui a trait à l’enseignement supérieur accessible aux minorités, la situation semble plutôt négative. Ainsi, dans le cas de la minorité hongroise, qui est de loin la communauté minoritaire la plus importante, les étudiants hongrois ne comptent que pour 4,7 % de l’effectif scolaire. Bien que les établissements d'enseignement supérieur de Hongrie accueillent depuis des années un nombre important d'étudiants hongrois de Slovaquie, la plupart de ceux qui font leurs études dans la mère patrie ne retournent pas dans leur pays natal. Il faut ajouter aussi le problème de la formation des enseignants hongrois. Présentement, il n'existe pas d'école autonome pour la formation des instituteurs hongrois. Même à la chaire de langue hongroise de l'université de Nitra, seulement 50 % des matières sont enseignées en hongrois. De plus, le nombre des étudiants diplômés ne remplace pas celui des enseignants prenant leur retraite. Enfin, selon le décret ministériel 41/1996, seuls les enseignants ayant fait leurs études dans une université slovaque peuvent dorénavant enseigner dans les écoles slovaques.

Il existe également une section de langue ukrainienne et ruthène à l’Université pédagogique de Presov, une en langue allemande et une autre en tsigane à l’université de Nitra.

6 Les droits linguistiques en matière culturelle

Le ministère de la Culture de la République slovaque distribue les subventions en matière culturelle afin de promouvoir les activités culturelles minoritaires et de développer leur identité. Depuis 1994, le ministère de la Culture négocie ces subventions sur la base d'accords avec les associations minoritaires, incluant non seulement les Hongrois, mais aussi les Ruthènes, les Ukrainiens, les Allemands, les Tsiganes, etc.

Des subventions gouvernementales sont disponibles pour entretenir un réseau de bibliothèques à l’intention des communautés minoritaires. C’est la minorité hongroise qui est la plus exigeante en cette matière. Les Hongrois disent manquer de livres en hongrois dans leurs bibliothèques et manquer aussi de librairies disposant de titres en hongrois. La situation est devenue compliquée depuis que les institutions culturelles sont placées sous la juridiction des municipalités. Or, de nombreuses localités contrôlées par les Hongrois n’offriraient pas de services culturels aux Slovaques. Pour cette raison, le gouvernement offrirait, selon les Hongrois, proportionnellement plus de subventions aux municipalités slovaques. Il n’en demeure pas moins que le ministère de la Culture slovaque subventionne l’édition de livres (une cinquantaine annuellement) à l’intention de quelques minorités nationales, notamment les Hongrois (24 titres).

En 1996, le ministre de la Culture a imposé de nouvelles restrictions à la langue hongroise. Au moyen d’une circulaire, il a ordonné à tous les musées des villes et villages hongrois de remplacer les inscriptions hongroises par des affiches bilingues en slovaque et en anglais.

Le gouvernement subventionne également des périodiques et magazines ainsi que des stations de radio et de télévision à l’intention des groupes minoritaires. Ces journaux, magazines et stations de radio-télé sont nombreux dans tout le pays et il en existe pour toutes les minorités. En ce qui a trait aux périodiques, le gouvernement accorde des subventions généralement à une vingtaine de périodiques minoritaires: six pour les Hongrois, deux pour les Ruthènes, trois pour les Tsiganes, un pour les Allemands, un pour les Tchèques, un pour les Moraves, un pour les Polonais et un pour les Juifs. Le montant des subventions allouées varie, selon le cas, de 350 000 CS (7400 $US) à 990 000 CS (20 900 $US). Toutefois, le gouvernement a mis en garde des directeurs de périodiques du fait que certaines revues ne respecteraient pas leur tâche fondamentale de développer la culture des minorités, car elles auraient plutôt un caractère politique, comme celui de favoriser l’intolérance envers leurs concitoyens slovaques. Selon les Hongrois, il s’agirait là de prétexte pour réduire les fonds alloués aux organismes culturels minoritaires. Évidemment, tous les groupes minoritaires disposent de journaux et magazines privés, de même que des stations de radio, ce qui ne semble pas constituer de problème dans l’immédiat, sauf pour les Ruthènes qui trouvent les services disponibles (radiotélévision) insatisfaisants.

