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IslandeLýðveldið Ísland |
Population: 276 000 (1998) Langue officielle: islandais (de facto) Groupe majoritaire: islandais (98 %) Groupes minoritaires: quelques petites communautés immigrantes Système politique: république Articles constitutionnels (langue): aucune disposition linguistique dans la Constitution de 1944 Lois linguistiques: sans objet |
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La république dIslande constitue une île du nord de locéan Atlantique située entre le Groenland et lÉcosse en Grande-Bretagne (voir la carte). C’est un pays insulaire de 102 800 km² équivalant à trois fois la superficie de la Belgique (30 527 km²), au cinquième de celle de la France (544 000 km²) ou au quart de celle de la province de Terre-Neuve (402 000 km²) au Canada. |
Ce petit pays ne compte que 276 000 habitants, qui parlent presque tous une langue germanique du Nord (de type scandinave): l’islandais appelé íslenska. L’Islande apparaît comme l’un des pays les plus homogènes au monde parce que sa population parle la même langue dans une proportion de 98 %. Il n’existe guère de minorité dans ce pays, mais depuis quelque dix ou quinze ans des immigrants en provenance de l’Espagne, du Portugal, mais surtout des Philippines, de la Thaïlande, du Vietnam, du Sri Lanka et de l’Inde, sont venus s’établir en Islande. Ces minorités immigrantes ne sont guère nombreuses et ne représentent que 2 % de la population islandaise.
La langue islandaise reste très particulière à plus d’un titre. Il s’agit d’une langue scandinave comme le danois, le norvégien, le suédois et le féroïen, mais si les trois «langues continentales» que sont le danois, le suédois et le norvégien demeurent mutuellement intelligibles, il n’en est pas ainsi pour l’islandais. Aucun locuteur de ces trois langues ne comprend ni ne lit l’islandais, alors qu’un Islandais, à la condition de bénéficier d’un peu d’instruction et de culture, comprend et lit les autres langues scandinaves, y compris le féroïen parlé aux îles Féroé. Cette situation s’explique par le fait que toutes ces langues viennent d’une même origine, mais que l’islandais a conservé toutes ses principales caractéristiques intactes depuis le XIIe ou le XIIIe siècle. Pour un Danois, un Norvégien ou un Suédois, la langue islandaise paraît très archaïsante et ne peut être intelligible qu’après un certain apprentissage. En Islande, n’importe quel enfant peut lire un texte écrit en islandais du XIIe siècle, sans avoir recours à la traduction, ce qui serait impensable par exemple pour un Suédois, mais aussi pour un Français, un Allemand, un Espagnol, etc., lisant un texte ancien dans sa langue.
De plus, l’islandais est réputé pour être une langue difficile, avec une grande richesse de vocabulaire (peu influencé par les emprunts étrangers) avec ses abondants néologismes locaux, une grammaire assez complexe (trois genres grammaticaux et quatre déclinaisons), un alphabet latin doté de lettres supplémentaires (comme [æ], [ö], [ð] et [þ]), une prononciation particulière par rapport aux langues scandinaves, etc. En somme, l’islandais contemporain est demeuré plus proche de l’ancien nordique parlé par les premiers Vikings (avant l’an 1000) que les autres langues scandinaves. En ce sens, cette langue constitue un véritable «musée linguistique vivant» pour les linguistes.
L’île d’Islande fut d’abord découverte par les Irlandais au VIIIe siècle, mais elle fut exploitée et colonisée par les Vikings norvégiens en 874. La région de Reykjavik se peupla rapidement et les insulaires fondèrent un nouveau pays. Le Parlement, appelé l’Althing, fut créé en 970 pour réglementer ce qui était devenu la «première république du monde», qui comptait environ quelque 20 000 habitants. Comme ces premiers arrivants provenaient en majorité du sud-ouest de la Norvège (Vestfold, Agder, Trøndelag), c'est cette variante de l’ancien nordique qui s'est imposée dans l’île. En l’absence de toute monarchie, le Parlement islandais promulguait les lois en islandais et servait également de cour de justice. L’État a su se maintenir durant trois cents ans et colonisa en partie le Groenland.
