Traité de Lausanne

Traité de paix signé à Lausanne  
le 24 juillet 1923 

Le traité de Lausanne remplaçait le traité de Sèvres imposé aux Turcs en 1920. À la suite des succès nationalistes de Mustapha Kemal surnommé Ghazi («le Victorieux») et de l'abolition du sultanat d'Istanbul, les puissances alliées acceptèrent une révision des accords de paix de 1920 (traité de Sèvres). Ce traité fut signé le 24 juillet 1923 à Lausanne (en Suisse) entre la Turquie, d'une part, et la France, l'Italie, l'Angleterre, le Japon, la Grèce, la Roumanie, le royaume de Serbie, le royaume de Croatie et les Slovènes, d'autre part. Le traité reconnaissait les frontières de la Turquie moderne. La Turquie renonçait à ses anciennes provinces arabes (Syrie, Irak, Jordanie et Palestine) et reconnaissait la possession de Chypre par les Britanniques et les possessions italiennes du Dodécanèse.

Au plan linguistique (art. 37-45), le traité de Lausanne prévoyait des échanges de population destinés à régler le problème des minorités en Grèce et en Turquie. Ces échanges concernèrent 400 000 Turcs et 1,6 million de Grecs. Les articles 37 à 45 régissent les droits des minorités turques en Grèce et des minorités grecques en Turquie. En conséquence, les Grecs de Turquie furent rapatriés en Grèce. Les Alliées renonçait à demander l'autonomie du Kurdistan turque et des territoires arméniens en Turquie. L'un des paradoxes du traité de Lausanne fut de sanctionner officiellement des transferts massifs de populations et les purifications ethniques qui s'ensuivirent. Dans le cas de la Grèce comme celui de la Turquie, le traité de Lausanne ne définit pas les minorités concernées et ne les situe pas géographiquement.

De plus, la Grèce et la Turquie n'ont jamais interprété le texte du traité de la même façon. Quant à l'article 45 du traité, dite «clause de réciprocité», qui accorde à la minorité musulmane de la Grèce les mêmes droits qu’aux minorités non musulmanes de Turquie, il a permis à chacune des parties de remettre en cause plusieurs des droits aux citoyens membres de ces minorités.

La version française du traité constitue le texte officiel avec l'anglais.

 

TRAITÉ DE PAIX

L'Empire britannique, la France, l'Italie, le Japon, la Grèce, la Roumanie, l'État serbe-croate-slovène, d'une part, et la Turquie, d'autre part,

SECTION III
Protection des minorités

Article 37

La Turquie s'engage à ce que les stipulations contenues dans les articles 38 à 44 soient reconnues comme lois fondamentales, à ce qu'aucune loi, aucun règlement, ni aucune action officielle ne soient en contradiction ou en opposition avec ces stipulations et à ce qu'aucune loi, aucun règlement ni aucune action officielle ne prévalent contre elles.

Article 38

Le gouvernement turc s'engage à accorder à tous les habitants de la Turquie pleine et entière protection de leur vie et de leur liberté, sans distinction de naissance, de nationalité, de langue, de race ou de religion.

Tous les habitants de la Turquie auront droit au libre exercice, tant public que privé, de toute foi, religion ou croyance dont la pratique ne sera pas incompatible avec l'ordre public et les bonnes mœurs.

Les minorités non musulmanes jouiront pleinement de la liberté de circulation et d'émigration sous réserve des mesures s'appliquant, sur la totalité ou sur une partie du territoire, à tous les ressortissants turcs et qui seraient prises par le gouvernement turc pour la défense nationale ou pour le maintien de l'ordre public.

Article 39

Les ressortissants turcs appartenant aux minorités non musulmanes jouiront des mêmes droits civils et politiques que les musulmans.

Tous les habitants de la Turquie, sans distinction de religion, seront égaux devant la loi.

La différence de religion, de croyance ou de confession ne devra nuire à aucun ressortissant turc en ce qui concerne la jouissance des droits civils et politiques, notamment pour l'admission aux emplois publics, fonctions et honneurs ou l'exercice des différentes professions et industries.

Il ne sera édicté aucune restriction contre le libre usage par tout ressortissant turc d'une langue quelconque, soit dans les relations privées ou de commerce, soit en matière de religion, de presse ou de publications de toute nature, soit dans les réunions publiques.

Nonobstant l'existence de la langue officielle, des facilités appropriées seront données aux ressortissants turcs de langue autre que le turc, pour l'usage oral de leur langue devant les tribunaux.

