République du Zimbabwe

Zimbabwe

Republic of Zimbabwe

 
Capitale: Hararé
Population: 14,3 millions (2003)
Langues officielles (de jure): anglais, chewa, chibarwé, kalanga, khoïsan, nambya, ndau, ndébélé, shangani, shona, sotho, tonga, tswana, venda, xhosa et langue des signes
Groupe majoritaire: shona (54,8 %) 
Groupes minoritaires: ndébélé (12,3 %), anglais (3,2 %), manika (3,1 %), nyanja (3,1 %), kalanga (1,5 %), tonga (0,9 %), venda (0,7 %)...
Langues coloniales: anglais et afrikaans 
Système politique: république unitaire
Articles constitutionnels (langue): art. 6, 7, 56, 63, 70, 177, 179 et 249 de la Constitution de janvier 2013 (adoptée par référendum)
Lois linguistiques:  Loi sur le tribunal d'instance (1932); Loi sur la circulation routière (1976); Loi sur les réfugiés (1978); Loi sur la Cour suprême (1981); Loi sur la Haute Cour (1981); Loi sur le médiateur (1982); Loi sur les conseils provinciaux et l'administration (1985); Loi sur les assurances (1987); Loi sur l'éducation (1987); Loi sur les conseils de district rural (1988); Loi sur la preuve civile (1992); Loi sur l'arbitrage (1996); Loi sur les banques (1999); Loi sur les compagnies (2003).

1 Situation générale

Le Zimbabwe est une république de l’Afrique centrale limitée à l’ouest par le Botswana, au nord par la Zambie, au nord-est et à l’est par le Mozambique, au sud par l’Afrique du Sud (voir la carte du pays). Le Zimbabwe couvre une superficie de 390 759 km². Sa capitale est Hararé.

Le pays est divisé en huit provinces et deux villes à statut provincial (Bulawayo et Hararé), chacune étant dotée d'une Assemblée provinciale et administrée par un commissaire nommé par le gouvernement central:  Manicaland, Mashonaland Central, Mashonaland-Est, Mashonaland-Ouest, Masvingo, Matabeleland-Nord, Matabeleland-Sud et Midlands (voir la carte détaillée des provinces).

En vertu de l'article 171 de la Constitution de février 2000, chacune des provinces est dotée de son Assemblée habilitée à adopter des lois en matière de tourisme, de transports en commun et de routes, de préservation des sols, de logement, d'éducation et de santé, de développement rural et d'impôt provincial. Le Zimbabwe, une ancienne colonie britannique qui pratiquait l’apartheid lorsqu’elle s’appelait la Rhodésie, a acquis son indépendance politique en 1980.

2 Données démolinguistiques

En 2003, la population du Zimbabwe était estimée à 14,3 millions d'habitants. Les trois quarts de la population vivent dans les zones rurales. Les provinces les plus importantes du point de vue de leur population sont Harare, le Manicaland et les Midlands:

Province Population 2003 Superficie
Bulawayo   972,6     479 km2
Harare 2 057,1     872 km2
Manicaland 2 238,6 36 459 km2
Mashonaland Central 1 366,2 28 374 km2
Mashonaland Est 1 437,5 32 230 km2
Mashonaland Ouest 1 553,7 57 441 km2
Masvingo 1 484,4 56 566 km2
Matabeleland-Nord   906,3 75 025 km2
Matabeleland-Sud   690,5 54 172 km2
Midlands 1 593,8 49 166 km2
Zimbabwe 14 300,7  390 784 km2

Deux grands groupes bantous peuplent le pays: les Shonas, représentant 77 % de la population zimbabwéenne, et les Ndébélés, regroupant 18 % de la population. La population blanche est passée de 275 000 en 1975 à 90 000 personnes en 1994. Le pays compte également des minorités de Métis et d’Indiens.

Parmi la vingtaine de langues, deux langues semblent, au premier abord, importantes dans ce pays: l’anglais parlé par seulement 380 000 locuteurs (des Noirs comme des Blancs), mais il est largement utilisé par la population comme langue seconde, et le shona parlé par plus de la moitié de la population,  soit 54, 8 %. Dans les faits, on constate que le ndébélé, parlé par 1,2 % de la population, a acquis également une grande importance. Le swahili est également utilisé comme langue traditionnelle des échanges. On pourrait parler aussi de l’afrikaans parlé par quelques milliers de Blancs. Cette langue était l’ancienne langue co-officielle (avec l’anglais) de la Rhodésie. On ne compte qu'environ 100 000 Européens dans le pays, les autres étant des Zimbabwéens de race noire (98 %) ou asiatique (1 %).

Le shona et le ndébélé, des langues bantoues, constituent deux des langues nationales du Zimbabwe. Tandis que le shona est parlé par la majorité de la population du Zimbabwe autour de la grande région d'Harare, le ndébélé est surtout parlé dans la région du Matebeleland; mais un grand nombre d'individus qui travaillent au Matebeleland sont bilingues (shona et ndébélé). Les autres langues bantoues sont le kunda, le nsenga, le tonga, le nambya, le lozi, le kalanga, le tswana, le venda, le tshwa, le nau-shona et le manyika. On compte une petite langue de la famille khoïsane: le hiechware, parlé par 1,6 million de locuteurs (au nord-ouest du Metabeleland-Sud).

Près des deux tiers de la population sont chrétiens : anglicans (36 % de la population totale), méthodistes, presbytériens ou catholiques constituent les principaux groupes. Le reste de la population adhère à des croyances animistes. Il existe également une minorité musulmane.

3 Données historiques

De nombreux vestiges archéologiques et préhistoriques montrent que la présence humaine dans la région est attestée dès 500 000 ans avant notre ère. On pense que les premiers peuples du Zimbabwe était des Bochimans. L’établissement des agriculteurs de langue bantoue aurait commencé au seuil de notre ère. Les ancêtres des Shona furent probablement à l’origine de cette civilisation; ils entrèrent en contact avec les marchands swahilis de la côte est africaine. Dès le XIIe siècle, le travail du cuivre, comme le commerce de l’or et de l’ivoire, étaient considérablement développés, ces produits étant exportés par le port de Sofala, près de l’actuelle Beira au Mozambique.

