Nouvelle-Espagne

La Louisiane espagnole

(1762-1800)

Lecture préalable : la Louisiane française

La Louisiane devint espagnole lors du traité de Fontainebleau de 1762. Mais le traité de Paris de 1763 allait céder à l'Angleterre les territoires louisianais à l'est du Mississippi. La Louisiane espagnole sera celle située à l'ouest du Mississippi.

1 La déception des Louisianais

En octobre 1764, le gouverneur de la Louisiane, Jean-Jacques Blaise d'Abbadie (en fonction de 1763 à 1765), publia une lettre du roi Louis XV datée du 21 avril 1764, dans laquelle il était officiellement informé de la cession de la Louisiane à l'Espagne. On lui donnait l'ordre de livrer la Louisiane aux représentants de l'Espagne lorsqu'ils se présenteront. De plus, la lettre donnait des instructions pour le rapatriement des officiers, soldats et autres employés, qui ne voulaient pas demeurer sous une administration espagnole. Le roi de France concluait cette lettre par les mots suivants: «Espérant en outre qu'il plaira à Sa Majesté Catholique de donner à ses sujets de Louisiane la protection et les marques d'affection qu'ils ont reçues sous mon règne, et que les fortunes de la guerre n'ont pas permis l'accomplissement.»

Bien que les Espagnols envoyèrent de l'aide militaire en Louisiane dès 1762, l'administration de la colonie demeura française pour plus de quatre autres années. La Louisiane était devenue espagnol de jure, mais demeurait française de facto. Durant ce temps, les Louisianais développèrent une administration assez démocratique, proche des institutions républicaines américaines.

Pour les Espagnols qui héritaient de la Louisiane occidentale, le territoire constituait surtout une sorte de «bouclier» destiné à protéger (au sud) le cœur de la Nouvelle-Espagne (Mexique) des convoitises anglaise et américaine. Évidemment, les Louisianais français réagirent avec colère et stupéfaction en apprenant qu'ils avaient été «cédés» comme s'ils étaient de vulgaires «pièces d'Inde» (terme en vogue pour désigner le transport du bois d'ébène par bateau, puis celui des «esclaves noirs»). 

Les habitants de La Nouvelle-Orléans décidèrent d'envoyer une délégation à Versailles auprès du roi. Les représentants choisirent Jean Milhet, un riche négociant, pour supplier Louis XV de ne pas les abandonner et de renoncer à détacher la Louisiane de la mère patrie.

Milhet alla quérir Jean-Baptise Le Moyne de Bienville, alors âgé de 85 ans, avant de rencontrer le ministre du roi, le duc de Choiseul. Celui-ci accueillit le vieillard avec respect, écouta poliment les doléances de Milhet, mais ne put obtenir une audience auprès du roi, car Louis XV ne voulait pas récupérer une colonie qu'il n'avait pas les moyens de défendre ni de peupler. Il faut dire que, à l'époque, la Louisiane était assez mal perçue en France: elle ne représentait que de vastes marécages dans un paysage de misère et de désolation. Milhet reprit le bateau pour la Louisiane.  

2 Les débuts difficiles de la relève espagnole

Ce ne fut que le 5 mars 1766 que le premier gouverneur espagnol, Antonio de Ulloa y de la Torre (1766-1768), vint prendre possession de la colonie. Celui-ci jouissait d'une bonne réputation de mathématicien et d'astronome. Les Louisianais apprécièrent sa connaissance du français et connaissaient sa réputation d'éminent savant dans les milieux scientifiques. Comme le nouveau gouverneur ne disposait que de 79 soldats, il voulut intégrer dans son armée les 300 militaires français présents dans la colonie. Or, ceux-ci refusèrent catégoriquement de servir le roi d'Espagne.

