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| Louisiane |  | Histoire de la Louisiane 
américaineÀ partir de 1803 (États-Unis) | 
 

  
  
    
      | Remarque: cette 
      page 
      portant sur la Louisiane a pu
  bénéficier de la collaboration de MM. David Cheramie
  et David-Émile Marcantel, tous deux du CODOFIL. | 
    
  
 

Préalable facultatif  

1 
Les nouveaux propriétaires 
américains en 1803
	
		
			| 
			
  | Le 20 décembre 1803, William Charles Cole 
			Claiborne 
(1775-1817) et James Willinson entrèrent à La Nouvelle-Orléans au nom du 
Congrès américain. Les nouveaux propriétaires instaurèrent immédiatement les 
règles du jeu. En tant que gouverneur, Charles Claiborne mit sur pied une nouvelle administration, 
			qui comprenait un Conseil législatif composé de six 
Français et de sept Américains (l'année suivante, de cinq Français et de huit 
Américains), puis un système judiciaire formé de trois juges anglophones 
unilingues. 
			Le nouveau gouverneur gagna progressivement la confiance des Créoles 
			blancs de la Louisiane en répartissant équitablement les postes 
			entre francophones et anglophones, en imposant que les procès soient 
			tenus dans les deux langues et en publiant une version bilingue du 
			code civil. En 1804, une loi du Congrès américain divisa l'ensemble du territoire en deux, 
isolant les francophones dans les bayous du Sud et rattachant la partie nord à 
d'autres futurs États de l'Union, à la disposition des Anglo-Américains. Par la suite, seule une petite partie sud du territoire a pu conserver le nom de
 Louisiane (Louisiane
actuelle). Le 1er janvier 1804, la colonie française de 
Saint-Domingue proclama son indépendance, et devint officiellement , la première république noire libre. 
Aussitôt, près de10 000 
Blancs et Noirs vinrent se réfugier en Louisiane. Les Blancs parlaient un 
français régional des Caraïbes, les Noirs employaient  le créole qui 
s'introduisit en Louisiane. | 
	
 
Puis, le
10 mars 1804, la totalité de  la «Grande Louisiane» passait sous
l'administration des États-Unis, qui doublèrent leur superficie grâce à l’acquisition de la Louisiane
occidentale. Le 18 mai 1804, Bonaparte devenait empereur des Français sous le
nom de Napoléon Ier. En 1805, on comptait 3551 Blancs à La 
Nouvelle-Orléans, 1556 esclaves libérés et 3105 esclaves; seuls 350 habitants 
blancs parlaient anglais. 
En 1807, le territoire d'Orléans fut divisé en 19 
paroisses (d'où "parishes" en anglais), une originalité dans les les divisions 
administratives aux États-Unis, qui préféraient le terme de «comté» ("county"), 
ce qui en dit long sur l'influence de l'Église catholique sur cet État. Deux 
années plus tard, l'Administration américaine réussit à faire venir 3100 
immigrants anglophones. En 1810, la population de la Louisiane était passée à 
quelque 76 
000 habitants, encore à grande majorité francophone. D'ailleurs, la 
Nouvelle-Orléans demeurait encore 
une ville francophone et réellement française. Des Français venus de France y 
ouvraient des restaurants, des commerces, des théâtres, et l’opéra y était 
florissant; on y imprimait des quotidiens et des revues en français, alors que 
les les écrivains y apportaient une production littéraire abondante et 
originale. 
Ce fut une 
période prospère pour le français colonial en Louisiane, mais la guerre civile 
allait porter un coup mortel au français; les planteurs blancs passeront à 
l'anglais et s'américaniseront.  
Pour les Louisianais, la vente de leur territoire
allait provoquer un grand nombre de changements, qui entraînera une
américanisation de leur coutumes et de leur langue, et les plongera dans
l'assimilation. 
2 Un nouvel État américain
	
		
			|  | Après l'acquisition de la Louisiane française, le 
gouvernement américain scinda aussitôt ce vaste territoire en deux parties 
inégales: le Nord, avec 88 % de la superficie, fut appelé "Louisiana Territory" (Territoire de la Louisiane), 
le Sud, avec 12 % de la superficie, devint l'"Orleans Territory" (Territoire d'Orléans). Le 26 mars 1804, une loi fut 
adoptée à cet effet : la Act erecting Louisiana into two territories, and 
providing for the temporary government thereof («Loi érigeant la Louisiane en 
deux territoires et prévoyant le gouvernement provisoire de celle-ci»). 
			Voir la carte de la 
			partition de 1804. Le 
Territoire d'Orléans devint l'État de la Louisiane le 30 avril 1812, devenant ainsi le
18e État américain, mais la Louisiane 
américaine était devenue un petit État de 134 264 km², contre plus de 2,2 millions 
pour  la Louisiane française de 1802. Quant au "Territoire de la 
Louisiane", il devint aussi en 1812 le "Territoire du Missouri". 
			Puis ce fut la partition
			de 1812 avec la création du territoire du Missouri, 
			l'ancienne Louisiane.  | 
	
