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République du Salvador
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Salvador
República de El Salvador
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1 Situation géographique
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La république du Salvador (en esp.: República de El
Salvador) est un pays
du nord-est de l’Amérique centrale.
Le Salvador est limité au nord et à l’est par le Honduras, au sud par l’océan
Pacifique et à l’ouest et au nord-ouest par le Guatemala. Sa superficie
totale est de 21 041 km² (Belgique: 30 527 km²), ce qui en fait le plus petit
État latino-américain et le seul d'Amérique centrale à ne pas avoir
d’ouverture sur la mer des Caraïbes. San Salvador, avec ses 450 000 habitants
(1,5 million avec l’agglomération) est la capitale et la plus grande ville du
pays. Suivent Santa Ana (228 000 habitants), centre d’une région agricole
prospère, et San Miguel (180 000 habitants). Le pays est divisé en 14 départements: San Salvador (1,8 million), La
Libertad (515 000), Santa Ana (465 000), San Miguel (405 000), Sonsonate (365
000), Usulutan (315 000), Ahuachapan (290 000), La Union (260 000), La Paz (250
000), Chalatenango (180 000), Cuscatlan (180 000), Morazan (165 000), San
Vicente (145 000), Cabanas (140 000). Voir la carte détaillée des
départements.
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2 Données démolinguistiques
En 2005, la population du Salvador était de 6,7 millions
d'habitants, 1,7 million (25,3 %) dans la capitale et 2,8 millions (42 %) dans
les zones rurales.
Amérique
Centrale: population indigène en 1992
( selon les pays)
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Population
indigène (millions) |
%
de la population totale |
Total |
6,76 |
26 % |
Belize |
0,03 |
19 % |
Costa Rica |
0,03 |
1 % |
Salvador |
0,40 |
10 % |
Guatemala |
5,30 |
66 % |
Honduras |
0,70 |
7 % |
Nicaragua |
0,16 |
5 % |
Panama |
0,14 |
6 % |
Source: Organización
Panamericana de la Salud (Organisation panaméricaine de la
santé), 1998.
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Les Salvadoriens forment un peuple
formé majoritairement de Métis appelés Mestizos
(89 %), et de deux minorités, les indigènes (10 %) et les Blancs (1 %).
En regard des autres pays d'Amérique centrale (avec le Belize et le
Guatemala), la population indigène
apparaît comme relativement importante.
Quant aux langues en usage, c'est l'espagnol qui
s'avère la langue dominante, avec 92,3 % de la population qui l'utilise
comme langue maternelle.
Les langues minoritaires sont peu nombreuses.
D'une part, il s'agit des langues amérindiennes suivantes: le lenca
(0,6 %), une langue non classée, le kekchí
(0,2 %), une langue maya, et le pipil (ou
nahuatl) une langue
uto-aztèque en voie prochaine d'extinction (20 locuteurs en 1987).
D'autre part, le pays compte aussi des langues immigrantes (4,6 %). |
Cela signifie que les autochtones forment un ensemble de
600 000 individus (10 % de la population), mais que seule une petite minorité parle
encore sa langue ancestrale (0,8 %). Par exemple, la population des Pipil
atteint aujourd'hui les 280 000 personnes, mais ceux qui parlent le pipil se
comptent sur les doigts d'une main. En réalité, les langues amérindiennes
du Salvador sont toutes en voie d'extinction. Pourtant, la publicité
gouvernementale laisse croire qu'un grand nombre d'autochtones parlent encore les
«dialectes ancestraux»: «En el interior, un gran porcentaje de la población
habla los dialectos ancestrales.» Diverses études
montrent que les inégalité sociales affectent les peuples indigènes du
Salvador: espérance de vie réduite, faible accès à l'éducation, taux plus
élevé de décrochage scolaire, mortalité infantile et maternelle, malnutrition,
pauvreté endémique, etc.
Le Salvador compte aussi des étrangers, notamment des
Arabes (env. 1500), des Chinois (1700), des Turcs (700), mais aussi beaucoup de
Latino-Américains (au moins 10 000) en provenance des pays voisins.