De Ulloa décida qu'il n'administrerait pas la colonie ni en assumerait les frais s'il ne disposait pas d'une force capable  d'appuyer son autorité. Cependant, de Ulloa était un fonctionnaire méticuleux qui respectait aveuglément les règlements et exigeait de ses administrés une soumission similaire. Il était donc inévitable que des affrontements se produisent entre lui et les Louisianais, qui étaient habitués à un gouvernement plus laxiste.

Or, si les «Créoles louisianais» acceptaient d'être gouvernés par un Espagnol, ils voulaient être administrés par des Français. Le gouverneur instaura un étrange gouvernement bicéphale où il partageait les responsabilités avec Charles Aubry, le dernier gouverneur français qui disposait d'un contingent militaire important. Comme les Espagnols étaient peu nombreux sur le territoire, ils pratiquèrent un bilinguisme franco-espagnol inévitable, d'autant plus que l'Administration était restée française et que le français continuait d'être la langue quotidienne des habitants de la colonie. Les Espagnols estimèrent la population à quelque 18 000 habitants, dont de 6000 à 8000 Français, puis des «Créoles blancs» (Français nés en Louisiane); la population incluait les Métis ou Mulâtres, les Noirs libres, les esclaves et les Amérindiens sioux et cheyennes.

Le gouverneur Ulloa jeta vite la consternation dans toute la colonie, qui l'accusa de népotisme. Quand le roi Charles III d'Espagne voulut appliquer à la Louisiane les principes du pacte colonial espagnol en interdisant le commerce direct entre La Nouvelle-Orléans et les possessions françaises des Antilles, il suscita une rébellion générale en Louisiane. Les difficultés administratives furent telles que, le 28 octobre 1768, les habitants chassèrent Uloa qui dut quitter La Nouvelle-Orléans en abandonnant à Charles Aubry, le dernier fondé de pouvoirs sous le régime français, le soin d'administrer cette colonie rebelle jusqu'à ce que le roi d'Espagne envoie un autre gouverneur. 

Les Louisianais en profitèrent pour proclamer une république (1768-1769) appelée Louisiane libre. Ils envoyèrent encore une délégation à Versailles. Le duc de Choiseul, premier ministre du roi, plus heureux d'avoir annexé la Corse après la Lorraine que de se voir restituer la Louisiane, accorda une brève audience, puis refusa de conduire les «envoyés de la révolution» chez le roi. Tout à ses amours avec la comtesse du Barry, Louis XV ne voulut ni entendre parler de la Louisiane ni de ses turbulents habitants. Son bien-aimé cousin, le roi d'Espagne, n'avait qu'à prendre soin lui-même de son empire! 

La république prit fin le 24 juillet 1769, lorsque le général Alexandre O'Reilly, un Irlandais au service de l'Espagne, débarqua à La Nouvelle-Orléans, appuyé par une troupe imposante (près de 3000 soldats). Sa Majesté Catholique n'avait pas digéré qu'un groupe de Louisianais eût renvoyé comme un valet le plus savant des gouverneurs coloniaux de la Couronne d'Espagne. La révolte louisianaise eut pour effet d'envoyer au peloton d'exécution plusieurs de ses chefs, dont des Acadiens; mais ses malheureux «martyrs de la Louisiane» furent assez rapidement oubliés par la suite.

La Louisiane devint, pour les trente ans qui suivirent, une colonie espagnole à part entière, grâce en partie à des gouverneurs éclairés, habiles et généralement courageux. Mieux, ils réussirent à assurer à la Louisiane une paix et une prospérité qu'aucune administration française n'avait su lui procurer. Les autorités espagnoles avaient bien tenté d'introduire El Código de las Siete Partidas («Le Code des sept parties»), également connu comme le Libro de las Leyes («Le Livre des lois») d'Alphone X le Sage (roi de Castille de 1252 à 1284), et d'appliquer les Recopilacion de leyes de los reinos de las Indias («Recueil de lois des royaumes des Indes»), c'est-à-dire les lois et les coutumes espagnoles. Devant la forte résistance de la population française, l'Espagne finit par adopter un système de lois civiles avec un amalgame de lois et de coutumes à la fois espagnoles et françaises. En réalité, les Louisianais acceptèrent facilement d'être administrés «comme des Espagnols» pourvu qu'on les laissât vivre «comme des Français»!

