République de Cuba

Cuba

República de Cuba

 

 

Capitale: La Havane
Population: 11,2 millions (2012)
Langue officielle: espagnol 
Groupe majoritaire: espagnol (90 %) 
Groupes minoritaires: communautés immigrantes (env. 10 %)
Système politique: république socialiste unitaire
Articles constitutionnels (langue): art. 2 de la Constitution de 1992
Lois linguistiques : Ley des Aduanas (Loi sur les douanes) de 1996.

1 Situation générale

La république de Cuba constitue un pays insulaire des Grandes Antilles, situé au sud des États-Unis (Floride) et à l’est du Mexique, à 77 km à l’ouest d’Haïti (ou île d'Hispaniola) et à 140 km au nord de la Jamaïque (voir la carte des Antilles).

L'île de Cuba est entourée au nord par le détroit de Floride, à l’est par l’océan Atlantique, au sud-est par le passage du Vent, au sud par la mer des Caraïbes, à l’ouest par le détroit du Yucatán. Regroupant plusieurs petits archipels autour de l’île principale de Cuba, le pays totalise une superficie de 114 525 km², soit quatre fois plus petite que l'Espagne (504 748 km²), mais quatre fois plus grosse que la Belgique. Sa capitale est La Havane.

Le pays compte un grand nombre d'îles et d'îlots (les «cayos»), soit environ 1600, qui sont répartis en cinq grands groupes — d’ouest en est : los Colorados, Sabana, Camagüey, Jardins de la Reine, los Canarreos — auxquels il convient d’ajouter l’île de la Jeunesse (ou Juventud, anciennement île des Pins), la plus vaste, avec une superficie de 3056 km².

Au point de vue administratif, Cuba compte 14 provinces (en plus de la Ciudad de La Habana): Holguin, Santiago de Cuba, Villa Clara, Granma, Camagüey, Pilar del Rio, La Habana, Matanzas, Guantánamo, Las Tunas, Sancti Spiritus, Ciego de Avilla, Cienfuegos et l'Isla de la Juventud (île de la Jeunesse). 

Mentionnons aussi que, dans le sud-est de l'île, dans la baie de Guantánamo, les États-Unis occupent depuis 1903 des terres (121 km²), situées de chaque côté de ce chenal d'entrée, de même que 3640 acres des eaux avoisinantes, qui constituent le territoire de la base navale américaine. Celle-ci est dotée de terrains d'aviation et d'installations étendues servant à l'approvisionnement, à la réparation des unités américaines, mais aussi à la formation des nouvelles troupes. C'est la principale base navale des États-Unis dans les Antilles. 

- La base militaire de Guantánamo (USA)

C'est au cours de la guerre hispano-américaine (1898) que les États-Unis ont pris et fortifié une grande partie du port de la baie et l'ont utilisé comme mouillage pour leurs bâtiments de guerre. Le 7 février 1901, le président cubain Tomas Estrada Palma signait un accord de cession de ces territoires au gouvernement américain pour la construction de la base navale. À la suite au fameux amendement Platt du 27 février 1901, la base était en opération en 1903. Selon les termes de l'accord complémentaire signé le 2 juillet 1903, le gouvernement américain s'engageait à verser à Cuba la somme de 2000 $ par an (environ 4085 $ au taux d'aujourd'hui), qu'il continue de payer, mais que Cuba refuse de toucher depuis la révolution de 1959.

En 1934, l'accord a été remplacé par un traité qui réaffirmait le droit des États-Unis de louer le site de la base à Cuba. Les Américains ont continué d'occuper la base après la révolution de 1959, et ce, malgré des relations tendues avec Cuba. Précisons aussi que la base de Guantánamo sert de «prison militaire», en principe temporaire, et de haute sécurité pour détenir les suspects terroristes et les combattants talibans qui ont été capturés en Afghanistan. En fait, on y compterait près de 700 prisonniers originaires d'une vingtaine de pays différents. On trouvera, en cliquant ICI, la déclaration officielle du gouvernement cubain, en date du 11 janvier 2002, relativement à la base navale américaine de Guantánamo et de l'amendement Platt.

Le 25 mai 2005, Amnesty international a publié son rapport annuel dans lequel elle qualifiait Guantánamo de «goulag moderne». En juin 2006, la Cour suprême des États-Unis a statué que les tribunaux militaires créés pour juger les détenus de Guantánamo étaient «illégaux». La base de Guantánamo fonctionne un peu comme une sorte d'«État souverain» dans l'île. 

Le président des États-Unis, Barack Obama, a pris la décision de fermer, dans un délai d'un an (été 2010), la prison de Guantánamo, cette geôle devenue le symbole des dérapages de la guerre contre le terrorisme. Toutefois, Barack Obama a admis que la prison de Guantánamo ne pourrait être fermée à la date prévue de l'été 2010. Le 30 avril 2013, il résumait ainsi la situation:

I continue to believe that we’ve got to close Guantanamo. I think — well, you know, I think it is critical for us to understand that Guantanamo is not necessary to keep America safe. It is expensive. It is inefficient. It hurts us in terms of our international standing. It lessens cooperation with our allies on counterterrorism efforts. It is a recruitment tool for extremists. It needs to be closed. [Je persiste à croire que nous devons fermer Guantanamo. Je pense que — eh! bien, vous le savez, je pense qu'il est essentiel que nous comprenions que Guantanamo n'est pas nécessaire pour assurer la sécurité de l'Amérique. Elle coûte cher. Elle est inefficace. Elle nuit à notre réputation internationale. Elle entrave la coopération avec nos alliés dans nos efforts contre le terrorisme. C'est un outil de recrutement pour les extrémistes. Elle doit être fermée.]

Malgré ses propos, il est probable que des dizaines d’hommes y seront toujours enfermés lorsque M. Obama aura quitté la Maison-Blanche. Les années ont passé et les obstacles se sont multipliés. Le Congrès a adopté des lois rendant très difficiles, voire impossibles les transferts de prisonniers aux États-Unis ou à l’étranger. Un jour ou l’autre, Washington devra se résoudre à laisser partir de Guantánamo les nombreux détenus qui ne peuvent être traduits devant les tribunaux. Les fonctionnaires américains perdent un temps fou en palabres avec des pays peu enclins à accueillir leurs ressortissants présumés terroristes. Non seulement les organisations de défense des droits de l’homme ne se privent plus aujourd’hui de critiquer l’Exécutif américain, mais l’opinion publique reste divisée sur cette question controversée.

2 Données démolinguistiques

En 2012, la population cubaine était estimée à 11,2 millions d’habitants. Du point de vue ethnique, environ 37 % des Cubains sont d’origine espagnole, 51 % sont des Métis (ou Mulâtres) et 11 % des Noirs, descendants des esclaves amenés dans l’île au XVIIe siècle. On compte aussi des Asiatiques (env. 1 %) qui proviennent de l’immigration chinoise de la seconde moitié du XIXe siècle. Il n’existe quasiment aucun descendant des autochtones (Siboneyes, Guanajuatabeyes et Taïnos) qui habitaient l’île avant sa découverte par Christophe Colomb. Dans les faits, la population cubaine apparaît comme très métissées avec une gamme de couleur très variée entre le «blanc» et le «noir». Depuis la révolution de Fidel Castro en 1959, plus d'un million de Cubains ont émigré, principalement vers les États-Unis.

L’espagnol est la langue officielle de Cuba, mot prononcé en espagnol comme [kouba]. Cette langue est parlée par plus de 90 % des Cubains, ce qui fait de ce pays un territoire relativement homogène au plan linguistique. Les autres locuteurs parlent des langues immigrantes, généralement le chinois, le portugais, le créole, etc. Comme dans tous les pays d’Amérique latine, l'espagnol cubain comporte une part de vocabulaire d’origine africaine ou amérindienne. Les Cubains parlent en général un espagnol relativement identique à l'ensemble de l'Amérique du Sud, sauf que le rythme est probablement plus rapide qu'ailleurs. 

La population cubaine est inégalement répartie sur le territoire. La ville de La Havane et de Santiago de Cuba forment à elles seules près de 20 % de la population totale. Ensuite, suivent les provinces de Holguín, Granma, Villa Clara et Pinar del Río:

Province

Population

Capitale

Ciego de Avila

    370 000

Ciego de Avila

Cíenfuegos

    370 000

Cíenfuegos

Ciudad de La Habana

2 120 000

La Habana

Granma

    800 000

Bayamo

Guantánamo

    505 000

Guantánamo

Holguín

1 000 000

Holguín

Isla de la Juventud

   435 000

Nueva Gerona

La Habana

   650 000

La Habana

Las Tunas

   500 000

Victoria de las Tunas

Matanzas

   615 000

Matanzas

Pinar del Río

   700 000

Pinar del Río

Sancti Spíritus

   435 000

Sancti Spíritus

Santiago de Cuba

1 000 000

Santiago de Cuba

Villa Clara

   815 000

Santa Clara

Les catholiques (env. 60 %) représentent la majorité de la population cubaine, mais seulement la moitié d'entre eux se déclare pratiquante. Même à l’époque coloniale, le pays n’a pas fait l’objet d’une évangélisation profonde et le régime de Fidel Castro, s’il n’a jamais rompu ses relations avec le Vatican, n’a pas davantage contribué à répandre la foi catholique. Il existe également de petites communautés protestantes et juives. 

