(Drapeau non officiel)

Île Mayotte

Département français d'outre-mer

(France)

Capitale: Mamoudzou
Population: 345 000 (2024)
Langue officielle: français
Groupe majoritaire: mahorais ou
shimaoré (64,4 %)
Langue coloniale: français
Groupes minoritaires: malgache bushi (22,1 %), swahili (3,1 %), français (0,5 %), makondé (0,6 %), créole (0,1 %), malais, arabe, goujarati.
Système politique: statut de collectivité d'outre-mer départementale (française)
Articles constitutionnels (langue):
art. 2 et 75-1 de la Constitution de 1992 de la République française
Lois linguistiques:
Loi n° 75-620 du 11 juillet 1975 relative à l'éducation (loi Haby); Loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur; Loi d'orientation n° 89-486 du 10 juillet 1989 sur l'éducation (loi Jospin); Décret n° 93-535 du 27 mars 1993 portant approbation du cahier des missions et des charges de la Société nationale de radiodiffusion et de télévision française pour l'outre-mer (RFO); Loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française (1994); Code de l'éducation (2000); Loi d'orientation pour l'Outre Mer (2000); Loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école (loi Fillon).

1 Données géographiques

L’île Mayotte, surnommée «l’île aux Parfums», est située dans l'océan Indien, à quelque 400 km au nord-ouest de l’île de Madagascar et à 300 km des côtes africaines, à l’entrée du canal de Mozambique (voir la carte de l'océan Indien). Mayotte fait partie de l'archipel des Comores avec les îles de la Grande-Comore, de Mohéli et  d’Anjouan (voir la carte des îles). Cependant, alors que Mayotte constitue un département français d'outre-mer (DOM-TOM), les trois autres îles appartiennent à la République islamique des Comores.

Mayotte constitue un archipel 375 km²) en soi: elle est composée de deux îles principales, la Grande Terre (360 km²), d'environ 40 km de long et 20 km de large, et la Petite-Terre (13 km²), ainsi que d’une vingtaine d’îlots épars dans le lagon (voir la carte). Mayotte est éloignée de La Réunion (département français) par quelque 1500 km de mer.

La Grande Terre a la forme d'un hippocampe (voir la carte) qui est devenu le symbole de l'île. La capitale, Mamoudzou, est dans cette île. La Petite Terre comprend l'îlot de Pamandzi et le rocher de Dzaoudzi, reliés par une digue surnommée le «boulevard des Crabes». Le chef-lieu est Dzaoudzi.

Selon la tradition, le nom de Mayotte proviendrait d’un mot arabe, maouti, désignant la mort; il semble que de nombreux navires se seraient fracassés sur la barrière de corail qui protège l'île. Mayotte est une terre africaine, musulmane et française, un curieux mélange.

Mayotte n'a pas de drapeau spécifique officiel, sinon le drapeau français. Cependant, le Conseil général de l'île a adopté, le 23 juillet 1982, les armoiries de la collectivité départementale. Les couleurs des armoiries (ci-dessus) rappellent les couleurs du drapeau national français; le croissant symbolise l'islam; les deux petites fleurs, des fleurs d'ylang, rappellent la flore de l'île. La silhouette de l'île est rappelée par les deux hippocampes. Les mots «Ra hachiri» en mahorais signifient en français: «Nous sommes vigilants.»

De plus, l'île de Mayotte, en tant que département d’outre-mer, fait partie de l'Union européenne et constitue plus précisément une «région ultrapériphérique» de l'Europe, une RUP. Une RUP est un territoire d'un pays membre de l'Union européenne situé en dehors du continent européen. À ce titre, Mayotte bénéficie de «mesures spécifiques qui adaptent le droit communautaire en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières de ces régions.

2  Données démolinguistiques

La population, qui était estimée à près de 346 000 habitants en 2024, représente un certain brassage ethnique. On y trouve des Austronésiens, des Noirs, des Blancs appelés M'Zungu (sing.) et Wazungu (plur.) , des Indiens, des Métis et des Arabes. Le tableau ci-dessous présente la liste des 17 communes de Mayotte pour l'année 2017, d'après l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE): 

Commune Population (2017) Pourcentage Langue principale
16 Acoua   5 384 2,0 % malgache sakalava
15 Bandraboua 14 211 5,4 % mahorais shindzuani
6 Bandrelé 10 529 4,0 % mahorais + malgache sakalava
8 Bouéni   6 503 2,4 % mahorais shimaoré
12 Chiconi   8 616 3,2 % malgache sakalava
9 Chirongui   9 197 3,4 % mahorais + malgache antalotsi
5 Dembéni 16 116 6,1 % mahorais shindzuani
3 Dzaoudzi 18 237 6,9 % langues diverses
7 Kani-Kéli   5 716 2,1 % malgache sakalava
1 Koungou 32 752 12,4 % mahorais shindzuani
2 Mamoudzou 72 974 27,7 % langues diverses
17 Mtsamboro   8 025 3,0 % malgache sakalava
14 M'Tsangamouji   6 586 2,5 % mahorais + malgache
11 Ouangani 10 393 3,9 % malgache antalotsi
4 Pamandzi 11 802 4,4 % langues diverses
10 Sada 11 619 4,4 % mahorais shimaoré
13 Tsingoni 14 235 5,4 % mahorais shingazidja + mahorais shimaoré
  Total Mayotte (2017) 262 895 100 % -

La grande majorité des habitants de Mayotte — appelés «Mahorais» — sont d'origine comorienne ou malgache, et de religion musulmane sunnite, mais fortement influencés par la culture française. Mayotte a, faits historiques découlant de sa proximité géographique, eu beaucoup plus d'échanges avec les rivages malgaches que les autres îles des Comores.

Par conséquent, les principales communautés ethniques sont les Comoriens, les Malgaches, les Noirs d'origine mozambicaine (Makouas et Makondés) et, en raison de la colonisation, les Européens.

Groupe ethnique

Langue maternelle Affiliation linguistique Population Pourcentage
Mahorais mahorais (maoré) langue bantoue 223 000 64,4 %
Malgache bushi bushi (malgache) famille austronésienne   87 000 25,1 %
Swahili swahili langue bantoue   11 000 3,1 %
Makhuwa-Meetto (Makoua) makoua famille nigéro-congolaise     3 400 0,9 %
Malgache antalotsi malgache antalotsi famille austronésienne     2 900 0,8 %
Makondé makondé famille nigéro-congolaise     2 100 0,6 %
Français français langue romane     1 900 0,5 %
Autres - -   14 500 4,1 %
Total     345 000 (2024) 100 %

2.1 Les Mahorais comoriens

Les Mahorais d'origine comorienne forment l’ethnie principale avec 65 % de la population. Ils sont originaires de l'archipel des Comores, la majorité étant de Mayotte, mais les insulaires d'Anjouan, de la Grande-Comore et de Mohéli sont aussi présents.

Tous les Comoriens habitant Mayotte parlent le mahorais ou l'une de ses variétés, c'est-à-dire le shimaoré, le shindzuani ou le shingazidja (voir la carte). Le shimaoré est le mahorais propre à l'île de Mayotte, alors que le shindzuani est la variété d'Anjouan et le shingazidja, celle de la Grande-Comore. Si le shimaoré et le shindzuani sont aisément compréhensibles, ce n'est pas le cas avec le shingazidja de la Grande-Comore, qui présente de grandes différences avec les deux premières langues. Mayotte et Anjouan furent occupées apparemment plus tardivement, car les deux îles se différencient de l'ensemble des Comores par une évolution linguistique spécifique.