 
En effet, allèrent être créés dans ce même territoire du 
Missouri ou une partie de celui-ci (voir 
la carte) :
	
		
			| 1. l'État du Missouri (1821); 2. l'État de l'Arkansas (1836);
 3. l'État du Texas (1845);
 4. l'État de l'Iowa 
(1846);
 5. l'État du Minnesota (1858);
 6. l'État du Kansas (1861);
 7. l'État du Nebraska (1867);
 | 8. l'État du Colorado 
(1876): 9. l'État du Dakota du Nord (1889);
 10. l'État du Dakota du Sud (1889);
 11. l'État du Montana (1889);
 12. l'État du 
Wyoming (1890);
 13. l'État de l'Oklahoma (1907);
 14. l'État du Nouveau-Mexique (1912)
 | 
	
 
Au moment de son entrée dans l'Union en 1812, la Louisiane 
était le premier et le seul État américain dans lequel un 
 groupe
non anglophone, les
descendants d’Acadiens — les Cadiens ou Cajuns en anglais — et de Français, constituait une majorité
linguistique. Grâce au juriste Louis Moreau-Lislet, un Code civil plus complet
(que le précédent basé sur la  Coutume de Paris) reposant sur le Code
Napoléon fut adopté par le législateur du nouvel État. Ce code avait été 
rédigé en français, puis traduit en anglais.
 Cependant, il n'en fut pas ainsi pour la Constitution de 
l'État. Non seulement, elle fut rédigée uniquement en anglais, mais elle ne 
comportait aucune disposition linguistique à l'égard des francophones, alors 
qu'elle protégeait les droits des anglophones. En effet, l'article 6 de la
Constitution de 1812 
énonçait que toute loi 
et tout document officiel devaient être publiés dans la langue «dans laquelle 
est rédigée la Constitution des États-Unis», c'est-à-dire en anglais:  
  
  
    
      | Constitution of 1812 
      [texte original] 
		
      Article 6 That
        all laws that may ber passed by the legislature, and the public records
        of the State, and the judicial and legislative written proceedings of
        the same, shall be promulgated, preserved and conducted in the language
        in wich the constitution of the United States is written. | Constitution de 1812 
		[traduction] 
		
      Article 6  
      Que toutes les 
      lois qui peuvent être adoptées par la législature, ainsi que les archives 
      de l'État, les procédures judiciaires et les débats législatifs soient promulgués, conservés et publiés dans la langue dans laquelle
        est rédigée la Constitution des États-Unis. | 
  
  
 
