État libre de Saxe

Land de Saxe

(Sachsen)

(République fédérale d'Allemagne)

Capitale: Dresde
Population: 4,6 millions
Langue officielle: allemand
Langue co-officielle dans les districts bilingues: sorabe
Groupe majoritaire: allemand (98 %)
Groupes minoritaires: sorabe, tsigane, polonais, etc.
Système politique: depuis 1990, l'un des 16 Länder de la République fédérale d’Allemagne
Articles constitutionnels (langue): art. 3 de la Loi fondamentale de 1949 (modification de 1994); art. 2, 5 et 6 de la Constitution du 21 mai 1992 de l’État libre de Saxe; la
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992; la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales de 1992; art. 35 du Traité d’union du 31 août 1990
Lois linguistiques:  Loi sur la protection des droits de la population sorabe (1948-1950, abrogée); Règlement du ministère de la Culture sur le fonctionnement des écoles sorabes et autres établissements dans la région germano-sorabe (1992); Loi sur les droits des Sorabes (1999); Loi scolaire pour l'État libre de Saxe (2004);  Règlement sur les garderies pour promouvoir la langue et la culture sorabes (2006)
;  Loi scolaire saxonne (2018);  Règlement d'arrondissement 2018);  Code municipal (2018);  Loi sur les garderies (2021).

1 Situation géopolitique

Le Land de Saxe (18 408 km²), appelé officiellement l’État libre de Saxe (en all.: Freistaat Sachsen) est un ancien Land est-allemand (de l’ex-République démocratique allemande) situé au centre-est de l’Allemagne. Cet État allemand  (voir la carte) est bordé au nord par le Land de Brandebourg (all.: Brandenburg), au sud-est par la République tchèque, au sud-ouest par le Land de Bavière (all.: Bayern), à l’ouest par le Land de Thuringe (all.: Thüringen) et à l’ouest par le Land de Saxe-Anhalt (all.: Sachsen-Anhalt). La capitale de la Saxe est Dresde (all.: Dresden). Avant 1920, la Saxe était un royaume, mais intégrée à la république de Weimar, elle devint historiquement un "Freistaat", un «État libre», comme pour la Bavière et la Thuringe, mais cette appellation n'a aucune valeur juridique particulière dans la fédération allemande.

Depuis 2008, le Land de Saxe est constitué de dix arrondissements ("Ländkreis"), dont ceux de Bautzen et de Görlitz, où se trouve la Lusace, et de trois villes-arrondissements (Leipzig, Chemnitz et Dresde).

L’Allemagne est régie par la Loi fondamentale (Grundgesetz) adoptée le 8 mai 1949 par les représentants des 11 Länder de l’Allemagne de l’Ouest. Le 23 mai de la même année, la Loi fondamentale entrait en vigueur et donnait naissance à la République fédérale d’Allemagne, définie comme un «État fédéral démocratique et parlementaire». Le 3 octobre 1990, les cinq Länder de l’ex-République démocratique allemande (RDA), ce qu’on appelle maintenant les «nouveaux Länder» — ou «neue Länder»: Brandebourg, Mecklembourg, Saxe-Anhalt, Saxe, Thuringe — adhérèrent à la Loi fondamentale du 23 mai 1949, laquelle a été modifiée pour étendre les institutions fédérales aux «anciennes provinces de l'Est». Voir la carte des 16 Länder.

On trouvera un article sur l'«Histoire des Sorabes et de leur langue» en cliquant ICI s.v.p.

2 Données démolinguistiques

La population de la Saxe de 4,6 millions d’habitants. La très grande majorité des Allemands du Land parle l’allemand (98 %), mais il existe des petites communautés de langue sorabe (environ 40 000 locuteurs), de langue tsigane et de langue polonaise, sans oublier les langues immigrantes. Il n’existe aucune statistique concernant les locuteurs du romani et du polonais dans le Land de Saxe.

2.1 Les variétés linguistiques allemandes

La carte de gauche illustre la répartition des aires linguistiques historiques du Brandebourg et de la Saxe. Dans le Land de Saxe, on distingue le brandebourgeois (Brandenbürgisch) dans l'est avec le sorabe (Sorbisch), le haut-saxon (Obersächsisch) dans l'ensemble du territoire, ainsi que le moyen francique (Mittelfränkisch) et le bavarois (Bairisch). 

Aujourd'hui, le haut-saxon fait partie du groupe dialectal thuringien-haut-saxon. Il est parlé dans la région autour de Leipzig, mais il est étendu jusqu'à la frontière avec le Land de Thuringe.  Le brandebourgeois et le haut-saxon sont des variantes dialectales du bas-allemand appelé Niederdeutsch. Dans le Sud, on trouve des locuteurs parlant le moyen francique et le bavarois; ce sont des variantes dialectales de l'allemand supérieur (Oberdeutsch). Toutes ces langues font partie des langues germaniques, alors que le sorabe est une langue slave occidentale à l’instar du polonais, du tchèque et du slovaque.

Bien que toutes ces variétés linguistiques sont employées dans ce Land, tous les Allemands peuvent aussi s'exprimer en haut-allemand appelé Hochdeutsch, ce qui désigne l'allemand standard. Lorsqu'on fait référence à l'allemand sans aucune précision, il s'agit toujours du Hochdeutsch, l'allemand officiel que tous apprennent obligatoirement à l'école. C'est, comme dans tous les Länder allemands, la langue officielle. Le sorabe constitue la seule langue minoritaire protégée par les lois fédérales, les lois du Brandebourg et de la Saxe.

2.2 La Lusace et les Sorabes

Le sorabe est parlé par les Sorabes qui sont désignés en allemand par "Sorben" ou "Wenden" (au pluriel). En allemand, la finale -en désigne un pluriel; la lettre initiale W est prononcée comme un [v] français, ce qui correspond à [vèn-dèn]. En français, on écrit "Wende" au singulier et "Wendes" au pluriel, ce qui correspond phonétiquement à [vènd] dans les deux cas, puisqu'on ne prononce pas le -s du pluriel (contrairement à l'anglais). Bref, on ne prononce pas "Wendes" à l'anglaise ([wen-dəs]), mais bien [vènd] à la française. Dans la plupart des textes juridiques du Brandebourg, on trouve les deux termes Sorben / Wenden, l'un à la suite de l'autre.

Dans la documentation française, on trouve d'autres termes tels «Serbes de Lusace», «Serbo-Lusaciens», «Lusaciens», «Vendes» et «Wendois» («Vendois»).

- Le territoire sorabe

Le territoire historique de la Lusace (Lausitz en allemand, Łužica en haut-sorabe, Łužyca en bas-sorabe, Łużyce en polonais et Lužice en tchèque) est situé aux extrémités du sud-est de l'Allemagne, et aux confins de la Pologne et de la République tchèque. Ce territoire correspond à un partage à la fois géographique, religieux et administratif. Historiquement, la Lusace s'étendait en Allemagne, en Pologne et en Tchécoslovaquie.

Contrairement à la Basse-Lusace dans le Brandebourg, qui est une zone forestière humide autour de la rivière Spree (Sprée, en français), avec une population de confession protestante, la Haute-Lusace est un pays vallonné avec des Sorabes catholiques relevant du Land de Saxe.

Au fil du temps, l’extension géographique sorabe s’est considérablement réduite. Au VIIe siècle, la zone de peuplement des Sorabes s'étendait à l'origine jusqu'à Berlin au nord et jusqu'à la rivière Saale à l'ouest (Länder de Saxe-Anhalt et de Thuringe). Après la perte de leur indépendance politique au Xe siècle, les Sorabes ont vu rétrécir leur territoire sous l'effet de l'assimilation naturelle, d'une politique de germanisation forcée et d'une industrialisation croissante. Aujourd'hui, ce territoire est confiné entre les villes de Bautzen/Budyšin au sud et Cottbus/Chośebuz au nord.  La Lusace est une région historique qui fait à peine 100 kilomètres de long et 50 de large, traversé de part en part par la rivière Spree, pour une superficie d'environ 13 000 km².