Ces langues comoriennes dérivent toutes du swahili; elles appartiennent donc à la famille bantoue, plus précisément au sous-groupe du bantou oriental, lequel comprend également le swahili. D’ailleurs, la plupart des langues parlées dans le sud de l’Afrique appartiennent à cette même famille, ce qui inclut forcément les langues comoriennes (voir la carte). On peut consulter une description sommaire de la langue swahilie en cliquant ICI, s.v.p. Le foyer originel des langues de ce groupe serait situé au Kenya; par la suite, chacune d’elles évolua différemment au gré des mouvements migratoires entre le continent et les îles comoriennes. À partir de la colonisation française, les langues comoriennes et le swahili se sont  différenciés progressivement au point où l’intercompréhension est devenue impossible. Aujourd'hui, la majorité de la population de Mayotte (64,4 %) parle le mahorais comme langue maternelle. Un petit nombre (3,1 %) parle le swahili.

2.2 Les Malgaches comoriens

Les Malgaches forment la minorité la plus importante (26,1 %). Mayotte et Madagascar ont entretenu des relations commerciales dès le Xe siècle; durant tout le Moyen Âge, Mayotte constitua un point de contact avec la culture malgache très différente par rapport aux îles comoriennes. En raison de sa proximité géographique, Mayotte eut beaucoup plus d'échanges avec les populations malgaches que les autres îles comoriennes. Les Français firent aussi appel aux Malgaches pour peupler Mayotte.

Aujourd'hui, Mayotte compte deux minorités malgaches: les Sakalava et les Antalotsi. Les Sakalava sont les plus nombreux avec 25% de la population de l'île. Cependant, ils ne constituent pas vraiment un peuple homogène, mais plutôt un ensemble de communautés ethniques diverses réparties un peu partout dans l'île (voir la carte). Ils parlent le sakalava que les Mahorais appellent kibushi (kibouchi), shibushi ou simplement bushi.

Quant aux Antalotes, ils étaient aux aussi originaires de Madagascar, mais la conquête du roi malgache Radama Ier entraina en 1835 une migration assez importante de ces populations vers Mayotte à la suite du roi Andriantsoly. Les Antalotes parlent le malgache antalotsi, lequel n'est plus parlé à Madagascar. La plupart des Malgaches antalotes résident dans les communes de Chirongui (n° 9) et d'Ouangani (n° 11). C'est la seule langue malgache implantée hors de Madagascar.

Quoi qu'il en soit, les malgachophones comoriens parlent ce que les Mahorais appellent le «malgache de Mayotte». Ils sont dispersés sur l'ensemble de l'île dans une dizaine de communes sur 17 (voir la carte); ils parlent généralement le mahorais et\ou le français comme langue seconde; le malgache fait partie des langues de la famille austronésienne.

2.3 Les langues nigéro-congolaises

Pour leur part, de nombreux Noirs d'origine africaine (Makoua et Makondés) parlent des langues nigéro-congolaise, dont le makua (0,9 %) ou le makondé (0,6 %). Ils utilisent entre eux le swahili, mais connaissent aussi le mahorais, parfois le français.

2.4 Les autres langues

Les Blancs ou Wazungu ne parlent généralement que le français comme langue maternelle (0,5 %); ce sont en principe les seuls unilingues francophones de l'île. On compte aussi une toute petite minorité de Métis créolophones descendant des Noirs ou des Blancs originaires de l’archipel des Mascareignes, mais surtout de l'île de La Réunion. On compte aussi de petites minorités syriennes (avec l'arabe), malaises (avec le malais) et indiennes (avec le goujarati).

Selon une enquête de 2019 du gouvernement français, 81% des habitants de Mayotte maîtrisent le mahorais ou le bushi, mais 94% des natifs de Mayotte parlent le mahorais ou le bushi et 75%, le français. Du fait qu'une grande partie de la population est étrangère, le mahorais sert de langue véhiculaire. On peut donc croire que les immigrants qui arrivent de l’étranger passent par une phase de mahorais, et ce, d'autant plus que la plupart parlent l'anjouanais, une langue comorienne de l'île Anjouan.

2.5 Les immigrants

On sait que les conditions de vie à Mayotte, bien supérieures au reste des Comores, entraînent déjà une immigration clandestine très importante, notamment en provenance des Comores. Avec la départementalisation de 2011 et l’accès à de nouvelles prestations sociales, la tentation de l’émigration vers Mayotte risquait d'être encore plus forte.

Mayotte compte théoriquement 345 000 habitants, mais au moins 100 000 personnes, sinon bien davantage, y vivraient illégalement, compte tenu d'une très forte immigration clandestine. En fait, l'île est submergée par une immigration en provenance des Comores, surtout d'Anjouan. Chaque année, entre 22 000 et 25 000 personnes sont introduites clandestinement à travers les 70 kilomètres de mer qui séparent Anjouan, l’île principale de l’archipel des Comores, et Mayotte; ces immigrants utilisent généralement de frêles embarcations appelées kwassa kwassa. Déjà en mars 2018, la population immigrante totale (légale et clandestine) était estimée à 45 % de la population adulte de l’île. On estime que 95 % des étrangers sont de nationalité comorienne, d'abord d'Anjouan, puis de Grande-Comore et de Mohéli.

Un enfant né à Mayotte de parents étrangers peut, comme dans toute la France, obtenir la nationalité française à ses 18 ans (ou à partir de ses 13 ans si ses parents en font la demande) s’il a vécu au moins cinq ans sur le territoire français depuis ses 11 ans. Mais, depuis la législation sur l'asile et l'immigration de 2018, il doit en plus justifier qu’au moins un de ses parents a résidé en France de manière régulière avec un titre de séjour plus de trois mois à la date de sa naissance. En janvier 2023, le gouvernement français avait annoncé sa volonté d’allonger ce délai à un an.

Toutefois, mis sous pression par les nombreuses manifestations de citoyens, le gouvernement a finalement décidé d’aller beaucoup plus loin en proposant une suppression pure et simple du droit du sol à Mayotte, de sorte qu'il ne soit plus possible de devenir français si l’on n’est pas soi-même enfant de parent français. Le ministère de l'Intérieur estimait que cela «couperait l’attractivité» de l’île pour les candidats à l’immigration, issus notamment des Comores voisines.

2.6 Les religions

La très grande majorité des habitants de l’île pratique l’islam sunnite (97,1 %); il ne reste que 2,9 % de chrétiens (Blancs et Métis). En raison de l’importance de l’islam, Mayotte possède deux systèmes de lois dont l’un est en français, l’autre en arabe classique: d’une part, le droit pénal français et, d’autre part, le droit comorien traditionnel islamique qui comprend le droit foncier et le droit civil. Ce sont les cadis, des juges musulmans exerçant des fonctions civiles et religieuses, qui appliquent le droit comorien. Les citoyens de Mayotte peuvent choisir le droit commun français, mais en ce cas ils doivent renoncer à la polygamie autorisée par le droit comorien.

3 Données historiques

L’histoire de Mayotte est inséparable de celle de l’archipel des Comores dont elle fait géographiquement partie (mais pas politiquement). Le premier peuplement de l'archipel s'est produit dans la seconde moitié du premier millénaire à partir de l'Afrique bantoue (moitié sud). Entre le VIIIe et le XIIe siècle, des Austronésiens, qui contribuèrent au peuplement de l’île de Madagascar, sont passés par les Comores, mais ne s’y sont pas établis.