Ce fut également autour du site de Zimbabwe que s’épanouit, à partir du XIVe siècle, le royaume de Monomotapa (Mwene Mutapa, «roi des mines») qui connut une rapide extension territoriale, mais déclina dès la fin du siècle suivant, après la mort du roi Matope en 1480.

Les Portugais, qui débarquèrent sur les côtes du Mozambique au XVIe siècle, nouèrent des contacts, par l’intermédiaire de missionnaires notamment, avec le Monomotapa. Le royaume devait disparaître après que son souverain eut, en 1608, cédé aux Portugais les mines d’or, d’étain, de cuivre et de fer, situées sur son territoire. Au sud, l’État du Changamire prit la relève et conquit presque la totalité de l’ancien royaume au XVIIe siècle. À la fin du XVIIIe siècle, les Zoulous venus d'Afrique du Sud détruisirent sur leur passage le royaume de Changamire. Un groupe zoulou dissident, les Ndébélé, s’établit, vers 1830, dans le sud-ouest du pays, imposant sa domination aux Shona.

3.1 La colonisation britannique
Carte de la Rhodésie Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la présence britannique et boer se renforça. En 1888, le roi ndébélé Lobengula concéda des droits miniers au sud du Zambèze à l’homme d’affaires britannique Cecil John Rhodes (1853-1902). L’année suivante, Rhodes obtint (frauduleusement) du gouvernement britannique une charte pour sa société, la British South Africa Company, pour l’administration des territoires conquis en Afrique centrale et australe. La compagnie de Rhodes favorisa la colonisation agricole, y compris vers les territoires sur lesquels sa souveraineté ne s’étendait pas. Depuis, la Rhodésie du Nord est devenue la Zambie, alors que la Rhodésie du Sud devint le Zimbabwe en 1965. Dès le début de la colonisation britannique, l'anglais et l'afrikaans s'imposèrent dans l'administration de l'État.

En 1890, fut fondée Salisbury (aujourd’hui Harare). Jusqu’en 1897, une guerre opposa les Blancs aux Ndébélés et aux Shona, qui furent finalement relégués dans des «réserves»; et tout Africain devait être muni d'une «pass» (un laissez-passer) pour en sortir. En 1895, le territoire ainsi colonisé fut officiellement baptisé Rhodésie. C'est la compagnie de Rhodes qui administrait le pays, avec son gouvernement particulier et ses propres lois coloniales.  Peu de temps après, les Shona s'allièrent aux Ndébélés, leurs ennemis traditionnels, pour lancer la croisade appelée Chimurenga, c'est-à-dire la «guerre de libération», qui sera mise en échec après l'arrestation puis la pendaison de ses dirigeants.

3.2 L'autonomie

Dès le début du XXe siècle, les colons blancs voulurent se libérer de la tutelle de la British South Africa Company; ils réclamèrent l’autonomie politique . En 1922, consultés par référendum, ils écartèrent le rattachement à l’Afrique du Sud et, l’année suivante, la Rhodésie, selon leur souhait, devenait colonie de la Couronne, sous le nom de Rhodésie du Sud. Gouvernant seule, la minorité blanche mit en place un régime de ségrégation raciale, comme en Afrique du Sud. À partir des années trente, le United Party fit adopter des lois fondées sur le principe du développement séparé des races. Conformément au modèle de l'apartheid sud-africain, le Parlement confisqua en 1934, au profit des Blancs, l’essentiel des terres, tandis que l’habitat était «territorialisé»: ce fut l'apparition des townships, c'est-à-dire des ghettos, situés en périphérie des villes qui «accueillaient» les Noirs détenteurs d’un contrat de travail, tandis que les familles étaient strictement maintenues dans les campagnes.
 
En 1953, le gouvernement britannique créa une Fédération de Rhodésie et du Nyassaland (Federation of Rhodesia and Nyasaland) regroupant la Rhodésie du Sud, la Rhodésie du Nord (l'actuelle Zambie) et le Nyassaland (devenu le Malawi), qui favorisait la domination blanche. La Rhodésie du Sud profita grandement de cette Union, car elle drainait les richesses minières de la Zambie et les richesses agricoles du Malawi, afin de financer son propre développement. Cette fédération devait être dissoute en 1963, un an avant l’indépendance de la Zambie et du Malawi, sous la pression des mouvements nationalistes africains.

À cette époque, il existait deux types d'écoles publiques: l'une en anglais pour les Européens, les Métis et les Asiatiques, et une autre en shona ou en ndébélé pour la majorité africaine.

Or, les pouvoirs publics dépensaient au moins dix fois plus pour les enfants blancs que pour les enfants noirs. Il était très difficile pour un enfant noir non seulement d'accéder, mais aussi de progresser dans son sous-système éducatif. Par exemple, pour les enfants blancs, l'enseignement était gratuit et obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans et gratuit jusqu'à l'université; pour les noirs, les écoles n'étaient pas obligatoires et n'étaient pas gratuites.

Par rapport à l'enseignement dispensé aux Noirs, celui dont bénéficiaient les Blancs était plus riche et davantage conçu pour faciliter le passage de l'école au monde du travail. Dans un tel système, les Noirs s'en trouvaient forcément discriminés. La ségrégation, dont les Noirs étaient victimes, et le mouvement d’accession à l’indépendance sur le continent africain encouragèrent le nationalisme zimbabwéen. Dès 1957, Joshua Nkomo, dirigeant syndicaliste ndébélé, avait fondé un Congrès national africain de Rhodésie du Sud, lequel fut dissous deux ans plus tard par le gouvernement blanc.

3.3 L'indépendance

Ce sont les Blancs, hostiles à tout partage du pouvoir avec les Noirs, qui revendiquèrent d'abord le droit à l’indépendance du territoire zimbabwéen. Après deux années de vaines négociations, le gouvernement blanc, dirigé par Ian Smith, déclara unilatéralement l’indépendance de la Rhodésie (Unilateral Declaration of Independence ou UDI: Déclaration unilatérale d'indépendance), le 11 novembre 1965. Sous le régime de Ian Smith, les 220 000 Blancs accaparèrent tout le pouvoir aux dépens des quatre millions de Noirs.

