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Panjab(Pakistan) |
Province du Panjab |
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Le Panjab (ou Penjab) fait partie de l’une des quatre provinces de la République islamique du Pakistan. Cette province de 205 344 km² (Pakistan: 803 940 km²) est située au centre-est du pays. Le Panjab est borné au sud par la province de Sind, à l’ouest par la province du Balouchistan, à l'est par l'Inde (voir la carte). Sa capitale est Lahore. |
Rappelons que le Pakistan forme une république fédérale islamique divisée en quatre provinces avec chacune son Chief Minister («ministre en chef») et son assemblée législative: le Baloutchistan (frontière sud-ouest avec l’Iran et l’Afghanistan), la province de la Frontière du Nord-Ouest («North-West Frontier»: à la frontière nord-ouest avec l’Afghanistan), le Panjab (frontière nord-est avec l’Inde) et le Sind (frontière sud-est avec la mer d’Oman et l’Inde). Dans les faits,
le Sind a été transformé en un cantonnement militaire par le gouvernement fédéral. Les militaires se comportent comme s’ils occupaient un territoire ennemi, avec cette différence que, tous les jours, ils humilient, torturent et tuent des civils innocents.Dans ce pays de 153 millions d’habitants (2003), c’est la province du Panjab, représentant 53,5 % de l’ensemble de la population, qui constitue de ce fait la province la plus puissante dans la fédération. En 2009, la province du Panjab comptait quelque 82 millions d'habitants. Les ethnies les plus importantes sont les Panjabis Rajput, les Gakhars, les Gujjars, les Jats, le Panjabis Shaikh, les Kamboh et les Syeds. Les ethnies numériquement moins importantes sont les Awans, les Khateek, les Maliars, les Rawns, les Panjabis Pathans, les Baloutches, les Rehmanis et les Maliks, auxquelles il conviendrait d'ajouter les Siraiki, les Hindko, les Kashmiri, les Sindhis et les Muhajirs. La province abrite aussi des réfugiés tadjiks, pachtounes, hazaras et turkmènes.
Selon le recensement national de 1998, la distribution linguistique dans la province se présente comme suit: panjabi (75,2 %), saraiki (17,3 %), ourdou (4,5 %), pachtou (1,1 %), baloutchi (0,6 %), sindhi (0,1 %), etc. Ce sont toutes des langues indo-iraniennes. Cependant, la langue principale, le panjabi — écrit avec l'alphabet arabo-persan connu au Pakistan comme l'alphabet shahmukhi —, est fragmentée en de nombreuses variétés dialectales, dont le panjabi oriental (surtout en Inde) et le panjabi occidental (Pakistan). |
Le panjabi occidental est, lui aussi, fragmenté en divers dialectes: le majhi, le jhangochi, le shahpuri, le pothowari, l'hindko, le malwi, le doabi et le pwadhi. Le majhi est la variété dialectale de prestige au Panjab; il est parlé au centre de la province où vit la majorité des Panjabis. C'est la variété dialectale de la région de Majha, mais elle s'étend à Lahore, Sheikhupura, Kasur, Okara, Gujranwala, Wazirabad, Sialkot, Narowal, etc.
La population du Panjab est estimée musulmane dans une proportion de 97,2 % avec une majorité de sunnites et une minorité chiite. La plus grande minorité religieuse non musulmane est constituée de chrétiens (2,3 %); Il existe aussi des hindous, des sikhs, des parsis et des bahá'í.
Étant donné que le Pakistan est aux prises avec de multiples tensions sécessionnistes découlant des nombreuses ethnies composant le pays, la tâche principale des gouvernements pakistanais, par ailleurs souvent contrôlés par les Ourdous, les Sindhis et les Panjabis, a toujours été de promouvoir l’unité nationale constamment menacée. C’est pour cette raison que l’ourdou a été choisi comme instrument de l’unité nationale, d’autant plus que cette langue jouissait d’un grand prestige (avec l’hindi), qui lui venait de son statut en Inde, et possédait une tradition écrite très développée. En fait, l’ourdou était déjà, au moment de la partition (avec l’Inde), une langue supra-ethnique et un véhicule linguistique perfectionné et développé.