3
Données historiques
Avant l'arrivée des Européens, plusieurs civilisations
amérindiennes s'étaient épanouies dans l’actuel Salvador. À l'origine,
étaient peuplée d'Amérindiens papils, un
peuple nahuatl (uto-aztèque) qui
avaient émigré vers 3000 avant notre ère. Vers le XIe siècle
avant notre ère, les Papils avaient fondé des principautés fédérées en
deux grands États. À cette époque, le territoire actuel du Salvador comptait
trois royaumes indigènes:
1) le royaume de Payaquí au
nord, d'origine maya, correspondant aux départements de
Santa Anna (le nord) et de Chalatenango;
2) le royaume de Cuzcatlan à l'ouest, une population pipile,
correspondant aux départements de Usulutan, San Miguel,
Morazan et La Union;
3) la principauté de Najochan à l'est, d'origine maya et
lenca, correspondant aux autres départements.
Au XVIe siècle de notre ère, les Papils furent
intégrés dans l'empire maya. Le territoire maya (voir la carte maya)
correspondait alors à la partie sud du Mexique (Yucatan), ainsi que le Guatemala, le Belize et une
partie du Honduras et du Salvador. Mais ce qu’on appelle l’empire maya n’a
jamais existé: chacune des cités-États formait un petit royaume en soi,
lesquelles se faisaient souvent la guerre. Les mœurs, les coutumes sociales,
les rites religieux et les langues se ressemblaient, mais ne formaient aucune
unité. Cet éparpillement à la fois géographique et social a favorisé la
fragmentation linguistique, alors que les langues proviennent toutes d’une même
souche. Ces langues ont tellement évolué différemment que leurs locuteurs
aujourd’hui (environ deux millions) ne peuvent plus se comprendre entre eux.
Les Mayas avaient développé une écriture complexe, à la fois idéographique
(symboles exprimant une idée) et phonétique (symboles représentant des sons),
avec des variantes régionales qui compliquent le décryptage (encore mal résolu).
3.1 La colonisation
espagnole
C'est l’Espagnol Pedro de Alvarado, un lieutenant de
Cortès, qui tenta la conquête
du territoire 1524; le Salvador était alors appelé Cuscatlan. Alvarado
se heurta à une forte résistance de la part des Papils; vaincus à plusieurs reprises,
les Espagnols se replièrent au Guatemala. Mais l'expédition de 1528 réussit à
vaincre
définitivement les Papils, dont plusieurs se réfugièrent dans les montagnes. Les
peuples indigènes furent ensuite pratiquement tous décimés par les guerres
et les maladies. Après avoir cru trouvé de l'or en abondance au Salvador (du
nom de la fête du jour: le «Rédempteur»), les Espagnols déchantèrent et se
contentèrent de l'exploitation foncière du territoire.
C'est pourquoi le Salvador fut placé en 1542 sous la
juridiction de la Capitainerie générale du Guatemala.
Au cours de cette période, les autorités espagnoles mirent en place le
système des encomiendas («colis), c'est-à-dire l'attribution de vastes
terres aux colons. Ces derniers avaient le pouvoir de prélever un tribut sur
les autochtones établis sur leurs juridictions. Ce système abusif fut
remplacé dès la fin du XVIe siècle par celui du repartimiento
dans lequel les représentants des autorités espagnoles étaient chargés de
réglementer l'attribution aux travailleurs autochtones, de petits lopins de
terre à cultiver, ce qui instaurait un système un peu plus équitable de
«production pour l'exportation contre culture de subsistance».
À la suite de la conquête, les Espagnols
entreprirent de convertir les indigènes à la religion catholique
et à la culture européenne. Les ordres religieux, notamment les
franciscains et les dominicains, collaborèrent étroitement avec
les autorités espagnoles pour évangéliser les indigènes. Les Espagnols
épousèrent aussi des indigènes et donnèrent naissance aux Mestizos
actuels. Par la suite, la classe des Peninsulares (les colons nés en
Espagne) constitua l'élite qui méprisa souverainement les Criollos (Métis)
aux dépens des autochtones les conditions de vie continuèrent de se
dégrader.