3 L'ère des gouverneurs espagnols éclairés

Le nouveau gouverneur espagnol fut le colonel Luis de Unzaga y Amezaga (de 1769 à 1777). Il se présenta comme un conciliateur avisé et fut d'autant plus accepté qu'il épousa une Créole française. Unzaga comprit aussi qu'il était inutile d'hispaniser la colonie et ses habitants, à moins de faire venir plus de colons espagnols qu'il n'existait de Français dans la colonie. Or, les premiers colons espagnols vinrent des Caraïbes et s'intégrèrent rapidement au mode de vie des Louisianais au point qu'ils en adoptèrent la langue et se francisèrent. En moins d'une génération, la graphie de leur nom s'était tout aussi francisée. Soucieux de protéger néanmoins la langue de son pays, le gouverneur Luis de Unzaga inaugura en 1772 une école ouverte à tous ceux qui désiraient apprendre l'espagnol. Cet établissement reçut autant d'élèves espagnols que français. Progressivement, la Louisiane devint une société particulière issue d'une latinité franco-espagnole partagée entre Blancs, Noirs et Amérindiens, dont la langue commune restait le français.

À partir des années 1770, les Espagnols favorisèrent le commerce avec les Anglais du Nord. Des marchands américains s'installèrent graduellement à La Nouvelle-Orléans, tandis que des prêtres anglo-irlandais commencèrent à évangéliser et angliciser les Noirs. Ce fut le premier apport anglophone en Louisiane.

3.1 Les Acadiens

L'arrivée des Acadiens constitue un autre apport démographique en Louisiane. En effet, avait commencé en 1764 l'immigration acadienne à la suite du «Grand Dérangement» (ou déportation des Acadiens) de 1755. Quelque 12 617 Acadiens furent déportés, dont 3616 en Nouvelle-Angleterre (Connecticut, New-York, Maryland, Pennsylvanie, Caroline du Sud, Géorgie et Massachusetts), 3500 en France, 2000 au Québec, 2335 ailleurs en Acadie et 866 en Angleterre. À ce moment-là, seuls 300 Acadiens de la Nouvelle-Écosse se réfugièrent en Louisiane en ignorant qu'elle était entre-temps devenue espagnole (voir le tableau ci-dessous):

Lieu de déportation Nombre des Acadiens déportés
Connecticut
New-York
Maryland
Pennsylvanie
Caroline du Sud
Géorgie
Massachusetts
  666
  249
  810
  383
  280
  185
1 043
Rivière Saint-Jean
Île Saint-Jean
Baie des Chaleurs
Nouvelle-Écosse
    86
  300
  700
1 249
Québec 2 000
Angleterre    866
France 3 500
Louisiane    300
TOTAL 12 617

Source: R.A. LEBLANC. «Les migrations acadiennes», dans Cahiers de géographie du Québec, vol. 23, no 58, avril 1979, p. 99-124.

Cette immigration francophone se poursuivit au cours des années suivantes, car les Acadiens déportés en Angleterre, en France et dans les colonies américaines ont presque tous quitté leur «terre d'accueil», y compris ceux qui s'étaient réfugiés en France. D'ailleurs, le plus grand nombre est arrivé au cours de l'été et de l'automne de 1785 par sept bateaux en provenance du port de Nantes, sous contrôle espagnol. Ces 1600 exilés acadiens débarquèrent à La Nouvelle-Orléans pour aller s'installer le long du bayou (un bras secondaire de rivière en eaux peu profondes et stagnantes) Lafourche et dans les prairies du Sud-Ouest. Ils fondèrent plusieurs établissements tels que Saint-James, Lafourche et Saint-Gabriel d'Iberville. On peut consulter la carte de la Louisiane actuelle en cliquant ICI. Les Acadiens continuèrent d'immigrer en Louisiane; entre 1755 et 1785, plus de 3500 Acadiens prirent racine en Louisiane, une terre française devenue espagnole! Comme on le sait, beaucoup de ces Acadiens avaient simplement transité par l'Angleterre et les colonies anglaises où ils avaient dû affronter l'hostilité des populations locales. La seule colonie anglaise qui reçut les Acadiens avec un peu moins de réticences fut celle du Maryland, plus précisément la ville de Baltimore.

