Bien que le français soit la langue officielle de la Nouvelle-Calédonie, la province Sud est la seule où le français est parlé majoritairement comme langue maternelle.
Nouvelle-Calédonie
(2) Données démolinguistiques
Drapeau kanak
Drapeau caldoche
Remarque:
Il n'y a pas de drapeau officiel local pour l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie, si ce n'est celui de la République française. Les drapeaux présentés ci-dessus désignent les deux grandes communautés: les Kanaks (autochtones) et les Caldoches (Européens). Le drapeau kanak est appelé «drapeau Kanaky»: c'est celui du parti indépendantiste FLNKS (Front de libération national kanak socialiste); quant au drapeau caldoche reproduit ci-dessus, il n'est reconnu par aucune organisation et n'a réellement existé que durant ce qu'on a appelé «les événements». Il n'existe pas encore de drapeau commun aux deux grandes communautés. |
La population de la Nouvelle-Calédonie était estimée à 275 000 habitants en 2021, dont 40 % de Mélanésiens, 29 % d'Européens, 8-9% de Wallisiens et de Futuniens, plus de 3% d'Asiatiques (Indonésiens, Vietnamiens, Chinois et Japonais). Le reste de la population est composé de diverses ethnies, dont des Tahitiens et des Vanuatais. Regroupées, les autres communautés identifiées représentent 7,3 % de la population totale : Tahitiens (2,0 %), Indonésiens (1,6 %), Vietnamiens (1,0 %), Vanuatais ou Ni-Vanuatu (0,9 %), autres Asiatiques (0,8 %) et autres ethnies (1,0 %).
En matière de composition ethnique, la particularité de la Nouvelle-Calédonie réside dans le fait qu’elle est formée principalement de deux grandes communautés ethniques: les Kanaks, la population autochtone aux traits plus ou moins négroïdes, et les Européens, une population généralement d'origine française (Caldoches), mais il y a aussi des italophones et des hispanophones. Au recensement de 2009, plus de 8 % de la population a déclaré appartenir à plusieurs communautés : les Métis. Enfin, 5 % de la population a déclaré appartenir à la communauté «calédonienne», refusant ainsi de choisir parmi les communautés proposées. Et les 1,2 % restants n’ont rien déclaré.
1.1 La population autochtone
La population autochtone est constituée dans une proportion de 40 % de Mélanésiens: la plupart sont des Kanaks, mais il y a aussi un petit nombre de Fidjiens. Néanmoins, les Mélanésiens kanaks sont majoritaires dans la province Nord et dans les îles Loyauté. Le mot kanak ou canaque est d’origine polynésienne: kanaka signifiait «homme» (1867) en hawaïen et serait probablement venu avec les marins du capitaine Cook. En raison de la proximité sonore des mots canaque et macaque (ce primate à corps trapu et à museau proéminent), les Blancs de la Nouvelle-Calédonie ont ainsi, vers 1899, affublé de ce nom les Mélanésiens. Ceux-ci ont repris à leur compte ce mot dépréciatif comme un défi lancé aux Blancs. Le mot Kanak est maintenant un terme valorisant; il est associé aux revendications nationalistes des autochtones de la Nouvelle-Calédonie.
Étant donné qu'il n'existait pas d'unité politique dans l'archipel avant l'arrivée des Européens, la Nouvelle-Calédonie a développé ainsi une grande diversité linguistique. Quelque 28 langues sont reconnues: en 2004, le nombre de locuteurs sachant parler l'une des ces langues mélanésiennes s'établissait à 42 % dans la province Sud, 35,5 % dans la province Nord et 22 % dans les îles Loyauté.