 Il est évident que la prédominance du français en Louisiane
pouvait causer certains problèmes à Washington et que l’Assemblée de l’Union ait cru bon
de faire en sorte que la Constitution louisianaise soit plus «adaptée» à la 
situation nord-américaine. Néanmoins, on peut se demander pourquoi les 23 représentants 
francophones (sur un total de 41: soit 56 %), qui rédigèrent la Constitution de 1812, n'ont 
pas profité de leur majorité pour se doter ou se garantir de droits spécifiques en tant que 
francophones. Selon les historiens, les Créoles blancs qui ont rédigé la 
Constitution auraient totalement manqué de «vision historique». Imbus 
d'eux-mêmes, vivant complètement à l'heure de l'Europe et éprouvant le plus 
grand mépris pour les autres cultures (dont celle des Américains), ils croyaient que le fair play 
anglo-saxon était suffisant pour protéger leurs valeurs culturelles. Pour la 
plupart d'entre eux, il paraissait plus important de se joindre immédiatement à l'Union, sans 
causer de difficulté, quitte à modifier par la suite la Constitution et 
l'ajuster à leur jeune démocratie.  Pour les historiens, les Créole blancs 
furent ou bien naïfs ou bien totalement inconscients. Cette constitution est restée en vigueur jusqu'en 1845. 
2.1 Un petit répit pour le français
 Ces événements n'ont pas empêché, d'une part, que la législature adopte des lois en
français, d'autre part, que de nombreux
fonctionnaires, dont le second gouverneur Jacques Villeré (de 1816 à1820),
continuent d'ignorer la langue anglaise. La Louisiane continua de publier ses documents
officiels en français et sa législature adopta le bilinguisme comme une sorte
de nécessité
pratique. C'était le fair play américain qui joua pour un temps en faveur des 
francophones. Toutefois, la Cour suprême de la Louisiane, de son côté, a
souvent invalidé plusieurs lois parce qu'elles avaient
été adoptées uniquement en français, donc inconstitutionnelles. 
Lorsque Napoléon fut vaincu à Waterloo (Belgique) en
1815 et fait prisonnier par les Anglais qui l'envoyèrent en exil à 
Sainte-Hélène,
de nombreuses riches familles créoles blanches de La Nouvelle-Orléans proposèrent aux
Anglais de libérer Napoléon contre rançon et de le laisser vivre en
Louisiane; les États-Unis refusèrent de soutenir la demande des Louisianais, tandis que les
Créoles blancs se sentirent abandonnés par leurs nouveaux
maîtres qu'ils trouvaient «arrogants» et «mal élevés». 
Grâce à l'initiative du président 
      James Monroe, le 
      marquis de La Fayette (1757-1834), ou 
      simplement 
      «Lafayette» pour les Américains, visita 
en 1825, soit du 9 au 15 avril, La Nouvelle-Orléans et la nouvelle
place Lafayette; les Créoles francophones l'acclamèrent et Thomas Jefferson 
      proposa à «Lafayette» de devenir le premier gouverneur de la Louisiane.  
      Après un séjour d'un an et demi au
États-Unis, Lafayette avait visité 182 villes (dans les  États de New-York, 
      du Massachusetts, du New Hampshire, de la Pennsylvanie, de la Virginie, du 
      Maryland, des deux Carolines, de la Géorgie et de l'Alabama) et reçu du Congrès
américain une indemnité financière de 200 000 $ ainsi que 12 000 hectares de
terres en Floride, en remboursement des frais engagés par l'officier français
sur ses propres deniers. Partout, en tant que «hôte de la Nation», le marquis de 
      La Fayette fut accueilli avec un enthousiasme et des hommages 
      extraordinaires. La résolution du Congrès américain confirmait également que Lafayette 
      avait
«volontairement avancé de son argent et risqué sa vie pour la liberté des
Américains». L'université Princeton lui décerna à cette occasion un 
      doctorat honoris causa, attribué en 1790.
Lors de ses voyages, il visita des villes aux noms 
français, dont Lafayette, Napoléonville, Bâton-Rouge, Carondelet et Saint-Louis. 
Il se fit servir des discours en anglais, en français, en «patois acadien» et en 
créole. En dépit de son statut de héros national, le célèbre marquis, alors âgé 
de 68 ans, préféra poursuivre sa carrière militaire en France. La Louisiane 
l'avait ébloui, mais elle ne correspondait pour lui qu'à un rêve réalisé alors 
qu'il n'avait que vingt ans. Encore aujourd'hui, La Fayette est, avec W. 
      Churchill, l'étranger le plus populaire et le plus reconnu par les 
      États-Unis. John Adams, qui fut le deuxième président des États-Unis de 
1797 à 1801, voyait en La Fayette un mélange de patriote français et de patriote 
américain: «He is a mongrel 
character of French patriot and American patriot.» Il voulait ainsi démontrer 
les sentiments hybrides du marquis, à la fois français et américain.  
En 1825, le nouveau  Code pénal de l'État
de la Louisiane, préparé par MM. Edward Livingston, Louis Moreau-Lislet et Pierre Derbigny, fut
rédigé en français; il était presque entièrement calqué sur le  Code de Napoléon
et concrétisait une forme de bilinguisme juridique. Les tribunaux ont même
établi que, en cas de conflit d'interprétation, la version française devait
prévaloir. La même année, la Louisiane a aussi adopté le Code de
procédure civile (1825), qui rendait le français obligatoire (art. 172 et art. 2903):
  
  
    
      | Article
        172 [traduction] Cette pétition doit être
        rédigée dans les langues anglaise et française, si le français est
        la langue maternelle de l'une des parties. | Article
        2903
         [traduction] Cet avis sera publié par le
        shérif, en anglais et en français, à savoir par affiches aux lieux
        accoutumés, dans les endroits où il ne s'exprime point de gazettes, ou
        en le faisant insérer par trois fois en anglais et en français, dans
        au moins une des gazettes des lieux où il s'imprime des papiers
        publics. | 
  