Quant aux Acadiens réfugiés en France, notamment à Saint-Malo, Morlaix, Cherbourg, Belle-île-en-Mer, La Rochelle, Rochefort, etc., les deux tiers d'entre eux quittèrent le pays, car ils n'avaient pu s'adapter à la vie européenne, plus policée et soumise à la rigidité administrative; les traditions, les valeurs et les attitudes des Français d'Europe avaient rendu très difficiles l'intégration des Acadiens qui constituaient déjà un nouveau peuple. D'ailleurs, à peine arrivés en France, beaucoup d'Acadiens partirent aussitôt pour d'autres colonies françaises comme la Martinique, la Guyane ou les îles de Saint-Pierre-et-Miquelon. Quelques familles partirent même pour les lointaines îles Malouines où vivent probablement encore aujourd'hui des descendants des Acadiens. Certaines familles acadiennes (1600 Acadiens) se sont réfugiées dans la Louisiane espagnole après avoir vécu une trentaine d'années sur le sol français!

Puis l'Espagne remplaça un grand nombre de missionnaires français par des capucins espagnols. Par la suite, les documents et registres publics des paroisses furent généralement rédigés en espagnol. Des noms de famille acadiens, orthographiés au son, prirent une consonance espagnole: par exemple, un Pierre-Antoine Dupuy et un Joseph-Michel Hébert deviendront Pedro-Antonio Dubuy et Jose-Miguel Ébert. D'autres noms acadiens furent traduits du français à l'espagnol: Jean-Charles LeBlanc deviendra Juan-Carlos Blanco. 

3.2 Les Français

À cette immigration importante de francophones d'origine acadienne s'ajouta un apport encore plus grand constitué, d'une part, de colons français royalistes fuyant la Révolution française et, d'autre part, de Créoles blancs fuyant la révolution de Toussaint L'Ouverture à Saint-Domingue (aujourd'hui Haïti). Les Créoles blancs se sont surtout établis à La Nouvelle-Orléans et Saint-Martinville, ce qui, de façon générale, augmenta le prestige du français. C'est pourquoi, à partir de 1773, la Couronne espagnole établit des écoles de langue espagnole dans le but de favoriser l'assimilation des colons français, mais ce fut un échec. 

En 1777, le gouverneur Bernardo de Gálvez y Gallardo (1720 à 1787) succéda à Unzaga. Aussitôt en poste, il s'attira d'emblée la sympathie des Louisianais en épousant la belle-sœur d'Unzaga, Félicité de Saint-Maxent, également la fille d'un notable français. Sa connaissance du français, appris à Pau (France) entre 1772 et 1775, dans les Pyrénées, se révéla très utile comme gouverneur de la Louisiane. Entre 1778 et 1780, Gálvez fit venir 1522 colons espagnols des îles Canaries et de la province espagnole de Málaga. Ceux-ci s'installèrent, avec des Acadiens qui les avaient précédés, sur les bords des bayous Teche et Lafourche ; ils s'intégrèrent rapidement et devinrent des francophones. Gálvez mena une politique anti-britannique en prenant des mesures contre la contrebande anglaise et en favorisant les échanges commerciaux avec la France.

Le 4 juillet 1776, les colonies anglaises proclamèrent la Déclaration d'indépendance, ce qui équivalait à une déclaration de guerre contre l'Angleterre. Gálvez prit position pour les «rebelles»; il leur fournit des armes et captura tous les postes britanniques à l'ouest de la Floride. Il accepta que des volontaires louisianais s'enrôlent dans l'armée espagnole pour combattre avec les insurgés.