La plupart des Sorabes d'Allemagne résident dans la région historique de Lusace. Elle est habitée par 1,3 million de personnes, toutes ethnies confondues (Sorabes, Allemands et Polonais). Dans la partie située sur le territoire de la Pologne, on compte quelque 350 000 personnes, dont beaucoup de descendants de Sorabes polonisés. En Allemagne, on distingue principalement deux parties :

1. la Basse-Lusace : la partie septentrionale, avec la ville principale de Cottbus (en sorabe: Chóśebuz), qui se trouve principalement dans le sud du Brandebourg;

2. la Haute-Lusace : la partie méridionale, avec la ville principale de Bautzen (en sorabe: Budyšin), qui appartient principalement en Saxe, car une petite partie se trouve au sud du Brandebourg.

Un total d'environ 60 000 Sorabes vivent aujourd'hui en Allemagne, dont environ 40 000 d'entre eux en Saxe (le haut-sorabe) et 20 000 dans le Brandebourg (le bas-sorabe). Il faut comprendre que, dans la situation actuelle, la Lusace présente une mosaïque de populations dispersées parce qu'il n'existe presque plus d’habitat sorabe compact. De manière générale, le nombre de sorabophones s’est considérablement réduit depuis un siècle en raison notamment du passage d’un monde rural à un monde industrialisé et d'une forte tendance à l’assimilation en faveur de l’allemand.
 

La partie polonaise de la Lusace historique est située au sud-ouest du pays et fait partie des voïvodies (provinces) de Lubusz (Basse-Lusace) et de Basse-Silésie (Haute-Lusace), les principales villes étant Zary, Luban, Gubin et Zgorzelec. La partie tchèque de la Haute-Lusace (bassin de la rivière Nysa Łużycka) est située dans la région de Karlovy Vary.

2.3 La langue sorabe

Étant donné que la nationalité n'est pas officiellement enregistrée en Allemagne et que l'appartenance à la nationalité sorabe est libre, il n'existe que des estimations du nombre exact de sorabophones parmi les Sorabes. Généralement, les chiffres avancés quant au nombre de sorabophones proviennent des groupes minoritaires eux-mêmes et ont été obtenus à partir soit du nombre des membres inscrits dans les associations, soit du nombre des votes recueillis par les listes de partis représentant des minorités, soit du nombre des élèves inscrits dans les écoles des minorités, soit du nombre des participants à diverses activités et manifestations.

Si 20 000 Sorabes habitent en Basse-Lusace et 40 000 en Haute-Lusace, le nombre de locuteurs actifs du sorabe est certainement plus faible. Selon les projections, environ 7000 personnes parleraient activement le bas-sorabe, qui pourrait disparaître dans 20 à 30 ans, et environ 13 000 personnes s'exprimeraient en haut-sorabe. Contrairement au haut-sorabe de la Saxe, le bas-sorabe du Brandebourg est gravement menacé d'extinction. Or, les Sorabes sont le seul peuple slave occidental de l'Allemagne orientale actuelle à avoir perduré.

Environ 630 900 personnes vivent en Haute-Lusace sur une superficie d'environ 4496,7 km². La région de la Haute-Lusace comprend 94 municipalités rurales et 30 villes. La région borde la Pologne à l'est le long de la Neisse, la République tchèque au sud et le Land de Brandebourg au nord. Les arrondissements voisins à l'ouest sont la ville de Dresde (Dresden), ainsi que l'arrondissement de Meissen (Meißen) et l'arrondissement de Suisse-Saxonne-Monts-Métallifères-de-l'Est (Sächsische Schweiz-Osterzgebirge). Les principales villes sont Görlitz (55 900 hab.), Bautzen (41 500 hab.), Hoyerswerda (40 300 hab.), Zittau (29 300 hab.), Weißwasser (19 300) et Niesky (10 300).

Dans certaines municipalités de la Haute-Lusace, il existe un bilinguisme historique lié à la population slave d'origine sorabe. En plus de la langue allemande, les Sorabes parlent aussi leur langue ancestrale, le sorabe.

La Haute-Lusace, qui est officiellement bilingue, comprend des agglomérations où les Sorabes forment parfois la majorité: Bautzen/Budyšin, Kamenz/Kamjenc, Niesky/Niska, Kamenz/Kamjenc, Löbau/Lubij, Hoyerswerda/Wojerecy, Bischofswerda, Weißwasser/ Bëla Woda, etc. Le chef-lieu de la Haute-Lusace est Bautzen/Budyšin. On peut lire des exemples de la langue sorabe en cliquant ICI s.v.p.

Cependant, comme il n’existe guère de statistique officielle d’ordre ethnolinguistique en Allemagne, il ne s’agit là que d’approximations, le nombre exact des Sorabe n’étant guère connu. Généralement, les chiffres avancés à ce sujet proviennent des groupes minoritaires eux-mêmes et ont été obtenus à partir soit du nombre des membres inscrits dans les associations, soit du nombre des votes recueillis par les listes de partis représentant des minorités, soit du nombre des élèves inscrits dans les écoles des minorités, soit du nombre des participants à diverses activités et manifestations. Rappelons que ces deux Länder, le Brandebourg et la Saxe, faisaient partie avant 1990 de l’ex-République démocratique allemande (RDA). On peut visualiser une carte illustrant l'aire sorabe en Allemagne.

3 Les mesures fédérales pour la protection du sorabe

Il n’existe pas à proprement parler de texte juridique fédéral ou national spécifique à l'égard des Sorabes, sauf dans les anciens textes de loi adoptés par l’ex-République démocratique allemande (RDA), dont la Loi sur la protection des droits de la population sorabe de 1948, aujourd'hui abrogée. Par contre, le gouvernement fédéral a prévu des dispositions générales dans la Loi fondamentale de 1949 (modifiée notamment en 1994), ainsi que dans la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (1992)et dans la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (1994). Par ailleurs, le Traité d’union  des deux Allemagne du 31 août 1990 contient un article concernant les droits linguistiques des Sorabes.

Ce sont les Länder — en l’occurrence le Brandebourg et la Saxe — qui sont chargés de l’application de ces traités. Autrement dit, le Land de Brandebourg est partie prenante dans ces législations, et il peut, s’il le désire, prévoir des dispositions législatives spécifiques. Pour décrire la politique qui concerne les minorités linguistiques du Brandebourg, il faut non seulement vérifier l’application des lois fédérales et des traités internationaux, mais observer la pratique réelle dans la vie quotidienne des membres des communautés minoritaires.

3.1 Les dispositions constitutionnelles

L’article 3 de la Loi fondamentale de 1949 (modification de 1994) interdit la discrimination fondée sur la langue et concerne notamment, outre la minorité sorabe dans deux Länder (Brandebourg et Saxe), la minorité frisonne et la minorité polonaise, sans oublier les minorités immigrantes:

Article 3

1) Tous les êtres humains sont égaux devant la loi.

2) Hommes et femmes sont égaux en droit. L'État s'efforcera d'assurer l'égalité de traitement entre hommes et femmes et d'éliminer les désavantages existants.

3) Nul ne doit être désavantagé ni privilégié en raison de son sexe, de son ascendance, de sa race, de sa langue, de sa patrie et de son origine, de sa croyance, de ses opinions religieuses ou politiques. Nul ne fera l'objet de discrimination en raison de son incapacité.

Les anciennes lois de l’ex-République démocratique allemande (RDA), dont la Loi protectrice des droits de la population sorabe (abrogée) de 1948, font partie de ce qu’on peut appeler des droits acquis de la minorité sorabe, du temps de l’Allemagne de l’Est. Les Sorabes s’appuient sur ces anciennes lois pour obtenir une reconnaissance officielle similaire dans le cadre des réformes du gouvernement «provincial» (le Land).

3.2 Le Traité d’union de 1990

Lors de l’unification des deux Allemagne en 1990, le gouvernement fédéral a reconnu les droits acquis de la minorité sorabe. En effet, l'article 35 du Traité d'union du 31 août 1990 prévoit les dispositions suivantes, dont celle de préserver la langue sorabe dans la vie publique:

I. Sur les articles et annexes du traité

14) Sur l'article 35 :

À propos de l'article 35 du traité, la République démocratique allemande et la République fédérale d'Allemagne déclarent :

1. La liberté de déclarer son appartenance à la nation sorabe et à la culture sorabe.
2.
La préservation et le développement de la culture sorabe et des traditions sorabes seront garantis.
3. Les membres du peuple sorabe et ses organisations sont libres de développer e
t de préserver la langue sorabe dans la vie publique.
4. La répartition constitutionnelle des compétences entre la Fédération et les Länder ne doit pas être affectée.

