Les Tsiganes

Romani - Roms - Tsiganes?
Gitans? Gypsies? Bohémiens?  


1 Les Tsiganes (ou Roms)

Les Tsiganes (prononcé [tsigan]) forment un peuple indo-européen d’origine indienne. Il s’agit des Kshattriyas qui, venus du nord de l’Inde, sont arrivés en Grèce au IXe siècle. Puis, au XIIIe siècle, les Rajputs les ont rejoints. 

Ensemble, ils ont formé la Romani Cel – le peuple tsigane – d'où leur surnom de «Romanichels», mais ils se nomment eux-mêmes Romané Chavé, c'est-à-dire «fils de Ram» (héros de l'épopée indienne Ramanaya). 

La graphie recommandée par l'Académie française est tzigane (avec un [z]) mais les Tsiganes préfèrent écrire ce mot avec un [s] parce qu'il ne correspond pas à la prononciation du mot dans leur langue. En français, le mot Roms au pluriel se prononce sans le -s, ce qui donne [ròm].

2 Où habitent-ils?

Comme les Tsiganes n’ont pas d’État propre, ils sont dispersés non seulement à travers l’Europe, mais aussi en Amérique (Argentine, Brésil, Colombie, États-Unis). Bien qu’il n’y ait aucun recensement sur leur population on estime leur nombre à environ 80 millions, mais la quasi-totalité des Tsiganes ont perdu l’usage de leur langue ancestrale et se sont assimilés dans leur pays d’accueil. En France, les Tsiganes seraient officiellement environ 250 000, mais le nombre réel se situerait davantage à 400 000 personnes.

Selon différentes estimations, on compterait 8 à 12 millions de Tsiganes en Europe, dont une majorité à l'Est : 2,4 millions en Roumanie, 800 000 en Bulgarie, 600 000 en Hongrie, 600 00 en Russie, 500 000 en Serbie, 450 000 en Slovaquie, 250 000 en Macédoine du Nord, 250 000 en République tchèque, 200 000 en Ukraine,  80 000 en Bosnie-Herzégovine, 45 000 en Pologne, 40 000 en Croatie, 25 000 en Moldavie, 20 000 au Monténégro,  20 000 au Kosovo, 15 000 en Biélorussie, 10 000 en Slovénie, 8000 en Lettonie, 4000 en Lituanie, 1500 en Estonie, 1000 en Albanie. Il faut ajouter 800 000 Tsiganes dans les anciennes républiques soviétiques, y compris en Asie centrale.

En Europe de l'Ouest, les pays qui ont plus de 100 000 Tsiganes sont les suivants: l'Espagne (800 000), la France 400 000),  la Grèce (220 000), le Royaume-Uni (150 000), l'Allemagne (140 000) et l'Italie (120 000). Les autres pays en ont beaucoup moins: le Portugal (50 000), la Suède (40 000), la Belgique (35 000), l'Irlande (35 000), les Pays-Bas (35 000), la Suisse (35 000), l'Autriche (25 000), la Finlande (12 000), la Norvège (4000), le Danemark (4000), Chypre (1500) et le Luxembourg (150). Quant à la Turquie, elle en comptabiliserait quelque 500 000.

S'ils constituaient un État avec un territoire propre avec leur nombre actuel, les Tsiganes se situeraient au 12e rang en importance parmi les 27 États de l'Union européenne.

De façon générale, les Tsiganes pratiquent le nomadisme, ce qui n’est pas sans leur causer des difficultés au plan de l’intégration sociale, car leurs valeurs et leur mode de vie différents les ont toujours soumis aux pressions assimilatrices de la population majoritaire, quel que soit leur pays d'adoption.

Du fait de leur grande mobilité et de leur type d’habitat (souvent en caravane), les Tsiganes sont exclus des prestations et de la sécurité sociales, et généralement désavantagés dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, de la santé, du logement et de la participation à la vie publique.

3 Quelle langue parlent-ils?

Il est beaucoup plus difficile d'évaluer le nombre des locuteurs de la langue des Tsiganes: le romani. En effet, il n'existe pas de statistiques précises à ce sujet, et l'on doit se fier à des approximations. Il en résulte que toute estimation ne peut se révéler que partiale et suspecte. Par exemple, en ne tenant compte que des Tsiganes d'Europe et de l'Amérique, certains linguistes croient que les deux tiers des Tsiganes parleraient encore une forme de leur langue ancestrale, ce qui signifierait huit millions de romanophones. Pour sa part, le Summer Institut of Linguistics du Texas évalue le nombre des tsiganophones à 1,5 million de locuteurs. En 1989, l'Union soviétique les estimait à 202 810. Quant à l'Unesco, elle affirmait en 2002 que le romani, appelé aussi «tsigane», était une langue en danger d'extinction. En somme, on peut croire que la plupart des Tsiganes auraient perdu l’usage de leur langue ancestrale et se seraient assimilés dans leur pays d’accueil.

Quoi qu'il en soit, les romanophones habitent surtout la Bosnie-Herzégovine, la Roumanie, la Pologne, la Hongrie, l’Albanie, la Grèce, la Slovaquie, l’Ukraine, le Portugal, l’Espagne, la Norvège, la Suède, la France, les Pays-Bas, l’Italie et l’Allemagne. On distingue le romani des Balkans (Serbie), le romani des Carpates (République tchèque), le romani finnois (Finlande), le romani sinté (Serbie), le romani gallois (pays de Galles), le romani valaque (Roumanie), le romani gréco-turc, etc. La langue que parlent les Tsiganes serait à l’image de l’itinéraire de leurs ancêtres: le romani paraît donc différent d’un pays à l’autre, très teinté de particularismes linguistiques, tout en conservant une certaine intercompréhension. On dénombre au moins une quinzaine de variétés de langues tsiganes:

- l'anglo-romani (Royaume-Uni),
- le calo-romani (Espagne),
- le domari (Iran),
- le lomavren (Arménie),
- le romani des Balkans (Serbie),
- le romani baltique (Pologne),
- le romani des Carpathes  (République tchèque),
- le romani de Finlande (Finlande),
- le romani des Sintes (Serbie),
- le romani des Valaques (Roumanie),
- le romani gallois (pays de Galles au Royaume-Uni),
- le gréco-romani (Grèce),
- le serbo-romani  (Serbie),
- le romani voyageur ou romani tatar (Danemark, Norvège et Suède).

