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Baloutchistan(Pakistan) |
Province du Baloutchistan |
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Le Baloutchistan (ou Balouchistan) fait partie de l’une des quatre provinces de la République islamique du Pakistan. Cette province de 347,190 km², équivalant à l'Allemagne (Pakistan: 803 940 km²), soit 44 % de la superficie du pays, est située à l'ouest du pays. Le Panjab est borné au sud par la province de Sind, à l’est par la province du Panjab, à l'ouest par l'Afghanistan (voir la carte). Sa capitale est Quetta. |
Le Pakistan forme une république fédérale islamique divisée en quatre provinces avec chacune son Chief Minister («ministre en chef») et son assemblée législative: le Baloutchistan (frontière sud-ouest avec l’Iran et l’Afghanistan), la province de la Frontière du Nord-Ouest («North-West Frontier»: à la frontière nord-ouest avec l’Afghanistan), le Panjab (frontière nord-est avec l’Inde) et le Sind (frontière sud-est avec la mer d’Oman et l’Inde). Dans les faits, le Sind a été transformé en un cantonnement militaire par le gouvernement fédéral. Les militaires se comportent comme s’ils occupaient un territoire ennemi, avec cette différence que, tous les jours, ils humilient, torturent et tuent des civils innocents.
La province du Baloutchistan compte une population de près de 12 millions d'habitants, qui correspondent approximativement à 5 % de la population pakistanaise. Les Baloutches forment moins de 60 % de la population, alors que les Pachtounes (env. 20 %) et les Brahouis (moins de 20 %) constituent d'importantes minorités dans la province, les Panjabis et les Persans, 8 %.
Les Baloutches, concentrés dans le Sud, parlent en principe le baloutchi, mais beaucoup de Baloutches parlent le saraiki, le pachtou ou le sindhi. Les Pachtounes, dans le Nord et la capitale (Quetta), parlent le pachtou, ainsi que les Pathans; les Brahouis, dans les districts de Kalat et de Mastung, parlent le brahoui. On compte aussi des minorités de langue hazara et sindhi. Le brahoui est une langue dravidienne, mais toutes les autres langues sont d'origine indo-iranienne. La baloutchi, pour sa part, appartient à la branche des langues iraniennes et est apparenté à des langues comme le persan, le kurde, le pachtou et l'ossète. Il ne possède aucune affinité avec les langues indiennes, sauf le fait qu'il s'agit d'une langue de la famille indo-européenne.
Le baloutchi est la langue majoritaire — sans statut officiel — de la
province du Baloutchistan, mais cette langue est parlée également dans la
province du Panjab, dans le sud de l'Afghanistan, en Iran, au Turkménistan et en Inde. On
distingue le baloutchi occidental
(Baloutchistan, Afghanistan et Turkménistan), le
baloutchi oriental (Baloutchistan
et Panjab) et le baloutchi
méridional (Baloutchistan , Afghanistan et sultanat d'Oman), pour un total de
quelque 5,6 millions de locuteurs.
Chacune de ces variantes est elle-même fragmentée en de multiples dialectes locaux (voir la carte de gauche):
Ces dialectes ont emprunté de nombreux mots à des langues comme le persan, la pachtou, l'arabe et le turkmène. Le baloutchi s'écrit avec l'alphabet arabo-persan connu au Pakistan comme l'alphabet shahmukhi. |
Étant donné que le Pakistan est aux prises avec de multiples tensions sécessionnistes découlant des nombreuses ethnies composant le pays, la tâche principale des gouvernements pakistanais, par ailleurs souvent contrôlés par les Ourdous, les Sindhis et les Panjabis, a toujours été de promouvoir l’unité nationale constamment menacée. C’est pour cette raison que l’ourdou a été choisi comme instrument de l’unité nationale, d’autant plus que cette langue jouissait d’un grand prestige (avec l’hindi), qui lui venait de son statut en Inde, et possédait une tradition écrite très développée. En fait, l’ourdou était déjà, au moment de la partition (avec l’Inde), une langue supra-ethnique et un véhicule linguistique perfectionné et développé.