1.2 La population européenne
Les Européens constituent la seconde ethnie en importance (29 %). On distingue les Caldoches, les descendants des colons français, et les Métropolitains (ou «Métros» ou «Zoreilles») qui demeurent dans le territoire depuis plus de vingt ans ou qui y résident pour le temps d’une mutation ou la durée d’un contrat relativement court (trois ans ou moins). Les Caldoches (env. 42 000) et les Métros (env. 25 000) sont massivement concentrés à Nouméa, de telle sorte que la ville a été surnommée «la Blanche» par les Kanaks et que ces derniers y font presque figure d’étrangers parmi les Blancs, les Asiatiques et les Polynésiens. Sont aussi considérés comme des «Européens» les «Pieds-Noirs» venus s'installer dans l'archipel après l'indépendance des pays du Maghreb ainsi que leurs descendants. Il faudrait mentionner aussi les immigrants italiens (7800), espagnols (2600) et portugais (800).
1.3 Les autres communautés
En plus des Kanaks et des Européens, la Nouvelle-Calédonie comprend plusieurs autres communautés qui, pour la plupart, ont immigré vers la Grande-Terre lors de l’exploitation du nickel dans les années 1950 et 1960. Le troisième groupe ethnique important est constitué des quelque 22 700 Polynésiens (11,5 %), mais les Wallisiens et les Futuniens, originaires du territoire français de Wallis-et-Futuna, forment à eux seuls plus de 80 % de ce groupe; les autres Polynésiens sont répartis entre Tahitiens, Tuamotu et Marquisiens. Les autres ethnies sont représentées par plusieurs petites communautés dont les Javanais et les Malais (Indonésiens), les Vietnamiens, les Vanuatais, les Chinois hakka, etc.
La province Sud (voir la carte des provinces) est la plus peuplée (194 560 hab.), car elle compte pour 73,2 % de la population totale. C'est aussi la province la plus riche de la Nouvelle-Calédonie. La capitale, Nouméa (106 105 hab. en 2012), accueille à elle seule 40 % de la population néo-calédonienne, mais l’agglomération dite du Grand-Nouméa (communes de Nouméa, Dumbéa, Païta et Mont-Dore) en regroupe plus de 60 %. À la différence des deux autres provinces, la province Sud est habitée majoritairement par les Blancs (env. 36 %) suivis des Kanaks mélanésiens (26 %). Dans les communes périphériques de Nouméa, on trouve notamment des Wallisiens et des Futuniens, des Tahitiens (Polynésie), des Indonésiens, des Vietnamiens et des Vanuatais. Dans l’île des Pins au sud de la Grande Terre, on compte une petite population d’un peu plus de 1000 habitants dont une faible proportion de Blancs. Toutes les communautés de la Nouvelle-Calédonie vivent à plus de 90 % dans la province Sud, sauf les Kanak qui y résident dans une proportion de 50 %.
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Bien que le français soit la langue officielle de la Nouvelle-Calédonie, la province Sud est la seule où le français est parlé majoritairement comme langue maternelle.
La province Nord (voir la carte des provinces), avec 47 700 habitants, compte pour presque 18 % de la population néo-calédonienne. Les Kanaks y sont massivement majoritaires (73,8 %), mais de nombreux Blancs métropolitains (12,7 %) ont récemment immigré dans la région afin de créer des entreprises. Parfois métissés — une grand-mère ou une arrière-grand-mère kanake — dans cette province, certains Caldoches qui y habitent descendent des bagnards ou de ceux qu’on a appelés les "colons Feillet", du nom du gouverneur qui encouragea l'immigration française à la fin du siècle dernier. Tout au nord de la province, dans l’archipel de Bélep, on compte environ 1000 habitants, presque tous mélanésiens. Du fait que le français est une langue minoritaire dans cette province, il est utilisé comme langue véhiculaire par les populations mélanésiennes.
La province des Îles-Loyauté (voir la carte des provinces) n’abrite que 8,7 % des Néo-Calédoniens (23 313 hab.). Cette province reste presque exclusivement habitée par des Kanak (96,6 %). Les Européens, qui forment seulement 2 % de la population, sont surtout des fonctionnaires employés dans l'administration territoriale ou judiciaire, des gendarmes, des ecclésiastiques ou des enseignants, tous concentrés essentiellement à Wé, le chef-lieu de la province.