De plus, dans la section «Autres mesures d'adaptation», on peut lire cette autre disposition concernant les tribunaux:

AUTRES MESURES D'ADAPTATION

Droits des Sorabes

Le droit des Sorabes de parler le sorabe devant les tribunaux des zones d'implantation traditionnelles de la population sorabe n'est pas affecté par l'article 184.

Il s'agit de l'article 184 de la Loi constitutionnelle sur les tribunaux (1975) qui déclare que «la langue du tribunal est l'allemand» et que «le droit des Sorabes de parler sorabe devant les tribunaux des districts d'origine de la population sorabe est garanti».

3.3 La Charte européenne de 1992

De plus, la République fédérale d’Allemagne a signé (le 5 novembre 1992) et ratifié (le 16 septembre 1998) la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992. Dans une déclaration transmise en date du 23 janvier 1998 au Secrétariat général du Conseil de l’Europe, le gouvernement allemand reconnaissait que les langues minoritaires au sens de la Charte étaient le danois, le sorabe, le frison, ainsi que la langue romani des Roms/Tsiganes de nationalité allemande, mais il n’a pas encore transmis de date d’entrée en vigueur de la Charte.

Le gouvernement allemand a énuméré les territoires d’application (ou villes) de chaque Land concerné avec son accord: il mentionne spécifiquement le sorabe dans le Land de Brandebourg. Voici la déclaration concernant la partie II de la Charte:

La Partie II de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires s'applique au romani (tsigane), la langue minoritaire des Sintis et Rom de nationalité allemande sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne, et à la langue régionale de bas-allemand sur le territoire des Länder de Brandebourg, Rhénanie/Westphalie et Saxe-Anhalt lors de son entrée en vigueur à l'égard de la République fédérale d'Allemagne, conformément à la déclaration du 23 janvier 1998 de la République fédérale d'Allemagne. Les objectifs et principes établis à l'article 7 de la Charte forment la base en ce qui concerne ces langues. Parallèlement, la législation allemande et la pratique administrative de l'Allemagne sont conformes aux exigences particulières établies à la Partie III de la Charte.

Et concernant la partie III de la Charte:

Conformément à la répartition nationale des compétences, la manière dont les dispositions susmentionnées de la Partie III de la Charte sont mises en oeuvre à travers les règlements juridiques et la pratique administrative de l'Allemagne eu égard aux objectifs et principes spécifiés à l'article 7 de la Charte, relève de la responsabilité soit de la Fédération soit du Land compétent. Les détails seront fournis dans la procédure de mise en oeuvre de la loi fédérale par laquelle le corps législatif adhère à la Charte telle qu'établie dans le Mémorandum sur la Charte.

Pour le sorabe, la minorité bénéficie des droits relatifs à l’article 8 (enseignement) de la Charte, ainsi que des articles 9 (justice), 10 (services publics), 11 (médias), 12 (activités et équipements culturels), 13 (vie économique et sociale) et 14 (échanges transfrontaliers). On peut consulter le texte intégral de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

3.4 La Convention-cadre de 1994

Lors de la signature à Strasbourg de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, le 11 mai 1995, le gouvernement allemand a fait la déclaration suivante au sujet du champ d'application de la Convention-cadre une fois que celle-ci serait ratifiée (au 10 septembre 1997):

La Convention-cadre ne définit pas la notion de minorité nationale. Il appartient donc aux Parties contractantes de préciser les groupes auxquels la Convention-cadre s'appliquera après la ratification. Les minorités nationales dans la République fédérale d'Allemagne sont les Danois ayant la citoyenneté allemande et les membres du peuple sorabe ayant la nationalité allemande. La Convention-cadre s'appliquera également aux membres des groupes ethniques établis traditionnellement en Allemagne que sont les Frisons ayant la nationalité allemande et les Sintis et Roms ayant la citoyenneté allemande.

Lorsque l’Allemagne a ratifié la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, aucune déclaration ne fut faite en ce qui concerne l’application à un territoire limité. Par conséquent, la Convention s’applique juridiquement à tout le territoire de la RFA, mais en réalité elle s’applique dans les Länder de Schlewig-Holstein (danois, frison septentrional et tsigane), de Basse-Saxe (frison méridional), de Brandebourg (sorabe et tsigane) et Saxe (sorabe et tsigane).

Conformément aux obligations découlant de l'article 11 de la Convention-cadre, le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur le changement de nom des minorités (1997) sur la base des dispositions de la Loi ratifiant la Convention-cadre. En vertu de cette loi, toute personne appartenant à une minorité nationale a le droit d'adapter son ancien nom, celui qui lui a été attribué en vertu du système juridique national, aux caractéristiques spécifiques de sa langue. Ainsi, les membres d’une minorité nationale dont l'ancien nom dans la langue minoritaire a dû, pour diverses raisons, prendre une forme allemande peuvent reprendre leur nom d'origine. Pour ce faire, une déclaration devant le greffier du bureau de l'état civil suffit pour adopter un nom aux caractéristiques spéciales d'une langue minoritaire. On peut consulter le texte intégral de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.

4 La politique linguistique de la Saxe

Le gouvernement du Land de Saxe a prévu des mesures juridiques pour la protection de la langue sorabe. Ainsi, dans la Constitution du 27 mai 1992 de l’État libre de Saxe, l’article 5 déclare ce qui suit:

Article 5

Peuple national, minorités

1) La population de l'État libre de Saxe comprend des citoyens de nationalité allemande, sorabe et d'autres nationalités.  Le pays reconnaît le droit à la patrie.

2) Le Land
garantit et protège le droit des minorités nationales et ethniques de nationalité allemande de préserver leur identité et à cultiver leur langue, leur religion, leur culture et leurs traditions.

3) Le Land respecte
les intérêts des minorités étrangères dont les membres résident légalement dans le Land.

Évidemment, les Sorabes sont de nationalité allemande parce qu'ils résident en Allemagne. L'article 6 de la Constitution va beaucoup plus loin et garantit des droits égaux aux minorités nationales, notamment en ce qui a trait aux Sorabes:

Article 6

Sorabes

1) Les citoyens d'origine sorabe vivant dans le Land font partie de la population nationale avec des droits égaux.  Le Land garantit et protège le droit à la préservation de leur identité et au maintien et au développement de leur langue, de leur culture et de leurs traditions ancestrales, notamment par les écoles, ainsi que par les établissements préscolaires et culturels.

2) Les besoins vitaux du peuple sorabe doivent être pris en compte dans la planification nationale et municipale. 
Le caractère germano-sorabe de la zone d'implantation du groupe ethnique sorabe doit être préservé.

3) La coopération transnationale entre les Sorabes, en particulier en Haute-Lusace et en Basse-Lusace, est conforme aux intérêts du Land.

De plus, l’article 1er de la Loi sur les droits des Sorabes (1999) précise qu’est reconnu comme appartenant au peuple sorabe tout individu faisant état de son appartenance au peuple sorabe et qu’une telle déclaration est libre. Le texte ajoute que cette déclaration ne peut faire l’objet d’aucune contestation ou vérification

Article 1er

Origine ethnique des Sorabes

Quiconque déclare son appartenance
au peuple sorabe fait partie de ce peuple. Cette déclaration est libre. Elle  ne peut être ni contestée ni vérifiée. Aucun désavantage ne peut résulter de cette déclaration. 

L’article 2 de la même Loi sur les droits des Sorabes précise expressément qu’il est nécessaire de garantir et de promouvoir des conditions permettant aux citoyens d’origine sorabe de préserver et de maintenir leur langue et leurs traditions, ainsi que leur patrimoine culturel (en tant qu’éléments faisant partie intégrante de leur identité):

Article 2

Droit à une identité sorabe

1) Les
citoyens d'origine ethnique sorabe vivant dans l'État libre de Saxe constituent au même titre une partie de la nation.

2) Le peuple sorabe et chaque Sorabe ont le droit de s'exprimer librement, de conserver et de développer leur identité ethnique, culturelle et linguistique.