Quant aux subventions gouvernementales consacrées à la culture, la situation semble se détériorer graduellement. Ainsi, alors qu’en 1993, au moment de l’indépendance de la Slovaquie, le budget du ministère de la Culture alloué aux minorités était de 180 millions de couronnes slovaques (3,8 millions de dollars US), il passait à 140 millions CS (2,9 millions de dollars US) en 1994, puis à 58 millions CS (1,2 million de dollars US) en 1995. Pire, 46 % de cette somme, soit 27 millions CS, (571 525 $US) aurait été consacrée à d’autres fins que celles prévues au soutien aux minorités, notamment à des projets visant à promouvoir la culture slovaque.

Le paragraphe 7 de l'article 5 de la Loi sur la langue officielle prescrit que les inscriptions sur les monuments, les mémoriaux et les plaques commémoratives doivent être rédigées dans la langue officielle:

Article 5

7) Les inscriptions sur les monuments, les mémoriaux et les plaques commémoratives doivent être rédigées dans la langue officielle. Si un texte dans une autre langue est présenté, la version en langue étrangère doit suivre le texte de la langue officielle et être sensiblement identique avec le libellé de la langue officielle. Le texte d’une autre langue doit aussi être de la même taille ou plus petit que le texte de la langue officielle. Le requérant est tenu de demander au ministère de la Culture un avis contraignant concernant l'inscription sur un monument, un mémorial ou une plaque commémorative, en conformité avec la loi. Cette disposition ne s'applique pas aux inscriptions apparaissant sur les monuments, les mémoriaux et plaques commémoratives historiques, qui sont protégés par une législation spéciale.

Cette disposition de la loi a entraîné une controverse, car elle s'applique également aux monuments et aux plaques commémoratives existants qui, selon la minorité hongroise, serait un exemple d'opération rétroactive de la loi. Les minorités craignent que cette disposition entraîne d'énormes dépenses — les inscriptions en langue étrangère sur les monuments devant être accompagnés d'une version slovaque de la même taille ou d'une taille plus petite —  pour les autorités locales et qu'elle porte atteinte aux droits d'auteur de leurs créateurs. Le ministère de la Culture ne doit pas superviser l'emploi des langues sur les inscriptions historiques placées sur des objets de valeur culturelle, particulière les objets vieux de plus de cinquante ans.

Toute formule d'accompagnement lors des manifestations culturelles destinées aux minorités nationales doit être fournie également dans la langue officielle chaque fois que cela est un événement ouvert au public; la non-admission d'une personne à un événement public en raison de sa nationalité est irrecevable en vertu de la Constitution slovaque et une forme de discrimination interdite par la loi.

Dans l’ensemble, plusieurs groupes minoritaires, surtout depuis le 1er janvier 1997, craignent de se voir leurs institutions se faire imposer de lourdes amendes en vertu de la Loi sur la langue officielle de 1995. Ils craignent que le gouvernement ne se serve de la loi pour réduire l’influence de leurs journaux et magazines. Mais ce n'est pas ce qui s'est produit. Le cabinet slovaque a même approuvé une loi préliminaire sur «la protection de la République», ce qui pourrait étouffer plusieurs médias reconnus coupables d’avoir véhiculer de «fausses informations».

Un autre problème est venu perturber le gouvernement slovaque: le cas des Ruthènes. Ceux-ci exigent du gouvernement slovaque de reconnaître leur nationalité comme étant distincte de celle des Ukrainiens. C’est pourquoi ils demandent des services différents des Ukrainiens. Le gouvernement ne semblait pas s’y opposer jusqu’à ce que les associations ukrainiennes interviennent. Même le gouvernement ukrainien voit dans ces efforts de la Slovaquie de reconnaître la nationalité ruthène comme une intervention anti-ukrainienne. Les Ukrainiens affirment, pour leur part, que les Ruthènes constituent une partie de leur ethnie et de la nation ukrainienne, et que les Ruthènes parlent un «dialecte ukrainien».

7 Les médias

Les conditions nécessaires à la préservation de l'identité culturelle de personnes appartenant à des minorités nationales sont également assurées par les médias, notamment à la Radio slovaque et à la Télévision slovaque. L'accès des membres d’une minorité nationale aux médias est garanti par la législation et appliqué dans la pratique. C'est l’un des moyens actuels assurant la préservation de l'identité culturelle, de la langue et des coutumes des minorités nationales individuelles.