Île |
Superficie |
Chef-lieu |
Population (2009) |
Langues
|
Ouvéa |
(132 km2) |
ayaoué |
4 000 |
ïaaï |
Lifou |
(1207 km2) |
Wé |
10 000 |
drehu |
Tiga |
(9 km2) |
Tiga |
650 |
nengone |
Maré |
(641 km2) |
Tadine |
7 000 |
nengone |
Province |
(1981 km2) |
Wé |
21 650 |
Lifou reste l’île la plus importante, non seulement parce qu’elle compte plus d’habitants (8627 en 2009), mais parce que la ville de Wé sert de chef-lieu de la province et que toutes les activités commerciales y sont concentrées. Les deux autres îles d’importance sont Maré (5417 hab. en 2009) et Ouvéa (3392 hab. en 2009). Quant à la petite île Tiga, elle ne comptait que 150 habitants en 2004. La plupart des insulaires de cette province sont des Kanaks, mais l’île Ouvéa compte une population non négligeable de Wallisiens dont les ancêtres sont arrivés à la fin du XVIIe siècle; mais ils sont aujourd’hui assimilés aux Kanaks, car ils n’ont plus rien de commun avec les Wallisiens de l’île Wallis, leurs coutumes étant semblables aux Mélanésiens. Les Européens sont peu nombreux dans cette province: 1,3 %, environ 2500 personnes au total.
Enfin, pour ce qui a trait à la religion, les catholiques sont nettement majoritaires et regroupent la plupart des Européens et des Caldoches, plus de la moitié des Kanaks, presque tous les Wallisiens et Futuniens. Suivent les protestants, surtout évangélistes, avec les Kanaks et les Tahitiens, et les musulmans avec les Indonésiens et les Algériens.
Les quelques 87 000 Kanaks vivent à près de 80 % au sein de 328 tribus qui se partagent une grand nombre de langues mélanésiennes appartenant au groupe malayo-polynésien oriental (sous-groupe océanien) de la grande famille austronésienne. Les linguistes font état de plus de 30 langues, dites vernaculaires, fort différentes les unes des autres. Toutes ces langues sont de traditions orales et sont parlées dans des aires linguistiques bien déterminées. Les 28 langues reconnues sont les suivantes :
Langues groupe du Nord |
Nombre des locuteurs | Commune(s) | Province | |
---|---|---|---|---|
1 | nyelâyu | 1 522 | Ouégoa, Belep, Pouébo | Province Nord |
2 | nêlêmwa-nixumwak | 1 100 | Koumac, Poum | Province Nord |
3 | caac | 890 | Pouébo | Province Nord |
4 | yuanga-zuanga | 1 992 | Kaala-Gomen, Ouégoa | Province Nord |
5 | jawe | 729 | Hienghène, Pouébo | Province Nord |
6 | nemi | 768 | Hienghène | Province Nord |
7 | fwâi | 1 131 | Hienghène | Province Nord |
8 | pije | 161 | Hienghène | Province Nord |
9 | pwaamèi | 219 | Voh | Province Nord |
10 | pwapwâ | 16 | Voh | Province Nord |
11 | dialectes de la région de Voh-Koné | 878 (9406) | Voh, Koné | Province Nord |
Langues groupe du Centre |
Nombre des locuteurs | Commune(s) | Province | |
12 | cèmuhî | 2 051 | Touho, Koné, et Poindimié | Province Nord |
13 | paicî | 5 498 | Poindimié, Ponérihouen, Koné, Poya | Province Nord |
14 | ajië | 4 044 | Houaïlou, Ponérihouen, Poya, Kouaoua | Province Nord |
15 | arhâ | 35 | Poya | Province Nord |
16 | arhö | 62 | Poya | Province Nord |
17 | orowe | 587 | Bourail | Province Sud |
18 | neku | 221 | Bourail Moindou | Province Sud |
19 | sîchë(1) | 4 | Bourail, Moindou | Province Sud |
20 | tîrî | 264 | La Foa, Sarraméa | Province Sud |
21 | xârâcùù | 3 784 | Canala, La Foa, Boulouparis | Province Sud |