En 1947, il était impensable de songer à un multilinguisme officiel au Pakistan étant donné le grand nombre de langues alors qu’aucune n’était majoritaire à l’échelle du pays. De plus, il était impossible de «venir à bout» des langues nationales parlées par des millions de locuteurs. La solution la plus sage a semblé de conserver l’anglais comme langue officielle, statut dont cette langue s’était fort bien acquitté jusque là. C’est pourquoi la Constitution fédérale de 1973, suspendue puis restaurée en 1985 (puis suspendue à nouveau en 2001), semble permettre le multilinguisme. En effet, l’article 28 déclare ce qui suit:
Article 28 Preservation of language, script and culture. Subject to Article 251 any section of citizens having a distinct language, script or culture shall have the right to preserve and promote the same and subject to law, establish institutions for that purpose. |
Article 28 Préservation de la langue, de l'écriture et de la culture Sous réserve de l'article 251, tout groupe de citoyens ayant une langue, une écriture ou une culture distinctes a le droit de les préserver et d'en faire la promotion et, sous réserve de la loi, de fonder des établissements à ces fins. |
Cependant, deux langues seulement sont prévues pour être utilisées à des fins officielles au plan national: l’ourdou, parlé par seulement 7,5 % de la population, et l’anglais, la langue de l’ancien colonisateur. Autrement dit, de toutes les langues nationales du pays, c’est l’ourdou qui a été choisi à des fins officielles. Ainsi, on peut lire à l’article 251:
Article 251 National language. 1) The National language
of Pakistan is Urdu, and arrangements shall be made for its being used for
official and other purposes within fifteen years from the commencing day. |
Article 251 Langue nationale 1) La langue nationale du Pakistan est l'ourdou, et des dispositions seront prises pour qu'elle soit utilisée aux fins officielles et à d'autres fins dans les quinze années qui suivent la date de la promulgation. 2) Sous réserve du paragraphe 1, la langue anglaise pourra être utilisée à des fins officielles jusqu'à ce que les dispositions nécessaires aient été prises pour qu'elle soit remplacée par l'ourdou. 3) Sans qu'il ne soit porté atteinte au statut de la langue nationale, une assemblée provinciale peut, par une loi, prendre des dispositions pour enseigner, promouvoir et utiliser une langue provinciale en plus de la langue nationale. |
On constate que le paragraphe 3 laisse entendre qu’il est possible de rendre co-officielle une autre langue en plus de l’ourdou dans une province. Pour le moment, seule la province du Sind dans le Sud-Est a pu se prévaloir de cette disposition, puisque l’ourdou et le sindhi sont les langues co-officielles de cet État. Dans les autres provinces, l’ourdou est demeuré la seule langue officielle, bien que l’anglais ait conservé un statut non officiel plutôt enviable.
La langue officielle du Panjab est l'ourdou, bien qu'il ne soit parlé, comme langue maternelle, que par une minorité de 4,5 %. Lors que le Parlement provincial n'est pas suspendu, deux langues sont généralement utilisées: l'ourdou (écrit) et le panjabi (oral). Les lois sont discutées en panjabi, mais rédigées en ourdou, parfois en anglais.
Dans les tribunaux, l’ourdou et l’anglais sont les langues les plus couramment employées, mais en cas de force majeure (une personne ne parlant pas l’ourdou ou l'anglais), on a recours aux autres langues de la province au moyen d'interprètes ou de traducteurs. Les documents judiciaires écrits préparés par la cour sont toujours en ourdou.