Le gouverneur Gálvez fut couvert d'honneurs par l'Espagne en raison de ses victoires militaires sur les Britanniques; il fut promu lieutenant général, gouverneur et capitaine général de la Louisiane et de la Floride, puis commandant du corps expéditionnaire espagnol en Amérique avec les titres de vicomte de Gálveztown et comte de Gálvez. Le gouverneur fut rappelé en Espagne en 1783 et devint vice-roi de la Nouvelle-Espagne en 1785. Gálvez fut l'un des plus illustres Espagnols de son temps.
 

De son côté, dès 1777, le marquis de La Fayette (1757-1834) avait pris une part active à la guerre de l'Indépendance américaine (1774-1783) aux côtés des insurgés; il contribua à la victoire décisive de Yorktown. Il avait équipé à ses frais un vaisseau de guerre et était venu à Philadelphie offrir ses services «désintéressés».

Bien que très lié avec Benjamin Franklin, il fut surtout le compagnon de campagne de George Washington. Convaincu qu'il était possible de rallier les Canadiens, La Fayette proposa à Washington d'envahir la «province de Québec» sous les auspices de la France (celle-ci avait massé des troupes aux États-Unis d'environ 8000 hommes afin de soutenir les Américains contre les Britanniques); mais Washington, qui craignait de redonner à la jeune république américaine un voisin gênant, n'acquiesça pas au projet; il proposa une expédition à La Fayette à partir du lac Champlain, mais il s'organisa pour faire échouer l'entreprise en ne fournissant aucun moyen de ravitaillement au cœur de l'hiver.

Soulignons que l'effort militaire de la France a été plus grand pour aider les États-Unis à conquérir leur indépendance que pour permettre au Canada de demeurer français. Frédéric de Prusse avait vu juste sur les intentions de la France, comme  en témoigne cette lettre (un extrait) adressée à son ambassadeur à Paris:

On se trompe fort en admettant qu'il est de la politique de la France de ne point se mêler de la guerre des colonies. Son premier intérêt demande toujours d'affaiblir la puissance britannique partout où elle peut, et rien n'y saurait contribuer plus promptement que de lui faire perdre ses colonies en Amérique. Peut-être même serait-ce le moment de reconquérir le Canada. L'occasion est si favorable qu'elle n'a été ne le sera peut-être dans trois siècles.

Toutefois, cette aide accordée aux États-Unis aura un prix élevé, soit plus d'un milliard de livres tournois, ce qui dégrada sévèrement les finances fragiles de la France et aura pour effet de précipiter la France dans la Révolution et la chute de la monarchie.

3.3 Les Acadiens et les Américains

Esteban Rodriguez Miró y Sabater (de 1782 à 1792), qui succéda à Gálvez , continua l'œuvre de ses prédécesseurs. Il avait épousé une Louisianaise d'origine allemande du nom de Céleste MacCarthy. Lui aussi s'attira la sympathie des Louisianais. C'est sous son règne qu'arriva le plus grand nombre d'Acadiens, qu'ils soient venus des colonies anglaises, de Saint-Domingue ou de France. Cependant, il dut se résoudre à appliquer le traité de Paris de 1783, signé entre la France, l'Espagne et la Grande-Bretagne, qui adjugeait la partie orientale de la Louisiane, celle qui était limitée à l'est par la Virginie et la Caroline du Nord et bordée par le Mississipi à l'ouest. En 1788, le feu détruisit 865 édifices de La Nouvelle-Orléans. Esteban Miró fit reconstruire la ville dans le style espagnol, sauf la vieille église Saint-Louis qui conserva son allure française d'origine. 