Comme dans toutes les Caraïbes, les cultes introduits par les esclaves africains et imprégnés de religion catholique, à l’image de la religion santería, sont toujours vivaces; il existe encore une «langue secrète» (le lucumi), une langue originaire de la famille nigéro-congolaise qu'on appelle parfois à Cuba le yorouba. La religion yorouba, plus connue à Cuba sous le nom de Santería est basée sur un panthéon de dieux africains qui furent créés à l'image des hommes. Ce sont des rituels liturgiques accompagnés de chants, de musique et de danses. Le lucumi n'est pas une langue maternelle, mais uniquement une langue rituelle, un peu comme le latin d'Église chez les catholiques autrefois. Ce genre de phénomène s'est également déroulé en Haïti avec le vaudou et au Brésil avec le candomblé. 

3 Données historiques

L'île de Cuba fut découverte par Christophe Colomb, le 28 octobre 1492, qui accosta dans la baie de Bariay (province de Holguin), île qu'il nomma alors "Juana", en l'honneur du prince Don Juan de Trastamare appelé aussi Jean d'Aragon (1478-1497), le fils d'Isabelle de Castille et de Ferdinand d'Aragon. Après la mort prématuré du prince don Juan, Ferdinand d'Aragon renommé l'île du nom de "Fernandina" par un décret du 28 février 1515. En dépit du décret du roi Ferdinand, l'île a conserva le nom de Cuba.

Le pays était alors habitée par environ 100 000 Amérindiens: des Guanajuatabeyes, des Siboneyes, des Taïnos, des Arawaks et des Caraïbes réputés pour être des anthropophages. L’île fut baptisée d’après son nom amérindien: Cubanascan. Cette appellation proviendrait d'un ancien mot français des XVIe et XVIIe siècles, cube, covbe ou couve et signifierait «terre» ou «territoire». Juan de la Cosa fit des relevés cartographiques et Sebastián de Ocampo fut le premier Européen à en faire le tour complet, soit en 1508.

3.1 La colonisation espagnole

C'est en 1511 que commença la colonisation de Cuba lors de l'expédition de Diego Velázquez de Cuellar, nommé gouverneur de l’île et fondateur des villes de Baracoa, de Santiago de Cuba (1514) et de La Havane (1519). On comprendra que le mot français cube fut adapté en cuba prononcé [kouba] pour désigner l'île. Le travail de recherche et d'exploitation des métaux précieux, comme l'or et le cuivre, débuta dès les premières années de la conquête espagnole. Il faudra trois ans aux Espagnols pour mater les révoltes autochtones et prendre possession de l’ensemble de l’île. Épuisée par le travail de forçats ou systématiquement massacrée, la population indigène diminua dramatiquement pour se réduire à quelques centaines d’individus. Une performance quasi unique! En désespoir de cause, les colons espagnols durent faire appel à des esclaves noirs, ce qui entraînera des conséquences déterminante sur la composition de la population insulaire.

Lorsque les réserves d’or furent épuisées, l’Administration locale fut chargée de promouvoir de nouvelles activités économiques telles que le tabac et les plantes tinctoriales. La canne à sucre connut un essor considérable grâce à l’importation de nombreux esclaves africains; la plupart vinrent de la partie sud et sud-ouest de l'actuel Nigeria, ainsi que d'une partie du Bénin. Contrairement à d'autres pays des Antilles, le créole ne s'est pas développé à Cuba, seul l'espagnol s'étant implanté durablement. Le pays devint très actif au plan commercial, surtout à cause des plantations de tabac et de canne à sucre. 

Entre 1574 et 1578, furent fondés à La Havane les premiers établissements d'enseignement sous la responsabilité des missionnaires franciscains et dominicains. Mais ces établissements n'étaient accessibles qu'à une certaine élite espagnole. Le 5 janvier de 1728, la Très Illustre Royale Université pontificale de San Jerónimo (Muy Ilustre Real y Pontificia Universidad de San Jerónimo) fut fondée par la bulle du pape Innocent XII. 

Auparavant, en 1706, Pierre Le Moyne d’Iberville, l'un des héros de la Nouvelle-France, était décédé de maladie épidémique à bord du Juste amarré au port de la capitale cubaine, alors qu’il préparait une expédition contre les Anglais installés en Caroline; sa dépouille fut inhumée dans la cathédrale de San Cristóbal de la Habana (Saint-Christophe de La Havane), avant d'être transférée au Palacio de los Capitanes Generales (ancienne résidence officielle des gouverneurs espagnols, les «capitaines généraux»), ce qui est aujourd'hui le Museo de la Ciudad de La Habana, le musée de la Ville de La Havane. On y lit l'inscription suivante en espagnol (1999):
 
Pierre Le Moyne d’Iberville, celebre héroe militar de La Nueva Francia, Almirante de la Armada de Luis XIV, muere el 9 de julio de 1706, sobre su navío Le Juste, anclado en el puerto de La Habana. [Pierre Le Moyne d’Iberville, célèbre héros militaire de la Nouvelle-France, amiral de la flotte de Louis XIV, meurt le 9 juillet 1706, sur son vaisseau Le Juste, ancré dans le port de La Havane.]

Le musée abrite aussi une statut de Christophe Colomb au centre du palais, afin de rappeler le lien qui existe entre les deux Mondes. Le 28 octobre 1492, Christophe Colomb a accosté dans la baie de Bariay (province de Holguin), île qu'il a nommé alors "Juana", en l'honneur du prince Don Juan, le fils d'Isabelle de Castille et de Ferdinand d'Aragon.

Après la guerre de Sept Ans (1756-1763), au cours de laquelle les Britanniques occupèrent provisoirement La Havane (en 1762 et en 1763), le gouvernement espagnol encouragea encore davantage l’expansion commerciale et le développement agricole, en particulier grâce à l’ouverture du port de La Havane sur l’extérieur. La population connut alors une forte augmentation de Noirs, et les produits cubains connurent, à partir de 1791, un formidable succès sur les marchés européens, après que la révolte haïtienne eut ruiné les plantations françaises de Saint-Domingue.

3.2 L’émergence du nationalisme

Dès le début du XIXe siècle, la population cubaine présentait déjà sa physionomie définitive. Les Espagnols dirigeaient le pays et restaient concentrés à La Havane en contrôlant le commerce et les profit; les Créoles, descendants des immigrants espagnols, étaient propriétaires des domaines agricoles; les Métis, issus des esclaves noirs et des Créoles, ainsi que les Noirs assuraient la main d'œuvre. Très tôt, les différends entre les Espagnols et les Métis s'accrurent. Cuba connut aussi une immigration chinoise très importante, avec un quartier chinois à La Havane.

Mais les autorités locales durent faire face aux aspirations à l’indépendance de tous les peuples de l’Amérique espagnole. Dès 1795, un Noir libre du nom de Nicolás Morales  dirigea un mouvement afin d'obtenir l'égalité raciale et l'abolition des mesures gouvernementales qui défavorisaient les pauvres. À partir de 1830, le gouvernement espagnol se fit de plus en plus répressif, ce qui suscita un vaste mouvement indépendantiste parmi les colons blancs. En 1841, le gouvernement espagnol adopta la première loi scolaire de l'île et, à partir de 1850, les autorités coloniales entreprirent une réforme et une expansion de l'enseignement. L'École normale commença à fonctionner en 1857. 

En 1868, dans la sucrerie de La Demajagua, Carlos Manuel de Céspedes (1819-1874), un riche propriétaire cubain, annonça la libération de ses esclaves et appela ses compatriotes à se soulever contre les autorités espagnoles. Il est considéré aujourd'hui comme le «père de la nation»; il est également l'auteur de la première Constitution cubaine.