Les Islandais s’organisèrent en une société hautement originale et élaborèrent une littérature exceptionnelle, dès qu'ils eurent adopté l'écriture latine qu'amena l'Église catholique à partir de l'an 1000. En effet, l’Islande est restée célèbre pour ses sagas des Xe et XIe siècles, des récits en prose rédigés dans la langue vernaculaire de l’époque. L’écrivain Snorri Sturlusson (1179-1241) est l’auteur le plus connu. Il a notamment écrit Heimskringla, un récit qui relate les aventures des rois de Norvège, et l’Edda (poèmes héroïques). De plus, les nombreux contes et légendes mettant en scène des histoires de revenants, d'elfes et de trolls font également partie intégrante de la culture islandaise. Issu de l’ancien nordique et isolé par son caractère insulaire, l’islandais n’a que très peu évolué comparativement au norvégien par exemple, qui a connu son lot de bouleversements linguistiques.
3.1 La domination danoise
Puis, en 1262, l’Islande fut occupée par les Norvégiens, mais resta relativement autonome. Cette occupation, qui s’étendit jusqu’en 1397, fut une période de décadence pour l’Islande jusqu’à ce que le royaume de Norvège tombât sous la souveraineté de la couronne danoise en 1397, lors de l’union de Kalmar. Ayant pourtant la même origine, le norvégien et l’islandais étaient devenus ses langues distinctes.
Avec l’Union, la Norvège apportait ses vastes possessions du nord de l’Atlantique, c’est-à-dire l’Islande, mais aussi les îles Féroé et le Groenland. En fait, l’union de Kalmar réalisait sous un seul royaume l'unification du Danemark, de la Suède et de la Norvège et prévoyait que les trois pays (dont l’Islande faisait partie) seraient gouvernés par un roi danois. La reine Margrethe I, régente du Danemark, de la Norvège et de la Suède, fit couronner, en juin 1397, à Kalmar, son neveu Erik de Poméranie, comme roi de l’Union. Ce dernier ne gouverna personnellement qu’à partir de 1412, et il mécontenta rapidement les Suédois qui se révoltèrent en 1434. L’Union avec la Suède prit fin en 1521-1523, lorsque Gustave Eriksson chassa les Danois et se fit reconnaître roi de Suède. Mais l’Union avec la Norvège dura jusqu'en 1814. Pendant ce temps, soit entre 1402 et 1404, une épidémie de peste noire décima les deux tiers de la population islandaise. D’ailleurs, au cours de l’histoire, les calamités naturelles ont plusieurs fois décimé la population. Pendant une dizaine de siècles, celle-ci n'a jamais dépassé les 70 000 habitants.
3.2 La sauvegarde de la langue
Durant toute cette période, qui s’étendit de 1397 à 1814, les Islandais continuèrent d’utiliser leur langue dans la vie de tous les jours, d’autant plus que les communications avec le Danemark demeuraient rares. Alors qu’il restait figé dan ses fonctions orales, l’islandais était remplacé par le danois dans ses fonctions écrites. C’est aussi au cours du Moyen Âge que s’élabora une littérature qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Il s’agit non seulement d’une littérature dite savante composée de romans de cour et de chevalerie, mais aussi des créations issues de l'historiographie classique et de l'hagiographie médiévale rédigées à l’origine en latin, mais que les écrivains islandais ont repris en langue vernaculaire. Ces écrits extrêmement originaux et très précieux ont été qualifiés de «sagas». C’est pourquoi certains ont pu dire que l’Islande était devenue le «conservatoire des antiquités scandinaves». N’oublions pas que toute cette littérature a été rédigée en islandais, c’est-à-dire dans une langue farouchement maintenue dans son intégrité, et ce, malgré les Danois qui cherchèrent pas tous les moyens à imposer le danois.
En 1530, les Danois introduisirent ou plutôt imposèrent la religion luthérienne dans l’île, ce qui laissait sous-entendre aussi une plus grande domination de la langue danoise. Les Islandais tentèrent bien de s’opposer à la religion danoise, mais finirent par délaisser le catholicisme, sans abandonner leur langue. Contre toute attente, la langue islandaise s’est conservée intacte et n’a pratiquement subi aucune influence danoise, l’isolement géographique et une tradition littéraire fortement ancrée ont sans doute été les garants de la «pureté» de sa forme, tout en étant assortie d’une grande créativité sur le plan lexical. Cependant, il s’agit là de la langue écrite et de la grammaire, car en ce qui a trait à la prononciation le système a considérablement changé depuis le temps du nordique commun. Par la suite, les Danois imposèrent un monopole commercial qui fit perdre toute autonomie économique aux Islandais.
