Les accords de Matignon

du 26 juin 1988

 


Le texte de la déclaration commune de Matignon est le suivant :

Les communautés de Nouvelle-Calédonie ont trop souffert, dans leur dignité collective, dans l’intégrité des personnes et des biens, de plusieurs décennies d’incompréhension et de violence.

Pour les uns, ce n’est que dans le cadre des institutions de la République française que l’évolution vers une Nouvelle-Calédonie harmonieuse pourra s’accomplir.

Pour les autres, il n’est envisageable de sortir de cette situation que par l’affirmation de la souveraineté et de l’indépendance.

L’affrontement de ces deux convictions antagonistes a débouché jusqu’à une date récente sur une situation voisine de la guerre civile.

Aujourd’hui, les deux parties ont reconnu l’impérieuse nécessité de contribuer à établir la paix civile pour créer les conditions dans lesquelles les populations pourront choisir, librement et assurées de leur avenir, la maîtrise de leur destin.

C’est pourquoi elles ont donné leur accord à ce que l’État reprenne pendant les douze prochains mois l’autorité administrative sur le territoire.

En conséquence, le premier ministre présentera un projet dans ce sens au Conseil des ministres du 29 juin 1988.

Les délégations se sont, par ailleurs, engagées à présenter et à requérir l’accord de leurs instances respectives sur les propositions du premier ministre concernant l’évolution future de la Nouvelle-Calédonie.

Ce texte porte la signature du premier ministre, M. Michel Rocard, de sept délégués du RPCR, MM. Jacques Lafleur, Maurice Nenou, Dick Ukeiwé, Jean Lèques, Henri Wetta, Pierre Frogier, Pierre Brétégnier, de quatre délégués du FLNKS, MM. Jean-Marie Tjibaou, Yeiwéné Yeiwéné, Mme Caroline Machoro, M. Edmond Nékiriaï et du représentant du LKS, M. Nidoish Naïsseline.


On peut résumer les accords de Matignon aux points suivants:

- la reprise de l'autorité administrative directe de l'État français sur le territoire pour une année;
- un référendum national à l'automne suivant portant sur les nouvelles institutions à mettre en place;
- la libération des prisonniers kanaks;
- la création de trois provinces: Sud, Nord et Îles;
- l’organisation d'un scrutin d'autodétermination en Nouvelle-Calédonie dans les dix ans (1998).

Les pourparlers entamés à Matignon se poursuivirent jusqu’à la signature, le 20 août 1988, de l’accord Oudinot — nom inconnu, car on parle toujours des accords de Matignon — qui portait sur le principe d’une consultation au terme d’une période de dix ans sur l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie et la mise en place, dans l’intervalle, de nouvelles institutions. Le projet de loi qui en a résulté fut soumis au référendum le 6 novembre 1988. Les électeurs néo-calédoniens l'ont approuvé dans une proportion de 80 %, mais seulement 30 % des Européens se sont déplacés pour voter les accords de Matignon (avec un NON majoritaire à Nouméa). Immédiatement après, le gouvernement français fit adopter la loi no 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998.

Là encore, la plupart des clauses de la loi du 9 novembre 1988 ne portèrent pas sur la question linguistique. D’ailleurs, outre les relations extérieures, la monnaie, la défense, etc., l'État français restait compétent, selon l’article 8 de la loi (paragr. nos 17 à 19), dans les domaines à incidence linguistique comme l’enseignement et les communications:

L'État est compétent dans les matières suivantes : [...]

17) La définition des programmes, le contenu de la formation des maîtres et le contrôle pédagogique de l'enseignement primaire, sauf l'adaptation des programmes en fonction des réalités culturelles et linguistiques;

18) L'enseignement du second degré, sauf la réalisation et l'entretien des collèges du premier cycle du second degré ; l'enseignement supérieur, la recherche scientifique ; la liste annuelle des opérations de construction ou d'extension des collèges que l'Etat s'engage à pourvoir des postes nécessaires;

19) La communication audiovisuelle.

Par contre, les dispositions concernant le domaine culturel semblaient assez généreuses. L’article 85 énonce ce qui suit:

Les contrats de développement prévus à l'article précédent déterminent les actions à engager pour atteindre les objectifs suivants :

Faciliter l'accès de tous aux formations initiales et continues et adapter celles-ci aux particularités du territoire, telles qu'elles résultent , notamment, de la diversité de ses cultures. Cet objectif pourra être atteint par le développement des bourses, le renforcement de la formation des enseignants, l’adaptation des programmes, notamment par l'enseignement des langues locales, la diversification des filières universitaires et le développement des formations professionnelles en alternance;

[...]

Promouvoir le patrimoine culturel mélanésien et celui des autres cultures locales. Les actions prioritaires correspondantes porteront sur l'inventaire, la protection et la valorisation du patrimoine culturel mélanésien, ainsi que sur le soutien à la production et à la création audiovisuelle ;

[...]

Susciter l'intensification des échanges économiques et culturels avec les États ou territoires de la région du Pacifique.

Dès l’adoption de la loi no 88-1028 du 9 novembre 1988, le gouvernement français et les trois administrations calédoniennes ont mis tout en place pour réorganiser complètement le territoire. Les institutions administratives néo-calédoniennes furent réparties en trois provinces: la province Nord, la province Sud et la province des Îles-Loyauté. Depuis lors, Nouméa n’est plus l’unique centre du pouvoir; il faut compter maintenant avec Koné, le chef-lieu de la province Nord, et Wé, celui de la province des Îles-Loyauté. L’État français conserve les compétences qui sont liées indissolublement à la souveraineté nationale et celles qui lui permettent d’exercer sa fonction d’arbitre.


 

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