Accord de Nouméa du 5 mai 1998

DOCUMENT D'ORIENTATION

Remarque:

On ne trouvera dans ces lignes que les clauses relatives à l’identité, la culture et la langue.

1- L'IDENTITÉ KANAK:

L'organisation politique et sociale de la Nouvelle-Calédonie doit mieux prendre en compte l'identité kanake.

1.1 Le statut civil particulier-

Certains Kanaks ont le statut civil de droit commun sans l'avoir souhaité.

Le statut civil particulier est source d'insécurité juridique et ne permet pas de répondre de manière satisfaisante à certaines situations de la vie moderne.

En conséquence, les orientations suivantes sont retenues:

-Le statut civil particulier s'appellera désormais "statut coutumier".

-Toute personne pouvant relever du statut coutumier et qui y aurait renoncé, ou qui s'en serait trouvée privée à la suite d'une renonciation par ses ancêtres ou par mariage ou par toute autre cause (cas des enfants inscrits en métropole sur l'état civil ) pourra le retrouver. La loi de révision constitutionnelle autorisera cette dérogation à l'article 75 de la Constitution.

-Les règles relatives au statut coutumier seront fixées par les institutions de la Nouvelle-Calédonie, dans les conditions indiquées plus loin.

-Le statut coutumier distinguera les biens situés dans les "terres coutumières" (nouveau nom de la réserve), qui seront appropriés et dévolus en cas de succession selon les règles de la coutume et ceux situés en dehors des terres coutumières qui obéiront à des règles de droit commun.

1.2- Droit et structures coutumières-

1.2.1. Le statut juridique du procès-verbal de palabre (dont le nom pourrait être modifié ) doit être redéfini pour lui donner une pleine force juridique, en fixant sa forme et en organisant une procédure d'appel permettant d'éviter toute contestation ultérieure. Le rôle de syndic des affaires coutumières, actuellement tenu par les gendarmes, sera exercé par un autre agent, par exemple de la commune ou de l'aire coutumière.

La forme du procès-verbal de palabre sera définie par le Congrès en accord avec les instances coutumières (voir plus bas). L'appel aura lieu devant le conseil d'aire et l'enregistrement se fera par le conseil d'aire ou la mairie.

1.2.2. Le rôle des aires coutumières sera valorisé, notamment en confiant aux conseils d'aires un rôle dans la clarification et l'interprétation des règles coutumières. Plus généralement, l'organisation spatiale de la Nouvelle-Calédonie devra mieux tenir compte de leur existence. En particulier, les limites communales devraient pouvoir tenir compte de la limite des aires.

1.2.3. Le mode de reconnaissance des autorités coutumières sera précisé pour garantir leur légitimité. Il sera défini par l'instance coutumière de la Nouvelle-Calédonie. Notification en sera faite au représentant de l'État et à l'exécutif de la Nouvelle-Calédonie qui ne pourront que l'enregistrer. Leur statut sera précisé.

1.2.4. Le rôle des autorités coutumières dans la prévention sociale et la médiation pénale sera reconnu. Ce dernier rôle sera prévu dans les textes applicables en Nouvelle-Calédonie en matière de procédure pénale. Les autorités coutumières pourront être associées à l'élaboration des décisions des assemblées locales, à l'initiative des assemblées de province ou des communes.

1.2.5. Le conseil coutumier de la Nouvelle-Calédonie deviendra un "Sénat coutumier", composé de seize membres (deux par aire coutumière), obligatoirement consulté sur des sujets intéressant l'identité kanake.

1.3. Le patrimoine culturel-

1.3.1. Les noms de lieux

- Les noms kanaks des lieux seront recensés et rétablis. Les sites sacrés selon la tradition kanake seront identifiés et juridiquement protégés, selon les règles applicables en matière de monuments historiques.

1.3.2. Les objets culturels

- L'État favorisera le retour en Nouvelle-Calédonie d'objets culturels kanaks qui se trouvent dans des musées ou des collections, en France métropolitaine ou dans d'autres pays. Les moyens juridiques dont dispose l'État pour la protection du patrimoine national seront mis en oeuvre à cette fin. Des conventions seront passées avec ces institutions pour le retour de ces objets ou leur mise en valeur.

1.3.3. Les langues

- Les langues kanakes sont, avec le français, des langues d'enseignement et de culture en Nouvelle- Calédonie. Leur place dans l'enseignement et les médias doit donc être accrue et faire l'objet d'une réflexion approfondie.

Une recherche scientifique et un enseignement universitaire sur les langues kanakes doivent être organisés en Nouvelle-Calédonie. L'Institut national de langues et civilisations orientales y jouera un rôle essentiel.

Une académie des langues kanakes, établissement local dont le conseil d'administration sera composé de locuteurs désignés en accord avec les autorités coutumières, sera mise en place. Elle fixera leurs règles d'usage et leur évolution

1.3.4. Le développement culturel

- La culture kanake doit être valorisée dans les formations artistiques et dans les médias. Les droits des auteurs doivent être effectivement protégés.

1.3.5.Le centre culturel Tjibaou

- L'État s'engage à apporter durablement l'assistance technique et les financements nécessaires au Centre culturel Tjibaou pour lui permettre de tenir pleinement son rôle de pôle de rayonnement de la culture kanake. Sur l'ensemble de ces questions relatives au patrimoine culturel, l'État proposera à la Nouvelle-Calédonie de conclure un accord particulier.

1.4. La terre

L'identité de chaque Kanak se définit d'abord en référence à une terre.

Le rôle et les conditions de fonctionnement de l'Agence de développement foncier (ADRAF) devront faire l'objet d'un bilan approfondi. Elle devra disposer de moyens suffisants pour intervenir dans des zones suburbaines. L'accompagnement des attributions de terre devra être accentué pour favoriser l'installation des attributaires et la mise en valeur.

Les terres coutumières doivent être cadastrées pour que les droits coutumiers sur une parcelle soient clairement identifiés. De nouveaux outils juridiques et financiers seront mis en place pour favoriser le développement sur les terres coutumières, dont le statut ne doit pas être un obstacle à la mise en valeur.

La réforme foncière sera poursuivie. Les terres coutumières seront constituées des réserves, des terres attribuées aux "groupements de droit particulier local" et des terres qui seront attribuées par l'ADRAF pour répondre aux demandes exprimées au titre du lien à la terre. Il n'y aura plus ainsi que les terres coutumières et les terres de droit commun. Des baux seront définis par le Congrès, en accord avec le Sénat coutumier, pour préciser les relations entre le propriétaire coutumier et l'exploitant sur les terres coutumières. Les juridictions statuant sur les litiges seront les juridictions de droit commun avec des assesseurs coutumiers.

Les domaines de l'État et du Territoire doivent faire l'objet d'un examen dans la perspective d'attribuer ces espaces à d'autres collectivités ou à des propriétaires coutumiers ou privés, en vue de rétablir des droits ou de réaliser des aménagements d'intérêt général. La question de la zone maritime sera également examinée dans le même esprit.

1.5 Les symboles

-Des signes identitaires du pays, nom, drapeau, hymne, devise, graphisme des billets de banque devront être recherchés en commun pour exprimer l'identité kanake et le futur partagé entre tous.

La loi constitutionnelle sur la Nouvelle-Calédonie prévoira la possibilité de changer ce nom, par "loi du pays" adoptée à la majorité qualifiée.

Une mention du nom du pays pourra être apposée sur les documents d'identité, comme signe de citoyenneté.


 

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