Article 40

Les ressortissants turcs appartenant à des minorités non musulmanes jouiront du même traitement et des mêmes garanties en droit et en fait que les autres ressortissants turcs. Ils auront notamment un droit égal à créer, diriger et contrôler à leurs frais toutes institutions charitables, religieuses ou sociales, toutes écoles et autres établissements d'enseignement et d'éducation, avec le droit d'y faire librement usage de leur propre langue et d'y exercer librement leur religion.

Article 41

En matière d'enseignement public, le gouvernement turc accordera dans les villes et districts où réside une proportion considérable de ressortissants non musulmans, des facilités appropriées pour assurer que dans les écoles primaires l'instruction soit donnée dans leur propre langue aux enfants de ces ressortissants turcs. Cette stipulation n'empêchera pas le gouvernement turc de rendre obligatoire l'enseignement de la langue turque dans lesdites écoles.

Dans les villes ou districts où existe une proportion considérable de ressortissants turcs appartenant à des minorités non musulmanes, ces minorités se verront assurer une part équitable dans le bénéfice et l'affectation des sommes qui pourraient être attribuées sur les fonds publics par le budget de l'État, les budgets municipaux ou autres, dans un but d'éducation, de religion ou de bienfaisance.

Les fonds en question seront versés aux représentants qualifiés des établissements et institutions intéressés.

Article 42

Le gouvernement turc agrée de prendre à l'égard des minorités non musulmanes, en ce qui concerne leur statut familial ou personnel, toutes dispositions permettant de régler ces questions selon les usages de ces minorités.

Ces dispositions seront élaborées par des commissions spéciales composées en nombre égal de représentants du gouvernement turc et de représentants de chacune des minorités intéressées. En cas de divergence, le gouvernement turc et le Conseil de la Société des Nations nommeront d'un commun accord un surarbitre choisi parmi les jurisconsultes européens.

Le gouvernement turc s'engage à accorder toute protection aux églises, synagogues, cimetières et autres établissements religieux des minorités précitées. Toutes facilités et autorisations seront données aux fondations pieuses et aux établissements religieux et charitables des mêmes minorités actuellement existant en Turquie, et le gouvernement turc ne refusera pas, pour la création de nouveaux établissements religieux et charitables, aucune des facilités nécessaires qui sont garanties aux autres établissements privés de cette nature.

Article 43

Les ressortissants turcs appartenant aux minorités non musulmanes ne seront pas astreints à accomplir un acte quelconque constituant une violation de leur foi ou de leurs pratiques religieuses, ni frappés d'aucune incapacité s'ils refusent de comparaître devant les tribunaux ou d'accomplir quelque acte légal le jour de leur repos hebdomadaire.

Toutefois, cette disposition ne dispensera pas ces ressortissants turcs des obligations imposées à tous autres ressortissants turcs en vue du maintien de l'ordre public.

Article 44

La Turquie convient que, dans la mesure où les articles précédents de la présente section affectent les ressortissants non musulmans de la Turquie, ces stipulations constituent des obligations d'intérêt international et soient placées sous la garantie de la Société des Nations. Elles ne pourront être modifiées sans l'assentiment de la majorité du Conseil de la Société des Nations. L'Empire britannique, la France, l'Italie et le Japon s'engagent, par les présentes, à ne pas refuser leur assentiment à toute modification desdits articles qui serait consentie en due forme par la majorité du Conseil de la Société des Nations.

La Turquie agrée que tout membre du Conseil de la Société des Nations aura le droit de signaler à l'attention du Conseil toute infraction ou danger d'infraction à l'une quelconque de ces obligations, et que le Conseil pourra procéder de telle façon et donner telles instructions qui paraîtront appropriées et efficaces dans la circonstance.

La Turquie agrée, en outre, que, en cas de divergence d'opinion sur des questions de droit ou de fait concernant ces articles entre le gouvernement turc et l'une quelconque des autres puissances signataires ou toute autre puissance, membre du Conseil de la Société des Nations, cette divergence sera considérée comme un différend ayant un caractère international selon les termes de l'article 14 du Pacte de la Société des Nations. Le gouvernement turc agrée que tout différend de ce genre sera, si l'autre partie le demande, déféré à la Cour permanente de justice internationale. La décision de la Cour permanente sera sans appel et aura la même force et valeur qu'une décision rendue en vertu de l'article 13 du Pacte.

Article 45

Les droits reconnus par les stipulations de la présente section aux minorités non musulmanes de la Turquie, sont également reconnus par la Grèce à la minorité musulmane se trouvant sur son territoire. 

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