Lorsque Francois-Louis Hector, baron de Carondelet (de 1792 à 1797), un Français naturalisé espagnol, devint gouverneur de la Louisiane, il ne put s'opposer à de nouvelles pénétrations d'Américains, qui entraînèrent des modifications d'ordre social, d'autant plus qu'ils furent suivis de prêtres anglo-irlandais, lesquels eurent la responsabilité de plusieurs paroisses. Les Irlandais catholiques réussirent à angliciser toutes les paroisses où ils s'étaient installés (Pensacola, Mobile, Manchac, Bâton-Rouge, Natchez, Feliciana, etc.).

En 1795, l'Espagne céda à la France la «partie espagnole» de Saint-Domingue, ce qui favorisa un autre mouvement migratoire espagnol en Louisiane. Néanmoins, les Américains avaient réussi à imposer leur hégémonie commerciale sur La Nouvelle-Orléans. On peut consulter la liste de tous les gouverneurs espagnols (1766-1803) en Louisiane en cliquant ICI, s.v.p.

4 La rétrocession de la Louisiane à la France

Après la victoire de Maringo (le 14 juin 1800), le général Bonaparte força Charles IV d'Espagne à rétrocéder la Louisiane contre la Toscane et Parme en Italie et, le 1er octobre, le traité de Saint-Ildefonse (huit articles) rendit la Louisiane à la France dans ses frontières originelles:

Article 1er

La République française s'engage à procurer en Italie à S.A.R. l'Infant duc de Parme, un agrandissement de territoire qui porte ses États à une population d'un million à douze cent mille habitants, avec le titre de roi, et tous les droits, prérogatives et prééminences qui sont attachés à la dignité royale, et la République française s'engage à obtenir, à cet effet, l'agrément de Sa majesté l'Empereur et Roi, et celui des autres États intéressés, de manière que S.A. l'Infant duc de Parme puisse sans contestation être mise en possession desdits territoires à la paix à intervenir entre la République française et Sa Majesté Impériale.

Article 2

L'agrandissement à donner à S.A.R. le duc de Parme pourra consister dans la Toscane, dans le cas où les négociations actuelles du Gouvernement français avec sa Majesté Impériale lui permettraient d'en disposer. Il pourrait également consister, soit dans les trois légations romaines, ou dans toutes autres Provinces continentales d'Italie, formant un État arrondi.

Article 3

Sa majesté Catholique promet et s'engage, de son côté, à rétrocéder à la République française, six mois après l'exécution pleine et entière des conditions et stipulations ci-dessus relatives à S.A.R. le duc de Parme, la colonie ou Province de la Louisiane, avec la même étendue qu'elle a actuellement entre les mains de l'Espagne, et qu'elle avait lorsque la France la possédait, et telle qu'elle doit être d'après les traités passés subséquemment entre l'Espagne et d'autres États.

Article 4

Sa Majesté Catholique donnera les ordres nécessaires pour faire occuper par la France la Louisiane au moment où les États qui devront former l'agrandissement du duc de Parme seront remis entre les mains de S.A.R. La République française pourra, selon ses convenances, différer la prise de possession. Quand celle-ci devra s'effectuer, les États, directement ou indirectement intéressés, conviendront des conditions ultérieures que pourront exiger les intérêts communs et celui des habitants respectifs.

[...]

Le traité franco-espagnol fut conclu en secret et il était prévu que «la République française pourra différer la prise de possession» (art. 4). C'était, semble-t-il, une précaution bien nécessaire tant que durait la guerre avec les Britanniques, car il semblait très possible que ces derniers puissent s'emparer de La Nouvelle-Orléans redevenue française. Voir la carte de la Louisiane au moment de la rétrocession à la France en cliquant ICI, s.v.p. La France conserva sa colonie durant trois ans pour la vendre ensuite aux États-Unis pour 15 millions de dollars, une somme qui apparaît aujourd'hui dérisoire, mais cette somme représenterait au XXIe siècle près de 400 milliards de dollars, si l'on extrapole le pourcentage du PIB. Il s'agissait donc d'une somme énorme.

Dernière mise à jour: 19 déc. 2023

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