3) Le peuple sorabe et chaque Sorabe ont le droit à la protection, à la préservation et à la conservation de leur identité et de leur patrie d'origine. L'État libre de Saxe, les districts, les communes et les municipalités dans la région d'implantation des Sorabes garantissent et favorisent les conditions qui permettent aux citoyens d'origine ethnique sorabe de garder et de développer leur langue et leurs traditions, ainsi que leur patrimoine culturel, en tant qu'éléments faisant partie intégrante de leur identité.

Toutes ces dispositions juridiques signifient que le sorabe jouit du statut de langue co-officielle avec l’allemand dans les districts et villages reconnus tels que Bautzen/Budyšin, Kamenz/Kamjenc, Niesky/Niska, Kamenz/Kamjenc, Löbau/Lubij, Hoyerswerda/Wojerecy, Bischofswerda, Weißwasser/ Bëla Woda, etc.

4.1 La langue du Landtag

Étant donné que l’allemand est la langue officielle du Land de Saxe, le Parlement (Landtag) de Dresde ne fonctionne qu’en cette langue, même si des députés peuvent être d’ethnie sorabe (on en compte généralement deux au Landtag, parfois un seul). Les lois ne sont rédigées et promulguées qu’en allemand. Lorsqu’une loi concerne de manière particulière la communauté sorabe, elle peut être bilingue (traduite).

De façon générale, les Sorabes peuvent faire valoir leurs droits en étant membres des partis politiques siégeant au Landtag. Il arrive périodiquement qu’un Sorabe soit élu député au Parlement régional; le parti politique dont fait partie le député est exempté du seuil de 5 % appliqué à la représentation parlementaire du Landtag, en vertu du principe de la «discrimination positive». Depuis 1994, un Sorabe de Haute-Lusace siège même au Parlement européen de Strasbourg pour représenter l’Allemagne.

De plus, le Landtag de Saxe a institué un Conseil pour les affaires sorabes formé de cinq membres nommés à la fois par les associations sorabes et les collectivités germano-sorabes; il a pour tâche de traiter de toutes les questions parlementaires présentant une importance pour le peuple sorabe et, en particulier, des propositions de législation. Le Conseil pour les affaires sorabes présente aussi des commentaires ou des opinions reflétant le point de vue sorabe.

Enfin, conformément à l’article 7 de la Loi sur les droits des Sorabes, le gouvernement du Land de Saxe doit soumettre au moins une fois par législature au Landtag de Saxe (Assemblée du Land) un compte rendu sur la situation des Sorabes dans l’État libre de Saxe. Il est à noter que ce compte rendu ou rapport est publié et diffusé auprès du grand public:

Article 7

Compte rendu du gouvernement fédéral

Le gouvernement fédéral soumet au moins une fois dans chaque législature un compte rendu au Parlement du Land (Landtag) de Saxe sur la situation
du peuple sorabe dans l'État libre de Saxe.

4.2 Les services publics

L'article 35 du Traité d’union, répétons-le, prévoit les dispositions suivantes en matière de développement:

Au sujet de l'article 35 du Traité d'union, la République fédérale d'Allemagne et la République démocratique allemande déclarent ce qui suit:

1. L'attachement aux traditions et à la culture sorabes est un acte volontaire.

2. La préservation et le développement de la culture et des traditions sorabes sont garantis.

3. Les membres du peuple sorabe et leurs organisations sont libres de préserver et de parler la langue sorabe dans la vie publique.

4. La répartition générale des responsabilités entre le Gouvernement fédéral et les Länder n'est pas remise en cause.

- Le bilinguisme administratif

Les Sorabes de la Saxe bénéficient de services administratifs bilingues dans les districts reconnus tels que Bautzen/Budyšin, Kamenz/Kamjenc, Niesky/Niska, Kamenz/Kamjenc, Löbau/Lubij, Hoyerswerda/Wojerecy, Bischofswerda, Weißwasser/ Bëla Woda, etc. Conformément à l’article 8 de la Loi sur les droits des Sorabes dans l’État libre de Saxe ainsi qu’à diverses autres ordonnances et certains arrêtés municipaux de Haute-Lusace, les Sorabes ont le droit de communiquer oralement et par écrit dans leur langue maternelle, en privé comme en public:

Article 8

La langue sorabe

L'usage de sa propre langue est une caractéristique essentielle de l'identité sorabe. L'État libre de Saxe reconnaît les langues sorabes, en particulier le haut-sorabe, pour l'expression de la richesse spirituelle et culturelle de ce Land. Son usage est libre.
Son application à l'oral et à l'écrit dans la vie publique et sa promotion est protégée et encouragée.

Ce droit est reconnu également à l'article 3 de la Loi sur les droits des Sorabes pour la région d'installation des Sorabes:

Article 3

Région d'implantation des Sorabes 

1) Les villes constituant un kreis, telles Hoyerswerda, sont considérées comme une région d'implantation sorabe selon les dispositions de la présente loi, ainsi que les municipalités et communes des arrondissements de Kamenz, de Bautzen et de Niederschlesischen, dans lesquels la majorité prédominante des citoyens d'origine ethnique sorabe vivant dans l'État libre de Saxe a sa patrie d'origine et dans lesquels une tradition linguistique ou culturelle sorabe est démontrable jusqu'à présent.

2) La région d'implantation sorabe couvre plusieurs municipalités et parties de municipalités qui sont mentionnées à l'annexe de la présente loi. Les modifications de l'appartenance aux municipalités n'affectent pas l'appartenance à la région d'implantation des Sorabes.

3) Le domaine d'application géographique est réservé dans la région d'implantation sorabe par des mesures relatives à l'arrondissement concernant la protection et la promotion de l'identité sorabe. De façon particulière, le ministère d'État pour les Affaires scientifiques et les Arts, peut, sur demande et après audition du district respectif, accorder des exemptions aux mesures relatives à la région ou à la municipalité sur la représentation des intérêts des Sorabes, conformément à l'article 5 du Conseil pour les affaires sorabes et à l'article 6, sur les exemptions concernant les mesures relatives à la région ou à la commune.

4) Le caractère particulier de la région d'implantation des Sorabes et les intérêts sorabes doivent être pris en considération lors de l'organisation des programmes de planification des municipalités et du Land.

C’est pourquoi certains arrondissements du Land de Saxe, tel le Landkreis (arrondissement rural) de Bautzen/Budyšin, ainsi que la municipalité autonome ("kreisfreie Stadt") de Hoyerswerda/Wojerecy ont nommé des commissaires aux affaires sorabes. Dans le Kreis de Basse-Silésie de la Haute-Lusace ("Niederschlesischer Oberlausitzkreis"), cette fonction est remplie par le chef du bureau du Landrat (plus haut représentant d’un Landkreis). Le Landkreis de Kamenz /Kamjenc a même imposé la règle selon laquelle un poste de haut niveau de l’administration (locale) doit obligatoirement être confié à une personne appartenant à la minorité sorabe. De plus, lors du recrutement des fonctionnaires dans les services publics du Land, la connaissance du sorabe est prise en considération. L'État a aussi institué un concours des «municipalités favorables aux langues» ("Sprachfreundliche Kommune") afin d'encourager l'emploi de la langue sorabe. 

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, dans les localités à majorité sorabe, c’est la langue sorabe qui prévaut sur l’allemand dans la vie publique. En effet, le sorabe est systématiquement utilisé par les autorités administratives ainsi que lors des réunions des conseils locaux ou municipaux. Le Land de Saxe a créé un Service des affaires sorabes au sein de son ministère des Affaires scientifiques et des Arts.

L'article 11 de la Loi sur les droits des Sorabes prévoit également que les sorabophones pourront communiquer auprès de l'administration du Land dans leur langue :

Article 11

Les contacts auprès des autorités

1) Dans le territoire d'implantation sorabe, il doit être possible pour les autorités de l'État libre de Saxe et les entités de droit public sous sa juridiction, les organismes, institutions et fondations,
de disposer de collaborateurs efficaces pour établir des communications en sorabe.

2) Dans le territoire d'implantation sorabe, l'État libre de Saxe veille à ce que les intérêts des Sorabes, ainsi que l'acquisition des connaissances linguistiques du sorabe dans les offres de perfectionnement et la formation des fonctionnaires de l'administration publique, soient convenablement prises en considération.