22 | xârâgùrè | 566 (17 116) | Thio | Province Sud |
Langues groupe du Sud |
Nombre des locuteurs | Commune(s) | Province | |
23 | nââ drubéa | 946 | Païta, Dumbéa, Nouméa, Yaté | Province Sud |
24 | nââ numèè | 1 814 (2760) | Yaté, Mont-Dore, île des Pins | Province Sud |
Langues groupe Loyauté |
Nombre des locuteurs | Commune(s) | Province | |
25 | nengone | 6 377 | Maré, Tiga | Îles Loyauté |
26 | drehu | 11 338 | Lifou | Îles Loyauté |
27 | iaai | 1 562 (19 277) | Ouvéa | Îles Loyauté |
Langue polynésienne |
Nombre des locuteurs | Commune(s) | Province | |
28 | faga uvea | 1 107 | Ouvéa | Îles Loyauté |
TOTAL | 49 666 | NOUVELLE-CALÉDONIE | - |
3.1 Des langues dévalorisées au plan social
Compte tenu que le total des locuteurs atteint 49 666 (2009) et que le nombre des Kanaks s'établit à environ 87 000 (2012), on pourrait estimer que 57 % de la population kanake parle une langue mélanésienne. En réalité, le pourcentage devrait atteindre au moins 66 %, car les données de 2009 et de 2012 peuvent différer. Attention, selon le recensement du gouvernement français de 1996, quelque 33 222 kanak (53 566 locuteurs pour une population kanak de 86 788) ne parleraient plus leur langue d'origine, soit plus de 38 %. L'inégalité de statut des langues en présence a favorisé un type précis de bilinguisme qu'on appelle diglossie: chacune des langues se voient conférer des fonctions communicatives et des rôles sociaux distincts. On peut constater une progression du français parmi les jeunes qui s'accompagne d'un net recul des langues maternelles. En effet, les jeunes parlent de moins en moins leur langue et de moins en moins bien. Mais s'ils parlent plus souvent français entre eux, cela ne se traduit pas forcément par de meilleurs résultats scolaires.
Cependant, lorsqu’on examine la liste des 28 langues mélanésiennes du tableau Cerquiglini citées dans le Rapport Cerquiglini rédigé en 1999 à la demande du ministre français de l'Éducation nationale —, on arrive au compte de 46 000 à 50 000 locuteurs parlant une langue mélanésienne sur une population totale de 88 000 Kanaks. Il manque environ 28 000 locuteurs dans cette liste. Selon toute probabilité, la plupart des 28 000 locuteurs qui n’y apparaissent pas résident dans l’agglomération de Nouméa, ce qui laisserait croire que plus de 30 % des Kanaks ne parleraient plus leur langue ancestrale. Selon le recensement français de 1996, quelque 33 222 kanak (53 566 locuteurs pour une population kanak de 86 788) ne parleraient plus leur langue d'origine, soit plus de 38 %. Même si, à Nouméa ainsi que dans les zones qui commencent à s'urbaniser, on note une certaine absence de motivation de la part des parents et des enfants pour conserver la pratique de leur langue maternelle, les langues mélanésiennes sont toujours parlées à la maison, lors des conversations entre locuteurs du même groupe linguistique et dans les cérémonies religieuses.
Seules quelques langues ont plus de 1000 locuteurs: le nyelâyu (1522), le nêlêmwa-nixumwak (1100), le caac (890), le yuanga-zuanga (1992), le fwâi (1131), le cèmuhî (2051), le paicî (5498), l'ajië (4044), le xârâcùù (3784), le nââ numèè (1814), le nengone (6377), le drehu (11 338) et l'iaai (1562). Parmi celles-ci, le drehu de l'île Lifou compte plus de 11 000 locuteurs.
