Abbé Grégoire

Le questionnaire
de l'abbé Grégoire

L'abbé Grégoire commença son enquête le 13 août 1790. Il reçut seulement 49 réponses qui se sont étalées jusqu'en 1792. On y compte 43 questions concernant «le patois et les mœurs des gens de la campagne». Parmi les régions qui ont été les plus représentées, mentionnons le Sud-Ouest (avec onze réponses, dont Périgueux, Bordeaux, Mont de Marsan, Auch, Agen, Toulouse et Bayonne); le Midi (avec quatre réponses, dont Perpignan, Carcassonne, Montpellier et «la Provence»); le Sud-Est (sept commentaires avec Lyon, la Drôme, l'Ain et le Mâconnais); l'Est (avec huit lettres provenant d'Alsace et de Lorraine et trois du Jura); le Nord (avec cinq réponses, comme l'Ouest avec deux réponses) : les Côtes du nord, le Finistère, le Morbihan et Saint-Calais dans la Sarthe.
 

1. L'usage de la langue française est-il universel dans votre contrée. Y parle-t-on un ou plusieurs patois ?
2.
Ce patois a-t-il une origine ancienne et connue ?
3.
A-t-il beaucoup de termes radicaux, beaucoup de termes composés ?
4. Y trouve-t-on des mots dérivés du celtique, du grec, du latin, et en général des langues anciennes et modernes ?
5. A-t-il une affinité marquée avec le français, avec le dialecte des contrées voisines, avec celui de certains lieux éloignés, où des émigrants, des colons de votre contrée sont allés anciennement s'établir ?
6. En quoi s'éloigne-t-il le plus de l'idiome national ? N'est-ce pas spécialement pour les noms des plantes, des maladies, les termes des arts et métiers, des instruments aratoires, des diverses espèces de grains, du commerce et du droit coutumier ? On désirerait avoir cette nomenclature.
7. Y trouve-t-on fréquemment plusieurs mots pour désigner la même chose ?
8. Pour quels genres de choses, d'occupations, de passions, ce patois est-il plus abondant ?
9. A-t-il beaucoup de mots pour exprimer les nuances des idées et les objets intellectuels ?
10. A-t-il beaucoup de termes contraires à la pudeur ? Ce que l'on doit en inférer relativement à la pureté ou à la corruption des mœurs ?
11.  A-t-il beaucoup de jurements et d'expressions particulières aux grands mouvements de colère ?
12.  Trouve-t-on dans ce patois des termes, des locutions très-énergiques, et même qui manquent à l'idiome français ?
13.  Les finales sont-elles plus communément voyelles que consonnes ?
14.  Quel est le caractère de la prononciation ? Est-elle gutturale, sifflante, douce, peu ou fortement accentuée ?
15.  L'écriture de ce patois a-t-elle des traits, des caractères autres que le français ?
16.  Ce patois varie-t-il beaucoup de village à village ?
17.  Le parle-t-on dans les villes ?
18.  Quelle est l'étendue territoriale où il est usité ?
19.  Les campagnards savent-ils également s'énoncer en français ?
20.  Prêchait-on jadis en patois ? Cet usage a-t-il cessé ?
21.  A-t-on des grammaires et des dictionnaires de ce dialecte ?
22.  Trouve-t-on des inscriptions patoises dans les églises, les cimetières, les places publiques, etc. ?
23.  Avez-vous des ouvrages en patois imprimés ou manuscrits, anciens ou modernes, comme droit coutumier, actes publics, chroniques, prières, sermons, livres ascétiques, cantiques, chansons, almanachs, poésie, traductions, etc. ?
24.  Quel est le mérite de ces divers ouvrages ?
25.  Serait-il possible de se les procurer facilement ?
26.  Avez-vous beaucoup de proverbes patois particuliers à votre dialecte et à votre contrée ?
27.  Quelle est l'influence respective du patois sur les mœurs et de celles-ci sur votre dialecte ?
28.  Remarque-t-on qu'il se rapproche insensiblement de l'idiome français, que certains mots disparaissent, et depuis quand ?
29.  Quelle serait l'importance religieuse et politique de détruire entièrement ce patois ?
30.  Quels en seraient les moyens ?
31.  Dans les écoles de campagne, l'enseignement se fait-il en français ? Les livres sont-ils uniformes ?
32.  Chaque village est-il pourvu de maîtres et de maîtresses d'école ?
33.  Outre l'art de lire, d'écrire, de chiffrer et le catéchisme, enseigne-t-on autre chose dans ces écoles ?
34.  Sont-elles assidûment surveillées par MM. les Curés et Vicaires ?
35.  Ont-ils un assortiment de livres pour prêter à leurs paroissiens ?
36.  Les gens de la campagne ont-ils le goût de la lecture ?
37.  Quelles espèces de livres trouve-t-on plus communément chez eux ?
38.  Ont-ils beaucoup de préjugés, et dans quel genre ?
39.  Depuis une vingtaine d'années, sont-ils plus éclairés ? leurs mœurs sont-elles plus dépravées ? leurs principes religieux ne sont-ils pas affaiblis ?
40.  Quelles sont les causes et quels seraient les remèdes à ces maux ?
41. Quels effets moraux produit chez eux la révolution actuelle ?
42. Trouve-t-on chez eux du patriotisme ou seulement les affections qu'inspire l'intérêt personnel ?
43. Les ecclésiastiques et les ci-devant nobles ne sont-ils pas en butte aux injures grossières, aux outrages des paysans et au despotisme des maires et des municipalités ?

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