- Le régime ségrégationniste de Ian Smith

Le Royaume-Uni et l’Organisation des Nations unies (ONU) refusèrent de reconnaître la Rhodésie indépendante et décrétèrent un embargo commercial. La ZAPU (Zimbabwe African People's Union ou Union du peuple africain du Zimbabwe) de Joshua Nkomo et la ZANU (Zimbabwe African National Unionv ou Union nationale africaine du Zimbabwe) de Robert Mugabe furent interdites par le gouvernement de Smith, et leurs dirigeants emprisonnés. Les nationalistes noirs engagèrent alors une lutte armée contre le pouvoir minoritaire des Blancs, d'autant plus que celui-ci durcissait son attitude envers les Noirs: le gouvernement calqua sa politique sur le modèle de l'apartheid.

La Rhodésie blanche dut subir les sanctions internationales. Après 1975, le gouvernement de Smith se rendit compte qu'il lui faudrait désormais négocier et choisit une position plus conciliante en engageant des pourparlers avec les dirigeants noirs, libérés de prison. Croyant qu’en cédant à certaines revendications Smith pourrait conserver l’essentiel de son pouvoir, il signa un accord avec trois leaders noirs modérés, parmi lesquels l’évêque méthodiste Abel Muzorewa, fondateur du Congrès national africain du Zimbabwe (African National Congress), en mai 1978.

La nouvelle Constitution de 1979, adoptée lors d’un référendum réservé aux Blancs, permit un régime multiracial. À la suite des accords de Lancaster House (1979), signés sous la pression de Margaret Thatcher (alors première ministre de Grande-Bretagne), des élections furent organisées sous l'égide du Royaume-Uni.

- Le régime de Robert Mugabe

Les élections libres de février 1980 furent remportées par la ZANU (Union nationale africaine du Zimbabwe) et Robert Mugabe forma un gouvernement de réconciliation nationale au sein duquel étaient présents Joshua Nkomo et deux ministres européens. L'appartenance de Mugabe à l'ethnie shona majoritaire semble avoir été décisive dans sa victoire. La seconde indépendance du pays fut proclamée le 18 avril et la Rhodésie prit officiellement le nom shona de Zimbabwe, ce qui signifie «la maison en pierre».

Dans la première moitié des années quatre-vingt, quelque 250 000 Blancs émigrèrent vers l'Afrique du Sud. Pourtant, la population blanche maintenait son hégémonie sur l’activité économique et la possession des terres agricoles les plus riches. Les dispositions des accords de Lancaster House ont été respectées: par exemple, le maintien d'un quota de députés blancs au Parlement jusqu'en 1990 et la non-expropriation des fermiers blancs. Les fermiers blancs continuèrent de disposer de 70 % des terres les plus fertiles du Zimbabwe, ce qui suscita des frustrations auprès de la population noire. Puis le premier ministre Mugabe (un Shona, rappelons-le) renforça son pouvoir au détriment de la minorité ndébélé qui fut durement réprimée, et son armée dut affronter à plusieurs reprises l’aile armée de la ZAPU (Zimbabwe African People's Union).

Le gouvernement adopta une nouvelle politique visant à réorganiser et démocratiser le système d'enseignement. Cette politique garantissait l'égalité de chances à tous, indépendamment de la race, de la couleur, de la croyance ou du lieu d'origine, sauf en cas de disposition contraire dans la loi. Le droit à l'éducation a été érigé en droit fondamental pour tous les enfants et tous les adultes qui n'avaient pas reçu d'instruction. Les écoles et les dispensaires se multiplièrent et le rattrapage social devint une priorité. Mais c'est l'absence de changement et une dégradation progressive de la situation économique qui firent rapidement oublier l'euphorie de l'indépendance. L'opposition se développa à un point tel que le gouvernement prévoyait en 1992 l’expropriation des terres possédées par des Blancs et laissées en friche.

En mars 1996, Robert Mugabe fut réélu président. La minorité blanche qui, rappelons-le, représentait 1 % de la population possédait encore 70 % des terres arables, ce qui excluait de la croissance la grande majorité des masses rurales. En 1998, plusieurs «émeutes de la faim», provoquées par un taux de chômage touchant 45 % de la population et la chute de la monnaie nationale, ébranlèrent fortement le pouvoir, qui rendit les 70 000 fermiers blancs responsables de la situation. À la corruption dénoncée par l'opposition s'est ajouté l'autoritarisme du pouvoir. Le président Mugabe apparut de plus en plus rejeté par une population qui a vu s'enrichir une élite âgée refusant les changements. Selon les statistiques officielles, entre juillet 2000 et novembre 2001, l'État zimbabwéen saisit six millions d'hectares de terres agricoles pour les redistribuer à quelque 200 000 familles noires. Dans un contexte de crise, les élections de 2000 ont conduit pour la première fois au parlement 58 députés de l'opposition sur 120 sièges, alors que le président Robert Mugabe annonçait sa décision de se retirer en 2002. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé! Au contraire, Mugabe a tout fait pour pour remporter l’élection présidentielle de 2002. Il a fait adopter des lois anti-opposition, il musela la presse et le pouvoir judiciaire, entreprit des campagnes d’intimidation et de répression et expulsa les observateurs internationaux. Il finit par remporter le scrutin de mars 2002 avec 56 % des voix. Robert Mugabe ne serait pas hostile à ce que le Parlement le nomme «président à vie», ce qui lui éviterait d’avoir à se représenter à l’issue de son mandat en 2008.

Selon toute vraisemblance, le Zimbabwe devrait continuer à être privé de l’aide internationale, sauf pour l’aide alimentaire d’urgence qui, pour le moment, permet au pays d’éviter de sombrer dans la famine. En attendant, le Zimbabwe devrait s’enfoncera davantage dans une crise dont la seule issue semble être le départ de Robert Mugabe, l’un des derniers dictateurs africains. En novembre 2017, après avoir saccagé et vampirisé l’économie de son pays pendant des décennies, l’homme qui se déclarait encore récemment «prêt à mourir pour faire ce qui est juste» a finalement accepté de tirer sa révérence, quand il a réalisé que ses concitoyens eux aussi s’étaient faits à l’idée de le voir partir pour un monde meilleur. Robert Mugabe a été surnommé «le crocodile» en raison de la peur que ses crimes ont inspirée. En 2017, après avoir tenté d’installer son épouse Grace Mugabe au pouvoir à sa place, il vit ses anciens collaborateurs se retourner contre lui, en plus de perdre le soutien de l’armée. Finalement, vénéré, détesté, craint ou encensé, l’ancien président du Zimbabwe est décédé le 6 septembre 2019 à l’âge de 95 ans.