Mais ce fut aussi le début d'un long conflit — la guerre de Dix Ans — qui se termina avec le pacte du Zanjón (10 février 1878), lequel apporta d'importantes concessions aux insurgés. L’île de Cuba fut dotée d’une certaine autonomie, l’esclavage fut aboli en 1880 et l’égalité des droits entre les Blancs et les Noirs fut proclamée en 1893. Les conséquences du pacte atteignirent le domaine politique, avec la constitution des premiers partis politiques (fondation du Parti révolutionnaire cubain en 1892), ainsi que le secteur économique, puisque les entreprises américaines augmentèrent leurs investissements dans la région. Mais les réformes mises en place se révélèrent décevantes, car l'Espagne avait fini par supprimer toutes les libertés obtenues, ce qui favorisa une nouvelle fois l'émergence de mouvements indépendantistes.

Le 24 février 1895, José Martí (1853-1895), le héros des luttes indépendantistes, accosta à Baracoa avec ses insurgés. L'armée des manzanilleros réussit à vaincre les forces espagnoles de 200 000 hommes. Ce fut le début de la guerre d’indépendance contre l’Espagne, qui durera plus de trois ans et fera 200 000 morts. la lutte reprit, soutenue cette fois par les États-Unis. Puis Marti trouva la mort à Dos Ríos, le 19 mai 1895. Fondateur du Parti révolutionnaire cubain aux États-Unis, il avait écrit: «Je risque tous les jours ma vie pour mon pays; l'indépendance de Cuba doit empêcher que les États-Unis s'étendent jusqu'aux Antilles; telle est ma mission; tout ce que j'ai fait et ferai va dans ce sens.» Après sa mort, il fut surnommé l'«apôtre de la nation» et deviendra l'un des héros dans l'histoire de Cuba.

Les États-Unis, qui contrôlaient déjà le marché du sucre cubain, intervinrent aux côtés des insurgés en avril 1898, précipitant la guerre hispano-américaine, provoquée par la perte du «Maine», un navire de guerre américain que l’Espagne fut accusée d’avoir torpillé.

Le traité de Paris du 10 décembre 1898 mit fin au conflit; l’Espagne dut renoncer à sa colonie et un gouvernement militaire fut mis en place par les Américains. La cession de Cuba aux États-Unis sera toujours ressentie comme une lourde perte par les Espagnols, plus que pour toute autre ancienne colonie.  À l'aube du XXe siècle, la situation de l'éducation primaire, secondaire et pré-universitaire demeurait encore précaire; en général, la majorité des Cubains étaient encore exclus de l'accès à l'éducation et à la culture.  

3.3 L’indépendance de Cuba

La république de Cuba fut formellement instituée le 20 mai 1902. Mais la Constitution cubaine fut modifiée par le sénateur américain Orville Hitchcock Platt (1827-1905). Selon l'amendement Platt (voir le texte), les États-Unis étaient autorisés à intervenir dans les affaires du pays et pouvaient installer deux bases navales à Cuba (à Guantánamo et à Bahia Honda), en contrepartie de privilèges douaniers. Ainsi, selon un accord conclu avec Cuba en 1903, les États-Unis obtenait le droit de maintenir une base navale dans la baie de Guantánamo... qu'ils continuent d'occuper encore aujourd'hui malgré des relations tendues avec Cuba. Juan Gualberto Gomez (1853-1933), l'un des plus fervents patriotes cubains voués à l'Indépendance, dénonça les articles 3 et 7 de l'amendement Platt, qui «équivalaient à donner les clés de la maison aux Nord-Américains, pour qu'ils y entrent à toute heure du jour ou de la nuit, animés de bons ou de mauvais desseins» et qu'«ils n'ont d'autre objectif que d'entamer le pouvoir des futurs gouvernements de Cuba et la souveraineté de notre République». Après la révolution de Fidel Castro, Cuba a toujours refusé de reconnaître la base navale de Guantánamo. D'ailleurs, la Constitution de Cuba, en date de février 1976, énonce à l'article 11 que le pays «condamne et tient pour illégaux et nuls les traités, pactes et concessions concertés dans des conditions d'inégalité et qui ignorent ou lèsent sa souveraineté et son intégrité territoriale».

Utilisant leur droit d'intervention militaire, les États-Unis envoyèrent en 1906 et en 1912 des troupes sur l’île pour lutter contre des insurrections. Le 7 avril 1917, Cuba entra en guerre aux côtés des Alliés. L’augmentation des difficultés économiques marqua durement les lendemains de la Première Guerre mondiale.

Les élections contestées de 1921 aboutirent à l'élection de Gerardo Machado y Morales (1925-1933). Mais son régime devint de plus en plus dictatorial. Désirant consolider sa situation et son pouvoir, Machado se livra à des persécutions politiques. L'effondrement de la bourse de New York en 1929 et la crise économique qui s'ensuivit augmentèrent l'impopularité de Machado. Une révolte avortée menée par les dirigeants de l'opposition en 1931 fut réprimée avec brutalité, et marqua le début d'un véritable régime de terreur. En août 1933, une grève générale, la perte du soutien de l'armée et des pressions venant du gouvernement américain de Franklin D. Roosevelt obligèrent Machado à partir en exil.

Pour calmer les mécontentements qui se faisaient entendre et à la demande du président cubain Ramón Grau San Martín, le président Franklin D. Roosevelt abrogea, en 1933, l’amendement Platt, mais obtint que la base de Guantánamo soit conservée pour une «durée illimitée». En janvier 1934, le général Fulgencio Batista y Zaldívar (1901-1973), appuyé par les États-Unis, renversa le libéral Ramón Grau San Martín, arrivé au pouvoir en 1933, qui avait pris une série de mesures importantes (p. ex., le vote des femmes, la journée de travail de huit heures, la nationalisation de l’électricité, etc.).

Batista fut porté à la tête du pays lors des élections de 1940. En décembre 1941, le gouvernement cubain déclara la guerre à l’Allemagne, au Japon et à l’Italie, et devint membre de l’Organisation des Nations unies en 1945. L’élection présidentielle de 1944 vit la victoire de Ramón Grau San Martín, candidat d’une large coalition de partis.

Durant ce temps, Batista s'exila aux États-Unis où il fomenta un coup d'État en 1952, soutenu par une frange nationaliste de l'armée. Pendant deux ans, il fut le président par intérim. En 1953, Batista écrasa une tentative de soulèvement dirigée par Fidel Castro, alors jeune avocat, qui fut jeté en prison. En 1955, le général Batista amnistia Fidel et son frère, Raúl Castro, qui s’exilèrent à Mexico pour fomenter leur seconde rébellion. Les frères Castro y firent la rencontre d’Ernesto «Che» Guevara. Batista se fit élire président de la République, sans opposition, après le retrait de l'ex-président Ramon Grau San Martin. Par la suite, il imposa une dictature militaire caractérisée par une corruption généralisée de l'élite dirigeante. 

La mainmise des capitaux étrangers sur l’économie du pays s’accentua: les Américains contrôlèrent 90 % des mines de nickel et des exploitations agricoles, 80 % des services publics, 50 % des chemins de fer et, avec le Royaume-Uni, toute l’industrie pétrolière.  

Dans les écoles, seulement 56,4 % des enfants pouvaient accéder à l'école primaire et 28 % des enfants et des jeunes entre 13 et 19 ans pouvaient poursuivre leurs études dans les établissements d'enseignement secondaires.  Quant à l'éducation supérieure, il restait d'accès très limité. Ce fut la Belle Époque de La Havane avec ses casinos, ses hôtels somptueux, ses Cadillac, ses gangsters et ses jolies filles. Par contre, ce fut la misère noire pour les ouvriers dans les usines et les mines, sans oublier les paysans. Le pays était mûr pour une nouvelle révolte!

3.4 La révolution castriste

En 1956, Fidel Castro et ses partisans, dont l'Argentin Ernesto «Che» Guevara (un médecin), rentrèrent de leur exil mexicain et débarquèrent sur une plage du sud de Cuba. Les troupes gouvernementales massacrèrent la plupart des rebelles au cours du débarquement, mais Castro et une douzaine d'hommes parvinrent à s'échapper et ils se réfugièrent dans les montagnes à l'est de Cuba, d'où ils poursuivirent leur guérilla afin de déposer le dictateur Batista. Dès le 1er janvier 1959, Batista dut fuir vers Santo Domingo (en apportant avec lui quelque 40 millions de dollars du Trésor public).

Fidel Castro, avec ses barbudos, prit la tête du nouveau gouvernement cubain, grâce au soutien d’une grande partie de la population. Le 8 janvier, Fidel Castro entra triomphant dans La Havane, après deux ans de guérilla. Dans la liesse générale, Castro déclara : «Le peuple a gagné cette guerre. Je le dis au cas où un individu penserait qu'il l'a gagnée à lui tout seul, ou bien tel ou tel bataillon. Le premier vainqueur, c'est le peuple.» La révolution était en marche!