3.2 De l'union centraméricaine à
l'indépendance
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Après deux tentatives
infructueuses, en 1811 et en 1814, le Salvador accéda provisoirement à l’indépendance en
1821, mais pour être aussitôt englobé dans l’empire du Mexique d’Agustín
de Iturbide. En 1823, après l’effondrement de cet empire éphémère, le Salvador et ses
voisins formèrent, le 1er juillet de la même année, une république
fédérative indépendante portant le nom de Provincias Unidas del
centro America (Provinces-Unies d'Amérique centrale, de 1823 à
1839) et comprenant les États du Guatemala, du Honduras, du
Nicaragua, du Salvador et de Costa Rica. Les dissensions entre deux
factions politiques — les libéraux et les conservateurs —
apparurent peu après et chacune voulut prendre le contrôle du
gouvernement récemment formé. |
Des guerres éclatèrent entre les États de la fédération
et les factions rivales. Puis le pays se disloqua en 1839 pour former cinq
nouveaux États indépendants: le Salvador, le Guatemala, le Honduras, le
Nicaragua et le Costa Rica. Le Salvador put proclamer son entière
souveraineté en 1841.
3.3 Le Salvador indépendant (1841)
Pendant plusieurs décennies, le pays fut le théâtre d'une
succession de conflits entre libéraux et conservateurs. Ce fut une période de
guerre civile en quasi-permanence entre les deux factions politiques qui
faisaient régulièrement appel aux forces armées des pays voisins pour renverser
le gouvernement salvadorien. La culture du café devint la base de l’économie
du Salvador, mais la crise de 1929, responsable de l’effondrement des
cours du café, rendirent plus aigues les tensions sociales. En 1931, un soulèvement paysan
dans l’ouest du pays fut réprimé dans le sang (30 000 morts) par le
général Maximiliano Hernández Martínez, qui devint dictateur du pays jusqu’en 1944;
il pratiqua durant ces années une politique dictatoriale fascisante. Puis les militaires continuèrent de diriger le Salvador jusqu’au début des
années quatre-vingt.
En 1969, le Salvador entra en conflit avec le Honduras. À
ce moment, il y avait au Honduras une présence illégale de quelque 300 000
travailleurs salvadoriens. Au cours des années soixante-dix, un double mouvement d’opposition
vit le jour : le Frente Farabundo Martí para la Liberación Nacional,
soit le Front Farabundo Martí de libération nationale (FFMLN), d’inspiration
marxiste, qui lança des actions de guérilla, alors qu’une coalition dirigée par
le démocrate-chrétien José Napoleón Duarte privilégia la voie électorale
pour obtenir des réformes. Vainqueur de l’opposition à l’élection
présidentielle de 1972, Duarte fut immédiatement contraint à l’exil, et
le pays demeura aux mains des militaires.
La situation resta troublé sous le régime répressif du général
Carlos Humberto Romero Mena (1977) qui réprima durement toute opposition, tandis que les «escadrons de la mort»,
des milices paramilitaires au service du parti d’extrême-
droite, l'ARENA (Alianza Republicana Nacionalista ou Alliance républicaine nationale, semèrent la terreur dans le
pays. En 1979, un coup d’État dirigé par une junte composée de militaires
et de civils permit à Duarte d’accéder à la tête de l’État l’année
suivante, sans pour autant ramener le calme entre les guérilleros du FFMLN et l’armée salvadorienne,
désormais soutenue financièrement par les États-Unis.
