Déclaration de Ouagadougou

27 novembre 2004

Préambule

1. Nous, chefs d'État et de gouvernement des pays ayant le français en partage, réunis du 26 au 27 novembre 2004 à Ouagadougou, saluons la tenue, dans un pays africain, le Burkina Faso, du Xe Sommet de la Francophonie. Ce Sommet est le moment privilégié pour la communauté francophone toute entière de renouveler l'expression de sa solidarité avec le Continent africain.

2. Conscients des défis auxquels sont confrontés nos pays et rappelant notre détermination à contribuer, avec l'ensemble de la communauté internationale, au règlement des graves problèmes qui assaillent le monde mais aussi notre souci de définir ensemble des perspectives, nous avons décidé de consacrer ce Xe Sommet au thème de :

La Francophonie, espace solidaire pour un développement durable

3. Nous nous réjouissons de la nouvelle cohérence affichée par la communauté internationale, lors de ses différents Sommets, dans la poursuite du développement durable et la fixation des objectifs correspondants. Nous estimons qu'il est urgent de mettre en œuvre le consensus visant un financement largement amélioré du développement.

4. Nous réaffirmons que la pauvreté, source inévitable de conflits, doit être au cœur des préoccupations des États et gouvernements. Nous sommes convaincus que notre monde possède aujourd'hui les moyens et les ressources nécessaires pour l'éliminer.

5. Nous constatons que, pour parvenir à la réalisation des Objectifs de développement du Millénaire, dont celui de la réduction de moitié du nombre de personnes vivant dans la pauvreté d'ici à 2015, un changement d'attitude et la définition de nouvelles priorités s'imposent tant au Sud qu'au Nord. Nous en appelons, pour ce faire, à l'instauration d'un partenariat global visant à une mondialisation équitable et à un développement durable, à tous les niveaux : international, régional, national et local.

6. Nous constatons que la mondialisation a creusé les écarts économiques et sociaux entre les pays et en leur sein, et que les moins avancés peinent à profiter de la croissance mondiale et des nouvelles technologies. La Francophonie doit, à cet égard, participer de façon toujours plus forte et plus cohérente à l'effort général visant à créer les conditions qui donneront aux pays les plus pauvres et à leurs populations les moyens d'une insertion réussie dans le système économique mondial.

7. Attachés à la coopération multilatérale pour la recherche de solutions justes et durables aux grands problèmes internationaux, nous prenons l'engagement de rendre toujours plus efficaces le rôle et l'action de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) dans les enceintes internationales, en mettant en oeuvre le Cadre stratégique décennal adopté lors du présent Sommet.

8. Nous réitérons notre détermination, exprimée à Beyrouth lors de notre IXe Sommet, de faire en sorte que la Xe Conférence des chefs d'État et de gouvernement des pays ayant le français en partage marque une étape décisive dans la mise en œuvre du plan d'action de Johannesburg, notamment en ce qui concerne l'élaboration et l'application de stratégies nationales pour le développement durable.

[...]

5. Un développement attentif à la diversité culturelle et linguistique

63. Le plein respect et la promotion de la diversité culturelle et linguistique constituent l'un des piliers du développement durable en ce qu'il favorise notamment l'appropriation par les populations de connaissances et de modèles de développement respectueux des cultures.

64. Nous réitérons notre volonté de ne pas laisser réduire les biens et services culturels au rang de simples marchandises. Aussi, sommes-nous résolus à continuer de soutenir l'élaboration à l'Unesco d'une convention internationale sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques, en vue de son adoption dès 2005, de sa ratification rapide et de sa mise en œuvre effective. Nous œuvrerons activement pour que celle-ci reconnaisse le droit des Etats et des gouvernements d'adopter des mesures pour préserver et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur leur territoire et souhaitons qu'elle prévoie un mécanisme international effectif de coopération en matière culturelle. Cette convention doit aussi souligner l'ouverture aux autres cultures et expressions.

65. Nous estimons, dans les conditions actuelles, que la préservation de la diversité culturelle implique de s'abstenir de tout engagement de libéralisation à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en matière de biens et services culturels, et ce afin de ne pas compromettre l'efficacité des instruments visant la promotion et le soutien de la diversité culturelle. Nous nous engageons à respecter les mêmes principes dans le cadre bilatéral ou régional.

66. Nous entendons, de plus, valoriser à ce titre le rôle des créateurs au service du dialogue des cultures et poursuivrons notre aide à la production des oeuvres culturelles des pays moins avancés ainsi qu'à leur diffusion au sein de nos espaces francophones et dans le monde. Nous reconnaissons la nécessité d'une coopération accrue et de partenariats nouveaux, notamment au sein de la Francophonie, pour l'émergence d'industries culturelles viables dans les pays moins avancés ainsi que l'importance de faciliter la libre circulation des œuvres et des artistes dans les espaces francophones.