En vertu de la Loi sur le fonctionnement de la radio et de la télévision (loi no 268/1993), les exploitants sont légalement obligés «de réaliser ou de faire réaliser une partie importante de leurs programmes de façon à préserver l'identité culturelle de la nation, des minorités nationales et des groupes ethniques». L’article 6 de la Loi sur la radio slovaque (loi no 255/1991) précise le rôle de la radio d’État:

Article 6

La Radio slovaque exerce en particulier les fonctions suivantes:

d) elle contribue, au moyen de la radio, à la promotion de la culture nationale et des cultures des minorités vivant dans la République slovaque, et à la conciliation des valeurs culturelles des autres nations,

La Loi sur la télévision slovaque (loi no 254/1991) prévoit des dispositions similaires:

Article 6

La Télévision slovaque exerce en particulier les fonctions suivantes:

j) elle contribue, au moyen de la télévision, à la promotion de la culture nationale et des cultures des minorités vivant dans la République slovaque, et à la conciliation des valeurs culturelles des autres nations,

En Slovaquie, la radiotélévision publique diffuse des émissions dans les langues des minorités nationales, y compris la diffusion en direct, sans l'obligation de fournir le texte dans la langue officielle. À l’heure actuelle, la Radio slovaque et la Télévision slovaque émettent en hongrois, en ukrainien, en ruthène, en allemand et en tsigane (rom). Sur le territoire de la Slovaquie, on peut également capter les émissions radiophoniques et télévisées provenant des stations étrangères voisines (à la fois publiques et privées).

Les émissions de la Radio slovaque destinées aux membres des minorités nationales et des groupes ethniques, auxquelles ont été affectées 26 412 642 couronnes (env. 560 000 $US) ont atteint un total de 2911 heures en 1997. Les émissions de la Télévision slovaque destinées aux minorités nationales et financées à hauteur de 9 626 000 couronnes (env. 203 760 $US) ont été de 48 heures au total en 1997.

En dehors des médias électroniques, un certain nombre de magazines et de publications non périodiques paraissent chaque année avec l'aide financière de l'État. Il existe des revues en tsigane (rom) tels que Roma, Luludi, en ruthéno-ukrainien (Nové Zitt'a, Druzno vpered, Veselka, Rusínska Obroda, Národné noviny, Rusín), en allemand (Karpatenblatt), en bulgare (Roden Glas), etc.

En somme, M. Vladimir Meciar, premier ministre de la République slovaque, avait raison de déclarer, le 26 juin 1997, ce qui suit:

Les droits de l'homme et du citoyen sont bien respectés en Slovaquie. Ils sont garantis par la jurisprudence, par les activités des autorités de l'État, par les tribunaux indépendants et par les garanties internationales. Les droits des minorités connaissent une protection particulière. Nous avons accepté le standard international des droits des minorités, la République slovaque a également ratifié la Convention-cadre pour la protection des minorités du Conseil de l'Europe. Nous exprimons nos regrets que cette convention ne puisse pas encore entrer en vigueur, car trop peu d'États l'ont ratifiée. Nous comprenons que le conflit dans les Balkans est perçu, de façon simplifiée, comme un conflit ethnique et qu'il a ainsi attiré l'attention sur la politique des minorités. Cependant, réduire le problème des minorités au seul aspect ethnique n'est pas correct. La protection des droits des personnes appartenant aux minorités nationales ne peut être confondue avec la protection du nationalisme des minorités, des efforts d'irrédentisme, du ghetto linguistique et de la séparation. L'examen de la protection des droits de l'homme et du citoyen ne devrait pas appliquer une mesure double. 

8 Les instances institutionnelles

La Slovaquie a créé des les instances institutionnelles destinées à traiter des questions relatives aux minorités linguistiques. L'institution du médiateur prévue par la modification de la Constitution du 22 février 2001 a été mise en place en avril 2002. dernier. Le poste de vice-premier ministre pour les droits de l'homme, des minorités et le développement régional, avec son Conseil consultatif pour les minorités et les groupes ethniques, a aussi été créé. Le poste de haut-représentant auprès du gouvernement pour la communauté des Tsiganes, créé en 1999, propose, coordonne et contrôle les activités relatives à cette communauté; il surveille également la mise en oeuvre des initiatives visant à assurer l'égalité des chances et l'insertion des citoyens d'origine tsigane dans la société; des documents décisifs sont issus de ses activités, dont la stratégie du gouvernement pour résoudre les problèmes de cette minorité.