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La guerre civile débuta en janvier 1981. Le
FMLN,
recevant un appui du Front sandiniste de libération nationale du Nicaragua et
indirectement du régime de Fidel Castro (Cuba), s'engagea pleinement dans un
conflit armé, ce qui lui permit, entre autres, de contrôler certaines régions
comme le Morazan et d'alimenter une guérilla urbaine. Pour avoir défendu les
paysans, l'archevêque de San Salvador, Mgr
Oscar Romero, proposé pour le prix
Nobel de la paix, fut assassiné dans sa cathédrale en mars 1980 par les
Escadrons de la mort. Après deux années de présidence intérimaire, les
élections portèrent au pouvoir, le 6 mai 1984, un candidat chrétien-démocrate
soutenu par les États-Unis, José Napoleón Duarte. |
La victoire de la démocratie chrétienne lors des élections
législatives du 31 mars 1985 suscita de l'espoir, mais la violence politique
continua et la guerre civile s'intensifia. Celle-ci fit au moins 100 000 morts
en dix ans et paralysa totalement l’économie du pays. Durant cette période, les
indigènes durent souvent se cacher, car ils étaient soupçonnés de collaborer
avec la guérilla qui faisaient des ravages dans ces régions. Sans raison,
l'armée salvadorienne a massacré beaucoup d'autochtones.
Les négociations de paix entre le gouvernement et le
FFMLN, entamées par Duarte, se poursuivirent après l’élection, en 1989, du
candidat de l’ARENA, Alfredo Cristiani. Les deux parties acceptèrent la
médiation des Nations unies et, après de longs mois de négociations
difficiles, signèrent des accords de paix au Mexique sous l’égide de l’ONU, en janvier
1992 (traité de Chapultepec du 16 janvier 1992). La fin de la guerre fut officiellement proclamée
en décembre 1992.
3.4 Le Salvador après 1992
En vertu des accords de paix, les forces rebelles acceptaient
de déposer les armes et de prendre part à la vie politique; elles se joignirent à une coalition de partis baptisée
«Convergence démocratique». Tous les soldats rendus à la vie civile se sont
vus proposer par l'État un lopin de terre ou une formation technique, afin de
faciliter leur réinsertion dans la société après ces douze années de guerre
civile. De plus, une «commission de la vérité» prépara un rapport sur les
assassinats et les massacres les plus notoires de toute la guerre civile, alors
qu'une autre commission purgea l'armée de ses officiers les moins
«indésirables». Un procureur pour les droits de l'homme fut nommé par le
gouvernement. Puis le Parlement vota une loi d'amnistie générale en mars 1993
et le FMLN devint un parti politique reconnu afin de participer aux futures
élections.
La
transition vers une réconciliation nationale et la démocratie connut des
ralentissements tout au long de l’année 1993, mais des élections eurent lieu comme
prévu en avril 1994. Armando Calderón Sol, dirigeant de l’ARENA, fut alors
élu à la tête de l’État. Aux élections législatives et municipales de
mars 1997, l’ARENA recula au profit du FFMLN et ne garda qu’une étroite
majorité relative. Le FFMLN remporta plusieurs dizaines de municipalités dont
la capitale San Salvador.
Malgré un retour fragile à la démocratie, le Salvador
n'est pas au bout de ses peines. Quelque 60 % des Salvadoriens ne font que
survivre dans une grande misère, alors qu'une partie importante de la
population demeure analphabète. L'adoption du dollar américain comme monnaie
nationale n'a pas amélioré l'économie et a, au contraire, suscité des
mouvements de colère dans la rue. Les relations avec les États-Unis sont
restées très étroites. Les Américains ont contribué au «Plan de
reconstruction nationale» à hauteur de 600 millions de dollars et demeurent le
principal partenaire économique (60 % de part de marché) du pays. Le 15 mars
2009, le candidat du FMLN, Mauricio Funes, fut élu président du Salvador avec 51
% des voix, ce qui mit fin à vingt ans d'hégémonie de l'ARENA.
4 La politique linguistique
Le Salvador a élaboré une politique linguistique
rudimentaire, l'une des plus chétives de toute l'Amérique latine. D'ailleurs,
les lois linguistiques sont inexistantes et les lois à portée
linguistique limitée, voire rarissimes. On pourrait résumer entièrement
cette politique par l'article 62 de la
Constitution de 1983
révisée en 2000:
Article 62 La langue officielle
du Salvador est le castillan. Le gouvernement est obligé de veiller à sa conservation et son
enseignement.