Arrivé au pouvoir en 1980, après la proclamation d’indépendance du pays qui s’appelait alors la Rhodésie, Robert Mugabe aura dirigé le Zimbabwe jusqu’en 2017. Il aura aussi porté les germes des dérives qui allaient caractériser son régime. Rappelons qu'en 1983-1984 quelque 20 000 civils considérés comme dissidents ont été assassinés dans le sud-ouest du pays. Les rivaux de Mugabe ont été muselés un à un, au fil des élections, qui ont toutes été entachées d’accusations de fraude durant ses 37 ans de règne. En 2000, sa réforme agraire destinée à redistribuer les meilleures terres agricoles détenues par des fermiers blancs à la majorité noire a été menée dans la précipitation et la violence. Rober Mugabe a laissé un pays ruiné et un taux de chômage proche de 90 %, sans oublier un un taux d'analphabétisme parmi les plus élevés en Afrique (83 % chez les adultes); il est également critiqué pour les violations des droits de l'homme et de la liberté d'expression qui y ont court. L'ancien président aura été à la fois un héros, mais surtout un dictateur.

4 La politique linguistique

La politique linguistique du Zimbabwe est complexe dans la mesure où elle porte sur plusieurs langues officielles, qui ne le sont pas au même titre. Le Zimbabwe compte bien seize langues officielles: l'anglais, le chewa, le chibarwe, le kalanga, le khoïsan, le nambya, le ndau, le ndébélé, le shangani, le shona, le sotho, le tonga, le tswana, le venda, le xhosa et la langue des signes. C'est ce qu'on peu lire à l'article 6 de la Constitution de 2013:
 

Article 6

Langues

1) Les langues qui suivent, c'est-à-dire le chewa, le chibarwe, l'anglais, le kalanga, le khoïsan, le nambya, le ndau, le ndebele, le shangani, le shona, la langue des signes, le sotho, le tonga, le tswana, le venda et le xhosa, sont les langues officiellement reconnues du Zimbabwe.

2) Une loi du Parlement peut prescrire d'autres langues comme langues officiellement reconnues et peut prescrire des langues d'administration.

3) L'État ainsi que toutes les institutions et tous les organismes publics à tous les niveaux doivent :

a) s'assurer à ce que toutes les langues officiellement reconnues soient traitées de façon équitable ; et

(b) tenir compte des préférences linguistiques des citoyens concernés par toute communication ou toute mesure gouvernementale.

4) L'État doit promouvoir et faire progresser l'utilisation de toutes les langues en usage au Zimbabwe, y compris la langue des signes, et doit créer les conditions nécessaires au développement de ces langues.

Toutefois, ces langues ne sont pas officielles au même degré. L'article 6 de la Constitution précise effectivement que seize langues ont le statut de co-officialité, mais l'anglais est la langue de l'État et la langue de la Common Law, ce qui lui donne un avantage considérable sur les autres langues. Dans ces conditions, il devient moins aisé de faire respecter les dispositions du paragraphe 3 (art. 6), alors que l'État doit s'assurer à ce que toutes les langues officiellement reconnues soient traitées de façon équitable et tenir compte des préférences linguistiques des citoyens concernés par toute communication ou toute mesure gouvernementale. Il reste à vérifier comment cette politique de promotion de plusieurs langues de concrétise dans les faits.

4.1 Les langue de la législation et de la justice

Au Parlement, les députés s’expriment souvent en anglais, mais peuvent le faire théoriquement en shona et en ndébélé, ou en toute autre langue. Un système de traduction simultanée est à la disposition des parlementaires qui connaissent mal le shona ou le ndébélé. Cela dit, il faut connaître l’anglais pour siéger au Parlement, car les lois ne sont rédigées que dans cette langue et la traduction ne se fait que du shona ou du ndébélé vers l’anglais (et non l'inverse).

Les cours de justice de première instance se déroulent le plus souvent en anglais, mais le shona, le ndébélé, le venda, le kalanga et le tonga sont aussi employés. L'article 70 de la Constitution de 2013 déclare que toute personne arrêtée ou détenue sera informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de sa détention:
 

Article 70

Droits des accusés

1) Quiconque est accusé d'une infraction a les droits suivants :

(j) obtenir la procédure dans un procès à l'aide d'un interprète dans une langue qu'il comprend;

2) Lorsque le présent article exige qu'une information soit donnée à quelqu'un:

(a) celle-ci doit être transmise une langue qu'il comprend;

Cela ne signifie pas qu'un procès doive se dérouler dans la langue de l'accusé, mais quiconque est accusé d'un acte criminel a aussi l'autorisation de recourir gratuitement aux services d'un interprète s'il ne comprend pas la langue employée à son procès. C'est exactement ce que précise l'article 55 de la Loi sur la preuve civile (1992) au sujet des interprètes :
 

Article 55

Interprètes

1) Lorsqu'un témoin ne peut témoigner dans la langue dans laquelle la procédure est présentée, la partie qui l'appelle comme un témoin doit lui demander de lui fournir les services d'un interprète correctement qualifié, approuvé par le tribunal afin de traduire son témoignage dans cette langue.

De plus, selon l'article 17 de cette même loi, tous les documents écrits soumis au tribunal doivent être rédigés en anglais ou une traduction dûment certifiée :
 

Article 17

Traductions de documents

1) Sous réserve des paragraphes 2 et 3, là où il est nécessaire de présenter en preuve une traduction d'un document en anglais, la traduction doit être admissible comme production de pièces par une personne habilitée à produire le document original, si la traduction est accompagnée d'un document censée être une déclaration sous serment faite par cette personne qui déclare :

(a) qu'elle a effectué la traduction ; et

(b) que la traduction est une traduction exacte et précise du document au mieux de ses aptitudes ; et que la traduction est censée être exacte et fiable jusqu'à preuve du contraire.