Les exécutions débutèrent presque aussitôt en commençant par les hommes dont on jugeait qu'ils le méritaient bien, c'est-à-dire les partisans de Batista, ceux qui avaient «trahi la Révolution», ou qui s'étaient livrés à des «activités contre-révolutionnaires». Ils furent tous alignés devant un mur de la forteresse de La Cabaña, et fusillés, sans autre forme de procès.

Un gouvernement provisoire fut choisi, avec à sa tête Fidel Castro, celui qui se voulait au-dessus des partis.

La première allocution de Fidel Castro à La Havane en 1959 dura plus de sept heures. Les Cubains ignoraient à ce moment-là qu'ils entendraient leur Lider Maximo encore cinquante ans. Toute l'Amérique latine lui donnera le surnom El Comandante, ou encore plus simplement Fidel.

Les relations entre Cuba et les États-Unis se détériorèrent rapidement lorsque Fidel Castro décida de nationaliser plusieurs grandes firmes américaines sur l'île. Le 4 mars 1960, un cargo français, «La Coubre», chargé d'armes belges explosa dans le port de la Havane, entraînant une centaine de morts et des centaines de blessés; les causes réelles de l'explosion du navire sont toujours demeurées inexpliquées. À l'époque, le gouvernement cubain avait soupçonné les États-Unis d'être à l'origine de cette explosion. Le ton monta de telle sorte que le président américain Eisenhower autorisa, le 15 mars, l'armement d'une troupe d'opposants à Miami et au Guatemala. En octobre 1960, le gouvernement américain imposa à l’île un embargo commercial. La rupture totale des relations diplomatiques se produisit en janvier 1961 et, le 17 avril, un commando d’exilés anticastristes (au nombre d'environ 1400) soutenus et entraînés par la CIA débarqua dans la baie des Cochons, au sud de l’île.

Le débarquement de la baie des Cochons (en anglais: "the Bay of Pigs Invasion") était une tentative d'invasion militaire par des exilés cubains soutenus par les États-Unis; le débarquement avait été planifiée sous l’administration de Dwight Eisenhower, mais l'opération elle-même fut lancée au début du mandat de John F. Kennedy. Elle visait à renverser le nouveau gouvernement cubain dirigé par Fidel Castro, qui menait une politique économique défavorable aux intérêts américains et se rapprochait de l'URSS. En réalité, ce n'était pas un débarquement «américain», car les membres de la «brigade 2506», nom donné pour l'occasion, étaient tous cubains et la plupart avait combattu Batista. De plus, le président Kennedy annula une grande partie des opérations aériennes prévues en appui aux troupes de débarquement, une quasi-trahison qui envoyait les anticastristes dans un casse-gueule.

L’échec de cette tentative d’invasion accéléra l’orientation socialiste du régime et Fidel Castro proclama aussitôt le caractère marxiste-léniniste de la Révolution. Après l'établissement des relations diplomatiques avec l'Union soviétique à la suite de la Révolution cubaine, le pays devint dépendant des marchés et de l'aide militaire soviétiques. En 1960, Fidel Castro et Nikita Khrouchtchev scellèrent «l'amitié indestructible éternelle et la coopération entre les peuples soviétique et cubain» (voir l'affiche). Puis tous les moyens de production furent progressivement nationalisés et les fermes d'État contrôlèrent la majorité des terres. Rapidement, une réforme agraire, qui confisquait des terres aux Américains, fut lancée; puis les raffineries de sucre et de pétrole furent nationalisées. La politique des grands travaux mise en œuvre eut pour effet de résorber le chômage, ainsi que des programmes destinés à améliorer l’éducation et la santé publique. En avril 1960, le premier navire soviétique chargé de pétrole arriva dans la baie de La Havane. Durant l'été de 1962, l'Union soviétique travailla secrètement pour construire des installations militaires à Cuba.

C'est le 14 octobre 1962 qu'éclata la «crise des Missiles». Les États-Unis avaient découvert à Cuba des rampes de lancement de missiles fournies par l’Union soviétique. En découvrant les installations à quelques kilomètres de ses propres côtes, les États-Unis y virent une agression. Le président américain John F. Kennedy annonça alors un blocus naval de l’île. Après plusieurs jours de négociations, pendant lesquels une guerre nucléaire semblait imminente, le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev accepta de retirer ses missiles.

3.5  L'isolement de Cuba

Ces événements expliquent en partie l'isolement de Cuba en Amérique. Le pays fut exclu de l’Organisation des États américains (OEA) en 1962, et accusé d’avoir essayé de fomenter des rébellions au Venezuela, au Guatemala et en Bolivie. En 1967, Che Guevara fut arrêté et exécuté sans procès, alors qu’il dirigeait un groupe de guérilleros en Bolivie, ce qui sanctionnait l'échec des mouvements armés.

À partir de ce moment, Cuba adopta totalement le «modèle communiste» et resta largement dépendante de l’aide économique de l’Union soviétique et des pays du bloc de l’Est. Le pays devint également membre du Conseil d’assistance économique mutuelle (CAEM). Le premier congrès du Parti communiste cubain eut lieu en 1975, et une nouvelle constitution fut adoptée. L’Assemblée siégea pour la première fois en décembre 1976 et nomma Fidel Castro à la tête de l’État et du gouvernement avec des pouvoirs accrus.

Cuba sortit de son isolement diplomatique en juillet 1975, lorsque l’OEA leva ses sanctions. C’est aussi à partir de 1975 que des forces de combat cubaines s’engagèrent activement sur le continent africain, luttant en Angola et en Éthiopie (jusqu’en 1989); près d'un demi-million de Cubains partirent faire la guerre en Angola à la suite d'un accord entre Cuba et l'Angola.

En 1980, les activités cubaines s’étendirent au Yémen du Sud, alors que le gouvernement américain accusait Cuba d’aider les rebelles du Salvador et le gouvernement sandiniste du Nicaragua. Pendant ce temps, l’économie cubaine continuait de recevoir trois millions de dollars quotidiens d’aide soviétique.

- L'Union soviétique

Grâce aux généreuses subventions soviétiques, l'économie cubaine se porta florissante jusque dans les années 1970. L'analphabétisme fut presque éradiqué, le nombre de médecins fut multiplié par quatre, le système de santé nationalisé permit à tous les Cubains d'accéder à des soins efficaces. Ce fut l'âge d'or castrisme qui cherchait à se faire reconnaître sur la scène internationale. Des soldats cubains interviennent de façon directe dans des conflits pour soutenir les nations socialistes, notamment en Angola (1975) et en Éthiopie (1978). En 1965, les gouvernements cubain et américain avaient signé un accord permettant à des Cubains d’émigrer aux États-Unis. C'est alors que plus de 260 000 Cubains quittèrent l’île avant la fin officielle du pont aérien de 1973.

En 1989, l’Union soviétique et Cuba signèrent un traité d’amitié de vingt-cinq ans, mais l’effondrement du bloc de l’Est raviva la contestation intérieure. Avec la chute de l'Union soviétique en 1989, le socialisme de Castro fut vite remis en question, car Cuba, qui réalisait 80 % de ses échanges extérieurs avec le bloc soviétique, fut aussitôt amputé de ses ressources stratégiques. En 1991, la Russie retira ses quelque 11 000 conseillers et techniciens militaires en poste à Cuba. L’aide économique disparut, ce qui précipita l'île dans une crise économique aiguë. Le niveau de vie des Cubains chuta brutalement. Les références au marxisme-léninisme furent supprimées de la Constitution cubaine.

Le mécontentement général et l'aggravation de la pauvreté amenèrent le gouvernement cubain à engager des réformes économiques: en juillet 1993, la possession de dollars, autrefois considérée comme un délit passible d’emprisonnement, fut légalisée et, en octobre 1994, les marchés libres paysans furent de nouveau autorisés; le décret-loi n° 140 du Conseil d'État autorisa la libre circulation du dollar américain sur tout le territoire national. Fidel Castro dut alors ouvrir alors l’île aux investisseurs étrangers et au tourisme. En même temps, le régime continua de bafouer les droits de l’homme et le nombre d’incarcérations arbitraires et de prisonniers politiques demeura important. 

- Les États-Unis

Afin de freiner l'exode des balseros, c'est-à-dire ces dizaines de milliers de Cubains (35 000) cherchant à gagner les États-Unis sur des embarcations de fortune, deux nouveaux accords furent signés avec le voisin américain, en septembre 1994 et en mai 1995. La ratification de la loi Helms-Burton, en mars 1996, durcit davantage la position américaine contre le gouvernement cubain. Quelques mois après (en décembre 1996), le Parlement cubain adoptait la loi n° 80 qui déclarait l'illégalité de la loi Helms-Burton et le droit du peuple cubain de choisir son propre destin: «Est illicite toute forme de collaboration, directe ou indirecte, qui favorise l'application de la loi Helms-Burton» (art. 8). Sur la scène internationale, Castro fut reçu par plusieurs représentants officiels (à l’Unesco, à Rome où il rencontra le pape Jean-Paul II). 