Dans l’administration publique provinciale, les communications orales se déroulent généralement ourdou, mais aussi en panjabi. Les missives officielles destinées à l’ensemble de la population sont en ourdou (très rarement en panjabi). Cette situation prévaut dans dans les services municipaux et les hôpitaux. L'emploi d'une autre langue (même sans la nommer), n'est pas interdit, comme en fait foi cette ordonnance de 1958 encore en vigueur au sujet des femmes employées dans les maternités:
West Pakistan Maternity Benefit Ordinance, 1958 Article 14. |
Ordonnance sur les allocations de maternité du Pakistan occidental (1958) Article 14 |
Il en est ainsi de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais aucune langue n'est nommée en particulier:
Punjab Land Revenue Act 1967 Article 28. The Board of Revenue may, with the previous approval of
Government, make rules— |
Loi du Panjab de l'impôt sur le revenu (1967) Article
28 |
Mais la seule loi provinciale importante traitant de la langue majoritaire du Panjab, le panjabi, demeure la Loi sur l'Institut du Panjab sur la langue, les arts et la culture (2004). Cette loi créait l'Institut du Panjab sur la langue, les arts et la culture (PILAAC). Les principaux objectifs linguistiques de cette loi sont de conseiller le gouvernement sur toutes les questions de politique en matière de promotion de la langue panjabi; de faciliter et d'encourager des activités et des programmes de recherche concernant la littérature et la langue panjabi; de recueillir, préserver et classer les livres de la littérature classique et moderne du panjabi; de publier et d'imprimer des livres, des journaux et de la littérature concernant la langue panjabi; de faciliter la traduction des meilleurs livres en ourdou et en anglais, et la littérature des autres langues en panjabi; d'enrichir à la langue panjabi en lui permettant d'absorber les progrès de la science et de la technologie ainsi que ceux de la société moderne; de préparer ou de susciter la préparation de dictionnaires et une encyclopédie en panjabi; de permettre au panjabi de servir comme une source enrichissante pour élargir la portée, les usages et l'importance de l'ourdou; d'employer et de développer les mots parlés et écrits sous toutes les formes de la langue panjabi et de préserver ou reformer ses us et coutumes; d'établir des liens avec des établissements d'enseignement pour la promotion de la langue panjabi. Voici les extraits de la loi à ce sujet
Punjab Institute of Language, Art and Culture Act 2004 Article 3. Article 4. |
Loi sur l'Institut du Panjab sur la langue, les arts et la culture (2004) Article 3 2) L'Institut est une personne morale ayant une succession perpétuelle et un sceau commun avec le pouvoir d'acquérir, de maintenir et de disposer de propriétés mobilières et immobilières, de poursuivre et d'être poursuivie en justice, par mention de son nom.
Article 4 (b) faciliter et encourager des activités et des programmes de recherche concernant la littérature et la langue panjabi, les arts et la culture représentant les diverses régions du Panjab; (c) recueillir, préserver et classer les livres de la littérature classique et moderne du panjabi, et créer une bibliothèque de référence avec des équipements et des stocks modernes pour les usagers habituels et les chercheurs;
(d) promouvoir les arts et les métiers des
citoyens du Panjab; (h) faciliter la traduction des meilleurs livres en ourdou et en anglais, et la littérature des autres langues en panjabi; (i) encourager la culture de la tolérance, de la paix et de l'amour tel que prêché par les grands poètes soufis du Panjab; (j) promouvoir l'amour et la fraternité entre les habitants des diverses provinces du Pakistan et intégrer les diversités régionales dans l'unité nationale par les arts et la littérature;
(k) enrichir à la langue panjabi en lui permettant d'absorber les
progrès de la science et de la technologie ainsi que ceux de
la société moderne;
(p) agir réciproquement et collaborer avec des
institutions
diverses établies dans le monde entier, dans le but de promouvoir
la langue panjabi, les arts et la culture; (v) établir des liens avec des établissements
d'enseignement pour la
promotion de la langue panjabi, des arts et de la culture; |
Dans l’éducation, les parents ont le choix d’envoyer leurs enfants dans les écoles où l’enseignement est dispensé en ourdou ou en anglais. La plupart des Panjabis, Pachtounes et Baloutches choisissent l'ourdou. Dans les quelques écoles primaires où l’enseignement se fait en anglais, l’ourdou demeure obligatoire comme langue seconde. Dans l'ensemble de la province, non seulement le panjabi n'est pas enseigné, mais il est dévalorisé au point où beaucoup de parents préfèrent parler l'ourdou à leurs enfants plutôt que le panjabi. Pourtant, l'article 251-c de la Constitution prévoit qu'il est possible d'enseigner, en plus de l'ourdou, une autre langue locale: «Sans qu'il ne soit porté atteinte au statut de la langue nationale, une assemblée provinciale peut, par une loi, prendre des dispositions pour enseigner, promouvoir et utiliser une langue provinciale en plus de la langue nationale.»