2) Une partie qui désire produire une traduction d'un document en vertu du paragraphe 1 doit présenter une copie de la traduction sur chacune des autres parties à la procédure selon la forme et le temps exigés par les règlements de la cour.

 Toutefois, selon la Loi sur l'arbitrage (1996), la loi est plus souple dans un tribunal d'arbitrage, puisque les parties sont libres de s'entendre sur l'une ou l'autre des langues à utiliser. 
 

Article 22

Langue

1) Les parties sont libres de s'entendre sur l'une ou l'autre des langues à utiliser dans la procédure arbitrale. À défaut d'un accord, le tribunal arbitral doit déterminer l'une ou l'autre des langues à utiliser dans la procédure. Cet accord ou cette décision, sauf indication contraire à ce sujet, doit s'appliquer à toute déclaration écrite par une partie, lors d'une audience ou d'un jugement, d'une ordonnance ou de toute autre communication de la part du tribunal arbitral.

2) Le tribunal arbitral peut ordonner qu'une pièce justificative soit accompagnée d'une traduction dans la ou les langues convenues entre les parties ou choisies par le tribunal arbitral.

Plus la cour est de haute instance, plus l'anglais est exigé. Ainsi, l'article 177 de la même Constitution (2013) précise que la langue officielle de la Cour constitutionnelle, dernière instance d'appel au Zimbabwe, est l'anglais:
 

Article 177

Compétences des juges de la Cour constitutionnelle

1) Quiconque est qualifié pour être désigné juge de la Cour constitutionnelle s'il est citoyen zimbabwéen, est âgé d'au moins 40 ans et a une bonne connaissance du droit constitutionnel et, en plus, possède l'une des aptitudes suivantes :

(a) qu'il ait été juge d'un tribunal de juridiction en matière civile ou pénale dans un pays où la Common Law est de droit néerlandais de tradition romaniste ou anglais, et où l'anglais est une langue officiellement reconnue;

(b) qu'il ait été autorisé, pendant au moins douze ans, de façon continue ou non, à exercer en tant que praticien du droit:

(i) au Zimbabwe; ou
(ii) dans un pays où la Common Law est de droit néerlandais de tradition romaniste ou anglais, et où l'anglais est une langue officiellement reconnue, et qu'il est actuellement apte à exercer.

D'ailleurs, l'article 5 de la Loi sur le tribunal d'instance (1932 et 1995) ne laisse aucun doute sur l'emploi de l'anglais comme langue de la procédure: 
 

Article 5

Nature des tribunaux et de la procédure

2) Sous réserve de la présente loi et à l'exception de toute autre loi :

(a) la procédure dans tous les cas doivent être en anglais et être formulée en audience publique : pourvu que, dans toute question doit être amenée selon le droit coutumier, la procédure puisse être effectuée dans n'importe quel autre langue convenue par les parties et le juge qui préside;

(b) les comptes rendus de la procédure devant le tribunal doivent être conservés en anglais et être accessibles au public sous la supervision du greffier de la cour en tout moment opportun et moyennant le paiement des frais prescrits par la réglementation ;

(c) dans toutes les affaires pénales, les témoins remettent leur témoignage de vive voix.

L'article 179 de la Constitution reprend les mêmes dispositions pour les juges de la Haute Cour, du Tribunal du travail et du Tribunal administratif::
 

Article 179

Compétences des juges de la Haute Cour, du Tribunal du travail et du Tribunal administratif

1) Quiconque est admissible à une nomination en tant que juge de la Haute Cour, du Tribunal du travail ou du Tribunal administratif s'il est âgé d'au moins 40 ans et, de plus :

(a) est ou a été un juge d'un tribunal de juridiction en matière civile ou pénale dans un pays où la Common Law est de droit néerlandais de tradition romaniste ou anglais, et où l'anglais est une langue officiellement reconnue;

(b) qu'il ait été autorisé, pendant au moins sept ans, de façon continue ou non, à exercer en tant que praticien du droit:

(i) au Zimbabwe;
(ii) dans un pays où la Common Law est de droit néerlandais de tradition romaniste ou anglais, et où l'anglais est une langue officiellement reconnue;
(iii) s'il est un citoyen zimbabwéen, dans un pays où la Common Law est anglaise et où l'anglais est un officiellement reconnu; et qu'il est actuellement apte à exercer.

Cette disposition est conforme aussi à l'article 48 de la Loi sur la Haute Cour (1981 et 2001):
 

Article 49

Procédure en audience publique et en anglais

À l'exception des dispositions contraires prévues dans les règlements de la cour ou de tout autre texte, toute la procédure présentée devant la Haute Cour doit être formulée en audience publique et tous les actes de plaidoirie ainsi que la procédure doivent être en anglais.

Par ailleurs, les juges ne rendent leurs sentences qu’en anglais. Dans les cours d’appel du pays, seul l’anglais est permis, comme c'est la cas également pour la Cour suprême, en vertu de la  Loi sur la Cour suprême (1981):
 

Article 31

Procédure en audience publique et en anglais

À l'exception des dispositions contraires prévues dans les règlements de la cour ou de tout autre texte, toute la procédure présentée devant la Cour suprême doit être formulée en audience publique et tous les actes de plaidoirie ainsi que la procédure doivent être en anglais.

Comme on le constate, l'anglais, le shona, le ndébélé, le venda, le nambya, le shangaan, le kalanga, le southou et le tonga sont en principe permis, mais en pratique il faut recourir aux services d'un interprète, le juge ne connaissant que rarement d'autres langues que l'anglais, le shona et le ndébélé. Autrement dit, l'anglais est plus officiel que toutes les autres langues, alors que le shona et le ndébélé le sont davantage que les six autres. En réalité, le venda, le nambya, le shangaan, le kalanga, le southou et le tonga sont des langues de traduction.