3.1  L’islamisation des Comores

Puis, au XIIe siècle, les Arabo-Shiraziens — le terme Shiraz désigne le golfe Persique —, des groupes islamisés métissés (Arabes et Iraniens), accompagnés de leurs esclaves, arrivèrent aux Comores et introduisirent la religion musulmane. L’islamisation s’imposa dans toutes les Comores; la première mosquée de pierre fut construite à Mayotte en 1566 dans la ville de Chingoni (qui s'appelle maintenant Tsingoni). Puis, les alliances politiques et matrimoniales des Arabo-Shiraziens avec les chefs comoriens entraînèrent un changement de l'organisation politique et la création de sultanats.

Vers le XVIIIe siècle, des Arabes originaires du Yémen, se déclarant les descendants du prophète, s'allièrent aussi aux familles comoriennes nobles et contribuèrent ainsi à l'établissement de nouveaux lignages matrimoniaux, surtout à la Grande-Comore et à l’île d’Anjouan. C’est de cette époque que datent les documents écrits et les manuscrits en langue arabe, en swahili ou en comorien, le tout  présenté avec l'alphabet arabe.

3.2  Les Malgaches et l’esclavage

C’est également au cours du XVIe siècle qu’un grand nombre de Malgaches sakalava s’établirent dans le sud de Mayotte. Dès cette période, coexistèrent dans l’île un peuplement arabo-shirazi au nord et un peuplement sakalava au sud, le tout sur fond d’origine africaine. C’est ce qui explique pourquoi les habitants de nombreux villages comoriens parlent encore aujourd'hui une langue malgache, notamment à Mayotte avec le sakalava et l’antalaotsi; ces langues appartiennent à la famille austronésienne. Le malgache appartient donc au groupe malayo-polynésien de type occidental. Les ancêtres des Malgaches seraient à la fois d’origine malayo-indonésienne (des Malaysiens et des Indonésiens) et d’Afrique orientale (des Bantous originaires de la Tanzanie et du Mozambique actuels). À partir du milieu du XVIIIe siècle, les quatre îles des Comores furent victimes de razzias organisées par des pirates malgaches. Ces incursions affaiblirent les îles et poussèrent les sultans locaux à rechercher la protection des grandes puissances de l’époque: la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne.

Entre le XVIe et le XIXe siècle, comme ce fut le cas un peu partout dans l’océan Indien et aux Antilles, l'archipel des Comores fut le théâtre du commerce des esclaves. Déjà, au XIIe siècle, les Arabo-Shiraziens pratiquaient l’esclavage et c’est d’ailleurs avec leurs esclaves qu’ils arrivèrent aux Comores. Cette colonisation entraîna l’islamisation des Comores. Plus tard, les Européens allèrent chercher leur main-d’œuvre sur la côte est du continent africain, notamment chez les Africains d’origine bantoue et les Malgaches.

En 1843, les esclaves devaient être quelque 1500 individus sur une population de 3300 habitants; ils représentaient une part non négligeable de la population de l’île. Les esclaves pouvaient être des travailleurs agricoles, des domestiques, des marins, des militaires, etc., sans oublier les esclaves sexuels féminins. 

Au moment de l’abolition de l'esclavage, le nombre des esclaves dut être revu à la hausse, soit 2733 esclaves. L’esclavage fut aboli à Mayotte par ordonnance royale du 9 décembre 1846, mais sa promulgation sur l’île s’est faite le 1er juillet 1847. L’esclavage fut immédiatement supprimé à Mayotte, mais pas dans les trois autres îles de l’archipel parce qu'elles n'étaient pas encore des possessions françaises. L'ordonnance du roi Louis-Philippe était une suite du traité de cession de l'île du 25 avril 1841. Dans ce traité, il était prévu une disposition «considérant que l'extinction de l'esclavage à Mayotte est une des premières conséquences de l'occupation de cette île».

Dans le décret d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848, l’article 3 mentionnait «l’île Mayotte et dépendances» au nombre des colonies concernées:

Article 3

Les gouverneurs ou commissaires généraux de la République sont chargés d'appliquer l'ensemble des mesures propres à assurer la liberté à la Martinique, à la Guadeloupe, à 1'île de La Réunion, à la Guyane, au Sénégal et autres établissements français de la côte occidentale d'Afrique, à l'île Mayotte et dépendances et en Algérie.

Après l'abolition officielle de l'esclavage, l'île Mayotte devint «le Far West des Réunionnais déclassés» qui s'y installèrent et introduisirent le système des plantations coloniales en faisant appel à des travailleurs «engagés». En fait, les besoins de la main-d'œuvre prirent simplement la forme d'un trafic d'engagés indiens et chinois sur les plantations. Certains historiens affirment même que les Réunionnais blancs immigrés à Mayotte poursuivirent l'esclavage sous la forme de l'engagement. Il n'est donc pas surprenant que les Réunionnais aient pris une part active à la lutte pour que Mayotte reste française en 1974-1975.

3.3 Le protectorat français

L'intervention de la France dans les Comores (et à Mayotte) commença au milieu du XIXe siècle, alors que les quatre îles des Comores furent le théâtre de nombreuses guerres entre sultans locaux, ce qui leur valut le surnom d'«îles des Sultans batailleurs». Fatigué des guerres incessantes qui ravageaient son pays, le sultan Adrian Tsouli céda Mayotte à la France en échange d'une aide militaire et... d'une rente annuelle de 1000 piastres (ou 5000 francs à l'époque) et l'éducation de ses enfants à La Réunion aux frais du gouvernement français.

Dans le cadre du traité du 25 avril 1841, l'île passa juridiquement sous le protectorat français. En réalité, la marine française avait besoin d'un port important dans l'entrée du canal de Mozambique et le traité de 1841, présenté comme un banal traité commercial, était une vente forcée. C'était pour la France une question de stratégie: il fallait occuper le plus de territoires afin d'empêcher les Anglais et les Allemands de les acquérir. Le roi Louis-Philippe entérina cette acquisition en 1843. À ce moment, la composition de la population mahoraise pouvait s'établir comme suit: 500 Mahorais (1/6 de la population), 600 Malgaches sakalava, 700 Arabes et 1500 esclaves venus d'Afrique noire (environ 50% : ce sont des «makoa» venus essentiellement du Mozambique).

Toutefois, les rivalités franco-britanniques dans l'océan Indien firent en sorte que les trois autres îles de l'archipel des Comores (Grande-Comore, Mohéli et Anjouan) demeurèrent plus ou moins indépendantes, bien que l'ensemble de l'archipel fût placé, cinq années plus tard, sous l'autorité du gouvernement colonial de Mayotte. L'ensemble de l'archipel (Grande-Comore, Mohéli, Anjouan), sauf Mayotte qui restait une colonie, tomba sous le protectorat français en 1886, soit après la Conférence de Berlin (1885) qui accordait l'archipel à la France. Par la suite, tous les traités furent imposés par la France aux sultans locaux qui n'ont jamais eu le choix de résister. Le protectorat dura jusqu'en 1892, alors qu'il laissa place un peu plus tard à la colonie de «Mayotte et dépendances» rattachée par la loi du 25 juillet 1912 à l'île de Madagascar.