Au XVIIIe siècle, l’Islande fut victime d’épidémies, d’éruptions volcaniques, de famines et d’une grave crise économique provoquée par la «Compagnie danoise d’Islande», qui avait monopolisé le commerce. En raison des contraintes imposées par le Danemark, l’Islande dut restreindre ses relations économiques avec les îles britanniques et les États germaniques.
En 1814, l'Union entre le Danemark et la Norvège fut abolie, et les deux États devinrent indépendants. Le statut politique de l’Islande se transforma avec le rétablissement de l’assemblée islandaise, l’Althing, mais celle-ci n’obtint qu’un contrôle partiel sur ses finances publiques. L’autonomie politique interne ne survint qu’en 1904; elle fut même «complétée» par une loi d’Union avec le Danemark en 1918, le roi du Danemark conservant son titre de roi d’Islande.
Jusqu’à cette époque, il n’y eut jamais d’écoles où l’on enseignait en islandais, bien que tous les enfants savaient lire et écrire en cette langue. Seul le danois était enseigné, l’islandais étant réservé à la maison; tous les parents apprenaient à leurs enfants à lire et à écrire en islandais. L’école primaire ne fut obligatoire qu’en 1913.
Le plus surprenant, c’est que le pays a produit plusieurs écrivains de renom, dont Jonas Hallgrimsson (1807-1845), Jon Thoroddsen (1819-1868), Johan Sigurjonson (1880-1919), Steinn Steinarr (1908-1958), Gunnar Gunnarsson (1889-1974) et surtout le grand Halldór Laxness, qui remporta le prix Nobel de la littérature en 1955. Laxness modifia l’orthographe, recourut à des mots familiers, inventa des termes nouveaux et utilisa même des mots étrangers. Il écrivit plus d’une quarantaine d’oeuvres (recueil de nouvelles et de poèmes, romans, pièces de théâtre, etc.) et fut traduit en une trentaine de langues.
3.3 L’Allemagne et les États-Unis
Lors de la Seconde Guerre mondiale, le Danemark, lui-même envahi par l’armée allemande, dut laisser tomber l’Islande en 1940. Les nazis du Troisième Reich popularisèrent la littérature islandaise. Ils y voyaient un héritage de la grande culture germanique. Les héros germaniques comme Siegfried luttant contre le dragon étaient systématiquement mis à l’honneur. Le problème, c’est que beaucoup de ces héros romantiques prétendument «germaniques» avaient leur origine dans la tradition islandaise; même Richard Wagner, dans ses célèbres drames épiques, avait puisé son inspiration dans les récits de la littérature islandaise.
Puis, le pays connut alors une nouvelle invasion: celle des Américains. En effet, alors qu’en 1940 l’Islande n’était peuplée que de 126 000 habitants, 50 000 soldats américains débarquèrent sur l’île afin de combattre les forces hitlériennes. La présence massive de l’armée américaine allait changer la face du pays en provoquant un exode rural en direction des villes et villages côtiers, dont une grande partie vers Reykjavik, la capitale, et en développant l’économie en fonction des intérêts des États-Unis. De plus, alors que l’Islande était dépourvue de station de télévision, l’arrivée de la télévision américaine bouleversa les habitudes linguistiques des habitants de l’île. Pendant quelques années, cette station de télévision américaine renvoya de l’Islande une image très primitive: des pauvres «boys» (américains) qui devaient s’exiler dans une horrible et lointaine contrée dont la population parlait un «dialecte» scandinave moyenâgeux et incompréhensible. Durant «l’occupation américaine», l’anglais remplaça le danois dans les fonctions officielles, mais les «autochtones» continuèrent de parler leur «dialecte».
La loi d’Union de 1918 était sujette à une révision après 25 ans et elle prévoyait qu'on pouvait y mettre fin en respectant des conditions très précises. La loi exigeait notamment une majorité d'au moins des trois quarts des votes valides exprimés. Le Parlement islandais organisa en 1944 un référendum sur l’indépendance. La question soumise aux Islandais était la suivante: «L'Althing prend la résolution de déclarer que la loi d’Union du Danemark et de l'Islande de 1918 est annulée.» Ce seuil fut largement dépassé: le OUI obtint 98,6 % des votes exprimés. L’Islande retrouva son indépendance officielle, le 17 juin 1944, puisque les résultats du référendum ne laissaient aucun doute à ce sujet. Alors que prenait fin la massive occupation américaine, la nouvelle république d’Islande ne proclama pas dans la Constitution la langue islandaise comme la langue officielle du pays. En réalité, les Islandais n’étaient pas prêts à utiliser l’islandais à des fins officielles parce que cette langue n’avait jamais été utilisée pour cette fonction.