Les langues autochtones en usage sur le territoire national
font partie du patrimoine culturel et font l'objet de préservation,
de diffusion et de respect. |
Autrement dit, la politique compte en principe deux volets: la
promotion du castillan (espagnol) et la conservation des langues autochtones.
Toutefois, contrairement à la plupart des pays latino-américains, la
politique relative aux langues indigènes n'est pas appuyée par des instruments juridiques.
4.1 La politique à l'égard du castillan
En vertu de l'article 62 de la
Constitution, l'espagnol, toujours appelé «castillan» au Salvador, est la langue de l'État qui doit
veiller à sa conservation et à son enseignement. L'Assemblée législative n’utilise
que l’espagnol, la langue officielle, de même que tous les organismes
gouvernementaux du Salvador, incluant les cours de justice.
- La justice
Dans le
Code de
procédure civile (2010), il est précisé à l'article 325 que si les témoins
ignorent le castillan, ils doivent être examinés par l'intermédiaire
d'interprètes, sous peine de nullité:
Article 325
Si les témoins ignorent le
castillan, ils doivent être examinés par l'intermédiaire d'interprètes,
sous peine de nullité. |
L'article 32 de la
Loi sur le
notariat (2003) stipule que les actes notariés doivent être rédigés en
castillan et que, lorsqu'une des parties contractantes ne parle pas
castillan, il est possible de recourir à un interprète d'âge majeur:
Article 32
L'acte original doit
satisfaire aux exigences suivantes :
1º Qu'il soit fait devant
une personne autorisée à exercer le notariat;
2º Qu'il soit établi à
partir d'un protocole, en langue castillane, en indiquant son numéro
d'ordre et l'indication du lieu, de la date et de l'heure qui sont
attribuées. Lorsqu'une des parties contractantes ne parle pas castillan,
il est possible de recourir à un interprète d'âge majeur. Si deux ou
plusieurs parties sont dans ce cas, elles peuvent désigner un seul
interprète d'un commun accord et le notaire exerce sa tâche en
consignant en castillan les propos des interprètes. |
Il en est ainsi dans les contrats de
travail, en vertu de l'article 16 du
Code du travail
(2009) :
Article 16
Les contrats de travail, les
apprentissages et les règlements internes du travail doivent être
rédigés en castillan. Les ordres et les instructions destinés aux
travailleurs doivent être transmis dans la même langue. |
- L'éducation
Dans les écoles,
seul l’espagnol est enseigné «comme
langue maternelle», alors que l'anglais demeure pratiquement la seule langue seconde
enseignée aux élèves du secondaire. Même la
Loi
générale sur l'éducation de
1996 ne mentionne que de façon très symbolique la question de la langue par
l'expression «développement langagier», sans en nommer aucune. Voici
à ce sujet le libellé de l'article 16 :
Article 16
L'éducation
fondamentale
débute à la naissance de l'enfant jusqu'à quatre ans; et
elle
favorisera le développement socio-affectif, psychomoteur, senso-perceptif,
langagier
et ludique, au moyen de stimulations précoces adéquates.
L'éducation fondamentale
doit centrer
ses actions sur la famille et la communauté; le ministère de
l'Éducation normalise et facilite la mise en œuvre des programmes de
cette nature, ceux-ci étant développés par des institutions publiques
et privées. |
Cependant, l'article 86 de la
Loi sur la protection intégrale des enfants et des adolescents (2009)
précise bien que l'État doit promouvoir la connaissance et le respect de la
langue castillane, l'identité culturelle et toute autre manifestation
culturelle, ce qui laisse peu de place aux éventuelles langues indigènes :
Article 86
Responsabilité de l'État
en matière d'éducation
Pour rendre effectif le
droit à l'éducation, l'État doit :
g) promouvoir la
connaissance et le respect de la langue castillane, l'identité
culturelle et toute autre manifestation culturelle;
|
Mais le problème du Salvador ne concerne pas
directement la langue espagnole, mais la qualité générale de l'éducation.