Entre-temps, Mayotte s'était pratiquement vidée de ses habitants (de 1846 à 1886) par des décennies de pillages, ainsi que par l'exode des anciens maîtres et d'une partie de leurs esclaves. L'administration de ce protectorat français mit tout en œuvre pour repeupler l'île, en faisant appel d'abord les Mahorais réfugiés dans les autres îles comoriennes et à Madagascar. Or, le régime du protectorat supposait que la puissance coloniale envoyait un «résident» parlant uniquement français auprès des autorités locales et qu'il ne s'occupait en principe que de la politique extérieure. En fait, les «résidents» s'emparèrent progressivement du pouvoir, imposèrent la langue française et laissèrent les colons français déposséder entièrement les paysans de leurs terres, afin que ceux-ci vinssent se faire employer dans les plantations coloniales. Toutefois, l'hégémonie française sur les Comores devait entraîner la rivalité franco-germano-britannique dans la région.

En 1890, un accord de partage intervint entre la France et la Grande-Bretagne: les Anglais obtenaient l'île de Zanzibar (Tanzanie) en imposant l'anglais; les Français conservaient les Comores et Madagascar en imposant le français. Le rattachement juridique des trois autres îles à Mayotte s'effectua en 1904. Il fut suivi, le 9 avril 1908, d'un second décret rattachant officieusement Mayotte et ses dépendances à Madagascar. En 1912, le gouvernement français se résolut à coloniser le reste des Comores, afin de surveiller les «pratiques douteuses» des «résidents» et des colons. La loi d'annexion du 25 juillet 1912 ne fit que confirmer ces décrets alors que Madagascar et les Comores (Ajouan, Mohéli, la Grande-Comore et Mayotte) devinrent une seule colonie française.

Après deux révoltes importantes (l'une en 1915 à la Grande-Comore, l'autre en 1940 à Anjouan), les Comores obtinrent en 1946 une autonomie administrative et la ville de Dzaoudzi fut choisie comme capitale du nouveau territoire. Ensuite, l'archipel devint autonome en 1946 et l'Assemblée territoriale des Comores choisit en 1958 le statut de territoire français d'outre-mer (TOM).

Cependant, à Mayotte, 85 % des gens préférèrent, lors d'un référendum, le statut de département français d'outre-mer (DOM). Les Mahorais auraient développé certaines rancœurs contre les anciens sultans d'Anjouan et contre les Arabes comoriens. Dans les faits, les Comores ne furent jamais traitées comme les autres territoires d'outre-mer, mais toujours comme une colonie.

En 1974, à l'issue d'un référendum, les îles d'Anjouan, de Mohéli et de la Grande-Comore optèrent pour l'indépendance à 95 %, alors que les habitants de Mayotte choisirent à plus de 60 % de rester des «citoyens français». Le 6 juillet 1975, le président Ahmed Abdallah proclama à Moroni l'indépendance des quatre îles formant ainsi l'État des Comores. Quelques mois plus tard, le 12 novembre 1975, l’Organisation des Nations unies (ONU) admit le jeune État comme le 143e membre de l’organisation par la résolution 3385; cette même résolution réaffirmait «la nécessité de respecter l’unité et l’intégrité territoriale de l’archipel des Comores, composé des îles d’Anjouan, de la Grande Comore, de Mayotte et de Mohéli».

3.4 Le statut de collectivité territoriale française

En février 1976, lors d'un référendum, la population de Mayotte se prononça avec une très large majorité (99 %) pour son maintien dans l'ensemble français avec le statut de «collectivité spéciale» qui lui fut accordé. La République fédérale islamique des Comores fut proclamée le 1er octobre 1978. Les nombreuses résolutions de l'ONU ont toujours dénoncé l'attitude de la France dans le dossier de Mayotte.

Quant aux Mahorais de l'île Mayotte, il semble bien qu'ils ne désiraient pas être soumis à un État comorien suspecté de vouloir les exploiter. Il faut dire que, à la suite de l'indépendance, les Comores connurent une succession de régimes et de coups d'État (dont le renversement du «père de l'indépendance», le président Ahmed Abdallah), dans lesquels des mercenaires français ont souvent joué un rôle essentiel. Sur la base de l'article 72 de la Constitution française, les habitants de Mayotte purent bénéficier du statut de collectivité territoriale et ils furent administrés par un préfet nommé par la République.

Après que l’Union des Comores ait obtenu son indépendance en 1975, alors que Mayotte avait voté pour rester française, des conflits diplomatiques ont incité la France à imposer des contrôles d’immigration plus restrictifs. Cette situation, combinée à la fois à un niveau de vie plus élevé à Mayotte, poussa de nombreux migrants comoriens à faire appel aux services de passeurs pour rejoindre Mayotte. L'île devint également tout aussi attractive pour les réfugiés malgaches et centrafricains.

Une nouvelle loi adoptée le 22 décembre 1979 stipule que «l'île de Mayotte fait partie de la République française et ne peut cesser d'y appartenir sans le consentement de sa population». Néanmoins, la République islamique des Comores a continué de revendiquer le territoire de Mayotte. D'ailleurs, le statut de collectivité territoriale avait été accordé à l'île de façon provisoire. De plus, le 2 décembre 1982, l'ONU adoptait une résolution en faveur du retour de Mayotte aux Comores: 110 États votèrent pour la résolution, la France vota contre (une seule voix) et 22 États s'abstinrent. Les Mahorais devaient être consultés afin de redéfinir l'avenir constitutionnel de leur île. Dans le reste des Comores, malgré l'indépendance, la vie politique continua d'être très influencée par la France, quand ce n'est pas par l'Afrique du Sud.

Mais la France hésita pendant plus de vingt-cinq ans à accorder un statut définitif à Mayotte, et ce, pour deux raisons. D'abord, parce que la départementalisation risquait de coûter très cher à l'État, compte tenu du BNB qui se maintenait bien en-deçà de celui de la France. Le second obstacle était d'ordre juridique dans la mesure où il apparaissait fort complexe de faire entrer dans le droit commun français une société de structure musulmane. N'oublions pas, par exemple, qu'à Mayotte l'état civil était géré par des cadis, des juges de paix musulmans souvent illettrés, que la polygamie est restée une pratique courante, que la loi restreignait l'héritage des femmes à la moitié de celui dévolu aux hommes, que les noms de famille étaient pratiquement inexistants, que le Code civil était en arabe, etc. Dans ces conditions, la départementalisation définitive de Mayotte était perçue probablement comme un casse-tête politique et juridique. Et il y avait toujours la résolution de l'ONU contre la position de la France!

En 1990, lors de son voyage aux Comores, le président François Mitterrand admit l'injustice commise à l'encontre des Comores dans l'affaire de Mayotte; il promit de tout mettre en œuvre pour parvenir à un règlement progressif de ce contentieux. Le 13 juin, le président prononçait à Moroni (Grande-Comore) ces paroles au sujet de la langue française:

Je pense que nous devons, vous et nous, contribuer au développement de la langue française, sans nuire en rien à la culture ou plutôt à la pluriculture qui relève tout simplement de votre passé historique et de vos traditions aux langues que vous parlez, qu'il ne faut pas abandonner et qu'il ne faut pas négliger parce que vous en tirez une large part de votre richesse profonde.

Et cependant il y a aujourd'hui quelques grands courants qui dominent les échanges économiques et culturels; et parmi eux, le français. Et même s'il s'agit des peuples peu nombreux de l'océan Indien, ce sont des peuples qui couvrent par leur souveraineté de larges étendues et qui se trouvent être, comme sont les Comores, dans ce détroit qui sont un passage obligé, qui fréquentent le reste du monde beaucoup plus qu'on ne le croit, qui se sont frottés au monde extérieur à travers les siècles si j'en juge en particulier par la composition de votre population et par la diversité de vos langages et même de votre langage comorien où nous remarquions, le président Djohar et moi-même, il y a quelques instants, que l'on y trouvait des consonances arabes, portugaises, anglaises, que sais-je encore ?