En 1947, il était impensable de songer à un multilinguisme officiel au Pakistan étant donné le grand nombre de langues alors qu’aucune n’était majoritaire à l’échelle du pays. De plus, il était impossible de «venir à bout» des langues nationales parlées par des millions de locuteurs. La solution la plus sage a semblé de conserver l’anglais comme langue officielle, statut dont cette langue s’était fort bien acquitté jusque là. C’est pourquoi la Constitution fédérale de 1973, suspendue puis restaurée en 1985 (puis suspendue à nouveau en 2001), semble permettre le multilinguisme. En effet, l’article 28 déclare ce qui suit:
Article 28 Preservation of language, script and culture. Subject to Article 251 any section of citizens having a distinct language, script or culture shall have the right to preserve and promote the same and subject to law, establish institutions for that purpose. |
Article 28 Préservation de la langue, de l'écriture et de la culture Sous réserve de l'article 251, tout groupe de citoyens ayant une langue, une écriture ou une culture distinctes a le droit de les préserver et d'en faire la promotion et, sous réserve de la loi, de fonder des établissements à ces fins. |
Cependant, deux langues seulement sont prévues pour être utilisées à des fins officielles au plan national: l’ourdou, parlé par seulement 7,5 % de la population, et l’anglais, la langue de l’ancien colonisateur. Autrement dit, de toutes les langues nationales du pays, c’est l’ourdou qui a été choisi à des fins officielles. Ainsi, on peut lire à l’article 251:
Article 251 National language. 1) The National language
of Pakistan is Urdu, and arrangements shall be made for its being used for
official and other purposes within fifteen years from the commencing day. |
Article 251 Langue nationale 1) La langue nationale du Pakistan est l'ourdou, et des dispositions seront prises pour qu'elle soit utilisée aux fins officielles et à d'autres fins dans les quinze années qui suivent la date de la promulgation. 2) Sous réserve du paragraphe 1, la langue anglaise pourra être utilisée à des fins officielles jusqu'à ce que les dispositions nécessaires aient été prises pour qu'elle soit remplacée par l'ourdou. 3) Sans qu'il ne soit porté atteinte au statut de la langue nationale, une assemblée provinciale peut, par une loi, prendre des dispositions pour enseigner, promouvoir et utiliser une langue provinciale en plus de la langue nationale. |
On constate que le paragraphe 3 laisse entendre qu’il est possible de rendre co-officielle une autre langue en plus de l’ourdou dans une province. Pour le moment, seule la province du Sind dans le Sud-Est a pu se prévaloir de cette disposition, puisque l’ourdou et le sindhi sont les langues co-officielles de cet État. Dans les autres provinces, l’ourdou est demeuré la seule langue officielle, bien que l’anglais ait conservé un statut non officiel plutôt enviable.
La langue officielle du Baloutchistan est l'ourdou, bien qu'il ne soit parlé, comme langue maternelle, que par une minorité de 4,5 %. Lors que le Parlement provincial n'est pas suspendu, deux langues sont généralement utilisées: l'ourdou (écrit) et le baloutchi (oral). Les lois sont discutées en baloutchi, mais rédigées en ourdou, sinon en anglais.
L'un des rares textes juridiques faisant allusion à la langue est l'Ordonnance sur le gouvernement local du Balutchistan (2001). L'article 41 énonce que l'administration locale peut «encourager les langues nationales et régionales», sans n'en mentionner aucune en particulier. Les articles 52 et 55 mentionnent l'ourdou, ou toute autre langue locale, qui peut être employé dans les marchés ou abattoirs publics:
Balochistan Local Government Ordinance, 2001 Article 41. Culture. (b) provide and maintain public halls and community centres; (c) celebrate national occasions; (d) encourage national and regional languages; Article 52. Prohibition of keeping market
or slaughter-house open without license, etc. |
Ordonnance sur le gouvernement local du Baloutchistan, 2001 Article 41 Culture (a)
établir et maintenir centres
d'information pour la poursuite de l'éducation civique et la
diffusion de l'information sur des questions telles que le
développement communautaire et d'autres questions d'intérêt
public; (c) célébrer des événements nationaux; (d) encourager les langues nationales et régionales;
Article 52
Article 55 2) Lorsqu'un permis d'ouvrir un marché ou un abattoir privé est accordé, refusé, suspendu ou annulé, l'administration locale concernée doit signifier un avis de l'attribution, du refus, de la suspension ou de l'annulation pour être à être apposé en ourdou et dans une autre langue ou les langues jugés nécessaires, dans des endroits visibles tout près de l'entrée à laquelle se rapporte l'avis. |
Dans les tribunaux, l’ourdou et l’anglais sont les langues les plus couramment employées, mais en cas de force majeure (une personne ne parlant pas l’ourdou ou l'anglais), on a recours aux autres langues de la province au moyen d'interprètes ou de traducteurs. Les documents judiciaires écrits préparés par la cour sont toujours en ourdou.