Si les locuteurs du romani sont peu nombreux (environ 1,5 million de locuteurs), les Tsiganes eux-mêmes sont beaucoup plus nombreux, probablement plus de 10 millions.

La langue romani (ou tsigane) reste l’unique représentante européenne du groupe indo-iranien appartenant à la famille indo-européenne. Le romani a préservé en grande partie l'héritage des langues de l'Inde du Nord, plus particulièrement l'hindi et le rajasthani dont il a en commun 60 % du vocabulaire de base. Enfin, le romani est parfois considéré comme appartenant au sous-groupe indien ou même comme une troisième branche indo-iranienne avec comme seule langue le romani. Bien que la langue des Tsiganes puise son origine dans le sanskrit et d'autres langues du nord de l'Inde, elle s'est fragmentée en de multiples variétés dialectales enrichies de termes persans, arméniens, grecs, slaves ou roumains; depuis quelques décennies, des racines anglo-saxonnes ont imprégné le vocabulaire moderne, technique et scientifique. 

Les variétés tsiganes de l'Europe de l'Est ont conservé la grammaire indienne ainsi qu'un bon fonds lexical d'origine sanskrite. Cependant, les variétés du romani de l'Ouest se sont créolisés pour devenir l'anglo-romani (anglicisé), le manouche (germanisé), le sinto italien, le calo (romani hispanisé), etc. De façon générale, les jeunes générations semblent abandonner progressivement la langue ancestrale, ce qui peut être ressentie comme une perte de l'identité tsigane. Depuis quelque temps, la langue a été dotée d'un alphabet et fait l'objet d'une standardisation.

Quoi qu'il en soit, le romani et ses nombreuses variétés sont non seulement des langues minoritaires partout dans le monde, mais aucun État de l'a reconnu comme langue officielle, même localement. Néanmoins, dans certains pays, des mesures de protection minimales peuvent exister en Allemagne, en Autriche, en Slovaquie, en Slovénie, en Finlande, au Monténégro, aux Pays-Bas, en Roumanie, en Serbie, en Macédoine du Nord et en Suède.  Par ailleurs, en Macédoine du Nord, la municipalité de Chouto Orizari (environ 23 000 habitants) est la seule en Europe à avoir adopté le romani comme langue co-officielle avec le macédonien; les Roms/Tsiganes représentent 60% de la population de la ville.

4 Des surnoms ou des synonymes?

Rom : Le seul nom que les Tsiganes se donnent eux-mêmes, c’est le nom de Rom (masc. sing.) qui signifie «homme» en hindi. Il emploient aussi Romni (au fém.) et Roma (au pluriel, masc. et fém.). Tous les autres termes servant à identifier les Tsiganes ont été donnés par des non-Roms. Habituellement, le terme de Rom désigne les Tsiganes d’Europe centrale.
 
Tsigane :
Du mot grec athinganos, tsigane signifie «celui qui ne veut pas toucher ni être touché». Le terme sert à désigner les Roms, indistinctement de leur pays d’accueil.

Gitan : À leur arrivée en Grèce au IXe siècle, les Tsiganes se sont regroupés dans le Péloponnèse au pied du mont Gype. Par la suite, les voyageurs italiens appelèrent ce lieu «la petite Égypte» et leurs habitants Egyptiano. Le même mot a donné Gitano en Espagne et au Portugal, puis Gitan en France et Gypsy en Grande-Bretagne. En France, le mot gitan désigne les Tsiganes du Midi vivant près des Saintes-Maries-de-la-Mer.

Sinti : Le mot sinti désigne les Tsiganes des régions germanophones qui ont été déportés et exterminés en partie (85 %) par les Allemands lors de la Seconde Guerre mondiale.

Bohémien : Les premiers Tsiganes arrivés en France venaient de la Bohême (une région de la République tchèque actuelle), d'où ce surnom.

Manouche : Ce terme d’origine tsigane provient du mot mnouch et signifie «homme». On dit qu’il sert à désigner la moustache (ou bien la barbiche) que porteraient la plupart des Gitans. En France, les Manouches sont généralement installés près des rives de la Loire.

Romanichel : Le mot est un dérivé de Romani Cel en tsigane, ce qui signifie «groupe d'hommes». En français, le mot a pris par extension le sens de «vagabond» ou «personne sans domicile fixe».

Gens du voyage : Cette expression est utilisée afin de ne pas désigner une catégorie spécifique de Roms présente sur le territoire français. Dans la pratique administrative, l'expression est souvent employée pour désigner les Tsiganes de France, bien qu'ils ne soient itinérants que pour environ 15 % d'entre eux, et que, parmi la population itinérante en France, ils ne soient qu'une minorité. En fait, l'expression «gens du voyage» ne correspond pas à la réalité puisque l'immense majorité des Roms/Tsiganes demeure sédentaire et ne pratique plus le nomadisme.

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Source: MALHERBE, Michel. Les langages de l’humanité, Paris, Robert Laffont, coll. "Bouquins", 1995, p.197-198.    
Dernière mise à jour: 21 avr. 2021

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