Fondement idéologique
de la Révolution algérienne
Les
caractéristiques de la société algérienne
1- La compréhension de l’état présent de notre pays, des
luttes qui s’y déroulent, des contradictions à surmonter, implique
une juste appréciation de ses caractéristiques.
L’Algérie est un pays arabo-musulman. Cependant cette
définition exclut toute référence à des critères ethniques et
s’oppose à toute sous-estimation de l’apport antérieur à la
pénétration arabe. La division du monde arabe en unités
géographiques ou économiques individualisées n’a pu reléguer à
l’arrière-plan les facteurs d’unité forgés par l’histoire, la
culture islamique et u ne langue commune.
Profondément croyantes, les masses algériennes ont lutté
vigoureusement pour débarrasser l’islam de toutes les excroissances
et superstitions qui l’ont étouffé ou altéré. Elles ont toujours
réagi contre les charlatans qui voulaient en faire une doctrine de
la résignation et l’ont associé à leur volonté de mettre fin à
l’exploitation de l’homme par l’homme.
La révolution algérienne se doit de redonner à l’islam son vrai
visage, visage de progrès.
L’essence arabo-musulmane de la nation algérienne a constitué
un rempart solide contre sa destruction par le colonialisme. La
suppression brutale des institutions, l’appropriation directe des
terres, des moyens d’échanges et de l’appareil étatique par une
minorité étrangère implantée à la faveur de la conquête n’ont pas
empêché le peuple algérien de reconstruire une vie sociale nouvelle.
Elle a seulement donné un cachet spécifique aux problèmes agraire et
culturel et aux questions de l’encadrement administratif et
technique.
2– La lutte pour le triomphe des principes démocratiques a
pénétré les masses, impulsé leur action et déterminé leur
comportement et leurs perspectives. À travers la résistance armée à
l’impérialisme français, elles ont pris conscience de leur force et
de leur capacité de résoudre elles-mêmes.
3– L’Algérie sort à peine de l’emprise coloniale. La paix de
compromis conclue à Évian aboutirait à un blocage de la révolution
si les dispositions de ces accords ne sont pas réaménagées dans le
sens de l’intérêt national.
Les accords d’Évian constituent le mole à partir duquel s’est
exprimée la renaissance de la nation et de l’État algérien.
Cependant, la présence de l’armée française et plus encore la nature
de nos relations financières et économiques avec la France limitent
notre souveraineté et donnent un poids particulier aux phénomènes
négatifs et aux agissements des couches exploiteuses nationales.
Les tâches de caractère national fixées par le Programme de Tripoli
demeurent. L’impérialisme constitue encore l’ennemi principal de
notre pays. Le parti doit réagir énergiquement contre la tendance de
ceux qui veulent assoupir insensiblement notre volonté quotidienne,
endormir la vigilance populaire et aggraver les liens de dépendance
du pays. La lutte pour la consolidation de l’indépendance et la
lutte pour le triomphe de l’option socialiste sont indissolublement
liées. Les séparer c’est favoriser la croissance et la pression des
forces hostiles au socialisme et diluer le rôle dirigeant des masses
laborieuses ouvrières et paysanne dans des blocs sans principes.
4– L’Algérie est caractérisée par l’inégalité de
développement entre les différentes régions. Cette situation héritée
du passé confère une portée réelle aux phénomènes régionalistes, aux
survivances féodales et à d’autres forces d’inertie. L’égalité des
droits entre tous les Algériens serait un principe sans contenu si
elle faisait fi développement de la base matérielle. Seule
l’augmentation des richesses générales du pays et le développement
des forces productives à l’intérieur des régions retardataires
permettront de supprimer les obstacles à leur intégration nationale
et établiront l’harmonie nécessaire à une évolution normale du pays.
5– La résistance nationale au colonialisme et à
l’impérialisme a trouvé son appui essentiellement, dans les
montagnes. Or, les avantages de l’indépendance se sont d’abord
manifestés dans les villes et les plaines. Il y a là une
contradiction. S’attacher à la solution de cette contradiction c’est
travailler à unir la paysannerie pauvre aux ouvriers des viles et
des campagnes et réaliser une des conditions les plus impérieuses de
la victoire du socialisme. L’accomplissement de cette tâche est
d’autant plus vitale que les milieux les plus ouverts à l’idée d’une
révolution sociale (ouvriers, intellectuels, etc.) furent parfois
moins lucides sur les questions de la lutte nationale que d’autres
couches plus traditionalistes. Le risque que connaît le pays est que
des idéologues au service des couches exploiteuses se réclament de
leur lucidité relative sur des questions nationalistes pour empêcher
toute approche scientifique de problèmes qui sont aujourd’hui de
nature révolutionnaire.
6– Le colonialisme a développé parmi les Algériens des
habitudes de consommations sans commune mesure avec les possibilités
réelles du pays. Ces habitudes aggravées par la guerre, constituent
un facteur de corruption extraordinaire. Le Parti ne peut accepter,
sans se couper des masses, la disparité des revenus actuellement
existante. Il doit combattre avec vigueur les conceptions
parasitaires nées dans les conditions d’une exploitation forcée des
masses laborieuses. Le succès de cette lutte est lié à l’élimination
des couches privilégiées du devant de la scène et à l’exercice des
responsabilités politiques et de gestion par les masses laborieuses
elles-mêmes. C’est là le moyen le plus juste et le plus efficace
pour éviter de tomber dans le piège d’un pseudo-égalitarisme.
[...]
26– La culture algérienne sera nationale, révolutionnaire
et scientifique.
1) Son rôle de culture nationale consistera, en premier lieu
à rendre à la langue arabe, expression même des valeurs
culturelles de notre pays, sa dignité et son efficacité en tant que
langue de civilisation. Pour cela, elle s’appliquera à
reconstituer, à revaloriser et à faire connaître le patrimoine
national et son double humanisme classique et moderne afin de les
réintroduire dans la vie intellectuelle et d’éducation de la
sensibilité populaire. Elle combat ainsi le cosmopolitisme culturel
et l’imprégnation occidentale qui ont contribué à inculquer à
beaucoup d’Algériens le mépris de leur langue, de leurs valeurs
nationales.
2) En tant que culture révolutionnaire, elle contribuera à
l’œuvre d’émancipation du peuple qui consiste à liquider les
séquelles du féodalisme, les mythes antisociaux et les habitudes
d’esprit rétrogrades et conformistes. Elle ne sera ni une culture de
caste fermée au progrès ni un luxe de l’esprit. Populaire et
militante elle éclairera la lutte des masses dans le combat
politique et social sous toutes ses formes. Par sa conception de
culture active au service de la société, elle aidera au
développement de la conscience révolutionnaire en reflétant sans
cesse les peuple, ses réalités et ses conquêtes nouvelles, ainsi que
toutes les formes de ses traditions artistiques.
3) Culture scientifique dans ses moyens et sa portée, la
culture algérienne devra se définir en fonction de son caractère
rationnel, de son équipement technique, de l’esprit de recherche qui
l’anime et de sa diffusion méthodique et généralisée à tous les
échelons de la société.
27– De là découle la nécessité de renoncer aux conceptions
routinières qui pourraient entraver l’effort créateur et paralyser
l’enseignement en aggravant l’obscurantisme hérité de la domination
coloniale. Cette nécessité s’impose, d’autant plus que la langue
a subi un tel retard comme instrument de culture scientifique
moderne qu’il faudra la promouvoir, dans son rôle futur, par des
moyens rigoureusement concrets et perfectionnés.
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