Dans l’administration publique provinciale, les communications orales se déroulent généralement ourdou, mais aussi en panjabi. Les missives officielles destinées à l’ensemble de la population sont en ourdou (très rarement en panjabi). Cette situation prévaut dans dans les services municipaux et les hôpitaux. L'emploi d'une autre langue (même sans la nommer), n'est pas interdit, comme en fait foi cette ordonnance de 1958 encore en vigueur au sujet des femmes employées dans les maternités:
Dans le domaine de l'éducation, la situation apparaît plutôt médiocre, car les habitants de la province du Baloutchistan sont très dispersés, plus des trois quarts résidant dans de petits villages éloignés les uns des autres, sans route pavée, sans électricité ni téléphone. À cela s'ajoute une gestion financière déficiente et un détournement généralisé des fonds publics. Par ailleurs, les filles sont deux fois moins scolarisés que les garçons, sinon bien davantage dans les campagnes (jusqu'à dix fois). De plus, plus de 60 % des enseignants n'ont aucune formation professionnelle et en général, ils ne possèdent qu'une formation minimale pour enseigner l'écriture et la langue ourdoue.
Dans la province du Baloutchistan, le baloutchi n'est pas enseigné, car c'est l'ourdou qui sert de langue d'enseignement. Pourtant, l'article 251-c de la Constitution pakistanaise prévoit qu'il est possible d'enseigner, en plus de l'ourdou, une autre langue locale: «Sans qu'il ne soit porté atteinte au statut de la langue nationale, une assemblée provinciale peut, par une loi, prendre des dispositions pour enseigner, promouvoir et utiliser une langue provinciale en plus de la langue nationale.» Au début des années quatre-vingt-dix, des nationalistes du Baloutchistan ont tenté d'instaurer le baloutchi comme langue d'enseignement au primaire dans les régions où cette langue était parlée. Cependant, le manque d'enseignants qualifiés et les conflits idéologiques sur les questions d'orthographe ont miné le projet. De plus, le projet s'est heurté à l'hostilité de la population qui considérait le baloutchi comme langue rurale et arriérée devant l'ourdou, le persan ou l'anglais. Dans les quelques universités de la province, seul l'ourdou et l'anglais servent de langue d'enseignement. Seule l'Université du Baloutchistan à Quetta, la capitale provinciale, offre des cours de langue et de littérature baloutche.
En fait, le baloutchi demeure une langue pour les communications informelles. Dans les mosquées, l'arabe est la langue de la récitation et de l'adoration, tandis que les prêches des imans sont donnés normalement en baloutchi pour des fins de compréhension dans les communautés locales.
La situation est différente dans les médias électroniques, surtout à la radio. Les stations de radio diffusent des émissions quotidiennes en baloutchi, mais les émissions télévisées sont plus rares dans cette langue, l'ourdou ayant tendance à dominer. Il existe quelques magazines en baloutchi, mais en général les journaux sont en ourdou ou en anglais.
Comme ailleurs au Pakistan, l’ethnie ourdoue a exercé un rôle politique prépondérant depuis l'indépendance (1947). Il en a découlé une expansion considérable de l’ourdou comme langue nationale au point où même l’anglais a reculé. De toutes les langues du Pakistan, seul l’ourdou a progressé et plusieurs langues nationales – baloutchi, pachtou, panjabi, saraiki – ont été délaissées, particulièrement dans l’écriture. Dans la province du Baloutchistan, la langue numériquement la plus importante, le baloutchi, a été reléguée aux communications informelles et privées. Il n'existe aucun statut à l'égard du baloutchi, pas plus que pour le brahoui ou le pachtou. Les timides efforts de valorisation du baloutchi semblent dérisoires dans la mesure où ils sont nettement insuffisants pour assurer sa promotion et son utilité dans les fonctions de prestige.
Bref, la politique d'assimilation du gouvernement fédéral semble avoir réussi également dans la province du Baloutchistan. Depuis que le Pakistan existe, l'État fédéral a violé à maintes reprises les droits des citoyens, à plus forte raison lorsqu’ils sont minoritaires. Il n'a pas réussi ni désiré les protéger. Les groupes de défense des droits des communautés officiellement désignées comme «minorités» sont privés de leurs droits les plus élémentaires. Au Baloutchistan, la langue principale n'est pas encore menacée de disparition, mais elle possède tous les attributs pour y arriver.
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