Dans le domaine économique, Cuba s’ouvrit lentement aux initiatives privées et favorisa l’essor des investissements étrangers, dont le Canada considéré comme un «pays ami». L'Union européenne accorda 19,5 millions de dollars pour financer des programmes de santé publique. Mais le brusque ralentissement de la croissance contribua à la détérioration de la situation économique, déjà difficile en raison de l’endettement, des mauvaises récoltes de canne à sucre. Les inégalités entre les Cubains ayant accès aux devises étrangères, notamment le dollar, et ceux ne survivant qu’avec des salaires payés en pesos ne cessèrent de se creuser. 

En janvier 1998, la visite du pape Jean-Paul II (1920-2005) à Cuba permit au régime castriste de rompre un peu son isolement. La condamnation papale de l’embargo américain contraignit ainsi les États-Unis à assouplir quelque peu leur politique de fermeté à l’égard de La Havane. La reprise des vols directs entre les deux pays, le rétablissement de l’autorisation, pour les Américains d’origine cubaine, d’envoyer de l’argent à leur famille restée à Cuba, et l’accélération des formalités administratives nécessaires à l’envoi de médicaments furent ainsi décidés par le président américain Bill Clinton qui ne remit pas en cause la loi Helms-Burton, que seul le Congrès pouvait annuler.

Cependant, la notion d’extraterritorialité contenue dans cette loi, qui permettait aux Américains de prendre des mesures de rétorsion contre toute entreprise étrangère commerçant avec Cuba ou investissant dans l’île, fut un sujet de discorde entre les États-Unis, d’une part, et l’Union européenne, le Japon et le Canada, d’autre part. En juillet 1998, après de longues négociations, les autorités américaines s’engagèrent à suspendre pendant une durée déterminée la loi Helms-Burton et, en janvier 1999, elles annoncèrent des mesures d’assouplissement de l’embargo, sans pour autant renoncer à leur stratégie d’isolement. En réalité, L'embargo commercial américain contre Cuba est toujours demeuré un sujet controversé.

AP En même temps, Cuba normalisa ses relations avec l’Espagne, le Canada, le Guatemala et la République Dominicaine, ce qui constitua un nouveau pas vers la réintégration de Cuba dans l’espace antillais. À l’issue d’une tournée triomphale de Castro durant l’été 1998, Cuba fut admise comme observateur au sein du groupe ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique). En 1999, un durcissement du régime s’exerça à l’égard de toute contestation sociale, politique et civile. En mars 1999, les dissidents «du groupe des quatre», accusés de sédition pour avoir réclamé la démocratisation de l’île, furent condamnés à de lourdes peines de prison. Le 20 mai 2002, la déclaration d’indépendance du Timor oriental a été accueillie avec une grande satisfaction par la communauté internationale; Cuba a salué l’événement et a établi des relations diplomatiques avec le premier État du nouveau millénaire.

Le 8 novembre 2004, le dollar américain fut à nouveau interdit et remplacé par le peso convertible (CUC) à côté du peso cubain (CUP). Depuis 1994, le pays a deux monnaies, mais les deux pesos n'avaient guère la même valeur, le «peso convertible» valant près de 20 fois plus que le «peso cubain». En effet, le peso cubain était utilisé par les Cubains pour se procurer les articles de première nécessité, alors que le peso convertible était réservé aux touristes. Seuls les pesos convertibles permettaient de se procurer des articles de luxe. Les Cubains employés dans les grands hôtels pouvaient plus facilement obtenir des pesos convertibles grâce aux pourboires et acheter ainsi des articles réservés aux touristes. En somme, ces deux monnaies constituent la cause d'innombrables inégalités pour les Cubains. Une anomalie pour un pays socialiste!

3.6 Le régime de Raúl Castro

Après plus de quarante-cinq ans de régime autoritaire, Fidel Castro, le Líder Maximo, a continué de régner sans partage, même malade! Éloigné du pouvoir durant dix-huit mois, le «Lider Maximo», Fidel Castro, a renoncé, le 19 février 2008, à la présidence de Cuba en faveur de son frère Raúl. Bien qu'il ait continué à publier régulièrement ses «réflexions» dans la presse officielle cubaine, Fidel n'a plus jamais réellement compté. Même son frère Raúl devenu président n'en a pas tenu compte. Il lui est arrivé même de le contredire régulièrement.

- La mort de Fidel

Les rumeurs voulant que l'ancien leader cubain soit mort ou «presque mort» a circulé durant des années, même si elles se sont multipliées durant la dernière décennie. Or, l'état de santé du Líder Maximo fut considéré comme une question de sécurité nationale à Cuba. Les Cubains s'y sont préparés tôt, entre une blague et une autre. En voici une, amusante, qui en dit long :

Une enseignante demande à ses élèves où Fidel devrait-il être enterré. Un enfant répond: «En Égypte, avec les pharaons.» Un autre, plus politisé, réplique: «Avec Lénine, le plus grand camarade.» Et Pepito, le trouble-fête, répond : «N'importe où sauf en Terre sainte, sinon il va ressusciter le troisième jour.»

Un journaliste, Ignacio Ramonet, l’ancien directeur du mensuel Le Monde diplomatique, a rencontré Fidel Castro en septembre 2013 durant plus de deux heures. Il a affirmé que l'ancien leader cubain était en excellente forme à 87 ans; on l'avait surnommé aussi "el caballo" («le cheval») en raison de son physique imposant. Néanmoins, à la fin de sa vie, Fidel Castro n'était plus que l’ombre de lui-même. Les Cubains chuchotaient dans les rues de La Havane le dernier surnom de leur ancien "Líder Maximo", "el Comandante", qui deviendra "el coma andante", c'est-à-dire le «coma ambulant». Inévitablement, la mort de Fidel Castro devait venir tôt ou tard: elle est survenue le 25 novembre 2016. Aussitôt, à Miami, le fief des exilés cubains, l'annonce du décès de Fidel ("Fidel Castro está morto!") fut accueillie par des cris de joie et des slogans tels que «Libertad, libertad» et «Cuba Libre». Ces explosions de joie après la mort de Fidel se voulaient probablement significatifs sur le ressentiment de ces exilés à l'égard d'un régime qui a tenu Cuba d'une main de fer au prix de redoutables privations de liberté. C’est là l'un des grands paradoxes : Fidel Castro, le libérateur, a instauré un régime autoritaire et répressif.

- Nouveau Castro, même Cuba

Évidemment, les opposants au régime, sous la férule de Raúl Castro continuent d'être pourchassés, emprisonnés ou exilés, souvent sur la base d'accusations forgées de toutes pièces. Bref, c'est le slogan «Nouveau Castro, même Cuba». Sous l'autorité de Raúl Castro, Cuba maintient encore les lois qui empêchent l’exercice des libertés fondamentales et légalisent la répression de tout comportement s'éloignant de la politique du gouvernement. Toutes les activités qui peuvent être considérées comme dangereuses pour la survie du régime sont condamnées.

On a beau discuter sur la qualité du système cubain d'éducation et le système de santé, il n'en demeure pas moins que la liberté d'expression constitue le premier droit, et les Cubains ne l'ont jamais eue. La situation des droits de la personne à Cuba n'a connu aucune amélioration depuis la répression de 2003.

Puis le régime a pris des mesures d'assouplissement. Les Cubains peuvent maintenant acheter en toute légalité des ordinateurs, des lecteurs de DVD; ils peuvent acheter et vendre leur maison; l'accès à l'Internet a commencé à se répandre peu à peu dans l'île tout en étant sous haute surveillance; l'accès aux hôtels destinés aux touristes est maintenant accessible; les restrictions sur les voyages de citoyens à l'étranger sont rendues plus souples. 

En octobre 2013, le Conseil des ministres a approuvé la mise en œuvre du calendrier d'exécution des mesures qui devraient conduire à l'unification monétaire. Mais cela se fera sans doute au rythme des réformes entreprises depuis plusieurs années par le président Raúl Castro : «Doucement, mais sûrement.» Les économiste étrangers considèrent que la fin de la dualité monétaire pourrait être «la réforme la plus difficile pour Raúl Castro. »

Toutefois, comme les salaires des Cubains sont restés très bas, ces nouvelles mesures ont semblé être des écrans de fumée, car elles ne touchaient qu'un nombre limité d'individus. En effet, en 2013, le salaire mensuel moyen était de l'ordre de 500 pesos (20 CUC), soit à peine 20$ US, ce qui est notoirement insuffisant pour assurer ne serait-ce que les besoins alimentaires. Bien que le salaire moyen soit l'un des plus bas du continent, probablement le plus bas, l’indice de développement humain de Cuba demeure l'un des plus élevés de la région. Comment expliquer cette apparente contradiction ? C'est que les Cubains peuvent compter sur un système public (éducation, santé, alimentation, transports, électricité, gaz, etc.) largement subventionné, sinon gratuit, de sorte que les prix peuvent demeurer relativement bas. Si le régime castriste a réussi à relever la fierté nationale dans la population, à octroyer une éducation pour tous et à assurer des soins de santé essentiels, il a échoué sur d'autres plans en entraînant une économie en ruine, en imposant une répression politique sans merci et en favorisant un exode massif de ses citoyens.