Quelque temps plus tard, c’est l'ancien premier ministre, Michel Rocard qui, dans une conférence à l’American University de Washington, en présence de diplomates africains, reconnut qu’«au regard du droit international, l’administration de Mayotte par la France est illégale». En fait, l'ONU considère qu'il est nécessaire de respecter l’unité et l’intégrité territoriale de l’archipel des Comores, et que l’accession des Comores à l’indépendance devrait être considérée sur une base globale et non île par île (voir la résolution du 19 janvier 1994 adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies).

En 1998, le gouvernement français ouvrit deux groupes de réflexion, l'un à Mayotte, l'autre à Paris, avec l'ensemble des représentants de la société mahoraise. Des ententes furent conclues lors d’un accord signé à Paris, le 27 janvier 2000, par les trois partis politiques représentés au Conseil général de Mayotte (le Mouvement populaire mahorais, le Rassemblement pour la République et le Parti socialiste) et par le gouvernement français. Par la loi n° 2000-391 du 9 mai 2000, «l'accord sur l'avenir de Mayotte» fut soumis, le 2 juillet 2000, à la consultation de la population. Les Mahorais participèrent massivement à cette consultation et se prononcèrent à 72,94 % en faveur du OUI. Ce résultat semblait exprimer la volonté des Mahorais d'ancrer plus fermement leur avenir au sein de la République française et leur attente d'un développement durable.

3.5 La départementalisation de Mayotte

Sous Nicolas Sarkozy, le 29 mars 2009, le projet de loi sur la départementalisation de Mayotte fut soumis à référendum auprès des Mahorais. Ce statut de département d’outre-mer (DOM) visait, à partir de 2011, «l’ancrage définitif» dans la France de Mayotte, qui deviendrait ainsi une «région ultrapériphérique» de l’Union européenne. Dans une rare unanimité, tous les partis politiques représentés au conseil général, présidé par l'Union pour un mouvement populaire (UMP), ont appelé à voter OUI. La question à laquelle les électeurs devaient répondre était la suivante: «Approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée "département", régie par l'article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues aux départements et aux régions d'outre-mer?» Selon les résultats officiels transmis par la préfecture, le OUI l’a emporté avec 95,2 % des suffrages exprimés (41 160 voix), contre 4,7 % (2055 voix) au NON. Si le président de la France à cette époque, Nicolas Sarkozy, s'est félicité de ce «moment historique pour Mayotte et pour les Mahorais», le président de l'Union des Comores, Ahmed Abdallah Sambi, considérait que la consultation était «nulle et non avenue».

À la suite du référendum du 29 mars 2009, Mayotte a obtenu officiellement, le 31 mars 2011, le statut de département et devenait ainsi le 101e département français et le 5e DOM. En février précédent, l'Union africaine avait condamné la consultation et exigé «l'arrêt immédiat du processus». Publié le 25 février, un rapport du bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU rappelait que «toute tentative visant à détruire [...] l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations unies».

Pour Ahmed Attoumani Douchina (UMP), président du conseil général de Mayotte:

Il faut arrêter de faire croire que c’est la France qui a choisi de rester ici contre le gré des Mahorais. Ce sont eux qui ont fait ce choix, librement.»

Cependant, en affirmant que les Mahorais faisaient librement leur choix, c'était oublier aussi les manipulations diverses de la part de la France qui étouffait les voix indépendantistes de façon à éliminer le plus possible les objections et masquer les ratés du système.

La départementalisation fut considérée comme l'ultime étape de la séparation d'avec les Comores. Effectivement, au plan international, la départementalisation empêche encore davantage la revendication théorique des Comores sur l'archipel de Mayotte, puisqu'elle fait maintenant pleinement partie du territoire de la République française. Toutefois, ce nouveau statut ne fait pas entrer automatiquement le 101e département dans la catégorie des régions ultrapériphériques, c'est-à-dire comme partie intégrante de l'Union européenne, car Mayotte devra en faire une demande spécifique pour ce genre d'intégration. Pour l'instant Mayotte reste dans la catégorie des «Pays et territoires d'outre-mer» (POM), qui sont des territoires dépendants d'un État membre de l'Union européenne, sans faire partie de cette celle-ci.

La Loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre mer modifiait le statut de Mayotte, dans la perspective de son éventuelle transformation en département d'outre-mer. Le chapitre Ier de la loi témoigne de la transformation de Mayotte en département d’outre-mer, qui a fait l’objet d’une forte demande de la part de la population mahoraise.

CHAPITRE Ier : Dispositions générales

Article LO6111-1

Mayotte comprend la Grande-Terre, la Petite-Terre, ainsi que les autres îles et îlots situés dans le récif les entourant.

Mayotte fait partie de la République. Elle ne peut cesser d’y appartenir sans le consentement de sa population.

Elle constitue une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution qui prend le nom de : "collectivité départementale de Mayotte".

La collectivité départementale de Mayotte s’administre librement par ses élus et par la voie du référendum local, dans les conditions prévues par le présent code.

La République garantit la libre administration de Mayotte et le respect de ses intérêts propres, en tenant compte de ses spécificités géographiques et historiques.

Article LO6111-2

À compter de la première réunion qui suit son renouvellement en 2008, le conseil général de Mayotte peut, à la majorité absolue de ses membres et au scrutin public, adopter une résolution portant sur la modification du statut de Mayotte et son accession au régime de département et région d’outre-mer défini à l’article 73 de la Constitution.

Cette résolution est publiée au Journal officiel de la République française et transmise au premier ministre, au président de l’Assemblée nationale et au président du Sénat par le président du conseil général dans le mois qui suit son adoption. Elle peut faire l’objet d’un débat dans chaque assemblée, dans les conditions définies à l’article 48 de la Constitution.

Article LO6111-3

Mayotte est représentée au Parlement et au Conseil économique et social dans les conditions définies par les lois organiques.

Mayotte devait exercer les mêmes compétences que les quatre départements et régions d’Outre Mer reconnus (la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion), alors que le droit y est applicable de la même façon. Toutefois, il fallait des adaptations pour Mayotte, dont la religion musulmane y est implantée depuis le XVe siècle et occupe une place majeure dans l’organisation de la société mahoraise.

- Les adaptations

Selon le ministère chargé de l'Outre Mer, le droit coutumier inspiré du droit musulman et des coutumes africaines et malgaches s’applique aux Mahorais ayant conservé leur statut personnel, comme le permet l’article 75 de la Constitution française. La loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte maintient l’existence de ce statut civil de droit local et précise les possibilités de renoncer à ce statut au profit du statut civil de droit commun. Le statut personnel, statut de droit civil, concerne essentiellement les droits de la personne et de la famille, ainsi que les droits patrimoniaux. Dans ces domaines, les Mahorais ayant conservé leur statut personnel sont donc soumis à des règles particulières : polygamie, possibilité de répudiation de la femme par le mari, inégalités des sexes en matière de droit successoral, etc. La société mahoraise traditionnelle fonctionne sur les principes de la prééminence du groupe sur l’individu, de la matrilinéarité (filiation définie dans la lignée maternelle) et de la matrilocalité (résidence de la famille chez la mère).