  
 
 Le Code de procédure civile de l'État 
de la Louisiane (en français et en anglais) suivit en 1839. Par la suite, en 1843, Alexandre Mouton 
(1804-1882), pour la première fois un francophone d'origine acadienne, fut élu 
gouverneur de la Louisiane. M. Mouton était un homme riche et instruit, il avait 
été sénateur et possédait plus de 120 esclaves; il fut président de la Convention 
de sécession de 1860, qui constitua un 
gouvernement séparé: la Confédération sudiste. 
Au cours de cette période, les Louisianais purent utiliser 
le français sans entraves. La plupart des riches Créoles blancs envoyaient 
encore leurs fils dans les grandes écoles de France afin de les familiariser 
avec la culture et les mœurs françaises. En général, Les Créole blancs 
continuaient de vivre en marge de leur nouveau pays devenu américain et 
méprisaient ouvertement la langue anglaise. Rares étaient les parents 
louisianais qui eurent la clairvoyance de faire apprendre l'anglais à leur 
progéniture. Au contraire, l'affection des Créoles pour la langue française 
tourna au fanatisme. Beaucoup de grands propriétaires louisianais ne toléraient 
même pas qu'on prononçât devant eux un seul mot anglais, celle langue considérée 
comme «barbare», tandis qu'ils ne se formalisaient nullement lorsque leurs 
enfants parlaient le créole louisianais des Noirs. Il n'existe que fort peu de 
témoignages du français parlé par les Louisianais de l'époque. L'ornithologue et 
portraitiste américain d'origine française, John James  
Audubon (ou Jean-Jacques), écrivit vers 1803 dans son journal ce commentaire peu élogieux sur le 
français des Louisianais:
  
    
      | C'est une race d'animaux qui 
		ne parle ni le français ni l'anglais, ni l'espagnol correctement, mais 
		un jargon composé des mots les moins purs de ces trois langues. | 
  
   
 Évidemment, comme au Canada, les Louisianais parlaient un 
français archaïsant et qui pouvait paraître «vieillot» pour John James Audubon qui ne 
devait pas faire de différence entre les Créoles Blancs, les Acadiens (ou Cadiens) et les Chacalatas (Indiens).   
2.2 L'instauration du bilinguisme
En 1830, La Nouvelle-Orléans comptait 46 000 habitants en 
majorité francophones. Dix ans plus tard, La Nouvelle-Orléans était devenue la 
quatrième ville la plus importante des États-Unis avec 102 000 habitants. En 
1860, la ville allait atteindre 168 675 habitants.  Pendant ce temps, les 
francophones ne représentaient plus que 7 % de la population de La 
Nouvelle-Orléans, alors que les Irlandais (15 %) et les Allemands (12 %) étaient 
majoritaires et plus enclins à parler anglais que français. Des situations 
similaires ont dû se répéter dans plusieurs autres villes. Cette époque se 
caractérisa par l'instauration d'un bilinguisme social. En raison de leur 
religion, les Irlandais entrèrent en contact avec les francophones; mais de par 
leur langue ils devinrent aussi les interlocuteurs naturels des anglophones. De 
plus, l'augmentation des unions mixtes entre francophones et non-francophones 
entraînèrent l'accroissement de locuteurs bilingues ou anglophones. Beaucoup de 
nouveaux immigrants, dont la langue maternelle n'était ni l'anglais ni le 
français, apprenaient l'une ou l'autre des langues, mais souvent les deux. 
Toutes les communautés linguistiques avaient intérêt à apprendre l'anglais et le 
français devenus des langues indispensables. Dans ces conditions, les planteurs 
blancs francophones se sont mis à se tourner vers l'anglais afin de bénéficier 
des avantages de la langue anglaise et aussi pour se distinguer des Créoles 
noirs avec lesquels ils ne voulaient plus être associés dans la nouvelle 
structure sociale. Par voie de conséquence, ils envoyèrent leurs enfants dans 
les écoles anglaises afin qu'ils puissent jouir d'avantages par rapport aux 
Noirs. Cependant, les populations francophone et anglophone profitaient chacune 
des bénéfices de l'apprentissage de leur langue respective. Ce sera différent 
après la guerre de Sécession.
La 
Constitution de 1845 fit de 
la pratique du bilinguisme une exigence pour la
reconnaissance des lois linguistiques des francophones de la Louisiane, alors
qu'en 1847,
une loi autorisait l'instruction bilingue dans les écoles publiques de l’État.
L'article 132 de la Constitution de 1845 (auquel correspond l'article 129 de la
Constitution de 1852) proclamait ce qui suit:
  