À la fin de la guerre, et contrairement à leurs engagements, les États-Unis ne retirèrent pas leurs forces armées. De plus, le gouvernement américain exigea la présence de bases militaires permanentes dans le pays. Devant la réaction négative des Islandais, un compromis fut trouvé en 1946, autorisant un contrôle américain de l'aéroport de Keflavík pendant six ans et demi. En 1951, les États-Unis obtinrent l'autorisation de l'Islande de stationner des troupes sur son territoire, dans le cadre de l'OTAN. Or, cette présence américaine, ininterrompue depuis 1941, a été un grand sujet de division pour plus d'une génération d'Islandais. La première diffusion d’une émission télévisée en islandais a eu lieu en 1966. Dans l’état actuelle des choses, on comprendra que les Islandais parlent presque tous l’anglais et... le danois.
Aux termes d'un accord signé en 1994 avec Washington, il ne subsiste actuellement du gigantesque dispositif de la Seconde Guerre mondiale que la base de Keflavík et 2800 soldats américains, qui assurent la défense de l'île et des missions dans le cadre de l'OTAN. Il faut préciser que l'Islande n'a pas d'armée, seulement 200 garde-côtes qui surveillent les eaux territoriales. La présence américaine, affaiblie, semble désormais acceptée par la majorité de la population. Il est remarquable que la petite langue islandaise ait toujours réussi à se protéger de l’influence américain, ce qui n’est guère le cas des langues comme le norvégien, le suédois ou le danois. Ce n’est pas pour rien que tous les films étrangers doivent être sous-titrés en islandais. Néanmoins, certaines formations de gauche, dont la principale, l'Alliance du peuple, continuent de réclamer la fermeture de la base de Keflavík et du retrait islandais de l'OTAN.
Lors de l’indépendance en 1944, les Islandais se retrouvèrent libres pour la première fois d’utiliser leur langue nationale à des fins officielles. Mais ce fut l’affaire de plusieurs années. Il fallut instituer des commissions de terminologie destinées à moderniser l’islandais resté à l’époque du Moyen Âge, du moins en ce qui a trait aux domaines scientifiques et techniques.
4.1 Le code linguistique
Les différents gouvernements islandais obligèrent les établissements d’enseignement à enseigner les nouveaux mots et aux journalistes oeuvrant dans les médias à les employer. Il faut savoir qu’en Islande les terminologues du gouvernement travaillent à plein temps pour créer des mots islandais et éviter les emprunts au danois et, maintenant, à l’anglais. L’objectif de la Commission de la langue islandaise est très clair: éviter les anglicismes et assurer l’islandisation du vocabulaire, que ce soit dans les écoles, les usines ou les médias.
Cette pratique existe depuis le XVIIIe siècle. En effet, une loi linguistique édictée à cette époque interdisait l'intégration de mots étrangers, de sorte que, par exemple, au lieu d'adopter les termes techniques et scientifiques internationaux — bien souvent d’origine gréco-latine —, les terminologues de l’époque formaient des mots composés à partir des souches islandaises, réutilisaient d'anciens mots tombés en désuétude ou encore créaient des néologismes à partir de racines de la langue. C’est ainsi qu’une commission de terminologie a proposé l’ancien terme simi signifiant «lien» ou «messager» et qui est désormais utilisé par tous pour désigner le téléphone. Pour former le mot servant à désigner l’ordinateur, on a associé völva («sorcière» dans un sens positif) et le préfixe t- (qui rappelle le calcul) pour inventer le terme tölva («ordinateur»). L’islandais a recours aussi à sími pour «téléphone», símbréf pour «fax», hugbúnaður pour «logiciel», vélbúnaður pour «matériel» (hardware), etc.
Aujourd’hui, le système axé sur le purisme linguistique fonctionne à un point tel que les médias attendent patiemment les nouveaux mots au fur et à mesure qu’ils paraissent et évitent, entre-temps, d’employer les anglicismes. Selon certaines sources, il s’agit presque d’une «religion» au sein de la population islandaise. D’ailleurs, dans ce pays, les terminologues sont considérés comme des «sages» veillant à la pureté de la langue, et non comme des fonctionnaires «bornés» campés sur leurs positions.