- Le gouvernement local

Le gouvernement de Mayotte comprend un conseil général de 19 membres élus au suffrage universel et un pouvoir exécutif constitué d'un préfet (nommé par le Conseil des ministres français), d’un député à l'Assemblée nationale et d’un sénateur. L'île Mayotte est divisée en 19 cantons et 17 communes. Chacune est administrée par un conseil municipal présidé par un maire élu au suffrage universel. Les délibérations sont soumises à l'approbation du représentant du gouvernement. Un tribunal de première instance, un tribunal supérieur d'appel et un tribunal administratif siègent à Mayotte.

Le changement de statut entraîne en principe des retombées économiques très importantes pour les Mahorais. Les habitants de Mayotte sont déjà dix fois plus riches que les Comoriens tout en étant très pauvres. Avec la départementalisation, l'écart s'accroît encore en raison des mesures de sécurité sociale (prestations sociales). Le fait de devenir un département français signifie pour Mayotte de passer de l'article 74 de la Constitution, consacré aux collectivités d'outre-mer, à l'article 73 qui régit les DOM: «Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.» Ainsi, toutes les lois adoptées par le Parlement français devront s'y appliquer.

- Un intérêt stratégique

Plusieurs observateurs croient que le statut de département d'outre-mer risque d'instaurer une situation économique totalement artificielle à Mayotte, car elle pourrait faire basculer une société insulaire, à plus de 80 % traditionnelle et rurale, dans «l'assistanat généralisé» sous la dépendance d'une métropole riche. Évidemment, si la France tient à conserver cette petite île de 375 km², ce n'est certainement pas pour les beaux yeux des habitants, mais par intérêt stratégique. En effet, avec l'île de La Réunion, Mayotte forme une base avancée dans l'océan indien, forte de 1 500 militaires; Mayotte compte une unité de la marine ainsi qu'une unité de la Légion étrangère. Ces forces permettent notamment de conserver Madagascar sous contrôle, ainsi que l'île Maurice, les îles Seychelles et les Comores, sans oublier que la France surveille ainsi le commerce par voie maritime qui représente 90 % des échanges commerciaux intercontinentaux.

- Une situation tendue

La situation demeure extrêmement difficile dans ce territoire français, qui est aussi le département le plus pauvre de la République. De son côté, le gouvernement des Comores n'a jamais accepté le contrôle de Mayotte par la France (voir l'illustration ci-contre), ce qui accentue les conflits, notamment les immigrants qui quittent les Comores pour Mayotte. L'Union des Comores se prive ainsi de plusieurs dizaines de milliers de citoyens chaque année.

Toutefois, la plupart des immigrants comoriens y vivent dans des logements précaires et insalubres. Depuis son rattachement à la France, le 101e département français n’a jamais réussi à résoudre le problème du logement; celui-ci s’est aggravé avec la pression migratoire. La quasi-totalité de ces logements est faite de terre, de feuilles de cocotier ou de bois, des matériaux très sensibles aux pluies diluviennes et aux cyclones. D'ailleurs, la plupart ont été pulvérisés en décembre 2024 par le violent cyclone Chido.

Il faut comprendre que cette «catastrophe naturelle» est également une catastrophe politique et migratoire. Mayotte est non seulement d'une «pauvreté endémique», mais aussi une crise migratoire profonde, sans laquelle le drame du cyclone n’aurait pas pris des dimensions dramatiques. La plupart des victimes devraient être des immigrés clandestins qui vivaient dans des bidonvilles ou des «cabanes en tôle», qui n’ont pu résister aux vents destructeurs de plus de 225 km/h sur l'île, par conséquent «un cercueil à ciel ouvert» quand passe un cyclone. Selon les autorités, cette tragédie à Mayotte pourrait être la catastrophe naturelle la plus grave de l’histoire de France depuis plusieurs siècles, une catastrophe appréhendée en ayant fermé les yeux sur les conditions déplorables des habitations. On a cité le chiffre de cinq milliards d’euros pour couvrir les dépenses de reconstruction de Mayotte après le cyclone Chino. Il n'en demeure pas moins qu'une importante partie de la population insulaire n'a pas été en mesure de se protéger, ou plutôt n'a pas été protégée, alors que le cyclone était anticipé par Météo France qui a déclenché une alerte plusieurs jours avant l’impact.

En somme, Mayotte est demeurée une société de type colonial, au sein de laquelle une poignée de Français tente de contenir des immigrants irréguliers démunis, illettrés et attachés à leur identité comorienne ou africaine, en croissance exponentielle, et aujourd'hui plus nombreux que les Mahorais eux-mêmes. Comment a-t-on pu en arriver là!

4 La politique linguistique

En principe, les lois françaises sont appliquées à Mayotte, mais dans les faits plusieurs d’entre elles ne sont pas automatiquement appliquées à la collectivité territoriale; d’autres sont adaptées et modifiées selon la situation locale. Il demeure que, en vertu de l’article 2 de la Constitution française, le français demeure la langue officielle de l’île Mayotte: «La langue de la République est le français.»

En réalité, c’est la politique du laisser-faire que l’on pratique dans l’île puisqu’aucune intervention ne semble nécessaire à ce sujet. Les Mahorais continuent de parler leur langue, le mahorais, tout en employant le français dans les communications formelles (60 % d'entre eux). Cette pratique qui confine le mahorais à l’usage oral n’est pas récente. Avant la période coloniale française, aucun statut ni aucune reconnaissance officielle ne furent accordés au mahorais. Les sultans de l’époque utilisaient l’arabe avec leurs sujets parce que c’était la langue de la religion et de l’éducation; le swahili, toutefois, était couramment utilisé comme langue du commerce.

4.1 L’administration locale

Toute l’administration locale fonctionne en français (oral et écrit) et en mahorais (oral), que ce soit au Conseil général, à la gendarmerie nationale, dans les services municipaux, la radio, la presse, etc. Les tribunaux islamiques procèdent également dans ces deux langues, mais les tribunaux français s’en tiennent à la langue officielle. Également, tous les actes juridiques, comme les actes de vente, sont rédigés uniquement en français. Et toute demande d’embauche, même à un poste de gardiennage, doit se faire en français. Néanmoins, les cadis et autres «fonctionnaires» musulmans peuvent utiliser l’arabe dans l’exercice de leurs fonctions.

4.2 L’éducation

En 2009-2010, l’enseignement à l’île Mayotte était donné à 77 600 élèves, répartis dans 225 établissements d'enseignement. On comptait aussi 2232 élèves dans l'enseignement professionnel. En ce qui a trait aux langues enseignées, les enfants du primaire suivaient les cours de l’école coranique en arabe et les cours de l’école communale en français; les enfants commençaient en arabe le matin et poursuivaient en français au milieu de l’avant-midi.

Rappelons que la France a reconnu aux habitants de cette collectivité territoriale le droit de conserver leurs règles de droit comorien, sous le contrôle de cadis ou juges musulmans élevés au rang de fonctionnaires. Il est rare qu’un jeune Mahorais sache le français avant son arrivée au secondaire où tout l’enseignement est assuré en français. Pour les études supérieures, les Mahorais peuvent se rendre en France pour poursuivre leurs études; il existe un système de bourses financé par le Conseil général.

- L'apprentissage du français

Soulignons l'article 23 de la loi no 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, lequel insère un article L.3551-25 au Code général des collectivités territoriales en vertu duquel la collectivité départementale «peut proposer [après avis du conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement], un plan de renforcement de l'apprentissage du français et de développement de l'enseignement des langues et de la culture mahoraises. Les modalités d'application de ce plan font l'objet d'une convention conclue entre la collectivité départementale et l'État».