  
    
      | Constitution of 1845  
      [texte original] 
		Article 132 The Constitution and laws of this 
		State shall be promulgated in the French and English languages. Article 104 The Secretary of the Senate, and Clerk 
		of the House of Representatives, shall be conversant with the French and 
		English languages ; and members may address either house in the French 
		or English language. | Constitution de 1845 
        
		[traduction] 
		Article 132
		 La Constitution et les lois de l'État sont
        publiés en anglais et en français. Article 104  Le secrétaire du Sénat et le greffier de la
        Chambre des représentants doivent connaître le français et l'anglais.
        Les membres des deux Chambres peuvent s'exprimer en français ou en
        anglais. | 
  
  
 
En réalité, ces articles ont été insérés afin de faire 
taire les protestations ou «injustices» de la part des Créoles blancs au 
chapitre des lois et règlements. Les Créoles ne formaient plus que 35 % des 
représentants de la Convention (contre près de 60 % en 1812). Le chapitre VII se 
rapportait à l'éducation. On mit sur pied un ministère de l'Éducation qui 
devait administrer les écoles depuis le primaire jusqu'à l'université. 
Cependant, la question linguistique ne fut guère soulevée. Il faut 
dire que ce problème ne touchait que fort peu les «grandes familles» créoles, 
qui envoyaient généralement leurs enfants poursuivre leurs études en France. 
Le 31 juillet 1852, 
les Louisianais se dotèrent d'une nouvelle 
constitution, 
alors que les Créoles ne représentaient que 20 % des rédacteurs (25 francophones 
sur les 114 membres de la Convention). Cette fois-ci, le texte officiel présentait 
une version française et une version anglaise. Les articles 100 et 101 
revêtent un intérêt particulier en ce qui concerne la langue juridique 
louisianaise:
  
  
    
      | Constitution of 1852 
      [texte original] 
		Article 100  
			
				
					The laws, public records, and the judicial and legislative 
					written proceedings of the State shall be promulgated, 
					preserved and conducted in the language in which the 
					Constitution of the United States is written.
 
					Article 101 The Secretary of the 
					Senate and Clerk of the House of Representatives shall be 
					conversant with the French and English languages, and 
					members may address either house in the French or English 
					language. | Constitution  de 1852 
		
		[traduction] 
		Article 100 
		 
      Les lois, les archives, les 
      procédures judiciaires, les délibérations législatives sont rédigées et 
      promulguées dans la langue dans laquelle est écrite la Constitution des 
      États-Unis. Article 101 Le secrétaire du Sénat et 
      le greffier de la Chambre des représentants doivent savoir l'anglais et le 
      français, et les membres de l'Assemblée générale pourront prendre la 
      parole dans l'une ou l'autre Chambre, en français ou en anglais. | 
  
  
 
Le chapitre VIII portait sur l'éducation et la création 
d'écoles publiques gratuites. L'article 136 
énonce ce qui suit: 
  
  
    
      | Constitution of 1852 
      [texte original] 
		Article 136 The General Assembly shall establish 
		free public schools throughout the State, and shall provide for their 
		support by general taxation on property or otherwise; and all moneys so 
		raised or provided shall be distributed to each parish in proportion to 
		the number of free white children between such ages as shall be fixed by 
		the General Assembly. | Constitution of 1852 
      [texte original] 
		Article 136 
      L'Assemblée générale établira 
      des écoles gratuites et publiques dans tout l'État, et devra pourvoir à 
      leur entretien au moyen d'une taxe générale sur les propriétés ou 
      autrement. Le montant ainsi perçu ou obtenu de toute autre façon sera 
      distribué entre les différentes paroisses proportionnellement au nombre 
      d'enfants libres et blancs qu'elles refermeront, et de l'âge indiqué par 
      l'Assemblée générale. | 
  
  
 
On constate que, comme dans la Constitution précédente 
(1845), la 
question linguistique n'avait été guère soulevée.  Le texte constitutionnel 
de 1852 est 
suivi des Règlements de la Chambre des représentants (1852) rédigés en 
français. Voici ce 
qu'on y retrouve au sujet de la langue:
  