Tôt ou tard, les beaux principes socialistes devront progressivement laisser la place aux réalités économiques. L'embargo imposé par les États-Unis depuis des décennies a entraîné des conséquences désastreuses pour l'ensemble de la population cubaine, tout en échouant à améliorer la protection et le respect des droits de l'Homme. Le régime castriste ne tolère ni la critique ni le débat public; il exige plutôt que l'on adopte un discours apologiste sur ses grandes réalisations. Les dirigeants prétendent que la révolution castriste est puissante et aimée par la population, mais la présence de quelques manifestants dans la rue les rend aussitôt paranoïaques et déclenche un branle-bas de combat. Beaucoup de Cubains exilés affichent des slogans du type "Cuba sí, Castro no!", ce qui en dit long sur leur opinion du régime. Deux générations de Cubains ont vécu dans l'ombre des Castro, entre haine et adulation. D'un côté, la répression et la pauvreté, de l'autre, un niveau d'éducation et des indicateurs de santé exceptionnels. Pour certains, il est temps d'aller plus loin et de passer à autre chose, notamment en ce qui a trait aux libertés fondamentales, dont la liberté d'expression.

Pour qu’il y ait liberté d’expression à Cuba, il faudrait un changement de régime. Les Cubains ne pourront espérer mettre fin au régime castriste avec la seule disparition de Fidel, car la dictature est devenue un héritage familial. Cuba demeure une dictature; les frères Castro ont tout fait pour maintenir le régime politique actuel et assurer sa pérennité après leur disparition. Il faudra plus qu'une simple transition, car la démocratisation du pays n'est certainement pas pour demain. Il serait plus réaliste d'attendre encore une ou deux générations.

- Dégel historique temporaire

Depuis la fin de 2014, les gouvernements de Cuba et des États-Unis se sont engagés dans un dégel historique. Pour ce faire, le président Barack Obama a accepté certaines concessions de la part du régime castriste, dont la suppression de l'embargo financier et commercial imposé à l'île depuis 1962. Or,  l'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis peut avoir pour effet de tout remettre en question un tel rapprochement.

Pour le nouveau président américain, tout accord devra satisfaire à certains exigences, notamment les libertés religieuses et politiques pour le peuple cubain et la libération des prisonniers politiques. En mars 2016, Fidel Castro déclarait au sujet de Donald Trump: «Si j’étais un citoyen américain, je voterais sans hésitation pour Donald Trump parce qu’il est le candidat le plus révolutionnaire que les États-Unis ont connu depuis plus d’un demi-siècle.» (Rapporté par le Washington Post, le 31 mars 2016).

Mais les Cubains ne se font plus beaucoup d'illusion sur le rapprochement de leur pays avec les Américains. Bien que Trump n'ait pas donné beaucoup de détails sur la manière dont il appliquera sa politique envers Cuba, il est clair qu’il ne suivra pas le chemin de l’administration Obama. Pour les Cubains, c'est donc un pas en arrière.

En avril 2018, Cuba s'est donné un nouveau président en la personne de Miguel Diaz-Canel qui a officiellement succédé à Raul Castro. Défendre les acquis de la révolution socialiste tout en modernisant graduellement l'économie du pays : voilà les objectifs que s'est donnés le nouveau président cubain. Après avoir écouté le discours de son successeur, Raul Castro, alors âgé de 86 ans, a confirmé qu'il ne quittait pas le paysage politique cubain et que, en tant que secrétaire général du Parti communiste, il continuerait de présider «aux décisions de grande importance pour le présent et l'avenir de la nation».

Quelques mois plus tard, le 1er janvier 2019, la révolution cubaine, qui a jadis été une source d’inspiration pour la gauche en Amérique latine, a célébré ses 60 ans entre une nouvelle crise économique et un nouvel isolement politique, la région ayant largement viré à droite. Aujourd’hui, l’économie cubaine est à bout de souffle : la croissance qui stagne autour de 1 % semble insuffisante pour couvrir les besoins de la population, soumise aux pénuries alimentaires. En guise d'adaptation, les autorités cubaines ont décidé de soumettre à un référendum, le 24 février 2019, une nouvelle constitution qui reconnaitrait la propriété privée, le marché et l’investissement étranger. Mais l’objectif reste celui d’une société communiste, avec le PCC parti unique. Il n'y aura pas de retour au capitalisme.

4  La politique linguistique

Le gouvernement cubain n'a pas élaboré de véritable politique linguistique parce que cela ne paraît pas nécessaire. Dans un pays où l'espagnol est la langue maternelle de plus de 90% de la population, il est normal d'appliquer une telle politique de non-intervention. De plus, le pays ne compte aucune minorité nationale. 

La Constitution de 1992 ne contient qu'une seule disposition à caractère linguistique. On lit à l'article 2 que «la langue officielle est l'espagnol»:

Articulo 2

El nombre del Estado cubano es República de Cuba, el idioma oficial es el español y su capital es la ciudad de La Habana.

Article 2

Le nom de l'État cubain est la république de Cuba, la langue officielle est l'espagnol et sa capitale est la ville de La Havane.

Le président Fidel Castro a annoncé en juin 2002 qu'il allait modifier la Constitution de 1992. La société civile cubaine aurait demandé au Parlement «de ratifier que les relations économiques, diplomatiques et politiques avec n'importe quel autre État ne pourront jamais être négociées sous l'agression, la menace ou les pressions d'une puissance étrangère». Le 11 juin 2002, l'Assemblée extraordinaire des directions nationales des organisations de masse («Asamblea Extraordinaria de las direcciones nacionales de las organizaciones de masas») a fait la demande suivante:

SOLICITA

De la Asamblea Nacional del Poder Popular, órgano supremo del poder del Estado, que representa y expresa la voluntad soberana de todo el pueblo:

PRIMERO:
Ratificar la identificación de nuestro pueblo con todos y cada uno de los principios que sustentan a la Constitución de la República, específicamente con los Fundamentos Políticos, Sociales y Económicos que se consagran en su Capítulo I, destacando especialmente que:

"Cuba es un Estado socialista de trabajadores, independiente y soberano, organizado con todos y para el bien de todos, como República unitaria y democrática, para el disfrute de la libertad política, la justicia social, el bienestar individual y colectivo y la solidaridad humana."

SEGUNDO:
Consignar expresamente la voluntad del pueblo de que el régimen económico, político y social consagrado en la Constitución de la República es intocable.

TERCERO:
Ratificar que las relaciones económicas, diplomáticas y políticas con cualquier otro Estado no podrán ser jamás negociadas bajo agresión, amenaza o presión de una potencia extranjera.

CUARTO:
Que los aspectos anteriormente interesados, una vez aprobados mediante el procedimiento legal pertinente, sean expresamente incluidos en la Constitución de la República, como parte integrante de su cuerpo normativo y con expresión de que derogan cuanta disposición anterior se le oponga o contradiga.

En Cuba a los 10 días del mes de junio del 2002, «Año de los Héroes Prisioneros del Imperio».
DEMANDE

À l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire, organe suprême du pouvoir de l’État, laquelle représente et exprime la volonté souveraine du peuple tout entier:

PREMIÈREMENT: 
De ratifier l’identification de notre peuple avec l’ensemble et chacun des principes sous-tendant la Constitution de la République, en particulier les fondements politiques, sociaux et économiques de la République tels que consacrés au chapitre I et, notamment l’article 1 rédigé comme suit: « La République de Cuba est un État socialiste de travailleurs, indépendant et souverain, organisé avec tous et pour le bien de tous, en tant que République unitaire et démocratique, pour la jouissance de la liberté politique, de la justice sociale, du bien-être individuel et collectif et la solidarité humaine.»

DEUXIÈMEMENT:
D’établir expressément la volonté du peuple pour qui le régime économique, politique et social consacré dans la Constitution de la République est intouchable.

TROISIÈMEMENT: 
De ratifier que les relations économiques, diplomatiques et politiques avec tout autre État ne pourront jamais faire l’objet de négociations sous l’emprise de l’agression, de la menace ou des pressions d’une puissance étrangère.