Normalement, la maîtrise du sorabe est prise en considération lors du recrutement et du recyclage d'employés et de fonctionnaires des services publics sous la juridiction de la Saxe. Néanmoins, on est loin du bilinguisme intégral: par exemple, les factures de téléphone et d'électricité, les panneaux indiquant les organismes publics, etc., sont généralement rédigés en allemand, mais il est possible que des inscriptions en sorabe figurent à côté de celles en allemand dans les zones rurales. De même, la transposition en sorabe de patronymes et de prénoms allemands n'est généralement pas autorisée.

Il faut aussi préciser que l’emploi du sorabe dans l’administration ne concerne pas les services offerts par le gouvernement fédéral, même à l'intérieur de la zone où s'applique la loi fédérale sur les procédures administratives. En principe, les Sorabes sont tenus d'employer la langue allemande.

- La signalisation bilingue

En vertu de l’article 35 du Traité d’union du 31 août 1990, les panneaux de signalisation et la toponymie sont obligatoirement bilingues dans les districts de Bautzen/Budyšin, Kamenz/Kamjenc, Niesky/Niska, Kamenz/Kamjenc, Löbau/Lubij, Hoyerswerda/Wojerecy, Bischofswerda, Weißwasser/ Bëla Woda, etc., bref là où la minorité est concentrée. Quant à la toponymie, elle doit être en sorabe et en allemand. Tous les noms des aires d’implantation sorabe (la Haute-Lusace), soit les arrondissements (Landkreise) et les municipalités (Gemeinden), doivent figurer dans les deux langues, de même que les noms des édifices publics, des institutions et des rues, des routes et des ponts.

Ce droit au bilinguisme dans l'affichage public est explicitement prévu par l'article 10 de la Loi sur les droits des Sorabes :

Article 10

La signalisation bilingue

1)
La signalisation dans le secteur public par les autorités de l'État libre de Saxe et les entités de droit public sous leur juridiction, ainsi que les organismes, les institutions et les fondations, en particulier les édifices, les établissements, les rues, les routes, les places publiques et les ponts, doit être indiquée dans le territoire d'implantation des Sorabes en allemand et en sorabe.

2) L'État libre de Saxe et les entités sous sa juridiction, les organismes, institutions et fondations de droit public, veillent à ce que d'autres édifices d'utilité publique dans le territoire d'implantation des Sorabes soient également indiqués en allemand et en sorabe. 

Le bilinguisme est prévu également à l'article 3 du Règlement d'arrondissement 2018) dans les bâtiments publics, les installations, les rues, les places et les ponts dans la zone d'implantation sorabe:

Article 3

Statuts

3) Sur la base de la Constitution de l'État libre de Saxe, les arrondissements garantissent les droits des citoyens d'origine sorabe. Les arrondissements de la zone d'implantation sorabe réglementent la promotion de la culture et de la langue sorabes par la loi. Il en va de même pour la dénomination bilingue des quartiers et des bâtiments publics, des installations, des rues, des places et des ponts dans la zone d'implantation sorabe, dans la mesure où cela n'est pas du ressort des municipalités.

Il en est ainsi à l'article 15 du Code municipal (2018):

Article 15

Citoyens d'une municipalité

4) Sur la base de la Constitution de l'État libre de Saxe, les municipalités doivent garantir les droits des citoyens de nationalité sorabe.  Les municipalités de la zone d'implantation sorabe doivent réglementer la promotion de la culture et de la langue sorabes par la loi. Il en est de même de la dénomination bilingue des municipalités et des quartiers des municipalités ainsi que des édifices publics, des équipements, des rues, des sentiers, des places et des ponts.

 

L’exigence de bilinguisme concernant les inscriptions s’étend aussi à la disposition, la conception et l'affichage de panneaux indicateurs et de signalisation conformément au Code de la route allemand. Dans la pratique, la taille minimale de la police (en capitales) pour les noms de la communauté allemande est de 105 mm, mais de 70 mm pour les noms sorabes (dans des cas exceptionnels 50 mm). Autrement dit, la visibilité des langues n'est pas égale.

Comme on le constate, le bilinguisme visuel est limité aux panneaux indicateurs à l'entrée et/ou à la sortie d'une municipalité, ou dans certains cas aux plaques des noms de rue, mais rien n'est systématique parce que beaucoup de municipalités refusent les panneaux bilingues. Il ne s'agit aucunement d'un bilinguisme intégral. Juridiquement parlant, cette situation semble en contradiction avec l'article 6 de la Constitution du Land, qui prescrit que «les citoyens d'origine sorabe vivant dans le Land font partie de la population nationale avec des droits égaux».

4.3 Les tribunaux

L'article 184 de la Loi constitutionnelle sur les tribunaux (1975) stipule que la langue officielle à utiliser devant les tribunaux est l'allemand. Cette disposition est mise en œuvre dans le Land de Saxe. L'article 9 de la Loi sur les droits des Sorabes reconnaît aux Sorabes le droit d'utiliser le sorabe devant les tribunaux:

Article 9

Le sorabe devant les tribunaux et les autorités

1) Dans le territoire d'implantation sorabe, les citoyens ont
le droit d'employer la langue sorabe devant les tribunaux et les autorités de l'État libre de Saxe ainsi qu'avec les entités, organismes et fondations de droit public destinés à son maintien. L'usage de ce droit a les mêmes effets que le recours à la langue allemande. Les autorités de l'État libre de Saxe et les entités de droit public, les organismes et les fondations destinés à son maintien, peuvent répondre et décider des demandes présentées de la part des citoyens de langue sorabe. Aucuns frais financiers ni aucun autre inconvénient ne peuvent être exigés aux citoyens de langue sorabe.

2) L'État libre de Saxe s'emploie à ce que les dispositions du paragraphe 1 concernant les autorités fédérales et les institutions de droit privé, en particulier les télécommunications et les transports, la poste, les affaires sociales et la santé, ainsi que la culture et l'enseignement, qui sont situés dans le territoire d'implantation sorabe, soient aussi appliquées.

Dans les zones d'implantation sorabe, les citoyens ont donc le droit d'employer la langue sorabe devant les tribunaux et les autorités de la Saxe. Avoir recours à ce droit entraîne les mêmes effets qu'en recourant à la langue allemande. Les citoyens qui expriment leurs inquiétudes en sorabe peuvent recevoir une réponse de la part des autorités judiciaires dans cette langue. Les citoyens sorabes ne doivent encourir aucuns fais financiers concernant les tribunaux.

Lorsqu'il y a des juges bilingues disponibles, il n'y a pas de problème. Cependant, en général, il n'y en a qu'un seul dans la Haute-Lusace. Dans le cas des juges unilingues allemands, il faut faire appel obligatoirement à un interprète. Lorsqu'un justiciable demande d'être entendu en sorabe, certains juges, surtout ceux qui n'ont jamais pris connaissance de l'article 184 de la Loi constitutionnelle sur les tribunaux, sont irrités de devoir demander l'aide d'un(e) interprète. C'est pourquoi plusieurs sorabophones hésitent parfois à exercer leurs droits. Or, un droit qui n'est pas utilisé peut finir par être perdu à plus long terme.

En outre, dans la zone d'implantation sorabe de l'État libre de Saxe, toutes les indications dans les tribunaux sont bilingues. Le Tribunal administratif supérieur du Land utilise un papier à en-tête bilingue (allemand-sorabe). Dans tous les tribunaux, on trouve au moins un employé ayant une maîtrise du sorabe, de telle sorte que les Sorabes puissent également exposer leur cas dans leur langue. Il s’agit, contrairement au Brandebourg, d’un droit dont les Sorabes semblent se prévaloir même si c'est relativement rare.

