États-Unis du Mexique

Mexique

Loi générale sur les droits linguistiques
des peuples indigènes (2003)

Résumé

En décembre 2002, le Parlement fédéral du Mexique adoptait la Loi générale sur les droits linguistiques des peuples indigènes (Ley General de Derechos Lingüísticos de los Pueblos Indígenas). La loi compte 25 articles répartis en quatre chapitres (en vigueur en 2003):

- Chapitre I: Dispositions générales
- Chapitre II: Droits des locuteurs des langues indigènes
- Chapitre III: Distribution, accord et coordination des compétences
- Chapitre IV: L'Institut national des langues indigènes

1 Le chapitre I : dispositions générales

Les dispositions du chapitre I («Dispositions générales») sont d'ordre général. L'article 1er précise qu'il s'agit d'une loi d’ordre public et d’intérêt social, qui doit être respectée partout au Mexique; elle a pour objectif la reconnaissance et la protection des droits linguistiques, individuels et collectifs, des peuples et communautés indigènes, ainsi que la promotion, l'utilisation et le développement des langues indigènes. L'article 2 définit les langues indigènes comme étant «celles qui viennent des peuples existant sur le territoire national avant l'établissement de l'État mexicain», lesquels «se sont enracinés sur le territoire national» et qui ont été reconnus postérieurement «pour posséder un ensemble systématique et cohérent de formes orales fonctionnelles et symboliques de communication». En vertu de l'article 3, les langues indigènes font «partie intégrante du patrimoine culturel et linguistique national», tandis que «la pluralité des langues indigènes est une des principales expressions de la composition multiculturelle de la nation mexicaine». L'article 4 de la Loi générale sur les droits linguistiques des peuples indigènes définit le statut de ces langues:

Article 4

Les langues indigènes qui sont reconnues selon les dispositions de la présente loi, ainsi que l’espagnol, sont des langues nationales par leur origine historique, et elles ont la même valeur sur leur territoire, lieu et contexte dans lesquels elles sont parlées.

Il incombe à l'État, par ses trois ordres de gouvernement fédération, États fédérés et communes , dans le cadre de leurs compétences respectives, de reconnaître, protéger et assurer la promotion, la préservation, le développement et l'utilisation des langues indigènes nationales (art. 5). L'État adoptera et prendra les mesures nécessaires pour assurer que les moyens de communication massive reflètent la réalité et la diversité linguistique et culturelle de la nation mexicaine (art. 6). L'article 7 de la Loi générale sur les droits linguistiques des peuples indigènes énonce que les langues indigènes auront la même valeur que l'espagnol pour toute communication à caractère public, ainsi que pour accéder pleinement à la gestion, aux services et à l’information publique:

Article 7

Les langues indigènes ont la même valeur, tout comme l'espagnol, pour toute affaire ou formalité à caractère public, ainsi que pour accéder pleinement à la gestion, à l'information et aux services publics. L'État doit veiller à ce que les droits énoncés dans le présent article, comme suit :

a) Dans le District fédéral et les autres entités fédérées avec les municipalités ou les communautés qui parlent des langues indigènes, les gouvernements concernés, en consultation avec les communautés indigènes d'origine et issues de l'immigration, détermineront lesquelles de leurs unités administratives vont adopter et aménager des mesures pour que les instances requérantes puissent répondre aux besoins et résoudre les affaires qui leur sont présentées dans les langues indigènes.  

b) Dans les municipalités ayant des communautés qui parlent des langues indigènes, seront adoptées et aménagées des mesures prévues au paragraphe précédent, dans toutes ses instances.

La Fédération et les entités fédérées doivent rendre disponibles et diffuser par des textes, moyens audio-visuels et informatiques, les lois, les règlements, ainsi que les éléments de programmes, ouvrages et services adressés aux communautés indigènes, dans la langue de leurs bénéficiaires concernés.

Dans le District fédéral et dans les organismes fédéraux, au sein des communes ou communautés parlant des langues indigènes, les gouvernements locaux devront adopter des mesures pour que les instances requises puissent s'occuper et résoudre des affaires concernant les langues indigènes. Pour ce faire, les organismes fédérés doivent diffuser des textes ou documents audiovisuels et informatiques tels que des lois, règlements, ainsi que des contenus de programmes ou de services adressés aux communautés indigènes, le tout dans la langue des bénéficiaires. Enfin, l'article 8 de la Loi générale sur les droits linguistiques des peuples indigènes énonce le principe de non-discrimination:

Article 8

Nul ne pourra être soumis à un type de discrimination en raison ou en vertu de la langue qu’il parle.