Quant aux enfants de l'élite qui s'inscrivent dans des écoles anglaises, ils méprisent l'ourdou et il leur interdit de parler le panjabi. Quoi qu'il en soit, même si le panjabi est une langue négligée dans les domaines de prestige (médias, éducation, commerce, etc.), elle demeure la langue parlée par la grande majorité de la population de la province. C'est la langue véhiculaire des locuteurs du Panjab, et elle est employée dans les chansons, les communications informelles et les conversations privées, les plaisanteries, etc. En ce sens, le panjabi n'est pas une langue en danger.
Le Panjab compte moins d'une vingtaine d'établissements d' enseignement supérieur et offre la plupart des disciplines connues (droit, médecine, humanités, sciences, etc.). L'enseignement est dispensé surtout en ourdou, mais aussi en anglais.
Dans le domaine des médias, les radios locales diffusent en panjabi. La situation est différente dans les journaux, car seuls ceux rédigés en ourdou ou en anglais sont suffisamment répandus dans le pays: A Pakistan News (anglais),
Asia News Network (anglais), Daily Khabrain (ourdou), Daily Nawa-i-Waqt (ourdou), Daily Times (anglais), The Nation (anglais), Voice of Lahore (ourdou) et Weekly Independent (anglais).
Comme partout au Pakistan, l’ethnie ourdoue a exercé un rôle politique prépondérant depuis l'indépendance (1947). Il en a découlé une expansion considérable de l’ourdou comme langue nationale au point où même l’anglais a reculé. De toutes les langues du Pakistan, seul l’ourdou a progressé et plusieurs langues nationales – baloutchi, pachtou, panjabi, saraiki – ont été délaissées, particulièrement dans l’écriture. Le sindhi demeure la seule exception au Pakistan, puisque cette langue n’a pas régressé alors que toutes les autres langues locales ont périclité au profit de l’ourdou. C’est là l’effet d’une politique linguistique destinée à supplanter définitivement les langues régionales, l’exception étant le sindhi. Dans la province du Panjab, la langue numériquement la plus importante, le panjabi, a été reléguée aux communications informelles et privées. La politique linguistique adoptée par la province a réussi à accorder un statut particulier au panjabi lors de la création d'un institut sur la langue, les arts et la culture, mais cette institution ne peut ni arrêter ni ralentir la progression de l’ourdou. Les efforts de valorisation du panjabi semblent dérisoires dans la mesure où ils sont insuffisants pour assurer sa promotion et son utilité dans les fonctions de prestige.
Bref, la politique d'assimilation du gouvernement fédéral semble avoir réussi dans la province du Panjab. Depuis que le Pakistan existe, l'État fédéral a violé à maintes reprises les droits des citoyens, à plus forte raison lorsqu’ils sont minoritaires. Il n'a pas réussi ni désiré les protéger. Les groupes de défense des droits des communautés officiellement désignées comme «minorités» sont privés de leurs droits les plus élémentaires.
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