QUATRIÈMEMENT: 
De faire en sorte que les aspects susmentionnés, une fois approuvés selon les procédures légales pertinentes, soient expressément inclus dans la Constitution de la République en tant que partie intégrante de celle-ci et que soient dérogées toutes autres dispositions antérieures qui s’y opposeraient ou les contrediraient.

Fait à Cuba le 10 juin 2002, «An des Héros prisonniers de l’empire».

En somme, rien qui concerne la langue espagnole! En matière linguistique, il n'existe aucune loi proprement linguistique — du moins pas dans la Gaceta Oficial de la República de Cuba —, et seules quelques rares lois traitent de la langue espagnole, et ce, de façon très occasionnelle et ponctuelle. Bref, on peut affirmer que le gouvernement cubain n'a d'autre politique linguistique que celle de la non-intervention.

4.1  La langue du gouvernement

En vertu de l'article 2 de la Constitution, l'espagnol est la langue officielle de Cuba et, par conséquent, celle du gouvernement. Cela signifie que les débats au Parlement à l'Assemblée nationale (Asamblea Nacional del Poder Popular ou Assemblée nationale du pouvoir populaire), de même que la rédaction et la proclamation des lois, sont en espagnol.

Fait notable: les élus parlementaires, provinciaux ou municipaux ne reçoivent aucun salaire, sauf pour certains mandats qui constituent une occupation à temps plein; ils conservent leur emploi et ne sont pas tenus d'assister à toutes les réunions des assemblées. Plus de 30 % des parlementaires et des membres des conseils provinciaux ne sont pas membres du Parti communiste, le seul autorisé à Cuba.

Les cours de justice ne fonctionnent qu'en espagnol, mais le juge peut demander l'aide d'un interprète pour les ressortissants d'un autre pays. Tous les services gouvernementaux ne sont offerts que dans la langue officielle. Toutefois, dans les zones touristiques, l'emploi de l'anglais ou de toute autre langue est autorisé. On peut même dire que, dans les grands centres touristiques, l'emploi de l'anglais est généralisé. Évidemment, pas entre les Cubains eux-mêmes, mais entre les touristes et les Cubains. Il s'agit alors d'une langue véhiculaire permettant de communiquer avec tous les touristes, peu importe leur langue d'origine. 

S'il n'existe pas de publicité commerciale à Cuba, la publicité gouvernementale est fréquente sans être omniprésente. Sur les routes, il n'est pas rare de lire des messages du genre: «Viva Cuba libre.» De fait, le mot Libertad et Revolución sont probablement les termes les plus fréquents dans ces messages idéologiques peu subtils. Cependant, il faut comprendre que si le pays est effectivement libre, ses citoyens le sont beaucoup moins, même si Cuba n'est pas un État policier. La police se fait discrète et n'importune pas les touristes, mais gare aux Occidentaux qui s'approchent trop familièrement d'une Cubaine! En fait, le touriste se sera pas trop embêté, mais la Cubaine, si.  

Tout affichage, quel qu'il soit, est en espagnol, ce qui inclut la signalisation routière. Dans les centres touristiques, l'anglais peut avoir une petite place après l'espagnol, surtout pour des raisons de sécurité.

4.2  L'éducation

C'est depuis quarante ans que le régime cubain lutte contre l'analphabétisme, avec un succès réel, il faut le reconnaître. Aujourd'hui, l'analphabétisme est considéré comme inexistant à Cuba, ou il se compare à des pays comme les États-Unis, le Canada ou la France. De plus, le programme cubain de lutte contre l'analphabétisme s’étend à d'autres pays de l'Amérique latine. Cuba pratique une politique d’égalité des chances pour les hommes et les femmes. L’élimination de toutes les formes de discrimination des femmes est restée l’un des objectifs principaux du gouvernement, même si les salaires ont tendance à être plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Il semble que la mise en pratique de cette politique d'égalité entre les sexes soit soumise à un examen constant de la part du gouvernement, et suivie de près par la Federacion de las Mujeres Cubanas (Fédération des femmes cubaines).

L'éducation cubaine est régie par l'article 39 de la Constitution, la loi no 1306 de 1976, la loi no 1307 de 1976, le décret-loi no 67 de 1983 et le décret-loi no 47 de 1994. Or, aucun de ces documents ne mentionne la langue espagnole. Il faut croire que l'apprentissage de l'espagnol ne constitue pas un problème à Cuba. L'article 39 de la Constitution présente les principes socialistes de l'éducation cubaine, et la langue y est exclue:

Artículo 39

El Estado orienta, fomenta y promueve la educación, la cultura y las ciencias en todas sus manifestaciones. En su política educativa y cultural se atiene a los postulados siguientes:

a) fundamenta su política educacional y cultural en los avances de la ciencia y la técnica, el ideario marxista y martiano, la tradición pedagógica progresista cubana y la universal;

b) la enseñanza es función del Estado y es gratuita. Se basa en las conclusiones y aportes de la ciencia y en la relación mas estrecha del estudio con la vida, el trabajo y la producción. El estado mantiene un amplio sistema de becas para los estudiantes y proporciona multiples facilidades de estudio a los trabajadores a fin de que puedan alcanzar los mas altos niveles posibles de conocimientos y habilidades. La ley precisa la integración y estructura del sistema nacional de enseñanza, así como el alcance de la obligatoriedad de estudiar y define la preparación general básica que, como mínimo, debe adquirir todo ciudadano;

c) promover la educación patriótica y la formación comunista de las nuevas generaciones y la preparación de los niños, jóvenes y adultos para la vida social. Para realizar este principio se combinan la educación general y las especializadas de carácter científico, técnico o artístico, con el trabajo, la investigación para el desarrollo, la educación física, el deporte y la participación en actividades políticas, sociales y de preparación militar;

ch) es libre la creación artística siempre que su contenido no sea contrario a la Revolución. Las formas de expresión en el arte son libres;

d) el Estado, a fin de elevar la cultura del pueblo, se ocupa de fomentar y desarrollar la educación artística, la vocación para la creación y el cultivo del arte y la capacidad para apreciarlo;

e) la actividad creadora e investigativa en la ciencia es libre. El Estado estimula y viabiliza la investigación y prioriza la dirigida a resolver los problemas que atañen al interés de la sociedad y al beneficio del pueblo;

f) el Estado propicia que los trabajadores se incorporen a la labor científica y al desarrollo de la ciencia;

g) el Estado orienta, fomenta y promueve la cultura física y el deporte en todas sus manifestaciones como medio de educación y contribución a la formación integral de los ciudadanos;

Article 39

L'État oriente, favorise et assure la promotion de l'éducation, la culture et les sciences dans toutes ses manifestations. Dans sa politique éducative et culturelle, il se conforme aux postulats suivants :

a) Il fonde sa politique éducationnelle et culturelle sur les progrès de la science et de la technologie, l'idéologie marxiste et de José Martí, la tradition pédagogique progressiste cubaine et universelle;

b) L'enseignement relève de la fonction de l'État et est gratuit. Il est basé sur les conclusions et les apports de la science et sur la relation la plus étroite avec l'étude de la vie, le travail et la production. L'État maintient un vaste système de bourses pour les étudiants et fournit de multiples facilités d'études aux travailleurs afin qu'ils puissent atteindre ceux par plus hauts niveaux possibles dans les connaissances et les habilités. La loi a besoin de l'intégration et de la structure du système national d'enseignement, ainsi que de la portée du caractère obligatoire des études et définit la préparation générale de base que doit acquérir au moins tout citoyen;

c) Il faut promouvoir l'éducation patriotique et la formation communiste des nouvelles générations et la préparation les enfants, des jeunes et des adultes pour la vie sociale. Pour appliquer ces principes, l'éducation générale et l'éducation spécialisée à caractère scientifique, technique ou artistique est combinée au travail, la recherche pour l'élaboration, l'éducation physique, le sport et la participation aux activités politiques, sociales et au service militaire;

ch) La création artistique est libre pourvu que son contenu ne soit pas contraire à la Révolution. Les formes d'expression dans l'art sont libres;

d) Afin d'augmenter la culture du peuple, l'État s'occupe de favoriser et de développer l'éducation artistique, ainsi que les qualifications pour la création et la culture de l'art, et la capacité pour l'apprécier;

e) L'activité créatrice et la recherche dans les sciences est libre. L'État stimule et rend viable la recherche et donne la priorité à celle visant à résoudre les problèmes concernant l'intérêt de la société et le bénéfice du peuple;

f) L'État fait en sorte que les travailleurs s'incorporent au travail scientifique et au développement de la science;

g) L'État oriente, favorise et promeut la culture physique et le sport dans toutes ses manifestations comme moyen d'éducation et de contribution à la formation intégrale des citoyens; 

Il s'agit d'un véritable manifeste de la pensée socialiste. Pour une population de 11 millions d'habitants, plus de 2,8 millions d'étudiants sont actuellement aux études générales ou spécialisées, dans 11 762 écoles et collèges. Rappelons-le, l'analphabétisme est pratiquement inexistant. Environ 95 % des enfants sont inscrits à l’école primaire, 89 % des jeunes vont à l’école secondaire et 17,2 % font des études post-secondaires. Dans l'enseignement des langues étrangères, assez loin derrière l'anglais, le français demeure la langue la plus enseignée de l'île. Le gouvernement expérimente présentement un projet-pilote d'enseignement du français au primaire.