4.2 Les langues de l'Administration

Dans l’Administration gouvernementale, l’anglais demeure sans rivale dans la mesure où c’est la langue de travail normale des fonctionnaires. Selon les régions, les employés doivent s’exprimer à la fois en anglais et en shona ou en anglais et en ndébélé, parfois en d'autres langues. Cette obligation ne vaut que pour les fonctionnaires attachés au ministère de la Santé et à celui de l’Agriculture. Dans les autres ministères, le bilinguisme ne constitue pas une obligation, mais simplement une pratique courante. D'ailleurs, selon l'article 24 de la Loi sur les conseils provinciaux et l'administration (1985), tout Conseil provincial doit produire un procès-verbal rédigé en anglais lors de toutes les délibérations du Conseil provincial, ce qui témoigne de la prééminence de l'anglais sur les autres langues:
 

Article 24

Procès-verbaux des conseils provinciaux

1) Le Conseil provincial doit produire un procès-verbal rédigé en anglais lors de toutes les délibérations du Conseil provincial et doit faire en sorte  de consigner les noms de tous les membres participant à une réunion ainsi que les noms des membres votant respectivement pour ou contre un sujet dont la décision entraîne un différend.

Il en est ainsi pour les conseils de district rural (Loi sur les conseils de district rural, 1988):
 

Article 51

Procès-verbal de la procédure

1) Le conseil de district doit produire un procès-verbal rédigé en anglais lors de toutes les délibérations du conseil et de ses comités, et doit faire en sorte de consigner les noms du président du conseil et de tous les conseillers participant à une réunion ainsi que les noms des conseillers votant respectivement pour ou contre un sujet dont la décision entraîne un différend.

En vertu de la Loi sur les réfugiés (1978), les document de voyage d'une personne réfugiés doivent être rédigés dans au moins l'une des deux langues suivantes, l'anglais ou le français:
 

ANNEXE II
DOCUMENT DE VOYAGE

Paragraphe 1

1. Le document de voyage visé à l'article 28 de la présente convention doit être similaire au modèle joint en annexe.

2. Le document doit être rédigé dans au moins deux langues, dont l'une doit être l'anglais ou le français.

ANNEXE
Spécimen du document de voyage

Le document doit être sous forme de brochure (environ 15 x 10 centimètres). Il est recommandé qu'il soit imprimé, sans aucun effacement ni altération par des produits chimiques ou d'autres moyens pouvant être facilement détectés et que l'expression «Convention du 28 juillet 1951» soit imprimé en répétition continue sur chaque page, dans la langue du pays émetteur.

En Afrique, si l'on fait exception de l'arabe et du portugais, les deux plus grandes langues officielles sur le continent africain sont l'anglais et le français.

Le Zimbabwe a créé un poste de médiateur, ce qu'on peut appeler aussi un «protecteur du citoyen». Or, d'après la Loi sur le médiateur (1982), pour occuper un tel poste, il faut savoir l'anglais:
 

Article 3

Compétences du médiateur et de l'adjoint

1)
Quiconque est qualifié pour la fonction de médiateur ou d'adjoint doit:

(a) être ou avoir été juge au Zimbabwe ou dans un tribunal ayant compétence de juridiction en matière civile ou pénale dans un pays où la Common Law est de droit néerlandais de tradition romaniste ou anglais et où l'anglais est une langue officielle; ou

(b) être ou avoir été pendant au moins sept ans, de façon continue ou non, autorisé à exercer en tant que praticien du droit:

(i) au Zimbabwe; ou
(ii) dans un pays où la Common Law est de droit néerlandais de tradition romaniste ou anglais et où l'anglais est une langue officielle; ou

Selon l'article 19 de la Loi sur la circulation routière (1976), tout permis de conduire doit être en anglais ou accompagné d'une traduction en anglais:
 

Article 19

Émission du permis de conduire aux titulaires de permis de conduire étranger et autorisation de conduite internationale

2) Toute requête en vertu du paragraphe 1 doit être faite selon la forme prescrite et doit être accompagnée :

(a) de la taxe prescrite, des documents et de photographies; et

(b) du permis de conduire étranger ou d'une autorisation de conduite internationale si le greffier l'exige, d'une traduction de son contenu en anglais.

Article 75

Greffier, agent de police, inspecteur et examinateur pouvant exiger la traduction de certaines permis

1) Le greffier, un agent de police, un inspecteur ou un examinateur peut, si un permis de conduire international ou un permis de conduire étranger est émis dans une autre langue que l'anglais, exiger que le titulaire du permis fournisse une traduction en anglais.

L'article 75 précise bien que, si un permis de conduire international ou un permis de conduire étranger est émis dans une autre langue que l'anglais, un agent de police ou un greffier peut exiger que le titulaire du permis fournisse une traduction en anglais.

4.3 Les langues de l'éducation

La législation zimbabwéenne ne rend pas obligatoire l'enseignement à l'école primaire, mais elle précise qu'il incombe aux parents de faire en sorte que leurs enfants fréquentent l'école primaire. Les élèves qui fréquentent les écoles primaires des zones rurales où vit la majorité de la population zimbabwéenne sont exemptés des frais de scolarité.

La Loi sur l'éducation de 1987 (2e partie, art. 4, par. 1 et 2), telle qu'elle a été modifiée en 1991, précise que chaque enfant au Zimbabwe a le droit à une éducation offerte dans une école et que l'accès à un établissement d'enseignement, quel qu'il soit, ne peut être refusé à un enfant pour des considérations de race, d'appartenance tribale, de couleur, de religion, de croyance, de lieu d'origine ou en raison de l'opinion politique ou du statut social de ses parents:
 

Article 4

Droit fondamental des enfants à l'éducation au Zimbabwe

1) Nonobstant toute disposition contraire dans une autre loi, mais sous réserve de la présente loi, chaque enfant au Zimbabwe a le droit à recevoir une éducation scolaire.

2) Sous réserve du paragraphe (5), aucun enfant au Zimbabwe ne doit :

(a) se voir refuser l'admission à une école; ni

(b) être victime de discrimination par l'imposition de lourdes conditions en ce qui concerne son admission dans une école; en raison de sa race, sa tribu, son lieu d'origine, son origine nationale ou ethnique, ses opinions politiques, la couleur de sa peau, sa religion ou son sexe.