N'oublions pas que l'État consacre 1,6 % du produit national brut à
l'éducation et que les améliorations en ce domaine ne peuvent que se faire
attendre. Or, l'éducation publique salvadorienne souffre de multiples maux. Par
exemple, en 1989, quelque 62 % des écoles primaires rurales manquaient de
moyens matériels et pédagogiques. Les méthodes d'enseignement dominantes sont
demeurées très conservatrices. Elles sont fondés sur la dictée, la
répétition, la lecture à voix haute et en chœur, la mémorisation, sans en
appeler au raisonnement personnel et à l'utilisation de mécanismes logiques
permettant une autonomie de la pensée. Seuls des programmes de recyclage des
enseignants pourraient remédier à la situation. Le nombre total des
analphabètes au Salvador est estimé par l'Unesco à 28,5 %, ce qui demeure
élevé mais mieux qu'au Guatemala (44,4 %) et au Nicaragua (34,3 %).
- La vie
économique
La vie économique se déroule
en espagnol et en partie en
anglais, mais seul l’espagnol apparaît dans les documents
officiels. Les médias sont tous en espagnol, hormis les quelques journaux
étrangers qui sont disponibles en anglais ou en portugais. En réalité, au
plan juridique, on peut affirmer que le Salvador n'a comme politique que la
préservation de la langue officielle, alors qu'elle n'est guère en danger.
Ainsi, dans le
Code du commerce
(2010), il est manifeste que le castillan est la seule langue autorisés,
mais qu'une traduction est possible dans les titres émis par le Salvador:
Article 626
Les titres émis par le
Salvador doivent être rédigés en
castillan, mais ils peuvent également contenir une traduction de leur
texte dans une autre langue.
Article 1224
Les titres doivent
être transmis avec les reçus nécessaires à la facturation de l'intérêt
et, le cas échéant, à l'amortissement. Ils doivent être rédigés en castillan, mais peuvent être
accompagnés d'une traduction d'une langue étrangère.
|
De son côté, la
Loi sur la protection du consommateur (2006) impose le castillan dans les
contrats d'adhésion destinés aux consommateur:
Article 22
Contrats d'adhésion
Dans le cas des contrats
d'adhésion et de leurs annexes écrits sur des formulaires imprimés lors
d'une procédure, ils doivent être rédigés en des termes clairs en
castillan, être imprimés avec des caractères lisibles à l'œil nu et ne
jamais contenir des références à des textes ou des documents qui ne pas
remis au consommateur soit au préalable soit en même temps que la
conclusion du contrat, sauf si cette référence est une loi de la
République. Un exemplaire de tous les contrats et leurs annexes doit
être remis au consommateur. |
La même disposition est répétée à l'article 4 du
Règlement de la Loi sur la protection du consommateur (2006):
Article 4
Les contrats d'adhésion et
leurs annexes doivent satisfaire aux conditions suivantes :
b) ils doivent être
rédigés en castillan.
c) ils doivent être
écrits en caractères lisibles à l'œil nu, pour lesquels la taille de
la police ne peut-être être moindre que 10 points ;
|
À lire ces textes juridiques, il apparaît clair
que les langues indigènes n'ont aucune place.
4.2 Les
langues autochtones
Au plan juridique, les documents juridiques
concernant toute politique linguistique à
l'égard des langues autochtones sont très limités: la Constitution, un traité
international, la Convention
relative aux populations aborigènes et tribales (107) de l'Organisation
internationale du travail (1957) et la
Loi spéciale sur la protection du patrimoine culturel (1993).
- La Constitution
Rappelons que le second paragraphe de l'article 62 de la
Constitution de 1983
énonce que «les langues autochtones en usage sur le territoire national font
partie du patrimoine culturel et font l'objet de préservation, de diffusion et
de respect.» Cette disposition correspond à une sorte de vœu pieux qui ne se
transpose pas nécessairement dans la réalité quotidienne des autochtones. Elle
n'est appuyée d'aucune mesure concrète, si ce ne sont des tentatives
d'enseignement bilingue dans quelques rares écoles autochtones.