  
    
      | Article 67 
      [texte original français] 
      Il sera du devoir du commis 
      aux minutes (sic) de la Chambre d'écrire de sa propre main la partie anglaise du 
      journal de cette Chambre, et le greffier surveillera avec soin le journal 
      écrit dans les deux langues. Article 68 Le greffier lira le journal 
      tous les jours sur les feuilles sur lesquelles elles sont écrites; et 
      après qu'elles auront été ainsi lues et corrigées, et pas auparavant, ces 
      minutes (sic) seront enregistrées dans le livre et, s'il est 
      nécessaire, elles seront corrigées et amendées sous la section de la 
      Chambre, et une copie dans les deux langues en sera fournie à l'imprimeur 
      sous la signature du greffier, le lendemain du jour où elle aura été lue, 
      à 10 heures. Article 69 Le greffier sera 
      responsable de la rédaction du procès-verbal dans les deux langues. [...] | 
  
  
 
Le moins que l'on puisse dire, c'est que les Louisianais 
ne semblaient guère s'intéresser à protéger leur langue française. Ils allaient en payer 
le prix bientôt!
2.3 La fin de la francophonie officielle
Comme d'autres États esclavagistes, la Louisiane fit sécession en 1861. 
Celle-ci ne voulait pas libérer ses esclaves qui travaillaient dans les 
plantations et assuraient les richesses de ces exploitations gérées par les 
Créoles blancs.  L'Assemblée louisianaise proclama son indépendance par 112 voix contre 17, le 12 février 
1861, sous le nom de République de la Louisiane. Quelques jours plus tard, les 
troupes fédérales entrèrent en Louisiane et commencèrent à investir les forts 
Pike, Jackson et St. Philip. Les autorités louisianaises firent appel au 
patriotisme des Créoles blancs pour combattre le Nord. En 1864, on compta plus 
de 50 batailles sur le seul territoire de la Louisiane. Par la suite, les
constitutions républicaines radicales, imposées par les troupes de l’Union en
1864 et 1868, réussirent à abolir le statut officiel du français en Louisiane. Il s'agissait 
sans aucun doute d'une forme de représailles de la part des confédérés envers
la Louisiane qui entretenait des contacts réguliers avec la France de
l'époque. De plus, non seulement la France soutenait la Louisiane dans le conflit, mais
bon nombre de familles créoles (blanches) fortunées envoyaient leurs fils faire des études
à Paris ou à Bordeaux, et mariaient leurs filles à des Français fraîchement
débarqués à La Nouvelle-Orléans; la Louisiane était le dernier État à
sortir de la Reconstruction (l'époque d'après-guerre: The Reconstruction)
même si c'était le premier État, en raison de
l'importance du port de La Nouvelle-Orléans, à se faire «saisir» par
l'armée de l'Union. Cela dit, à cette époque, beaucoup de Créoles blancs 
étaient déjà linguistiquement assimilés. Le bilinguisme français-anglais 
qui constituait auparavant un avantage et un atout se transformait à cette 
époque en handicap. De peur d'apparaître antipatriotiques et antiaméricains, la 
plupart des francophones préférèrent rejeter leur héritage linguistique et 
culturel. Les Noirs francophones firent de même.
Alors que la Louisiane était occupée par les troupes de 
l'Union, le major-général N. B. Banks ordonna que la Constitution de 1852 devait 
être révisée. Cette fois-ci, les représentants de la Convention chargés de 
rédiger le texte constitutionnel ne comptaient que 18 % de francophones, 
partagés entre les Créoles et les Acadiens. De plus, les représentants furent 
soumis, en tant que vaincus, à la cause nordiste (dont l'abolition de 
l'esclavage). C'est pourquoi la 
Constitution de 1864 (la 
"Constitutional Convention of 1864"), 
d'inspiration très nordiste, supprima toutes les
dispositions juridiques en faveur du français. L'anglais devint la seule langue
officielle pour les lois, documents et procès-verbaux, alors que
l'article 142 de la Constitution stipulait, pour la première fois, que
l'enseignement primaire devait se faire en anglais; quant à la variété du «français colonial», 
elle disparut presque complètement.
Parmi les 155 articles constitutionnels, il n'était fait mention nulle part de la langue des 
tribunaux. 
	
		
			| Constitutional Convention of 1864 
      [texte original] 
			Article 142 The laws, published records and 
			judicial and legislative proceedings of the State shall be 
			promulgated and preserved in the English language; and no laws shall 
			require judicial process to be issued in any other than the English 
			language. | Convention 
			constitutionnelle de 1864 
      [traduction] 
			Article 142 Les lois, les documents publiés et 
			la procédure judiciaire et législative de l'État doivent être 
			promulgués et conservés en anglais; et aucune loi ne doit prescrire 
			une procédure judiciaire qui serait attribuée à autre langue que 
			l'anglais. | 
	