- Les écoles primaires

Dans le domaine de l’éducation, la plupart des langues nationales sont utilisées à la maternelle, l’anglais n’étant enseigné que dans les grandes zones urbaines. Au premier cycle du primaire, les élèves apprennent normalement à lire et à écrire dans leur langue maternelle. Au cours de cette apprentissage, ils doivent tous s’initier au shona et au ndébélé. Dans les régions où sont parlées des langues minoritaires, le Ministre peut autoriser l'enseignement de ces langues dans des écoles primaires en plus de celles prévues par la loi (shona et ndébélé).

Au second cycle du primaire, l’anglais vient remplacer progressivement la langue maternelle, mais d’autres langues peuvent être enseignées (shona et ndébélé).  Bref, l'utilisation des langues maternelles est justifiée par l'article 63 de la Constitution qui reconnaît à toute personne le droit d'employer la langue maternelle de son choix, ce qui comprend l'école:
 

Article 63

Langue et culture

Toute personne a le droit :

(a) d'utiliser la langue de son choix ; et

(b) de participer à la vie culturelle de son choix, mais nul dans l'exercice de ces droits ne peut le faire de manière incompatible avec le présent chapitre.

D'après l'article 62 de la Loi sur l'éducation (1987), la politique officielle du gouvernement vise à dispenser aux élèves des trois premières années de l'école primaire un enseignement dans leur langue maternelle, plus spécifiquement le shona et le ndebele:

Article 62

Langues d'enseignement dans les écoles

1)
Sous réserve du présent article, les trois principales langues du Zimbabwe, c'est-à-dire le shona, le ndebele et l'anglais, doivent être enseignées dans toutes les écoles primaires dès la première année de la manière suivante :

(a) Le shona et l'anglais dans toutes les régions où la langue maternelle de la majorité des habitants est le shona; ou

(b) le ndebele et l'anglais dans toutes les régions où la langue maternelle de la majorité des habitants est le ndebele.

2) Avant la quatrième année, l'une des langues visées à l'alinéa a) ou b) du paragraphe 1 peut être utilisée comme langue d'enseignement, en fonction de la langue qui est la plus couramment parlée et la mieux comprise par les élèves.

3) À partir de la quatrième année, l'anglais est la langue d'enseignement: à la condition que le shona ou le ndebele soient enseignés comme des matières sur une base de répartition égale de temps avec la langue anglaise.

4) Dans les régions où il existe des langues minoritaires, le ministre peut autoriser l'enseignement de ces langues dans les écoles primaires, en plus de celles prévues aux paragraphes 1, 2 et 3.

Ça, c'est la théorie! La réalité est toute autre, car cette politique n'a pu être entièrement appliquée en raison d'obstacles financiers (absence des budgets), humains (manque d'enseignants et de personnes capables de rédiger les manuels nécessaires) et matériels (pénurie de manuels scolaires). Bref, il n'est pas toujours facile d'accorder des droits réels à toutes les minorités linguistiques du pays. Dans la plupart des cas, à l'exception du shona et du ndébélé, les difficultés viennent du fait que peu d'enseignants sont compétents dans ces langues et qu'il manque cruellement de manuels. Il faut dire aussi que, dans la plupart des écoles zimbabwéenne, les enseignants, appuyés en cela par les parents, préfèrent employer l'anglais dès la première année afin d'assurer la compétence de leurs élèves en anglais, lequel est considéré comme la langue du pouvoir et de l'économie. Dans les classes de shona ou de ndébélé, beaucoup d'enseignants utilisent l'anglais comme langue d'enseignement et permettent à leurs élèves (s'ils le préfèrent) de rédiger leurs travaux en anglais.

En somme, le bilinguisme officiel, ou le multilinguisme, préconisé par le gouvernement ne se traduit pas dans les faits, car le statut des langues africaine n'est pas identique à celui de la langue coloniale: l'anglais a acquis un prestige que n'ont pas les langues nationales. Au Zimbabwe, comme ailleurs en Afrique, les langues nationales n'ont pas été prises au sérieux comme langues d'enseignement dans les écoles. Trop d'accent a été mis sur la compétence en anglais qui, dans de nombreux cas, est présenté aux enfants dès le premier jour de l'école. De plus, la compétence de la langue maternelle diminue généralement au cours du primaire, car l'anglais tend à prendre toute la place, ce qui contribue à présenter une perception négative des langues indigènes du Zimbabwe. Bref, l’anglais, le shona et le ndébélé demeurent les trois véritables langues d’enseignement du Zimbabwe, mais les deux langues africaines semblent plus dévalorisées.

- Le secondaire et l'université

Lorsque les élèves parviennent au secondaire, l’anglais est devenu l’unique langue d’enseignement, sauf lorsque l’école oblige les élève à apprendre une langue étrangère supplémentaire.

Évidemment, l’anglais reste l’unique langue à l’université. Dans les université, seul l'anglais sert de véhicule d'enseignement. Ajoutons que l'Université du Zimbabwe a reçu la mission de lancer un projet de développer une terminologie technique pour les langues africaines et de fabriquer des dictionnaires.  Jusqu'ici, le projet a vu la publication du premier dictionnaire monolingue en shona et on en attend bientôt un autre en ndébélé. Il s'agit du projet ALLEX (African Languages and Literature Lexicography). Il faudrait que le gouvernement prévoit des sommes d'argent importantes pour le développement de dictionnaires, de matériel pédagogique et de programmes bilingues pour la formation des enseignants. Or, ce genre de dépenses n'est pas aisément disponible au Zimbabwe, et le processus de mise en œuvre peut prendre énormément de temps.

4.4 La vie économique et les médias

Dans la vie économique, l’anglais, le shona et le ndébélé se font concurrence. L’anglais est toujours la langue la plus prestigieuse, notamment dans l’affichage public et les raisons sociales. Mais le shona et le ndébélé conservent une place enviable dans la publicité commerciale, les modes d’emploi, l’étiquetage, etc. Mais aucune autre langue ne peut réellement rivaliser avec l'anglais, car même la législation favorise cette langue. Ainsi, l'article 66 de la Loi sur les assurances (1987) exige qu'un document soit rédigé en anglais ou accompagné d'une traduction :

Article 66

Le commissaire peut exiger une traduction en anglais

Le commissaire peut exiger de la part d'une personne qui lui remet, aux termes de la présente loi, une déclaration ou des documents dans une autre langue que l'anglais, de lui fournir une traduction de la déclaration, du certificat ou du document en anglais à ses frais.