Le Salvador a aussi adopté il y a maintenant plusieurs
années, une
Loi spéciale sur la protection du patrimoine culturel (1993). Il ne s'agit
pas d'une loi linguistique, mais d'une loi générale portant sur la protection du
patrimoine culturel salvadorien, dont les langues indigènes font
vraisemblablement partie. L'article 44 est le seul article traitant de la
langue castillane et des langues autochtones. Il est d'abord précisé au
paragraphe 1 que «la langue officielle du Salvador est le castillan» et que
c'est cette langue qui doit être préservée et enseignée, car le texte original
("la conservación y enseñanza de aquél") fait référence au pronom
singulier "aquél" («celui-ci» ou «celle-ci»), ce qui tend à exclure les autres
langues, dont le nahuatl. En réalité, la seule véritable protection relative aux
langues autochtones concerne les toponymes qu'il est interdit de modifier (par.
2, 3 et 4):
Article 44
Obligation de
conservation
1. La langue
officielle du Salvador est le castillan et, sans préjudice de la
garantie due à la langue nahuatl et à d'autres langues autochtones, il
est de l'obligation de l'État d'assurer la préservation et à
l'enseignement de celle-ci. À cette fin, cette langue doit être soumise
aux lois et aux règlements respectifs.
2. Il est
strictement interdit de modifier les toponymes autochtones par lesquels
sont connus les biens culturels, les populations, les sites historiques,
les régions, les zones ou sites culturels du Salvador, ainsi que les
lieux touristiques, les rues, les avenues ou routes, les monuments, les
places, les jardins, les rivières, les lacs, les volcans, les collines
ou tout autre lieu ou espace géographique du territoire national. Une
protection égale est étendue aux dénominations historiques et
culturelles.
3. L'interdiction
du paragraphe précédent s'étend aux biens culturels mobiliers ayant des
dénominations autochtones.
4. Toute
modification d'un toponyme autochtone doit être annulé.
5. Les
dénominations historiques en espagnol, mais avec un nom autochtone
préexistant jouissent d'une protection égale. |
C'est une protection juridique très mince et très limitée,
qui s'avère plus symbolique qu'autrement.
De plus, le gouvernement du Salvador a ratifié, le 18 novembre
1958 la Convention no 107 de l'OIT, c'est-à-dire la Convention
relative aux populations aborigènes et tribales
de l'Organisation internationale du travail (1957). Cette Convention a été ratifiée par 27 pays et reste la seule convention de cette nature à avoir
été signée au cours des trois dernières décennies. Elle vise un large éventail de questions d'intérêt allant des conditions de travail et du recrutement des populations aborigènes et tribales aux droits fonciers, à la santé et à l'éducation.
Dans ce dernier domaine, il a paru utile de reproduire les articles relatifs à
l'éducation (21-26), auxquels le Salvador est partie prenante:
Article 21
Des mesures seront prises pour assurer aux membres des populations intéressées
la possibilité d'acquérir une éducation à tous les niveaux sur un
pied d'égalité avec le reste de la communauté nationale.
Article 22
1. Les programmes d'éducation destinés aux populations intéressées
seront adaptés, en ce qui concerne les méthodes et les techniques, au
degré d'intégration sociale, économique et culturelle de ces
populations dans la communauté nationale.
2. L'élaboration de tels programmes devra normalement être précédée
d'études ethnologiques.
Article 23
1. Un enseignement sera donné aux enfants appartenant aux populations
intéressées pour leur apprendre à lire et à écrire dans leur langue
maternelle ou, en cas d'impossibilité, dans la langue la plus communément
employée par le groupe auquel ils appartiennent.
2. Le passage progressif de la langue maternelle ou vernaculaire à la
langue nationale ou à l'une des langues officielles du pays devra être
assuré.
3. Dans la mesure du possible, des dispositions appropriées seront
prises pour sauvegarder la langue maternelle ou vernaculaire.
Article 24
L'enseignement primaire devra viser à donner aux enfants appartenant
aux populations intéressées des connaissances générales et des
aptitudes qui les aideront à s'intégrer dans la communauté nationale.