L’étalage de la part du gouvernement cubain concernant les progrès de l’éducation demeure un thème de débat presque quotidien dans le pays, mais cela ne reflète pas toute la réalité. La crise économique et l'effondrement de l’Union soviétique ont gravement affecté l’éducation cubaine. Les enseignants restent mal payés et les ressources pédagogiques font souvent défaut. Dans les écoles rurales, l’enseignement est généralement accompagné de travail agricole non rémunéré.

Dans l'éducation supérieure, on compte près de 50 universités, 23 400 professeurs et plus de 300 000 étudiants universitaires, le tout réparti dans toutes les provinces. Comme dans bien d'autres pays, les études universitaires dépendent des besoins identifiés officiellement par l’État. Ce sont les objectifs communistes qui prévalent sur les aspirations personnelles. Mais une fois que les places officiellement contingentées sont déclarées disponible, n'importe qui peut y accéder. De plus, les diplômés, de quelque discipline qu'ils soient, doivent demeurer à la disposition des fonctionnaires chargés de leur trouver du travail. Tout diplômé est dans l'obligation d'être à la disposition de l'État pendant deux ans pour du «service social» obligatoire dans des régions éloignées, sans tenir compte de la province d'origine du diplômé. 

Par ailleurs, Cuba fait face à un problème d'inégalité entre les sexes, car le nombre des femmes dépassent largement celui des hommes. Selon les statistiques officielles, les femmes représentaient déjà en 1996 quelque 60 % de l'effectif total des étudiants. Par exemple, la proportion des femmes était de 71 % des étudiants inscrits dans les sciences médicales. Le recensement de 2002, selon le Bureau national des statistiques (Oficina Nacional de Estadisticas), révélait que, parmi les 712 000 diplômés universitaires du pays, 314 000 (44,1 %) étaient des hommes et 398 000 (55,9 %) étaient des femmes, soit 84 000 femmes de plus que d'hommes.

4.3 La vie économique 

Comme on peut s'y attendre dans un État aussi autoritaire que Cuba, la vie économique se déroule entièrement en espagnol, sauf pour les grands hôtels destinés au tourisme international, où l'anglais, le portugais, l'allemand, le français et l'italien sont relativement employés, avec une nette prépondérance pour l'anglais. L'affichage public est exclusivement en espagnol, sauf bien entendu dans les hôtels internationaux où l'anglais sert généralement de langue véhiculaire. Rappelons qu'il n'existe pas de publicité commerciale à Cuba.

L'article 97 du décret-loi no 162 d'avril 1996, intitulé Ley des Aduanas (Loi sur les douanes), précise que les ''Manifiestos'' («manifestes»), c'est-à-dire la liste des marchandises constituant la cargaison d'un navire à l'usage des douanes, doivent être rédigés en espagnol ou en anglais:

Artículo 97

1) Los Manifiestos originales se presentarán en idioma español o en idioma inglés. 

2) Los Manifiestos traducidos se presentarán en idioma español.

Article 97

1) Les manifestes originaux sont présentés en langue espagnole ou en langue anglaise. 

2) Les manifestes traduits sont présentés en langue espagnole.

Cet article constitue l'uns des rares mentions sur la langue espagnole dans les textes juridiques de Cuba. C'est dire que les questions linguistiques ne préoccupent guère les dirigeants cubains. 

4.4 Les médias

Du côté des médias (tous contrôlés par le gouvernement), même si les récepteurs de radio ne fonctionnent pas sur l'ensemble de l'île avec la même qualité, toutes les ondes diffusent le même journal d'informations officielles en espagnol; il en est ainsi de la télévision. Même si les Cubains ont accès à quatre chaînes de télévision, il se retrouvent, de 21 h à 22 h 30, devant la même Novela, le feuilleton télévisé quotidien qui attire des millions de téléspectateurs après les informations du jour. Les informations couvrent le plus souvent les dernières déclarations du président vénézuelien, Hugo Chavez, celles du président bolivien, Evo Morales, celles de Lula da Silva du Brésil, ou encore celles de Rafael Correa de l'Équateur, de Daniel Ortega du Nicaragua, voire celle de Michelle Bachelet du Chili. Les Cubains ne peuvent pas capter les télévisions étrangères et ils doivent se contenter des chaînes diffusant les programmes officiels. Les chaînes du monde (en anglais, portugais, espagnol, français, etc.) ne sont accessibles que dans les hôtels équipés d'antennes satellites. Autrement dit, les touristes et les Cubains ne regardent pas les mêmes émissions.

La presse écrite, contrôlée également par le gouvernement, se porte assez bien avec des journaux comme Rebelde, Tribuna de La Habana, Granma, etc., tous rédigés en langue espagnole. Les journaux cubains n'en finissent pas de chanter les louanges de la Révolution de 1960... avec quelques hommages ici et là à Hugo Chavez (Venezuela) et Evo Morales (Bolivie). Le point de vue sur le monde offert par les médias officiels est donc le seul dont disposent les Cubains. Par voie de conséquence, les Cubains sont convaincus que le grand phénomène mondial actuel demeure les victoires de la gauche latino-américaine et que la république libre de Cuba marche bel et bien dans la bonne direction. 

Le 20 février 2006, les parlementaires cubains ont adopté une loi afin d'interdire la vente de journaux étrangers tels Mecanica Popular, Muy Interesante, El Pais, etc., tous des journaux considérés comme potentiellement dangereux et capables d’aliéner l’opinion publique.

Quant à Internet, son accès est interdit et contrôlé par le ministère de l'Intérieur; seuls certains fonctionnaires et journalistes du gouvernement ont le droit et la possibilité d'utiliser ce genre de service. Seuls les sites autorisés en espagnol peuvent être visités: c'est une sorte d'Intranet du nom de Tu Isla («Ton île»), qui comprend, entre autres, les portails de la télévision et des radios d’État diffusant leurs programmations en ligne. Tout accès à des sites extérieurs est interdit sous peine d’emprisonnement. Quoi qu'il en soit, peu de Cubains ont accès à Internet, dont l'utilisation est nettement prohibitive (six pesos convertibles/l'heure, alors que le salaire moyen varie entre 25 et 40 pesos par mois).

La politique linguistique de Cuba en est une de non-intervention. Cuba reste l'un des pays les plus homogènes du monde au plan linguistique. Toute politique linguistique semble inutile dans ce pays insulaire et au surplus isolé au plan international. En réalité, les dirigeants politiques cubains semblent davantage préoccupés par l'idéologie marxiste et révolutionnaire que par la langue. Ces derniers ont toujours maintenu fermement leur option socialiste, même après que l'URSS et le bloc socialiste de l'Europe de l'Est aient été démantelés par les «traîtres de l'intérieur» et les «impérialistes de l'extérieur». Cuba n'a pas renoncé au socialisme, malgré son isolement, avec son commerce extérieur en débâcle, le tout à quelques dizaines de kilomètres de la «superpuissance impérialiste» la plus importante du monde, ce qui constitue un objet de fierté pour ces dirigeants qui croient que leur lutte est celle du «peuple cubain contre l'impérialisme».  

Dernière mise à jour: 06 avr. 2024

Bibliographie

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GOBIERNO DE LA REPÚBLICA DE CUBA. «Breve evolución histórica de la educación en Cuba» dans Sitio del Gobierno de la Républica de Cuba, La Havane, Ministerio de Educación, 2002, 
[http://www.cubagob.cu/default.htm].
 

GOBIERNO DE LA REPÚBLICA DE CUBA. «Educación General Politécnica y Laboral» dans Sitio del Gobierno de la Républica de Cuba, La Havane, Ministerio de Educación, 2002, 
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MUÑIZ-ARGÜELLES, Luis. «Les politiques linguistiques des pays latino-américains», Colloque international La diversité culturelle et les politiques linguistiques dans le monde, Québec, Commission des états généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec, 24 et 25 mars 2001.
 

YACOUB, Joseph. «Les minorités en Amérique latine et aux Caraïbes» dans Les minorités dans le monde, Paris, Desclée de Brouwer, 1998, p. 781-805. 

 
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