La République slovaque accorde, au plan juridique, des droits linguistiques réels à ses minorités nationales. Ces droits semblent relativement étendus dans les domaines des écoles, des institutions culturelles et des médias (notamment en radio-télévision et journaux), mais particulièrement en éducation ils apparaissent partiellement réduits une fois transposés dans la réalité. Ces droits paraissent encore plus limités dans les tribunaux en raison du recours systématique à l’interprétariat, ainsi que dans les services gouvernementaux, lesquels sont limités aux membres d’une minorité représentant au moins 20 % de la population locale (municipalité).

Il est vraiment regrettable que la République slovaque ait de la difficulté à respecter ses engagements constitutionnels en matière de services gouvernementaux et d’éducation. La commission qui examine les conditions d’adhésion à l’Union européenne concluait dans un rapport que «la Slovaquie ne remplit pas actuellement les critères politiques de l'adhésion, à cause de l'instabilité de ses institutions, de leur faible enracinement dans la vie politique et des dysfonctionnements de sa démocratie». La commission note également «avec une vive inquiétude» l’attitude du gouvernement slovaque concernant «le respect des principes démocratiques, des droits de l'homme et des droits des minorités».

Ces piètres résultats provient notamment du comportement des principaux groupes concernés. D’une part, le gouvernement et la majorité slovaque se méfient parfois des Hongrois qui constitueraient pour eux une menace et représenteraient un risque de sécession, alors qu’ils résident si près de la frontière hongroise. D’autre part, les Hongrois auraient toujours méprisé les Slovaques (lorsqu’ils faisaient partie de la Tchécoslovaquie) et redouté leur nationalisme jugé borné. D’ailleurs, du temps de la Tchécoslovaquie, les Hongrois n’apprenaient pas le slovaque mais le tchèque (même si la différence est minime). Aujourd’hui encore, ils semblent avoir beaucoup de difficulté à apprendre le slovaque. M. Homan Hof Bauer, un auteur slovaque, apporte ce témoignage à propos de l’attitude des Hongrois de son pays:

La minorité hongroise en Slovaquie est sans doute le seul groupe minoritaire qui croît en nombre et dont les membres luttent pour ne pas connaître la langue officielle du pays où ils vivent. Alors que, dans 80 communes de Slovaquie les enfants slovaques n'ont pas d'école slovaque, il y a des écoles hongroises! À l'heure où les journaux pour enfants et les périodiques culturels slovaques luttent pour survivre, 20 quotidiens et périodiques hongrois paraissent chez nous actuellement; aucun d'eux n'a de problèmes de survie.

Bref, il faudra sans doute beaucoup de temps pour apaiser les méfiances de part et d’autre. Jusqu’à récemment, la politique linguistique du gouvernement n’a eu pour effet que d’augmenter les tensions entre les principales communautés. De leur côté, les Hongrois devront apprendre à être plus réceptifs à l’égard des Slovaques et de la langue slovaque. Dans l’état actuel des choses, la situation semble relativement pourrie, mais la situation est peut-être en train de changer.

En effet, le gouvernement slovaque a signé (mais non ratifié), le 20 février 2001, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ce qui devrait favoriser l'importante minorité hongroise dans le pays, car c'est leur langue qui, parmi les neuf mentionnées, qui reçoit la plus grande protection. Selon le ministre des Affaires étrangères (Eduard Kukan) de la Slovaquie: «Cette décision renforce la position de la Slovaquie en ce qui concerne la mise en valeur des droits des minorités nationales.» N’oublions pas que le gouvernement de la Slovaquie a également signé (le 1er février 1995) et ratifié (le 14 septembre 1995) la Convention-cadre pour la protection des langues minoritaires, laquelle est entrée en vigueur le 1er février 1998.

Dernière mise à jour: 19 févr. 2024
  La Slovaquie  
(1) Informations préliminaires et dispositions constitutionnelles
(2) La politique de valorisation du slovaque
Loi sur la langue officielle (1995)
Loi sur l'emploi des langues des minorités nationales (1999)
Bibliographie

L'Europe

Accueil: aménagement linguistique dans le monde