67. Parallèlement, nous encourageons l'adoption de législations nationales pour la protection de la propriété intellectuelle et artistique.

68. Nous entendons assurer le statut et la promotion du français comme grande langue de communication sur le plan international et comme outil d'élaboration et de transmission des savoirs.

69. Nous veillerons à consolider dans nos pays le plus large accès de nos populations à TV5, en sa qualité de média international fédérateur du rayonnement de la diversité culturelle et de la langue française.

70. Nous voulons poursuivre, de même, l'approfondissement de notre dialogue avec les autres grandes aires linguistiques, à l'image de la coopération entreprise avec les deux espaces hispanophone et lusophone, et nous favoriserons également le dialogue des civilisations.

71. Aussi, nous invitons l'OIF à appuyer l'utilisation des langues africaines et créoles dans les filières mondiales de circulation et de distribution des produits culturels.

[...]

III. Foyers de crise dans le monde Proche-Orient

85. Nous avons adopté une résolution pour appeler à une reprise du processus de paix et à une mobilisation de la communauté internationale afin de faciliter la tenue d'élections dans les territoires palestiniens.

86. Nous appuyons les efforts visant à créer au Proche-Orient une zone exempte d'armes de destruction massive et de leurs missiles vecteurs, en conformité avec les résolutions des Nations unies, étant donné que sa création renforcerait la paix et la sécurité internationale.

Irak

87. Nous réaffirmons notre attachement à l'intégrité territoriale et au rétablissement de la pleine souveraineté de l'Irak, y compris sur ses ressources naturelles. Nous invitons toutes les parties concernées à œuvrer à la bonne marche du processus politique en cours en Irak et au respect du calendrier de transition, qui prévoit notamment la tenue d'élections démocratiques avant le 31 janvier 2005, conformément à la résolution 1546 (2004) du Conseil de sécurité des Nations unies. À cet égard, nous saluons la déclaration adoptée à l'unanimité à la Conférence internationale de Sharm El Sheikh (Égypte), le 23 novembre, sur l'avenir de l'Irak.

Haïti

88. Nous appuyons le gouvernement d'Haïti et les diverses composantes de la société civile dans la poursuite de leurs efforts pour aboutir à l'établissement des conditions nécessaires à la consolidation de la démocratie, au rétablissement de l'État de droit et au retour à une vie politique apaisée, en vue de la tenue d'un dialogue national ainsi que de l'organisation et du déroulement d'élections libres et démocratiques, prévues en 2005.

89. Nous demandons au Secrétaire général de développer les initiatives prises par l'OIF en faveur d'Haïti pour la mise en œuvre du Cadre de coopération intérimaire soutenu par la communauté internationale, à l'appui notamment du processus électoral, de la Justice et de l'État de droit.

90. Nous prenons acte des événements qui ont marqué la vie politique d'Haïti. Les Haïtiens doivent tirer les leçons du passé afin de bâtir un avenir meilleur.

91. Nous saluons, à cet égard, l'entente quadripartite entre l'Union européenne, le Canada, l'OIF et Haïti qui permettra à la Francophonie de contribuer activement au rétablissement de l'État de droit, en particulier par le renforcement du secteur judiciaire dans ce pays.

Côte d'Ivoire

92. Nous avons adopté une résolution pour réaffirmer notre attachement à la relance du processus de réconciliation en Côte d'Ivoire.

Guinée Bissau

93. Nous réaffirmons la nécessité du respect scrupuleux de l'État de droit et rejetons toute tentative de subversion de la démocratie par les armes. Nous nous félicitons de l'initiative de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), en liaison avec l'Union africaine et la CEDEAO, d'envoyer dans ce pays membre une mission de sensibilisation. Nous appelons à la contribution indispensable de la communauté internationale et des institutions financières en vue d'une réforme approfondie des institutions de ce pays et de ses forces armées.

Sao Tomé et Principe et Guinée équatoriale

94. Vu les menaces qui ont pesé sur Sao Tomé et Principe en juillet 2003 et sur la Guinée équatoriale en mars 2004, nous saluons l'initiative prise par certains pays de manière solidaire pour aider ces pays à déjouer la tentative d'invasion mercenaire dont ils ont fait l'objet. Nous soulignons la nécessité de rester toujours vigilants et prenons l'engagement de lutter contre ces agissements.

Grands Lacs

95. Nous réaffirmons notre attachement au respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance de la République démocratique du Congo (RDC) et de tous les États de la région des Grands Lacs.

96. Nous déplorons la persistance de l'insécurité dans la région Est de la RDC et plus particulièrement à certaines de ses frontières, avec ses répercussions dans les pays voisins.

Nous considérons que cette situation comporte des risques importants pour la paix et la stabilité dans la région et notamment pour la réussite du processus de transition de la RDC.

