Le joual au Québec

Le mot joual provient de cheval prononcé [jwal] comme en français du XVIIe siècle. Le terme joual est utilisé au Québec pour désigner globalement les différences ou écarts phonétiques, grammaticaux, syntaxiques et lexicaux (y compris les anglicismes) du français populaire canadien, soit pour les stigmatiser, soit pour en faire un symbole d'identité. Au point de vue historique, le «joual québécois» provient du français issu d'un mélange de français archaïsant, de français populaire et d'un certain nombre d'anglicismes. En ce sens, le joual est historiquement un «dialecte du français».

Les événements de la Révolution tranquille ont projeté à l'avant-scène la question linguistique au Québec, laquelle cessa d'être une question de langue pour devenir à la fois une question idéologique, démographique, scolaire, économique et politique. Dans les faits, les gouvernements ne sont pas intervenus dans le domaine linguistique, mais toutes les idées-forces d'une politique de la langue sont apparues à ce moment et ont préparé «l'époque des lois linguistiques» qui allait suivre.

La société québécoise traditionnelle avait pris du retard sur le reste du monde occidental et il lui fallait le rattraper. Au plan linguistique, cela s'est traduit par une recrudescence du purisme à l'égard du français, c'est-à-dire par un souci excessif de la pureté de la langue. Le français parlé au Québec paraissait tellement «arriéré», «dégradé» et «corrompu» par l'anglais qu'il était urgent de renouer le cordon ombilical avec la mère patrie (la France), seule force capable de faire échec à cette «contamination» endémique et de bloquer l'assimilation.

D'où le phénomène du «joual», dont le célèbre Frère Untel se fit le champion en 1960 dans Les insolences du Frère Untel. Le mot «joual» provient de la langue parlée populaire, alors que «cheval» est prononcé «joual». Le dictionnaire Le Robert définit ainsi «joual»:

Mot utilisé au Québec pour désigner globalement les écarts (phonétiques, lexicaux, syntaxiques; anglicismes) du français populaire canadien, soit pour les stigmatiser, soit pour en faire un symbole d'identité (cf. Franco-canadien, québécois). Des jouals. Parler joual ou JOUALISER v. intr. <conjug. : 1>. Personne qui joualise ou JOUALISANT, ANTE adj. et n. — Adj. JOUAL, JOUALE (parfois inv. en genre) « La langue jouale » (J.-P. Desbiens). « La grammaire joual » (R. Ducharme).
Le joual était pour le Frère Untel une «décomposition» qu'il considérait comme le symbole de l'aliénation collective des Québécois: «Cette absence de langue qu'est le joual est un cas de notre inexistence, à nous, les Canadiens français.» On allait retrouver le même discours pendant plus d'une décennie, comme en fait foi cet éditorial paru dans La Presse (Montréal) en 1973:
Si l'on entend par là un mélange d'anglais et de français largement farci de jurons ou d'expressions ordurières... on ne peut hésiter un instant. Il faut l'empêcher de triompher, car il s'agit alors d'un jargon pour initiés, d'un dialecte tribal quelconque qui ne saurait prétendre véhiculer une réelle culture. C'est un langage plus près de l'animal que de l'homme.

Au «joual-mépris», s'opposa le «joual-fierté» qui prenait ses racines dans la valorisation de la spécificité québécoise et exprimait à sa façon la contestation d'une société dépendante. Un courant littéraire important adopta même le joual comme instrument d'expression privilégié. Michel Tremblay, dramaturge québécois et auteur des Belles-Soeurs (une pièce écrite en joual), justifiait ainsi sa position (dans La Presse, Montréal, 16 juin 1973):   

On n'a plus besoin de défendre le joual, il se défend tout seul. Cela ne sert à rien de se battre ainsi. Laissons les détracteurs pour ce qu'ils sont: des complexés, des snob ou des colonisés culturels. Laissons-les brailler, leurs chiâlements n'empêcheront pas notre destin de s'accomplir. Le joual en tant que tel se porte à merveille; il est plus vivace que jamais...  Quelqu'un qui a honte du joual, c'est quelqu'un qui a honte de ses origines, de sa race, qui a honte d'être québécois.

La «crise» entre les tenants du français et ceux du joual a semblé prendre fin lorsque ces derniers ont fini par déposer les armes, mais elle témoignait éloquemment du sentiment d'aliénation collective propre à cette époque. 

Le joual du Québec a son pendant au Nouveau-Brunswick avec le chiac. Celui-ci est généralement perçu comme un symbole de l’aliénation linguistique reflétant le contact avec l’anglais, mais il constitue aussi une sorte de «ghetto linguistique» qui peut aller jusqu'à isoler les Acadiens des autres francophones. On ignore exactement l'origine du mot «chiac» : il pourrait provenir du nom de la ville de Shédiac au Nouveau-Brunswick ou du verbe «chier».

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