2 Le chapitre II : droits des louteurs des langues indigènes

Le chapitre II (articles 9 à 12) concerne les droits linguistiques spécifiques des indigènes.  Ce sont les dispositions les plus importantes de la loi. L'article 9 de la Loi générale sur les droits linguistiques des peuples indigènes précise que tout citoyen mexicain a le droit de communiquer dans sa langue lorsqu'il s'adresse à des organismes sociaux, économiques, religieux, etc.:

Article 9

Tout Mexicain a le droit de communiquer dans la langue qu'il parle, sans restriction, dans le cadre public ou privé, de manière orale ou écrite, dans toutes ses activités sociales, économiques, politiques, culturelles, religieuses et autres.

L'article 10 de la Loi générale sur les droits linguistiques des peuples indigènes garantit le droit aux peuples indigènes d'avoir accès aux services judiciaires dans la langue qu'ils connaissent:

Article 10

1) L'État garantit le droit aux peuples et aux communautés indigènes d’avoir accès aux activités judiciaires de l'État dans la langue indigène nationale qu’ils connaissent. Pour garantir ce droit, dans tous les jugements et toutes les procédures dans lesquels ils sont partie prenante, individuellement ou collectivement, les coutumes et spécificités culturelles de ces communautés doivent être prises en considération en respectant les prescriptions de la Constitution politique des États-Unis du Mexique.

2) Les autorités fédérales responsables de la gestion et de l'administration de la justice, y compris les activités agricoles et celles du travail, doivent faire le nécessaire pour que dans les décisions judiciaires les indigènes soient assistés gratuitement, en tout temps, par des interprètes et des défenseurs qui ont des connaissances dans la langue et la culture indigènes.

3) Selon les dispositions de l'article 5, dans les organismes fédérés et les municipalités ayant des communautés qui parlent des langues indigènes, sont adoptées et aménagées des mesures prévues au paragraphe précédent, dans les instances qui sont requises.

L'article 11 de la Loi générale sur les droits linguistiques des peuples indigènes concerne les droits en matière d'éducation. Les autorités éducatives fédérales garantissent à la population indigène l’accès à l'éducation obligatoire, bilingue et interculturelle; aux niveaux primaire et secondaire (éducation «moyenne») ainsi qu'à l'université, seront privilégiés l'interculturalité («interculturalidad»), le multilinguisme et le respect de la diversité et des droits linguistiques:

Article 11

Les autorités éducatives fédérales et les entités fédérées doivent garantir à la population indigène l’accès à l'éducation obligatoire, bilingue et interculturelle, et adopter des mesures nécessaires pour que dans le système d'éducation le respect à la dignité et à l'identité des personnes soit assuré, indépendamment de la langue. De même, dans les niveaux d'éducation moyens et supérieurs, l'interculturalité sera privilégiée, de même que le multilinguisme et le respect de la diversité et des droits linguistiques.

Enfin, selon l'article 12, les communautés indigènes impliquées agiront des des co-responsables dans l'application de la loi.

3 Le chapitre III : distribution, accord et coordination des compétences

Le chapitre III (art. 13) a trait à la répartition, l’assistance et la coordination des compétences des différents intervenants. Il ne compte qu'un seul article décrivant longuement (en 14 points) les objectifs de la Loi générale sur les droits linguistiques des peuples indigènes. On peut résumer ces objectifs de la façon suivante:

1) Inclure dans les programmes gouvernementaux traitant de l'éducation et de la culture indigène les politiques tendant à la protection, la préservation, la promotion et le développement des diverses langues indigènes nationales;
2) Diffuser dans les langues indigènes nationales des bénéficiaires le contenu de ces programmes;
3) Faire connaître les langues indigènes par les moyens de communication afin de promouvoir leur utilisation et favoriser leur développement;
4) Inclure dans les programmes d'étude de l'éducation de base l'origine et l'évolution des langues indigènes nationales, ainsi que de leurs contributions à la culture nationale;
5) Superviser dans l'éducation publique et privée la mise en œuvre de l'interculturalité, du multilinguisme et du respect à la diversité linguistique afin de contribuer à la préservation, l'étude et le développement des langues indigènes nationales et leur littérature;
6) Garantir que les professeurs responsables de l'éducation bilingue dans les communautés indigènes parlent et écrivent la langue locale et connaissent la culture du peuple indigène concerné;
7) Promouvoir des politiques recherche, de diffusion, d'études et de documentation sur les langues indigènes nationales et leurs expressions littéraires;
8) Créer des bibliothèques, centres culturels ou autres institutions dépositaires («instituciones depositarias») qui conservent les matériaux linguistiques dans des langues indigènes nationales;
9) Faire en sorte que dans les bibliothèques publiques on réserve un endroit pour la conservation l'information et la documentation plus représentative que la littérature et les langues indigènes nationales;
10) Soutenir les institutions publiques et privées, ainsi que les organisations de la société civile, légalement constituées, qui effectuent des recherches ethnolinguistiques;
11) Soutenir la formation et l'accréditation professionnelle des interprètes et traducteurs dans les langues indigènes nationales ainsi qu'en espagnol;
12) Garantir que les institutions, organismes et bureaux publics comptent du personnel possédant la connaissance des langues indigènes nationales requises dans leur territoire respectif;
13) Élaborer des politiques visant à protéger et préserver l'utilisation les langues et les cultures nationales des indigènes se déplaçant sur le territoire national et à l'étranger;
14) Prendre des mesures pour les personnes parlant des langues indigènes nationales puissent prendre part aux politiques servant à promouvoir les études effectuées par les divers ordres de gouvernement, lieux scolaires et centres de recherche.