À l’opposé de celles énumérées au paragraphe précédent, plusieurs langues ne sont parlées que par un tout petit nombre de locuteurs, notamment le pwapwâ (16), l'arhâ (35), l'arhö (62) et le sîchë (4), alors qu'elles sont en voie d’extinction. Quelques-unes sont présentement menacées du fait de leur faible nombre de locuteurs. Certaines langues, dont l’aijië, le drehu, l’ïaaï et le nengone, sont dotées d'une écriture généralement diffusée et normalisée grâce à la traduction de la Bible ou d'autres écrits religieux (p. ex., le paicî). Contrairement à la situation linguistique des Kanaks habitant le "Caillou", celle vécue dans les îles Loyauté est généralement plus satisfaisante pour les Kanaks parce que, d’une part, les Européens sont très peu nombreux (env. 150 au total), d’autre part, les autochtones parlent quotidiennement leur langue maternelle qui est, par le force des choses, demeurée très vivace; mais c’est également le cas dans la province Nord et la province Sud (y compris le Grand-Nouméa). Par ailleurs, il faut souligner la grande homogénéité linguistique dans les îles contrairement à la Grande Terre très morcelée linguistiquement.
3.2 Le groupe des langues mélanésiennes
Toutes les langues autochtones de la Nouvelle-Calédonie appartiennent au groupe mélanésien de la famille austronésienne, sauf le faga-uvea parlé à l’île Ouvéa et classé dans le groupe polynésien, à l’exemple du wallisien de l’île Wallis, du futunien de l’île Futuna, du tongien à Tonga, du samoan aux Samoa occidentales et Samoa américaines, du tokelauan à Tokelau, du tahitien et du tuamotu de la Polynésie française, du maori en Nouvelle-Zélande, de l’hawaïen à Hawaï, etc. Le faga-uvea provient des Wallisiens qui y ont immigré à la fin du XVIIe siècle; il est utilisé quotidiennement par près de 1600 locuteurs au nord et au sud de l’île Ouvéa et par plus de 1000 locuteurs à Nouméa. Soulignons que le faga-uvea ne ressemble plus au wallisien actuel de l’archipel Wallis, et ce, d’autant plus le faga-uvea a énormément emprunté à l’ïaaï alors que le wallisien a subi l’influence du tongien.
Voici la carte linguistique de la Nouvelle-Calédonie:
Les dialectes de la région de Vogh Koné sont les suivants: le bwatoo, le haeke, le haveke, le hmwaeke, le hmwaveke et le vamale.
3.3 Le français véhiculaire
Lorsque les Kanaks s’adressent à des membres d’une autre communauté linguistique que la leur, ils utilisent alors le français comme langue véhiculaire. Il s’agit en ce cas du français calédonien, et la maîtrise de cette langue peut varier dans l'ensemble de la population autochtone, car l’accès des Kanaks à l’école publique ne s’est généralisé qu’à partir de 1953. Dans les années qui suivirent, beaucoup de Kanaks âgés ne connaissaient pas encore le français. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais un grand nombre de Kanaks peut n’en posséder qu’une connaissance assez approximative. Cela dit, la plupart des Kanaks adultes sont considérés comme bilingues.
On compte 87 000 Blancs en Nouvelle-Calédonie dont environ 60 % de Caldoches et 40 % de Métropolitains. Les membres de la communauté blanche parlent le français, mais les Caldoches utilisent aussi une variété de français local appelé par certains linguistes le français calédonien. Ce français est caractérisé notamment par des particularités phonétiques, quelques constructions grammaticales spécifiques calquées sur les langues kanakes et le recours à des expressions tirées des mines, des prisons, de l’élevage du bétail ou de la vie des pêcheurs. Néanmoins, ce français calédonien diffère moins du français standard que, par exemple, le français parlé au Canada. C’est ce «français régional» qui sert de langue véhiculaire entre tous les Néo-Calédoniens, sauf pour les Métros, plutôt que le «français de France» ou le créole (comme à La Réunion, à la Martinique, à la Guadeloupe ou à la Guyane française). Évidemment, le «français de France» est la langue officielle de la Nouvelle-Calédonie. C’est la langue de prestige et la langue utilisée partout dans l’Administration, les tribunaux, les écoles, les médias, etc.