Code général des collectivités territoriales

Article  L3551-25  En vigueur
  Créé par Loi n°2001-616 du 11 juillet 2001 art. 23 (jorf 13 juillet 2001).

En vigueur, version du 13 Juillet 2001

TROISIEME PARTIE : LE DÉPARTEMENT

LIVRE V : DISPOSITIONS APPLICABLES À LA COLLECTIVITÉ DÉPARTEMENTALE DE MAYOTTE

TITRE V : ADMINISTRATION ET SERVICES DE LA COLLECTIVITÉ DÉPARTEMENTALE

Chapitre Ier : Compétences du conseil général

Section 2 : Autres compétences

Sous-section 3 : Culture et éducation

La collectivité départementale détermine les activités éducatives complémentaires qu'elle organise, après avis du conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement.

Elle peut proposer, dans les mêmes conditions, un plan de renforcement de l'apprentissage du français et de développement de l'enseignement des langues et de la culture mahoraises. Les modalités d'application de ce plan font l'objet d'une convention conclue entre la collectivité départementale et l'État.

Il faut mentionner une loi plus récente adoptée par l’Assemblée nationale française: la Loi d'orientation pour l'Outre Mer (ou loi 2000-1207 du 13 décembre 2000) entrée en vigueur le 14 décembre 2000. Ce sont les articles 33 et 34 de cette loi qui concernent tous les DOM-TOM. À l’article 33, on apprend que «l’État et les collectivités locales encouragent le respect, la protection et le maintien des connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales fondées sur leurs modes de vie traditionnels et qui contribuent à la conservation du milieu naturel et l'usage durable de la diversité biologique» et qu’à l’article 34 que «les langues régionales en usage dans les départements d'outre-mer font partie du patrimoine linguistique de la Nation» et qu’elles «bénéficient du renforcement des politiques en faveur des langues régionales afin d'en faciliter l'usage». D’après la Loi d’orientation d’outre-mer, la loi n° 51-46 du 11 janvier 1951 relative à l'enseignement des langues et dialectes locaux leur est applicable. 

- Les difficultés pédagogiques

Évidemment, le système actuel, tel qu’il est appliqué à Mayotte, passe sous silence les difficultés pédagogiques qu’entraînent l’enseignement exclusif de la langue française et l’importation du moule pédagogique français. N’oublions pas que l’immense majorité des élèves n’est pas d’origine francophone, ce qui cause forcément des problèmes d’apprentissage, étant donné que les méthodes pédagogiques se révèlent peu appropriées à des élèves dont le français constitue avant tout une langue seconde (au même titre que l’arabe). Évidemment, le ministère de l’Éducation nationale n’applique pas dans l’île des méthodes pouvant s’adapter à des enfants non francophones, qui sont souvent analphabètes dans leur propre langue et totalement démotivés par des cours qui ne sont guère adaptés à leurs besoins, et dont ils ne comprennent à peu près rien.

- Les manuels scolaires

Comme dans les départements français d’outre-mer (DOM), la question des manuels scolaires cause également des problèmes d’intégration socioculturelle. Mayotte vit une situation de dépendance quasi exclusive de la France, non seulement pour ce qui concerne son système éducatif, mais aussi pour son approvisionnement en manuels et autres documents pédagogiques. Tous les enfants non blancs, c’est-à-dire la quasi-totalité, évoluent dans un milieu naturel et humain tout à fait différent de celui qui leur est représenté dans les manuels de classe européens et la plupart des élèves se perçoivent facilement comme des étrangers dans leur propre pays.

- L'analphabétisme

L'analphabétisme est extrêmement important dans l'île. En 2000, il concernait encore 35 % des hommes et 40 % des femmes. Mais en 2015, plus de 50 % des jeunes seraient en situation d'illettrisme, tandis que 71 % de la population ne possède aucun diplôme. Alors que certains habitants ne maîtrisent pas l'alphabet latin, ils lisent néanmoins l'arabe. Le français est la seule langue utilisée en classe, même si la majorité des jeunes ne le connaissent pas à leur arrivée à l'école. En 2012, l'INSEE estimait que seules 58 % des personnes vivant sur le territoire affirmaient maîtriser le français, un taux qui s'élève jusqu’à 75 % pour les habitants nés sur le territoire. Voici un extrait d'un rapport de l'INSEE sur cette question:

En 2012, à Mayotte, les difficultés face à l'écrit sont fortement liées aux étapes récentes du développement de la scolarisation. Trois personnes sur dix n'ont jamais été scolarisées et deux sur dix n'ont pas débuté leur scolarité à Mayotte. Les personnes scolarisées à Mayotte ou en France métropolitaine représentent ainsi seulement 48 % de la population mahoraise. Parmi elles, une personne sur trois est en situation d'illettrisme. Au total, 58 % des habitants en âge de travailler ne maîtrisent pas les compétences de base à l'écrit en langue française. La langue parlée durant l'enfance est un élément explicatif, le français n'étant la langue maternelle que d'un Mahorais sur dix.

Cette enquête réalisée en 2012 à Mayotte révélait donc que 58% des personnes en âge de travailler ne maitrisaient pas les compétences de base à l’écrit, en langue française. Or, lutter contre l’illettrisme et l’analphabétisme est un enjeu fondamental pour le développement économique et social de Mayotte.

4.3 Les médias

Pour ce qui est des médias, ils fonctionnent tous en français (à l’écrit) et parfois en mahorais (à l’oral). La presse écrite à Mayotte est représentée par un hebdomadaire, L'Insulaire, et un bi-hebdomadaire, Kwezi. Deux radios privées sont présentes sur l'île et diffusent en mahorais (ou shimaoré). Par ailleurs, RFO, le réseau national français d’outre-mer, retransmet les programmes de France 2, de France 3 et de la Cinquième avec 24 heures de retard sur la France. Un journal télévisé local en français est diffusé chaque jour ouvrable ainsi qu’un journal hebdomadaire en langue mahoraise. RFO-Mayotte doit respecter un quota de production française; pour la diffusion d'émissions de TF1, le tri est très sélectif, car le satellite qu'utilise RFO-Mayotte est le même que celui de La Réunion qui, pour sa part, n'a pas le droit de prendre des images de la chaîne privée métropolitaine.

La station Radio-Mayotte (télé) émet tous les jours un programme local en français et en langue mahoraise. Télé-Mayotte diffuse des programmes d’information en mahorais, dont une édition de vingt minutes du lundi au vendredi; un journal tout images de six minutes les samedi et dimanche; la météo de trois minutes tous les jours. Il existe aussi des magazines de société en mahorais, tels Mwéndro («La Marche»), un mensuel de 52 minutes diffusée le mercredi à 20 h 05 et rediffusée le samedi à 10 h 30; Regards, un mensuel de 26 minutes diffusé le mercredi à 20h 05 et rediffusée le samedi à 10 h 30; Kalaoi dala («Face à Face»), un magazine d’une durée de 26 minutes, qui jette un regard sur l’actualité politique et sociale à travers l’analyse et les commentaires d’un invité; l'émission est proposée dans une double version française et mahoraise (26 minutes en français et 26 minutes en mahorais).

Radio-Mayotte (la radio) a recours au multilinguisme, notamment le français (langue officielle), le mahorais et le malgache. Tous les animateurs de Radio-Mayotte sont d’origine mahoraise, et peuvent donc passer indifféremment d’une langue à l’autre. L’antenne de Radio-Mayotte est entièrement bilingue, puis que le français et le mahorais se partagent l’antenne dans une proportion d’environ 60 % en français et 40 % en mahorais. Le français est davantage utilisé le matin et l’après-midi, le mahorais en soirée. Quant aux journaux et aux émissions d’information, ils utilisent les deux langues dans les mêmes proportions.