Nous invitons la communauté internationale et toutes les parties concernées à prendre à très brefs délais, toutes les mesures nécessaires afin de mettre en œuvre le Mécanisme de Vérification et, à cet effet, insistons sur la nécessité d'accélérer le déploiement en cours de la Force des Nations unies (MONUC) dont les effectifs et le mandat doivent être renforcés.

97. Conscients de la nécessité de respecter le calendrier de la transition en RDC, nous encourageons le gouvernement d'union nationale à poursuivre les réformes prévues par la feuille de route et demandons au Secrétaire général de mobiliser les moyens de l'OIF afin de soutenir la tenue des élections démocratiques dans le calme et la sécurité.

98. Nous lui demandons également d'appuyer les efforts engagés par le Burundi, en raison de la complexité de la situation qui prévaut dans cet État et de l'intérêt qui s'attache à une action soutenue de l'OIF, pour la mise en place de ses nouvelles institutions et la tenue d'élections démocratiques, en contribuant aussi à la mobilisation des fonds nécessaires.

99. Nous exhortons les États de la région des Grands Lacs à respecter les principes du droit international et à intensifier leur dialogue et leur coopération afin de favoriser un climat de sécurité et de stabilité propice aux négociations et à la normalisation de leurs relations.

100. Nous saluons la Déclaration de Dar es Salaam sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement dans la Région des Grands Lacs adoptée le 20 novembre 2004, impliquant onze États de la région, sous les auspices des Nations unies et de l'Union africaine, avec le soutien des partenaires internationaux au développement.

101. Considérant que les conflits endémiques et la persistance de l'insécurité dans la région ont été à la base des crises humanitaires, des graves violations des droits de l'Homme, du génocide et des crimes contre l'humanité dont les populations ont été victimes au cours de ces dernières années, nous soutenons cette nouvelle initiative qui met l'accent sur les valeurs démocratiques et la bonne gouvernance comme conditions préalables à la consolidation de la paix, la sécurité et le développement , ainsi que sur la participation de la société civile, surtout les femmes, les jeunes et les autres acteurs privés dans les domaines politique, économique et social. Nous engageons la Francophonie à accompagner sa mise en œuvre dans un véritable esprit de partenariat, dans la perspective de la deuxième phase de cette conférence, prévue en 2005.

République centrafricaine

102. Nous nous engageons à appuyer les autorités de la République centrafricaine à créer les conditions du respect du calendrier prévu pour les élections présidentielle et législatives, qui marqueront l'aboutissement du processus de transition, et à œuvrer au bon déroulement de celles-ci.

103. Nous encourageons le Secrétaire général à continuer d'accompagner le processus électoral en cours et à lui apporter l'assistance nécessaire, aux côtés des partenaires de la communauté internationale impliqués dans la réussite de cet exercice, qui doivent rester mobilisés à cette fin.

Crise du Darfour

104. Nous marquons notre préoccupation face à la situation qui règne au Darfour. Nous condamnons les actes de violence ainsi que les violations des droits de l'Homme et du droit humanitaire international qui y sont commis. Nous soulignons l'urgence de trouver, sous l'égide des Nations unies, de l'Union africaine et des organisations régionales, une solution pacifique à ce conflit, qui entraîne une grave crise humanitaire, et rappelons au gouvernement du Soudan sa responsabilité de protéger sa population civile.

105. À cet égard, nous nous réjouissons de la déclaration signée à Nairobi le 19 novembre par le gouvernement du Soudan et le Mouvement de libération du peuple soudanais, à l'issue d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies visant à conclure un accord global de paix pour le Soudan avant le 31 décembre 2004, ce qui facilitera grandement le règlement du conflit du Darfour. Nous saluons les efforts déployés par le gouvernement tchadien dont la médiation a permis la conclusion des accords des 8 et 25 avril 2004 entre les parties soudanaises en conflit. Nous saluons en outre la signature à Abuja, le 9 novembre, sous la médiation conjointe de l'Union africaine et du Tchad, d'accords humanitaires et de sécurité qui devraient permettre aux organismes d'aide humanitaire de mieux répondre aux besoins pressants des populations soudanaises se trouvant au Soudan et de celles qui se réfugient au Tchad. Nous appuyons avec fermeté le travail de coordination mené par l'Organisation des Nations unies pour l'aide au Darfour et dans les autres régions instables du Soudan. Nous insistons avec force sur le renforcement de la sécurité des populations civiles et la défense des droits des victimes, en particulier des femmes et des enfants.

Somalie

106. Nous saluons les résultats des Conférences d'Arta et de Mbagathi, fruits des efforts des autorités djiboutiennes et kenyanes pour que s'instaurent le dialogue et la paix en Somalie. À cet effet, nous lançons un appel à la communauté internationale pour soutenir les efforts du nouveau gouvernement fédéral de transition en Somalie.

                                                                                                                                            Ouadagoudou, le 27 novembre 2004

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