4.4 Les langues   d'enseignement

Pour ce qui est de la langue de l’enseignement, l’emploi du sorabe est réglementé principalement par la Loi scolaire saxonne (2018) et le Règlement du ministère de la Culture sur le fonctionnement des écoles sorabes et autres établissements dans la région germano-sorabe concernant le fonctionnement dans les écoles sorabes et les autres établissements scolaires de la région germano-sorabe. L'article 2 de la Loi scolaire saxonne (2018) prévoit des dispositions concernant l'enseignement de la langue sorabe:

Article 2

Culture et langue sorabes à l'école

1) Dans la zone d'implantation sorabe, tous les enfants et adolescents dont les parents le souhaitent doivent avoir la possibilité d'apprendre la langue sorabe et de suivre un enseignement en langue sorabe selon des matières, des classes et des niveaux déterminés.

2) L'autorité supérieure de contrôle scolaire est autorisée à édicter une réglementation contenant les dispositions spéciales nécessaires pour les activités dans les écoles sorabes et autres écoles de la zone d'implantation sorabe, en particulier en ce qui concerne:

1. l'organisation;
2.
le statut de la langue sorabe en tant que langue d'enseignement (langue maternelle et langue seconde) et en tant que matière d'enseignement;
3. les matières et les classes et grades à déterminer, conformément au paragraphe 1.

3) En outre, des connaissances de base sur l'histoire et la culture des Sorabes doivent être enseignées dans toutes les écoles de l'État libre de Saxe.

Il est aussi précisé que des «connaissances de base sur l'histoire et la culture des Sorabes doivent être enseignées dans toutes les écoles» de la Saxe, ce qui implique les enfants germanophones. Évidemment, la connaissance de la culture et de la langue des minorités sorabophones semble davantage transmise dans les zones d’implantation traditionnelles que dans les autres régions allemandes. Cette mesure interculturelle témoigne ou plutôt témoignait du degré élevé d’acceptation du fait minoritaire par les germanophones du Land de Saxe, mais depuis quelques années cette disposition de la loi n'est pratiquement plus appliquée.

- Le statut du sorabe

On peut considérer le sorabe de différentes façons. En effet, l'article 2 du Règlement du ministère de la Culture sur le fonctionnement des écoles sorabes et autres établissements dans la région germano-sorabe (1992) précise que le sorabe est, selon le cas, une langue maternelle, une langue seconde ou une langue étrangère:

Article 2

La langue sorabe

1)
Le sorabe est une langue maternelle, selon les dispositions du présent règlement, pour les enfants qui ont appris au préalable seulement la langue sorabe durant l'âge préscolaire.

2) Le sorabe est une langue seconde, selon les dispositions du présent règlement, pour les enfants qui ont au préalable appris l'allemand et le sorabe durant l'âge préscolaire.

3) Le sorabe est une langue étrangère, selon les dispositions du présent règlement, pour les enfants qui ont eu l'allemand et pas du tout le sorabe durant l'âge préscolaire.

L'article 4 du Règlement du ministère de la Culture sur le fonctionnement des écoles sorabes énonce que les «écoles sorabes» ne sont organisées que là où les élèves sont en nombre suffisant pour former des classes avec le sorabe comme langue d'enseignement:

Article 4

Écoles sorabes

1) Les écoles sorabes, selon les dispositions du paragraphe 2 de l'article 2, phrase 1 («Loi scolaire»), sont des écoles dans le territoire germano-sorabe, auxquelles le sorabe est la langue d'enseignement selon la discipline du cours et l'étape de la classe.

2) Les écoles sorabes portent le qualificatif d'«Écoles sorabes». Elles ont la tâche de maintenir et de développer l'héritage culturel et linguistique des Sorabes.

3) Les écoles sorabes ne sont organisées que là où les élèves sont en nombre suffisant pour former des classes avec le sorabe comme langue d'enseignement. Dans les écoles primaires sorabes, le nombre pour une classe est fixé à 25 élèves. À partir de 15 élèves, une classe de cours d'allemand est divisée en groupes.

4) Dans les classes avec le sorabe comme langue d'enseignement, seuls sont admis les élèves dont le sorabe est la langue maternelle ou la langue seconde, conformément au sens des paragraphes 2 et 3 de l'article 2. Selon les dispositions du présent règlement, seuls les professeurs maîtrisant le sorabe de façon requise pour l'enseignement sont embauchés dans les écoles sorabes.

5) Des calendriers et des programmes d'études particuliers sont en vigueur dans les écoles sorabes. Les détails seront réglementés par une directive administrative du ministère d'État de la Culture.

- Les écoles

Le système scolaire sorabe de la Saxe compte six écoles primaires entièrement en sorabe, quatre écoles secondaires sorabes, un lycée à Bautzen et dix écoles bilingues, donc avec des cours en sorabe et en allemand, mais l’enseignement de l’allemand comme langue seconde reste obligatoire dans tous les cas. Ces écoles sorabophones sont subventionnées par l’État libre de Saxe.

On distingue deux types d’écoles primaires: les écoles sorabes (environ 25 % des élèves) où le sorabe est obligatoire dans plusieurs matières, et les écoles allemandes (environ 75 % des élèves) où l’enseignement est généralement donné en allemand, mais avec des cours facultatifs de langue sorabe (selon le choix des parents). Le sorabe est également enseigné dans quatre écoles en tant que langue seconde, puis comme langue étrangère dans 28 écoles sous la juridiction de l’Office régional d’éducation de Bautzen. On compte au total près d’une soixantaine d’écoles dans lesquelles un enseignement en sorabe est offert soit comme matière obligatoire soit comme matière facultative; elles sont fréquentées par plus de 4000 élèves, dont 1400 sont de langue maternelle sorabe.

Les écoles sorabes de la Saxe sont situées dans les arrondissements de Bautzen, de Kamenz, de Hoyerswerda, de Weißwasser et de Niesky. Un système similaire est adopté pour les écoles secondaires, mais deux d’entre elles enseignent le sorabe comme matière principale obligatoire. On compte également six écoles d’enseignement technique dans les villes de Kamenz et de Bautzen. Dans quatre d’entre elles, il y a des cours de sorabe langue maternelle et de sorabe langue seconde. Le sorabe en tant que langue d’enseignement est pratiqué dans six écoles techniques de second cycle dans la zone de compétence de l’Office régional d’éducation de Bautzen. La langue d’enseignement est le sorabe pour les élèves dont c’est la langue maternelle, à l’exception de certaines matières (allemand, mathématiques, physique, chimie et biologie). Tous les autres élèves sont instruits en allemand. À Bautzen, un lycée sorabe offre un enseignement général permettant d’accéder aux études supérieures, alors que deux lycées à Hoyerswerda donnent un enseignement en sorabe langue étrangère. Le bilinguisme constitue un facteur essentiel dans la scolarité des lycées sorabes; tous les élèves étudient le sorabe, comme langue maternelle ou langue seconde. Les dépenses spéciales que le bilinguisme entraîne sont financées par des subventions du Land.

Cependant, une restriction peut s'appliquer relativement au nombre des élèves pour former une classe. Ainsi, le Règlement du ministère de la Culture sur le fonctionnement des écoles sorabes applicable aux écoles allemandes, fixe un nombre minimal d’élèves requis pour ouvrir une classe. L'article 6 de ce règlement précise que «l'enseignement de la langue sorabe est mis en œuvre dans les groupes qui comptent généralement au moins cinq élèves et tout au plus 15»:

Article 6

Le sorabe dans les écoles sorabes

1)
L'enseignement de la langue sorabe est offert dans les écoles du territoire germano-sorabe de la 1re à la 12e année. L'enseignement doit être donné et répondre, en étendue et en qualité, aux exigences de la formation dans une langue étrangère, transmise avec des programmes d'études et des calendriers particuliers.

2) L'enseignement de la langue sorabe dans une école sorabe de type secondaire (gymnasium) ne remplace pas la formation nécessaire en langue étrangère à la réussite du baccalauréat général dans une discipline. Des équivalences sont prévues pour les certificats de fin d'études obtenus dans une école secondaire moyenne.

3) L'enseignement de la langue sorabe est mis en œuvre dans les groupes qui comptent généralement au moins cinq élèves et tout au plus 15. Pour les groupes comptant moins de cinq élèves, le directeur de l'école décide si un enseignement ou une participation à une classe de plus haut niveau est possible pour un cours de langue en sorabe.

En principe, il faut réunir le nombre minimal de cinq élèves, mais la plupart des écoles primaires exigent plus de cinq élèves, sin on 15. Néanmoins, les autorités locales peuvent légalement de servir de cette partie de la loi pour fermer des écoles ou des classes destinées à la minorité.