La Nouvelle-Calédonie abrite aussi des Métis appelés «Demi-Européens» ou «Euronésiens». Ils seraient quelque 26 000 individus et parlent tous le français comme langue maternelle.
Cependant, les autochtones, surtout ceux d’origine mélanésienne et polynésienne, peuvent en faire un usage fort différent des Européens. Les immigrants wallisiens, futiniens, indochinois, javanais, etc., le parlent, eux aussi, en y introduisant des traits révélant leur origine ethnique. Il s'agit là d'une très grande diversité chez les groupes ethniques — non assimilés — vivant en Nouvelle-Calédonie, ce qui explique aussi cette variété dans l’usage du français parlé. Il n’en demeure pas moins que, au-delà des différences ethniques, le français est parlé autant par les Kanaks, les Wallisiens, les Javanais, les Vietnamiens, etc., que par les Caldoches eux-mêmes. La langue française sert parfois de seul trait d’union entre les différents groupes ethniques de la Nouvelle-Calédonie.
Hormis les populations mélanésiennes et européennes, la Nouvelle-Calédonie est composée aussi de différentes communautés d'origine polynésienne (wallisienne, futunienne, tahitienne, etc.), vietnamienne, indonésienne (javanaise et malaise), antillaise (martiniquaise et guadeloupéenne), vanuataise ou Ni-Vanuatu, etc. Totalisant plus de 67 000 personnes (près de 26 %), ces communautés proviennent de l’immigration à partir des années 1950 et 1960, et constituent ce qu’on appelle les minorités linguistiques et culturelles non territoriales.
Ethnie | Population | Pourcentage | Langue maternelle | Affiliation linguistique |
Wallisiens | 23 000 | |||
Néo-Calédoniens javanais | 11 000 | |||
Italiens | 7 800 | |||
Tahitiens | 6 800 | |||
Futunais de l'Est | 4 900 | |||
Vietnamiens | 3 800 | |||
Caldoches métis | 2 600 | |||
Espagnol | 2 600 | |||
Vanuatais | 2 100 | |||
Uvéen de l'Ouest | 1 500 | |||
Portugais | 800 | |||
Chinois mandarinophones | 300 | |||
Total 2012 | 67 200 |
- Les langues polynésiennes
Si l’on fait exception du parler d’un certain nombre de descendants de Wallisiens de l’île Ouvéa (faga-uvea) et des parlers polynésiens utilisés dans les centres miniers (tahitien, wallisien, etc.), les langues de la plupart des minorités sont localisées surtout à Nouméa et dans le Grand-Nouméa. Les langues polynésiennes sont principalement le wallisien, le futunien, le tahitien, le tuamotu et le marquisien. Quant aux Vanuatais, ils parlent l’une des nombreuses petites langues mélanésiennes de leur pays d’origine, mais ils utilisent généralement entre eux le bichlamar (ou pidgin bislama).
La plupart des Polynésiens ont maintenu des liens culturels et linguistiques avec leurs compatriotes de Tahiti, des Marquises, des Fidji, etc. Leur langue maternelle est donc demeurée vivante. Ce n’est pas le cas des autres immigrants arrivés il y a au moins une génération, notamment les Vietnamiens, les Javanais, les Kabyles d’Algérie, etc. Ces groupes semblent sur la voie de l’assimilation.
- Les langues asiatiques
Pour leur part, les groupes asiatiques parlent, selon le cas, le vietnamien, le chinois hakka, le javanais ou le malais. On estime en outre qu’environ 2600 locuteurs parlent aussi un créole, le tayo de Saint-Louis, un créole à base lexicale française, qui semble en expansion dans la région de Nouméa.