4.2 La législature et les tribunaux
Du côté de la législature, les débats ne se déroulent qu’en islandais et les lois ne sont rédigées que dans cette langue. Mais plusieurs anciennes lois du temps de la domination danoise peuvent être rédigées en danois. Dans les tribunaux, seul l’islandais est autorisé, mais les étrangers et les immigrants peuvent recourir à un interprète en cas de force majeure.
4.3 L’Administration
L’Administration publique n’utilise que l’islandais dans ses services auprès de la population. Il en est ainsi des inscriptions gouvernementales sur les édifices publics et les plaques toponymiques identifiant les noms de lieu. Toutefois, la barrière de la langue constitue un obstacle redoutable pour les immigrants désirant s’installer en islande. C’est pour cette raison que le gouvernement islandais a créé, en 1994, à Reykjavik, un Centre d'information et de culture spécialement destiné aux étrangers. Ce centre est appelé à fournir un certain nombre de services aux immigrants qui viennent s'établir en Islande et fournit aux étrangers les renseignements pratiques jugés nécessaires, par exemple, sur l'autorisation de résidence, la santé, les services sociaux, les assurances, l’accès aux écoles, etc.
Le Centre d'information et de culture a établi une liste d'interprètes dont l'éventail linguistique est très diversifié. Il a précisé son rôle dans une brochure explicative publiée en sept langues: anglais, espagnol, polonais, russe, vietnamien, tagalog et thaïlandais.
4.4 Le monde de l’éducation
De la maternelle à l'université, le système scolaire est gratuit et, entre 13 et 15 ans, les jeunes ont la possibilité de s'initier à la vie professionnelle en travaillant pour les municipalités pendant les vacances scolaires. Dans les écoles primaires, la langue d’enseignement est l’islandais, mais le danois et l’anglais sont obligatoires comme langues secondes. En fait, l’anglais est obligatoire depuis 1946 et constitue une conséquence directe de l’occupation américaine. Depuis 1993, le ministère de l’Éducation, de la Science et de la Culture a organisé des classes d’accueil pour les enfants immigrés. Il a également élaboré un programme spécial pour l’enseignement de l’islandais aux enfants dont ce n’est pas la langue maternelle.
Les écoles secondaires fonctionnent toutes en islandais, mais l’enseignement du vocabulaire scientifique et technique est renforcé. De plus, à la fin du secondaire, un examen de connaissance de la langue officielle est imposé à tous les élèves et la réussite de cet examen constitue une condition essentielle de l’obtention du diplôme de fin d’études. Pour sa part, le ministère de l’Éducation, de la Science et de la Culture impose une troisième langue étrangère aux élèves du secondaire, habituellement l’allemand ou le français. Des fonds supplémentaires sont à présent alloués à l'enseignement spécialisé, adapté aux enfants immigrés, en nombre croissant dans les écoles islandaises. À la fin de leurs études secondaires, la plupart des Islandais sont devenus trilingues: ils parlent l’islandais, l’anglais et le danois.
Des crédits ont été accordés pour l'instruction spéciale des immigrés dans les établissements d'enseignement secondaire et dans le secteur de l'éducation des adultes, où on s'est attaché principalement aux familles dont les enfants sont inscrits à l'école primaire.
Dans les trois universités du pays — l’Université d’Islande (Háskóli Íslands), l’Université à Akureyri (Háskólinn á Akureyri) et le Collège universitaire de l’éducation (Kennaraháskóli Íslands) —, l’enseignement se fait exclusivement en islandais, mais les livres et manuels disponibles sont souvent en anglais ou dans l’une ou l’autre des langues scandinaves, particulièrement en danois ou en suédois. La capitale Reykjavik possède également un collège technique et des collèges d'agriculture et de musique, ainsi que des écoles de formation des enseignants.
Tout étudiant qui le désire peut obtenir une bourse pour aller étudier à l'étranger: environ le quart des étudiants de troisième cycle effectuent leurs études à l'étranger. Or, fait surprenant, aucune fuite de cerveaux significative ne se produit: pratiquement tous rentrent au pays à la fin de leurs études universitaires. Un autre fait à noter, l’Islande détient l’enviable record mondial d’achats de livres par habitant.
4.5 Les médias et la vie économique
Du côté des médias, on compte trois quotidiens (dont le célèbre Morgunblaðið), des centaines de périodiques, quelques chaînes de télévision et plusieurs stations de radio qui diffusent exclusivement en islandais. Les Islandais doivent sûrement être de grands liseurs, car on compte plus de 900 périodiques pour une population de quelque 270 000 habitants (incluant les enfants). Il faut dire que la plupart d'entre eux (environ 700) ne paraissent qu'une ou quatre fois par année. Au total, on compte 55 mensuels, 8 hebdomadaires et 3 quotidiens.