Quant aux adultes, ils peuvent suivre un stage de langue sorabe dans l’un des centres d’éducation des adultes dans les villes de Kamnez, Bautzen, Hoyerswerda ou Weißwasser. Pour leur part, les enseignants reçoivent une formation spécifique à l’Institut des études sorabes de l’université de Leipzig. Étant donné qu’il n’existe pas d’université sorabe dans la région, une formation à l’enseignement du sorabe comme matière scolaire et un programme de formation de spécialistes de la langue et de la culture sorabes (appelés «sorabistes») sont dispensés par l’Institut de la langue et de la culture sorabes de l’université de Leipzig.

Dans le Land de Saxe, les intérêts des écoles sorabes et des écoles bilingues relèvent d’un inspecteur scolaire attitré du Bureau régional des écoles de Bautzen. Dans le Land de Saxe, la formation continue des enseignants de sorabe est assurée par l’Université de Leipzig, qui accorde une place suffisante au sorabe pour garantir une formation de qualité.

- Les garderies

La législation prévoit également des mesures pour les garderies ou les jardins d'enfants. La Saxe garantit et protège le droit des sorabes à préserver leur identité et à conserver et développer leur langue et leur culture d'origine. Les maternelles et les garderies, plus d'une vingtaine, dans les zones d'implantation sorabe sont autorisées et doivent contribuer à garantir que la langue et la culture sorabes sont enseignées et cultivées, et que les traditions sorabes sont préservées. À la demande des parents, des groupes sorabophones et bilingues sont constitués dans les établissements prévus à cette fin.

Selon la Loi sur les garderies (2021), des groupes sorabophones ou bilingues sont possibles, à la demande des parents:

Article 20

Promotion de la langue et de la culture sorabes

1)
À la demande des parents, des groupes sorabophones ou bilingues sont constitués en garderies dans les zones d'implantation sorabe.

2) Le ministère d'État à l'Éducation réglemente les détails des activités dans ces établissements et leur financement par voie d'ordonnance.

Selon le Règlement sur les garderies pour promouvoir la langue et la culture sorabes (2006), les enfants peuvent être de langue maternelle sorabe ou ne maîtrisant pas suffisamment le sorabe:

Article 2

Définitions

1) Aux fins du présent règlement, les garderies sorabes sont des établissements dans lesquels -

1. les enfants de langue maternelle sorabe ou
2. les
enfants qui ne maîtrisent pas ou seulement insuffisamment la langue sorabe sont pris en charge dans le but d’acquérir intensivement la langue sorabe.

2) Aux fins du présent règlement, les garderies bilingues sont celles dans lesquelles au moins un groupe -

1. seuls les enfants, conformément au paragraphe 1, n° 1 ou 2, sont pris en charge ou;
2. les enfants parlent le sorabe et l'allemand, l'éducation, la formation et la garde des enfants se faisant principalement en allemand.

L'article 3 de ce règlement précise bien qu'il s'agit d'une formation bilingue sorabe-allemand et que le personnel doit être bilingue

Article 3

Conditions requises pour œuvrer dans les garderies sorabes

1) En plus des objectifs et des tâches conformément à l'article 2, paragraphes 1 à 3 de la Loi sur les garderies, les garderies sorabes favorisent le développement des enfants dans le but d'un bilinguisme complet. Elles créent les conditions permettant aux enfants de fréquenter une école primaire sorabe au sens de l'article 4, paragraphe 1, du Règlement du ministère de l'Éducation de Saxe sur les activités dans les écoles sorabes et autres de la région germano-sorabe de ​​22 juin 1992 (SächsGVBl. p . 307), tel que modifié, et travaillent en étroite collaboration avec ces écoles. Le sorabe doit être parlé en règle générale dans l'éducation, la formation et la garde des enfants. Cependant, si les connaissances de la langue allemande des enfants ne sont pas développées en fonction de leur âge, conformément à l'art. 2, par. 1 n° 1, l'apprentissage de la langue allemande doit également être suffisamment soutenu.

2)
Le personnel enseignant œuvrant dans les garderies sorabes doit parler couramment le sorabe et l'allemand. Les organismes responsables doivent veiller à ce que des enseignants qualifiés maîtrisant la langue sorabe avec une qualité de locuteur d'origine soient déployés pour les activités en sorabe. Les autres employés doivent avoir une connaissance de base de la langue sorabe.

3) La direction de la garderie doit informer les tuteurs légaux des tâches particulières de la garderie et de son organisation avant l'admission de l'enfant.

La plupart des garderies et des maternelles enseignent aux enfants les compétences en langue sorabe. L'enseignement est basé sur la méthode d'immersion, qui correspond au principe «une personne - une langue» : les enseignants qui parlent sorabe s'expriment en sorabe aux enfants, dont la plupart viennent de familles germanophones. Ils procèdent de sorte que tous les enfants les comprennent : ils choisissent consciemment leurs mots, répètent souvent ce qui a été dit et le soulignent par des gestes, des expressions faciales et oralement. De cette façon, ils donnent aux enfants un soutien important pour le développeur la longue étrangère de manière tout à fait naturelle. Plus de 3100 enfants fréquentent ces établissements.

Il existe des organismes de financement privés afin que les sorabophones puissent obtenir ce type de service auprès des enfants. Près de la moitié des quelque 30 garderies sorabes (et garderies bilingues) de la Haute-Lusace sont financées par les pouvoirs locaux, alors que dix d'entre elles le sont par l’Association d’éducation sociale-chrétienne de la Saxe de l’Est (Christilich Soziales Bildungswerk Ostsachsen) et deux par l’Association des écoles sorabes (Sorbischer Schulverein), l’Église catholique, l’Association de protection sociale des travailleurs (Arbeiterwohlfahrt) et la Croix-Rouge allemande.

4.5 Les médias

La presse sorabe joue un rôle relativement important dans la préservation de l'identité nationale des Sorabes. Ainsi, l'organisme Domowina («Union des Sorabes de Lusace») publie un quotidien en haut-sorabe appelé Serbske Nowiny («Journal sorabe»), un hebdomadaire en bas-sorabe, Nowy Casnik («Nouveau journal»), un magazine culturel mensuel, Rozhlad («Renouveau»), une revue spécialisée pour les professeurs de sorabe, Serbska Sula («École sorabe») et un magazine pour enfants en haut-sorabe et en bas-sorabe, etc. Avec le concours financier de l’État, sont également publiés des ouvrages scientifiques et culturels en sorabe, notamment des ouvrages scolaires, de la fiction et de la poésie modernes et classiques, des livres et des bandes dessinées.

En ce qui a trait aux médias électroniques, la Ostdeutsche Rundfunk Brandenburg (ORB) diffuse des émissions radiophoniques durant 7 h/semaine en sorabe, généralement entre midi et 13 h 30, et le service de télévision de l’ORB transmet des émissions en raison de 30 minutes par semaine. La télévision de l'ORB diffuse la seule émission régulière en sorabe intitulée Tuzyca — Sorbisches aus der Lausitz («La vie sorabe en Lusace»). Certaines stations de radio locales émettent en sorabe jusqu’à six ou sept heures par semaine en sorabe; la radio Serbsk Rohlos diffuse des émissions en sorabe en raison de 20 h/semaine.

La Mitteldeutsche Rundfunk diffuse deux heures d'émissions en haut-sorabe, tous les trois jours, ainsi que deux heures de radio jeunesse par mois de 30 minutes.

Enfin, un représentant de la Domowina (Union des Sorabes de Lusace) siège au Conseil de l'audiovisuel de l’ORB et au Conseil des médias de la Landesmedienanstalt de Berlin-Brandenburg (Autorité de tutelle de l'audiovisuel privé de Berlin-Brandebourg).

En vertu de l'article 14 de la Loi sur les droits des Sorabes, l'État doit faire des efforts pour que la langue et la culture sorabes soient prises en considération de façon appropriée:

Article 14

Les médias

L'État libre de Saxe fait des efforts pour que la langue et la culture sorabes soient prises en considération de façon appropriée, en particulier par des envois et contributions de documents en sorabe dans les médias.