- Le cloisonnement des communautés
Par ailleurs, les communautés ethniques de la Nouvelle-Calédonie, bien assises chacune sur leur identité culturelle, sont toutes demeurées cloisonnées les unes par rapport aux autres. En effet, Européens, Mélanésiens, Polynésiens, Asiatiques, Indonésiens, etc., vivent en s’ignorant les uns les autres. Cette situation n’a pas favorisé l’émergence d’une identité néo-calédonienne transcendant les clivages culturels et ethniques. Ce cloisonnement entre cultures étanches donne une idée des difficultés qu’ont dû surmonter les pouvoirs politiques, lorsqu’il s’est agi de trouver des solutions consensuelles aux nombreux conflits qui ont jalonné la courte histoire politique du pays.
Sur le territoire, aucune communauté n’est vraiment majoritaire, y compris les Caldoches et les Kanaks. Et, bien que le taux de natalité soit deux fois plus élevé chez les Kanaks que chez les Caldoches, il sera difficile pour les autochtones, s’ils deviennent majoritaires un jour, d’imposer leur choix sans tenir compte des autres. Un autre problème a trait à la répartition des richesses au sein des populations d’origine européenne et autochtone, c’est-à-dire entre le Nord et le Sud ou entre les pauvres et les riches. À l’exemple des pays en voie de développement, la Nouvelle-Calédonie souffre des écarts entre, d’une part, un pôle urbain, Nouméa, où sont concentrées les richesses du pays et, d’autre part, des zones rurales et minières dramatiquement pauvres. D’un côté, des maisons confortables, des voitures rutilantes, des bateaux de plaisance, des boutiques de mode, de l’autre, des cases et des bidonvilles. Pour le moment, malgré de réels efforts de la part des gouvernements, la réduction des écarts entre le Nord et le Sud reste encore un vœu pieux.
Il faudrait mentionner quelques mots au sujet de la place de l’anglais en Nouvelle-Calédonie. D’abord, relevons le fait que ce territoire français est situé à plus de 18 000 km de la Métropole et que, par conséquent, l’attraction du français se révèle plus faible que, par exemple, en Corse ou aux Antilles. La Nouvelle-Calédonie, peuplée seulement de 200 000 habitants, fait partie d’un vaste ensemble géopolitique, le Pacifique-Sud, qui compte au moins 25 millions d'anglophones, notamment avec l’Australie (1500 km à l’ouest) et la Nouvelle-Zélande (1700 km au sud-ouest).
De plus, la plupart des États du Pacifique ont l’anglais comme langue officielle: l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Vanuatu (avec le français), les îles Salomon, Nauru, Tonga, Fidji, Tuvalu, Kiribati, les Samoa occidentales, les Samoa américaines, Niue, sans oublier Guam, les États fédérés de Micronésie et Hawaï. Seuls les territoires de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna (2500 km à l’est) et de la Polynésie française (5000 km à l’est) sont officiellement de langue française. À cela s’ajoute le fait que la présence américaine, australienne et néo-zélandaise est très forte dans tout le Pacifique... sauf dans les trois TOM français. Néanmoins, l’accès à certains biens de consommation passe par l’anglais, même en Nouvelle-Calédonie.
De fait, l'anglais est compris et parlé par une certaine partie de la population néo-calédonienne instruite; les Kanaks scolarisés parlent anglais comme les Européens. À ceux-là s’ajoutent certaines communautés kanakes, dont les ancêtres ont été christianisés par les missionnaires protestants, ainsi qu’une couche importante de la population immigrée, surtout les Javanais, les Vanuatais, les Fidjiens, etc. En somme, bien que le français soit la langue officielle, l'anglais reste une langue dont il faut tenir compte en Nouvelle-Calédonie.
(1) Situation géopolitique |
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(4) Les fluctuations politiques |
(5) La politique linguistique | (6) Bibliographie |
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