 
En somme, les Yankees imposaient l'anglais aux Créoles blancs parce 
qu'ils avaient pris parti pour le Sud, aux Acadiens parce qu'ils n'avaient pas 
osé prendre parti pour le Nord et aux Noirs francophones pour les rendre aptes à 
bien s'intégrer au melting pot américain. En Louisiane, autrement dit en 
pays acadien, la répression du Nord contre le Sud avait pris un tour «anti-français».
Après le bilinguisme collectif qui avait caractérisait 
l'époque précédente, survint un changement radical dans les relations entre les 
Blancs et les Noirs. À la suite de l'abolition de l'esclavage en 1865, la 
structure sociale entre Blancs, Noirs et Créoles de couleur (Métis) changea 
progressivement. Auparavant, les Créoles de couleur étaient soit solidaires et 
unis aux Noirs soit condescendants et distants, selon qu'ils s'identifiaient ou 
non à ces derniers. Puis les Créoles de couleur se dissocièrent des Noirs, 
substituant ainsi un système binaire basé sur la race opposant les Blancs d'un 
côté et les Noirs de l'autre. 
En 1868, la Louisiane était toujours occupée par les 
troupes fédérales (elle le sera jusqu'en 1877). La situation économique de la 
Louisiane s'était effondrée. De nombreux propriétaires francophones furent 
obligés de vendre leur plantation à de riches entrepreneurs terriens (unilingues 
anglais) venus du Nord et quittèrent la Louisiane. Puis des groupes racistes, 
tels le Ku Klux Klan, les "Knights of the White Camelia" (en français : 
«Les chevaliers du camélia blanc») et la "White League", qui 
prônaient la suprématie de la «race blanche» contre les Noirs, se multiplièrent 
dans les États sudistes. En principe, l'abolition de l'esclavage avait pour 
effet que les Noirs jouissent des mêmes droits que les autres citoyens 
américains, notamment grâce aux XIIIe,
XIVe et XVe 
amendements de la Constitution des États-Unis. Mais les groupes racistes 
demeurèrent longtemps hostiles à ces lois et organisèrent de nombreuses 
opérations violentes contre les Noirs afin d'affirmer la supériorité des Blancs.  
En même temps, l'anglais devint l'unique langue véhiculaire avec le résultat que 
les anglophones délaissèrent le français considéré comme inutile, pendant que 
les francophones continuaient à tirer des avantages à apprendre l'anglais. Afin 
de ne pas être associés aux Noirs francophones, les Blancs francophones se 
rapprochèrent d'avantage des anglophones, particulièrement l'élite qui avait 
tout à gagner de s'assimiler.   
Parmi les 80 représentants de la 
Convention, 25 francophones (31 %, les Acadiens ayant été exclus) furent chargés 
de rédiger la Constitution de 1868. Les 161 
articles furent adoptés le 7 mars 1868; l'article 109 comportait une nouvelle 
disposition qui interdisait l'usage de toute autre langue que l'anglais: 
  
  
    
      | Constitution of 1868  
      [texte original] 
		
      Article 109 
      The 
      laws, publics records, and judicial and legislative proceedings of the 
      State shall be promulgated and preserved in the English language; and no 
      law shall require judicial process to be issued in any other than the 
      English language. | Constitution de 1868 
		[traduction] 
		
      Article 109 
      Les lois, archives publiques, 
      procédures judiciaires et délibérations législatives de l'État doivent 
      être rédigées et 
      promulguées en anglais; et aucune loi n'exigera que la 
      procédure judicaire ne soit publiée dans une autre langue que l'anglais. | 
  
  
 
En 1870, le Code civil fut refait et adopté dans sa version anglaise
seulement. Quant au Code de procédure civile, il fut refondu et toute
obligation d'utiliser le français fut supprimée. 
Les troupes fédérales finirent par quitter l'État de la 
Louisiane en 1877. Afin de rétablir la paix sociale et mettre fin aux querelles 
raciales, les Louisianais décidèrent de remanier toutes les lois et ordonnances, 
ainsi que la Constitution. Il en résulta que la
Constitution de 1879 réadmit certaines mesures 
au sujet du français, lesquelles sont restées
en vigueur jusqu’en 1921. Selon l'article 154, la législature de l'État
pouvait publier ses lois en français, mais ce n'est pas une obligation. Pour
sa part, l'article 226 prescrivait la langue anglaise dans les écoles primaires
tout en autorisant l'enseignement en français dans les paroisses où le français 
prédomine «à la condition qu'il n'en
résulte aucuns frais supplémentaires». 
	