4 Le chapitre IV : l'Institut national des langues indigènes

Le chapitre IV (art. 14 à 25) est consacré à l'Institut national des langues indigènes (Instituto Nacional de Lenguas Indígenas). L'article 14 définit l'Institut national des langues indigènes comme étant un organisme décentralisé de l'Administration publique fédérale, un service public et social doté de la personnalité juridique et faisant partie du Secrétariat à l'instruction publique (Secretaría de Educación Pública). Les objectifs de cet organisme est de promouvoir le renforcement, la préservation et le développement des langues indigènes parlées sur le territoire national, ainsi que la connaissance et la richesse culturelle de la nation, puis conseiller les trois ordres de gouvernement (fédération, États fédérés et municipalités ou communes) afin d'articuler les politiques publiques nécessaires en la matière. Afin d'atteindre ces objectifs, l'Institut nationale des langues indigènes disposera de nombreuses attributions:

1) Concevoir des stratégies et des instruments pour le développement des langues indigènes nationales;
2) Promouvoir des programmes destinés à revaloriser la connaissance des cultures et des langues indigènes nationales;
3) Étendre le cadre social d'utilisation des langues indigènes nationales et promouvoir l'accès à leur connaissance;
4) Élaborer le caractère normatif des langues et formuler des programmes pour certifier et accréditer les professionnels bilingues, et promouvoir la formation de spécialistes en la matière;
5) Formuler des projets de développement linguistique, littéraire et éducatif;
6) Élaborer et promouvoir la production de grammaires, la standardisation des écritures et la promotion de la lecture (dans les langues indigènes nationales);
7) Effectuer et promouvoir la recherche de base et appliquée pour une plus grande connaissance des langues indigènes nationales et promouvoir leur diffusion;
8) Effectuer des recherches pour connaître la diversité des langues indigènes nationales, et soutenir à l'Institut national de la statistique, de la géographie et de l'informatique (Instituto Nacional de Estadística, Geografía e Informática) à concevoir la méthodologie en vue faire un recensement sociolinguistique destiné à connaître le nombre et la distribution des locuteurs parlant ces langues;
9) Agir comme organisme de consultation et d'assessorat auprès des instances de l'Administration publique fédérale, ainsi que auprès des pouvoirs législatif et judiciaire, des gouvernements des États fédérés et des communes, de même que auprès des institutions et organisations sociales et privées en la matière;
10) Donner des informations, en matière de langues indigènes, sur les dispositions de la Constitution, des traités internationaux ratifiés par le Mexique et la présente loi et faire parvenir aux trois ordres de gouvernement les recommandations et les mesures pertinentes pour garantir leur préservation et leur développement;
11) Promouvoir et soutenir, conformément aux lois applicables dans les organismes fédératifs, la fondation ainsi que le fonctionnement d'instituts dans les États et communes concernant la présence des langues indigènes nationales sur leurs territoires respectifs;
12) Conclure des conventions ou traités, reliés à la Constitution des États-Unis du Mexique, aux personnes physiques ou morales et aux organismes publics ou privés, nationaux, internationaux ou étrangers, et aux activités propres de l'Institut national des langues indigènes.

Les articles suivants concernent l'administration de l'Institut national des langues indigènes (art. 15), les représentants du Conseil national (art. 16), le fonctionnement de la structure administrative et opérationnelle (art. 17), le rôle du directeur général (art. 18), l'organisme de surveillance administrative de l'Institut (art. 19), la publication des documents (art. 20) au Journal officiel de la Fédération (Diario Oficial de la Federación), la question financière et le budget (art. 21), ainsi que d'autres dispositions d'ordre administratifs (art. 22 à 25).

Cette Loi générale sur les droits linguistiques des peuples indigènes semble marquer une avancée considérable dans les droits linguistiques des indigènes. Cependant, il faut noter que la loi ne prévoit aucun mécanisme d'application ou de contrôle de la part des organismes gouvernementaux. L'Institut national des langues indigènes ne disposent pas lui-même de mécanismes lui permettant d'obliger les entreprises et les États fédérés à appliquer la loi et à faire respecter les droits des autochtones. Ces droits sont définis et relativement précis, mais il sera vraisemblablement plus difficile de les transposer dans la réalité. Fait à noter, la Loi générale sur les droits linguistiques des peuples indigènes a été traduite dans certaines langues autochtones: hñáhñu, huichol, maya, yoreme, mixteco, náhuatl, purépecha, totonaco, tzotzil et zapotèque.

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