La politique linguistique à l’égard des médias est conforme aux articles 19 et 29 du décret no 93-535 du 27 mars 1993 portant approbation du cahier des missions et des charges de la Société nationale de radiodiffusion et de télévision française pour l'outre-mer. En effet, RFO peut diffuser en mahorais:

Article 19

La société contribue à l'expression des principales langues régionales parlées dans chaque département, territoire ou collectivité territoriale.

Article 29

1) La société veille à illustrer toutes les formes d'expression de la musique en ouvrant largement ses programmes aux retransmissions de spectacles vivants.

2) Dans ses programmes de variétés pris dans leur ensemble, la société donne une place majoritaire à la chanson d'expression française ou régionale et s'attache à promouvoir les nouveaux talents.

3) Elle s'efforce de diversifier l'origine des oeuvres étrangères diffusées.

4.4 La vie économique

Dans le domaine de la vie économique, le français occupe presque toute la place, les communications orales se faisant toutefois en mahorais et en swahili. La publicité dans ces deux dernières langues est limitée, car elle est généralement perçue par les commerçants comme peu rentable. L’écoulement des marchandises continue de se faire surtout en français, mais le swahili n’est pas nécessairement exclu. En raison de la présence des mosquées, l'arabe est plus présent que le mahorais. Néanmoins, la publicité commerciale est massivement en français, bien que des termes spécifiques (p. ex. les noms propres) puissent être en mahorais pour certains produits.

Tout compte fait, la politique linguistique du gouvernement français consiste simplement à ignorer la langue locale, le mahorais (ou shimaoré), dans le cadre de l’administration de l’État et de l’éducation institutionnalisée. Cette pratique est relativement similaire à celle de bien des pays où la langue coloniale a supplanté les langues locales. À cet égard, la France n’a pas fait pire que la Grande-Bretagne et les États-Unis. Les Mahorais vivent dans un univers culturel et linguistique diversifié où le mahorais, le swahili, l’arabe et le français ne sont guère en concurrence, le mahorais servant aux communications informelles, l’arabe étant utilisé pour la religion et à la mosquée, le swahili dans les relations commerciales avec l’Afrique, le français pour les communications officielles.

Cependant, puisque la France a signé la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, la politique linguistique pratiquée à Mayotte devrait être profondément révisée. Sur le plan de l’éducation et de l’administration, la France pourrait laisser une place à l’usage et à l’enseignement du mahorais. C’est avant tout une question de recherche d’une identité pour ces Mahorais, sinon la situation actuelle pourrait hypothéquer leur développement socioculturel et économique. Cela dit, Mayotte n’est pas la seule des quatre îles des Comores à laisser toute la place au français, indépendance acquise ou non.

4.5 La politique migratoire

Peuplé d'environ 350 000 habitants en 2024, l’archipel a vu sa population quadrupler juste entre 1985 et 2017, selon l’Insee. Les causes sont l’effet conjugué d’une forte natalité et l'avènement des phénomènes migratoires, car Mayotte compte désormais 50 % d’étrangers, majoritairement en provenance des Comores voisines, alors que seulement un tiers d’entre eux sont nés sur l’île. Par conséquent, plus le nombre des immigrants augmente, plus les Mahorais demandent des protections institutionnelles aux autorités françaises.

- L'obtention de la nationalité française

Un enfant devient français s'il a au moins un parent français; c’est le «droit du sang». Mais il existe aussi le «droit du sol», qui permet à un enfant né sur le territoire français d’acquérir la nationalité française sous certaines conditions. Tout cela dépend de la nationalité des parents, de leur lieu de naissance ou encore du temps qu’aura passé un enfant en France avant sa majorité. Et cela vaut pour tous les territoires français, sauf à Mayotte qui est régi par des règles plus strictes en raison d'une forte immigration, principalement venue de l’archipel voisin des Comores.

- L'immigration clandestine

Dans le but de dissuader l’immigration irrégulière, il existe à Mayotte de nombreuses exceptions, notamment en matière sociale et de droits des étrangers. Des questions qui cristallisent le mécontentement d’une partie de la population.

Depuis la Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, le gouvernement impose aux parents étrangers un minimum d’un an de résidence en situation régulière sur le sol français pour que leur enfant, s’il naît à Mayotte, puisse prétendre à la nationalité française. Selon le ministère de l'Intérieur, cette mesure vise à réduire l’attractivité qu’il peut y avoir dans l’archipel et à «diminuer de 90 % le nombre de titres de séjour». Le facteur d’attractivité à Mayotte, c’est l’accès à un territoire au niveau de vie largement supérieur par rapport aux trois autres îles comoriennes, bien que Mayotte soit très pauvre au regard du reste de la France. Cependant, rien n’indique de façon scientifique que la fin du droit du sol ait un impact réel sur l’immigration. Aucune étude démographique ou sociologique, à l’heure actuelle, n’a permis de démontrer un impact dissuasif des durcissements législatifs sur les personnes exilées.

Pour la droite et l'extrême droite française, tous les problèmes de Mayotte — la crise aiguë de l’eau, le manque d’enseignants ou de logements, le désert médical, la pauvreté des pêcheurs, etc. — seraient dus aux immigrants comoriens. Il s'agit évidemment du même discours que tient le gouvernement qui veille assidûment sur ce bout de l’archipel des Comores dans le but de défendre les intérêts stratégiques de la France dans cette région. Bref, il suffit vraisemblablement de faire croire à la population mahoraise que la seule solution pour la sortir de la misère est de taper sur d'autres plus pauvres qu'eux. Effectivement, d’importants effectifs de policiers et de gendarmes ont été mobilisés pour contrer le trafic d’armes, la criminalité et la délinquance, en procédant à la destruction de bidonvilles et à des expulsions massives d’étrangers en situation irrégulière. Dans les faits, il ne s'agit pas d'une politique migratoire, mais d'une politique d'expulsion.

Par le fait même, l'avenir s'avère plutôt sombre dans la mesure où les Mahorais de souche tendent à abandonner leur île aux immigrants illégaux, sans que la France réussisse à endiguer le phénomène qui perdure après des années de politiques publiques défaillantes, notamment au moyen d'opérations de délogement qui ont fragilisé les populations les plus vulnérables. Quant aux Mahorais d'origine, ils se servent de leur citoyenneté française pour aller chercher une vie meilleure à La Réunion ou en Métropole. Ceux qui choisissent de demeurer encore présents sur l'île expriment leur colère en prenant des armes pour combattre les clandestins et en donnant leurs votes à l'extrême-droite. Au final, à Mayotte, les flux migratoires en provenance des îles comoriennes continuent de se poursuivre, tandis que le ressentiment des Mahorais à l’égard de leurs voisins s’accentue, ce qui fait augmenter les départs des habitants de Mayotte, leur île étant devenue à la fois une terre d'immigration pour les étrangers et une terre d'émigration pour les autochtones. Le cyclone de décembre 2024 n'a fait qu'aggraver une crise qui perdure. Un beau gâchis! 

Mise à jour: 24 déc. 2024  

Bibliographie

GOËTZINGER, Geneviève. «Mayotte: le rêve de la départementalisation» dans Politique / Diplomatie, 2 juillet 1998, Paris,
[http://www.rfi.fr/Kiosque/Mfi/PolitiqueDiplomatie/020798-0.html].

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