Il est tout aussi clair que, d'après l'article 21 de la Loi sur les banques (1999), l'anglais est l'unique langue des affaires:
 

Article 21

Institution bancaire enregistrée devant afficher son nom

1) Toute institution bancaire enregistrée :

(a) doit afficher bien en évidence, en caractères facilement lisibles et en anglais, à l'entrée de chaque endroit au Zimbabwe où l'institution gère des opérations bancaires ; et

(b) doit afficher, en caractères facilement lisibles et en anglais, sur une lettre, une publicité ou toute autre communication publiée ou émise par ou au nom de l'institution, son nom ainsi qu'une déclaration du fait qu'elle est enregistrés, le cas échéant, comme banque commerciale, entreprise d'affaires, entreprise d'escompte ou société de crédit.

Article 61

Traductions de documents pouvant être exigées

Lorsque quelqu'un, aux fins de la présente loi, soumet une déclaration, un document ou toute autre information à la Banque de réserve ou au greffier dans une autre langue que l'anglais, la Banque de réserve ou le greffier, le cas échéant, peut ordonner de lui fournir, à ses frais, une traduction de la déclaration, du document ou de l'information et, jusqu'à ce que la personne concernée se conforme aux instructions, la déclaration, le document ou l'information sera considéré comme ne pas avoir été soumis aux dispositions de la présente loi.

Dans la Loi sur les compagnies (2003), il est précisé que les statuts des compagnies doivent être rédigés en anglais:
.

Article 19

Formulaire et signature des statuts

Les statuts doivent être en anglais et être imprimés comme suit:

(a) être divisés en paragraphes numérotés consécutivement; et

(b) être signés et datés par chaque signataire au protocole en présence d'au moins un témoin sous serment et avec chaque signature d'un signataire ou d'un témoin son nom complet, sa profession et son adresse résidentielle ou d'affaires doivent être écrits en caractères lisibles.

Il doit en être ainsi dans les prospectus émis par une société (art. 54), dans les livres comptables (art. 140), et dans les registres, index, procès-verbaux, livres de compte et tout autre document exigé (art. 338).

Les médias sont massivement anglophones au Zimbabwe. Presque toutes les stations de radiotélévision — un monopole d’État dans ce pays — ne diffusent qu’en anglais. Cependant, quelques petites stations locales émettent en shona et en ndébélé. Les médias écrits sont tous publiés en anglais, sauf un seul (le Kwayedza) en shona. Au Zimbabwe, plus de 70 % des citoyens vivent dans des zones rurales et un grand nombre d'adultes sont demeurés illettrés ou semi-alphabètes. 

Par ailleurs, et si étonnant que cela paraisse, beaucoup de Zimbabwéens peuvent lire en anglais et être analphabètes en shona. Lorsque le Kwayedza, le premier journal publié en shona, est apparu dans les kiosques à journaux, l'élite intellectuelle hésita à lui reconnaître la respectabilité dont elle avait gratifié les journaux anglophones. Après avoir démarré à 18 000 exemplaires, le Kwayedza atteint maintenant plus de 80 000 exemplaires et, selon une étude de marché, il totaliserait un lectorat 11,4 personnes par exemplaire.

En somme, trois langues sont largement utilisées au Zimbabwe: l'anglais, le shona et le ndébélé. L’anglais occupe une place à part dans les manifestions politiques, éducatives et administratives de l’État. Toutefois, le shona et le ndébélé émergent parmi toutes les langues nationales et semblent s’accaparer une place de plus en plus grande. Le cas est encore plus surprenant dans le cas du ndébélé parlé par 1,4 million de locuteurs. Quant au shona, avec 6,2 millions de locuteurs, on peut croire que sa prépondérance s’affirmera encore davantage dans les prochaines décennies.

De façon générale, on peut dire que la politique linguistique de cette ancienne colonie britannique semble plutôt prudente et réaliste, mais qu'elle ne laisse pas toute la place à laquelle auraient droit les deux grandes langues nationales (shona et ndébélé). Pour ce faire, il faudrait que ces langues soient largement utilisées dans les sphères du pouvoir (Parlement), de la justice et de l'éducation, au même titre que l'anglais. Il conviendrait alors que le statut de co-officialité soit égalitaire et qu'il se transpose dans les faits. Dès lors, les enseignants devraient recevoir une solide formation bilingue, ce qui n'est pas le cas. Les responsables gouvernementaux devraient prévoir des moyens financiers pour le développement des langues autochtones, notamment pour le travail de lexicographie, l'élaboration de grammaires, la traduction et la production de documents pédagogiques. Or, le Zimbabwe n'en est pas là. La promotion des langues nationales demeure encore un vœu pieux. Depuis le référendum de 2000, le Zimbabwe est plongé dans le chaos, alors que le pays souffre d'une inflation effrénée, de déficits chroniques et d'un haut taux de chômage. Le décès de l'ancien président Robert Mugabe va probablement changer la donne.

Dernière mise à jour: 19 déc. 2023
 

Bibliographie

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ENCYCLOPÉDIE MICROSOFT ENCARTA, 2004, art. «Zimbabwe», pour la partie historique.

GAUTHIER, François, Jacques LECLERC et Jacques MAURAIS. Langues et constitutions, Montréal/Paris, Office de la langue française / Conseil international de la langue française, 1993, 131 p.

KEMBO, J. «Language in Education and Language Learning» dans African Voices, Oxford, University Press, Ed. V. Webb & K. Sure, 2000, p. 286-311.

NATIONS UNIES. Quatrièmes rapports périodiques que les États parties devaient présenter en 1998 : Zimbabwe, 18/11/98. CERD/C/329/Add.1 (State Party Report), Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, Genève, Haut-Commissariat aux droits de l'homme, 20 octobre 1998.

THONDHLANA, Juliet. «Using Indigenous Languages for Teaching and Learning in Zimbabwe», dans Indigenous Languages Across the Community, Northern Arizona University, Edited by Barbara Burnaby and Jon Reyhner, 2002.

 

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