Article 25
Des mesures de caractère éducatif devront être prises dans les autres
secteurs de la communauté nationale et particulièrement dans ceux qui
sont le plus directement en contact avec les populations intéressées,
afin d'éliminer les préjugés qu'ils pourraient nourrir à l'égard de
ces populations.
Article 26
1. Les gouvernements devront prendre des mesures, adaptées aux
particularités sociales et culturelles des populations intéressées,
en vue de leur faire connaître leurs droits et obligations, notamment
en ce qui concerne le travail et les services sociaux.
2. Des traductions écrites et des informations largement diffusées
dans les langues desdites populations seront utilisées si nécessaire
à cette fin. |
Malheureusement, la Convention no 107 de l'OIT n'a à peu
près jamais été appliquée au Salvador, la plupart de ces dispositions étant
restées lettre morte, que ce soit au point de vue des droits fonciers, des
droits à la santé ou en éducation. L'état de guerre civile permanente dans
le pays n'a certes pas aidé à la cause autochtone. Bref, tout le travail est
à faire, car le taux d'analphabètes chez les autochtones est beaucoup plus
élevé que la moyenne nationale (28 %). Les programmes, de type traditionnel et
encyclopédique, n'ont aucun sens pour les élèves des classes modestes, en
particulier pour les enfants autochtones, pour lesquels sont rarement organisés
des cours d'éducation bilingue, ce qui entraîne leur mise à l'écart du
système scolaire.
Heureusement, le programme d’éducation communautaire
EDUCO
(Educacion con Participacion
de la Comunidad) a permis à des groupes auparavant exclus des systèmes centralisés d’accéder à l’éducation.
On sait maintenant que les minorités autochtones sont mieux à même d’apprendre dans leur langue maternelle lorsque l’autorité éducative est locale.
Mais il y a encore beaucoup à faire.
Il est vrai qu'à la suite des Accords de paix signés à
Chapultepec (au Mexique), la Grande Charte (Carta Magna) a été
modifiée afin de garantir la protection des droits humains et de fixer de manière appropriée la compétence des
organismes de l'État et de ses attributions en la matière. Par conséquent, les droits constitutionnels ont
consacré le principe de l'égalité juridique entre tous les citoyens. Toutefois, les organisations indigènes
salvadoriennes s'interrogent sur cette égalité, du fait que les peuples indigènes
restent toujours les plus marginalisés de la société, que ce soit dans le
domaine du logement, de l'éducation ou de la santé. Par exemple en matière
environnemental, la déforestation, la pollution des rivières, la détérioration des sols, la dégradation des bassins hydrographiques, la perte de la biodiversité
et l'exploitation d'autres ressources ont entraîné une grande détérioration écologique
au Salvador, notamment en territoire indigène. Il ne semble pas exister une
volonté d'agir de la part du gouvernement devant tous ces problèmes.
De plus,
les autochtones continuent de vivre dans la misère et dans le
sous-développement économique. Les statistiques sur la pauvreté en Amérique latine,
lesquelles ont été dévoilées lors du Sommet mondial sur le développement social des Nations
unies qui s'est déroulé en mars 1995 au Danemark en mars 1995, montrent qu'on ne peut pas séparer le problème de l'extrême pauvreté
et celui de l'environnement. Les populations autochtones doivent faire face à
l'inertie gouvernementale ou à l'absence de consultation.
La politique linguistique du Salvador est
restée à l'état embryonnaire. Contrairement à d'autres pays d'Amérique
latine, elle n'est jamais allée très loin. C'est une politique de
non-intervention qui n'entraîne guère de complication pour l'espagnol
(castillan), mais
qui remet en question l'existence même des quelques populations autochtones
salvadoriennes. Rappelons que celles-ci forment un ensemble de
600 000 individus (10 % de la population), mais que seule une petite minorité parle
encore une langue ancestrale (0,8 %). Dans l'état actuel des choses, ce n'est
certainement pas l'État salvadorien qui va remédier à la situation.
Dernière révision
en date du
03 janv. 2024
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YACOUB, Joseph. «Les
minorités en Amérique latine et aux Caraïbes» dans Les
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