Ce n’est qu’en 1966-1967 que le gouvernement a pu créer une télévision nationale islandaise, ce qui a alors contraint les États-Unis à réduire la portée d’émission de leur chaîne militaire. Au début, la première chaîne islandaise ne diffusait que six jours pas semaine et cessait ses activités au début de juillet pour les reprendre à la rentrée des classes à l’automne. Mais les chaînes se sont multipliées depuis cette époque et aujourd’hui on compte plusieurs stations régionales.
Quant aux journaux, largement subventionnées par l’État, ils doivent se plier aux contraintes de la politique linguistique de l’islandisation du vocabulaire. Ainsi, tous les quotidiens diffusent des bulletins d’information linguistique ainsi que la liste des termes techniques récemment créés par la Commission de la langue islandaise. La liste officielle des néologismes est diffusée périodiquement dans tous les journaux. Enfin, pour ce qui est du cinéma, l’Islande pratique une politique linguistique protectionniste: tous les films étrangers, de quelque origine qu’ils soient, doivent être au moins sous-titrés en islandais.
L'insularité accentue ce lien particulier avec la langue et la terre ancestrale. Tous les journaux consacrent, dans leur carnet du jour, de longues colonnes aux textes écrits à la mémoire de personnes décédées. On édite des dictionnaires généalogiques des familles d'Islande, et des recensements sont en cours pour retrouver les 40 000 à 50 000 Américains d'ascendance islandaise.
Quant à la vie économique, elle se déroule entièrement en islandais pour les affaires intérieures, que ce soit les formulaires, les affichettes écrites à la main, les chèques ou autres imprimés commerciaux. Il en résulte que l’affichage commercial demeure généralement en islandais, mais il arrive souvent que les raisons sociales des entreprises portent une dénomination en anglais, parfois en danois. Dans tous les endroits touristiques, l’islandais et l’anglais sont employés concurremment; la publicité commerciale, la langue reste l’islandais, car il est rare qu’on s’adresse aux consommateurs dans une autre langue (par exemple, en anglais). Dans les contacts avec l’extérieur, l’anglais et le danois (ou parfois une autre langue scandinave) viennent à la rescousse de l’islandais.
4.6 L'islandisation des patronymes
L'islandisation de la langue passe également par celle des patroymes. En effet, la loi islandaise oblige tous les immigrants à adopter un patronyme islandophone lorsqu'ils décident de s'installer définitivement en Islande. Par exemple, à supposer que le nom du père d'un immigrant soit «Pierre», il n'est pas possible de former le patronyme Pierreson, mais il faut plutôt inventer un père fictif avec un prénom islandais réel tel que Jonas ( Hallgrimsson), Jon ( Thoroddsen), Johan (Sigurjonson), Steinn ( Steinarr), etc.
La population de l’Islande peut être décrite comme étant constituée d'une seule nation vivant sur un territoire clairement délimité. Les habitants parlent pratiquement tous la même langue sans variation dialectale et partagent le même patrimoine culturel. La nation islandaise est donc très homogène et ne comporte pas (encore) de véritables grands groupes minoritaires importants se distinguant, par exemple, par la couleur, la race, la langue ou la religion. Elle a toujours connu traditionnellement une situation d'isolement en raison de sa position géographique.
Tous ces facteurs expliquent que l'Islande n'ait jusqu'ici prêté que peu d'attention, dans ses orientations politiques et sa législation, à la question des groupes minoritaires. Le pays semble aujourd'hui encore relativement épargné par les problèmes de discrimination et d'intolérance, mais cette situation pourrait néanmoins changer avec l'augmentation récente de l'immigration dans le pays. L'Islande n'a pas encore ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ni la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Leur ratification devrait être considérée comme une question de principe et de solidarité. Cependant, il est peu probable que l’Islande sombre dans l’intolérance, puisque le gouvernement a même été félicité par les organismes internationaux pour ses efforts afin de solutionner les problèmes liés à la discrimination et au racisme. Des efforts supplémentaires semblent encore nécessaires, mais il apparaît que ce pays, disposant par ailleurs d’une très longue tradition démocratique, ne sera pas pris au dépourvu par les problèmes qui pourraient surgir.
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