Dialecte forézien
(franco-provençal)
La Marseillaise du Panassat (1870)
Dans le domaine francoprovençal, Saint-Étienne (département de la Loire, région historique du Forez) est la grande ville où la pratique vivante du «patois» (dont on trouve encore quelques locuteurs dans des communes rurales de la région) s’est maintenue le plus longtemps. L’emploi du francoprovençal, dans cette cité marquée par sa vocation industrielle, est donc moins lié à la vie agricole qu’au milieu ouvrier. Parmi les «poètes ouvriers» qui se sont illustrés tant en français qu’en dialecte, l’un des plus illustres est Stéphane Vacher (1842-1898). Auteur de chansons et de poésies, cet ouvrier ébéniste s’est attaché à décrire la vie quotidienne et festive des Stéphanois, mais il a aussi produit des textes révolutionnaires (célébrant les barricades de 1834) ou anti-bonapartistes (lors du plébiscite de 1869). Le dialecte était alors une façon de se démarquer de la bourgeoisie «blanche» (royaliste), et si Vacher n’a pas épousé la cause des communards en 1871, il a écrit par la suite de virulents pamphlets anticléricaux.
Parfois appelé le «Mistral stéphanois» pour avoir offert une dignité à son dialecte natal, en lui donnant une visibilité – sinon une forme fixe – à une époque où la pratique décroissait déjà rapidement, Jacques Vacher reste une figure emblématique de la culture forézienne. Dans cette «Marseillaise du Panassat» (du nom d’un quartier ouvrier de Saint-Étienne), l’auteur républicain célèbre la chute du régime de Napoléon III après la défaite de Sedan, mais il en appelle aussi à la lutte contre l’envahisseur prussien, tout en espérant un avenir radieux.
Graphie d’origine |
Graphie
supradialectale |
Français |
1. Alloun z-enfan, a cop
de canna, |
1. Alons enfants, a côps de cana, Mandons Lebuef avouéc Falyi, Aclamons la granda Mariana Que cé vint per nos dèvelyér. (bis) D’una man el tint la balance, De l’ôtra una peca dorâ. Châcun at feni de plorar, El aduit a tôs l’èsperance. |
1. Allons enfants, à coups de canne, Renvoyons Lebœuf avec Failly, Acclamons la grande Marianne Qui vient ici nous réveiller. (bis) D’une main elle tient la balance, De l’autre une pique dorée. Chacun a fini de pleurer, Elle apporte à tous l’espérance. |
[Refrain] Couma de vrai soudâ, Affrountoun lou trépas, Moudoun, Moudoun, Requieuloun pas, On avant lou Gagas! |
[Refrain] Coma de verés sodârds, Afrontons lo trèpâs, Modons, Modons, Reculons pas, En avant los Gagâs! |
[Refrain] Comme de vrais soldats, Affrontons le trépas, Partons, Partons, Ne reculons pas, En avant les Gagas! (= Stéphanois] |
2. Mœugra sou bai canoun
de coure, |
2. Mâlgrât sos béls canons de couevre, |
2. Malgré ses beaux canons de bronze, Sa Haute Cour et son bourreau, Bonaparte a fini son temps, Adieu donc le petit chapeau, (bis) Bien que les Blancs avec les prêtres Se soient ligués tous ensemble, Le peuple fera son devoir, Il punira les rois et les traîtres. (refrain) |
3. Ena vé la paix
recounquisa, |
3. Une vês la pèx reconquisa, |
3. Une fois la paix reconquise, On pourra chanter le mois de mai. Ni le temps, l’hiver, ni la bise, Rien n’arrêtera le travail, (bis) Chacun aura assez d’espace Pour se retourner dans la sa maison, Tous les métiers à l’unisson Répondront au son de la forge. (refrain) |
4. Par tout pays vou verra lure |
4. Per tôt payis o vèrrat luire |
4. Par tout le pays on verra luire |
[Refrain] |
[Refrain] |
[Refrain] Comme de vrais soldats Affrontons le trépas, Partons, Partons, Ne reculons pas, En avant les Gagas! |
Réédité, avec une traduction en français, in LORCIN,
Jean, MARTIN, Jean-Baptiste, VURPAS, Anne-Marie,
Transcription en ORB : Manuel Meune et Dominique Stich |