Les émissions  doivent tenir compte des intérêts de toutes les tranches de la population, y compris les minorités. En plus des émissions spéciales en sorabe, le temps d’antenne total en sorabe atteint au moins 21,5 heures par semaine.

4.6 Les associations minoritaires sorabes

En accord avec le Land de Brandebourg et le gouvernement fédéral, l’État libre de Saxe a créé, le 19 octobre 1991, une fondation appelée Stiftung für das sorbische Volk (Fondation pour le peuple sorabe) dont le siège est à Bautzen. Il est prévu de signer des accords régissant la préservation des intérêts des Sorabes. Cette fondation poursuit essentiellement les objectifs suivants:

a) appuyer les institutions ayant pour vocation de préserver la culture, les arts et les traditions sorabes;

b) apporter une aide et contribuer aux projets visant l'élaboration de documents et de publications ainsi que l'organisation de spectacles relatifs aux arts et à la culture sorabes;

c) aider à la préservation et au développement de la langue et de l'identité culturelle sorabes au sein des établissements d'enseignement et des instituts de recherche sorabes;

d) contribuer à la préservation de l'identité sorabe dans l'opinion publique, sur les lieux de travail et dans les communautés où vivent ensemble des Sorabes et des non-Sorabes;

e) appuyer des projets et des programmes favorisant la compréhension entre les peuples et la coopération avec d'autres groupes ethniques et minorités nationales d'Europe, et développer les liens que les Sorabes ont de tout temps entretenus avec leurs voisins slaves, afin de jeter les ponts entre l'Allemagne et l'Europe orientale;

f) contribuer à l'élaboration de programmes gouvernementaux et d'autres projets intéressant les Sorabes.

Les activités de la Stiftung für das sorbische Volk (Fondation pour le peuple sorabe) sont financées par des fonds publics et versés à parts égales, d’une part, par le gouvernement fédéral, d’autre part, par les Länder de Brandebourg et de Saxe. Ce financement permet notamment d'assurer la survie économique de nombreuses institutions sorabes, dont la Domowina (Union des Sorabes de Lusace), le Théâtre populaire germano-sorabe (Deutsch-Sorbisches Volkstheater), l'Ensemble national sorabe, la maison d'édition de la Domowina, ainsi que les musées sorabes de Bautzen/Budyšin (Saxe) et de Cottbus/Chošebuz (Brandebourg). 

Soulignons également la promotion des établissements d'enseignement et des instituts de recherche sorabes, en particulier l'Institut sorabe qui dirige des travaux de recherche dans les traditions nationales et dans d'autres domaines, plus spécifiquement l'histoire sociale et culturelle, la linguistique, l'ethnologie et les arts sorabes. Cela dit, le gouvernement fédéral a manifesté son intention de réduire considérablement les subventions accordées à la fondation. Normalement, le gouvernement fédéral fournit environ la moitié du budget de la Fondation, la contribution du Land de Saxe s’élevant à environ un tiers et celle du Land de Brandebourg à un sixième de ce même budget.

Par ailleurs, la Macica Serbska, la Société de recherche sorabe, se consacre essentiellement aux relations publiques dans la promotion de l'histoire, de la langue et de la culture sorabes, et la diffusion des connaissances relatives aux Sorabes en Allemagne et à l'étranger. Enfin, précisons que le ministère de la Science, de la Recherche et des Affaires culturelles du Brandebourg dispose d’un Service des affaires sorabes.

En matière de religion, il n'existe aucune disposition juridique concernant les membres des minorités nationales. Néanmoins, dans l’État de Saxe, l’article 10 de la loi du 24 janvier 1997 ratifiant le Traité entre le Saint-Siège et l'État libre de Saxe précise explicitement que l'Église catholique préservera et protégera le patrimoine culturel catholique des Sorabes. À Bautzen/Budyšin, il existe un «surintendant» chargé des affaires sorabes, notamment des Sorabes membres des deux Églises protestantes de Saxe. Ses fonctions consistent notamment à tenir les services religieux en sorabe et à organiser des manifestations sociales dans les paroisses n’ayant pas de prêtre sorabophone.

Force est d’admettre que la minorité sorabe, pourtant peu importante au point de vue numérique (40 000 locuteurs en Saxe, mais 13 000 actifs), a obtenu des droits linguistiques assez considérables. Rappelons qu’une bonne partie de ces droits ont été accordés par l’ex-République démocratique allemande (RDA) à partir d’une ancienne législation de 1948 (Loi sur la protection des droits de la population sorabe). D’ailleurs, plusieurs institutions culturelles ont vu le jour durant le régime communiste. Les Sorabes ont bénéficié ainsi, depuis la réunification des deux Allemagne, de droits acquis qui ont été reconnus dans le Traité d’union du 31 août 1990. De plus, l’État libre de Saxe a pris en compte ces dispositions et semble appliquer une politique linguistique plutôt globale en matière de droits linguistiques. Mieux encore! Afin d’éviter les divergences éventuelles et les politiques promotionnelles, les Länder de Saxe et de Brandebourg ont généralement adopté, d’un commun accord, une politique de promotion commune de la langue et de la culture sorabes.

Cependant, même si les droits de cette minorité semblent juridiquement assez bien protégés par une politique sectorielle fondée sur les droits personnels dans un territoire donné, les Sorabes sont soumis à une certaine germanisation et au bilinguisme social omniprésent, ce qui n’est pas de tout repos pour une petite minorité de 40 000 locuteurs, voire 13 000 en réalité. Il n’en demeure pas moins que les Sorabes de la Saxe (la Haute-Lusace) utilisent davantage leur langue que ceux du Brandebourg (Basse-Lusace). En dernière analyse, l’utilisation du sorabe dépend du choix des Sorabes eux-mêmes, dans la mesure où ils souhaitent ou non transmettre leur langue à leurs enfants. Ce choix est plus facile dans les zones d'implantation où les Sorabes sont nombreux, voire majoritaires, mais certainement plus difficile lorsque les familles habitent dans les plus grandes agglomérations où les Sorabes ne constituent qu’une faible minorité. Dans ce dernier cas, les mariages mixtes réduisent particulièrement le nombre des éventuels locuteurs du sorabe. On comprendra que la fréquentation d'écoles sorabes est particulièrement importante pour cette minorité, qui doit constamment lutter contre l’assimilation.

Dans le meilleur des cas, l'avenir de la langue des Bas-Sorabes réside dans leur bilinguisme. Dans un livre publié à Bautzen en 1997 par Peter Kunze, Kurze Geschichte der Sorben («Brève histoire des Sorabes»), en collaboration avec la maison d’édition Domowina, l'auteur termine par cette conclusion (traduction):

L’avenir des Sorabes est lié à leur bilinguisme. Il leur faudra à la fois faire face aux nécessités et aux conditions économiques et conserver et développer la culture sorabe qui jouit d’une riche tradition. C’est ainsi qu’ils s’acquitteront d’une fonction importante de médiation entre les Allemands et les Slaves, et contribueront à la compréhension et au maintien de relations d’amitié et de bon voisinage entre les populations.

Bref, bien que les Sorabes de la Saxe et du Brandebourg bénéficient d’une grande protection juridique, il leur sera toujours difficile de survivre en petit nombre au milieu de ce grand pays massivement germanophone qu’est l’Allemagne.

À l'heure actuelle, l’identité ethnique des Sorabes semble est souvent confinée dans le folklore des costumes et des traditions (processions, pèlerinages, défilés, etc.), surtout en Basse-Lusace. De façon paradoxale, ce sont les germanophones qui se sont emparés de ce folklore dans un souci d’exploitation et de valorisation touristique de la Lusace. Perplexes, les Sorabes semblent participer à la popularisation d’un folklore qu'ils préservaient jalousement jusqu'à présent afin d'assurer la cohésion de leur communauté. A plus ou moins long terme, la Lusace risque d'être victime d’une «touristification galopante», dont témoignent toutes les brochures de promotion de cette région historique.

Dernière révision: 22 février, 2024

Bibliographie

BYRAM, Michael. «Bilingualism and Education in Two German Minorities» dans Journal of Mutilingual ad Multicultural Development, vol. 9, no 5, Avon (England), 1988, p. 387-397.

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Lusace: le pays sorabe en Allemagne

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