		
			| Constitution of 1868  
      [texte original] 
			
      		Article 154 The laws, public 
			records, and the judicial and legislative written proceedings of the 
			State shall be promulgated, preserved and conducted in the English 
			language; but the General Assembly may provide for the publication 
			of the laws in the French language, and prescribe that judicial 
			advertisements in certain designated cities ans parishes shall also 
			be made in that language. Article 226 The general exercices 
			in the public schools shall be conducted in the English language and 
			the elementary branches taught therein; provided, that these 
			elementary branches may also be taught in the French language in 
			those parishes in the States or localities in said parishes where 
			the French language predominates, if no additional expense is 
			incurred thereby. Article 228 No funds raised for 
			the support of the public schools of the State shall be appropriated 
			to or used for the support of any sectarian schools. | Constitution de 1868  
		[traduction] 
			
      		Article 154 Les lois, les 
			archives publiques et la procédure écrite, judiciaire et législative 
			de l'État doivent être promulguées, conservées et tenues en anglais; mais 
			l'Assemblée générale peut prévoir la publication des lois en 
			français et prescrire que les avis judiciaires dans certaines villes 
			et paroisses désignées soient également transcrits dans cette 
			langue. Article 226 Les exercices 
			généraux dans les écoles publiques doivent se dérouler en anglais et 
			les disciplines élémentaires, enseignées dans cette langue; pourvu 
			que ces disciplines puissent aussi être enseignées en 
			français dans ces paroisses dans les États ou les localités dans 
			lesdites paroisses où le français prédomine, à la condition qu'il 
			n'en résulte aucuns frais supplémentaires. Article 228 Aucuns fonds 
			supplémentaire pour le soutien des écoles publiques de l'État ne 
			doivent être affectés ou utilisés pour soutenir une école 
			confessionnelle. | 
	
 
Dans le cas contraire, c'est-à-dire 
si cela occasionnait des coûts, le gouvernement louisianais interdit 
spécifiquement, sous peine de réprimande, l'usage de fonds publics pour les 
écoles confessionnelles, ce qui correspondait aux écoles minoritaires 
françaises. Autrement dit, l'enseignement de la langue française était toléré à 
la condition qu'il n'en résulte aucuns frais supplémentaires, mais 
cet enseignement n'avait plus aucun statut officiel. L'impact de la Constitution 
de 1868 
a, selon le juriste louisianais
Roger K. Ward, 
aurait entraîné
un holocauste 
linguistique ("a 
linguistic holocaust") 
perpétré par une
majorité anglophone
vindicative
("a vindictive Anglophone majority") 
contre une 
minorité francophone vulnérable. 
À ce moment, plus de 80 % des Créoles 
blancs étaient irréversiblement assimilés. D'ailleurs, les jeunes Louisianais 
n'allaient plus se «ressourcer» en France. Après la guerre de Sécession, c'est 
au rythme des mœurs américaines que les Louisianais durent ajuster leur 
culture et leur vie quotidienne, même si certains Louisianais rêvaient encore 
d'un empire français en Amérique. 
2.4 L'anglicisation et l'assimilation
À la fin du XIXe siècle, les Créoles blancs 
n'exercèrent plus aucune influence en Louisiane. Discrédités ou assimilés, voire 
décédés en grande partie, ils n'avaient plus de voix au chapitre des décisions. Ce furent les 
Acadiens qui prirent alors la relève en ce qui a trait à la défense de la langue 
et de la culture françaises en Louisiane. En 1896, un jugement de la Cour suprême 
des États-Unis décréta, tout particulièrement à l'égard des écoles: «Separate 
but Equal». L'anglicisation des écoles s'intensifia grâce au clergé catholique 
anglo-irlandais. L'évêque Ireland (c'est son nom!) déclara à Saint-Paul du Minnesota en 1887:
  
  
    
      | Nous ne voulons pas plus dans 
      le catholicisme américain d'un nationalisme allemand que d'un nationalisme 
      français ou irlandais [...] Un drapeau, une nation, une langue. | 
  
  
 
Par devoir américain (cf. la célèbre formule «one flag, 
one nation, one language»), Mgr Ireland supprimait l'enseignement du français 
dans les écoles. Le haut clergé francophone fut progressivement remplacé par des 
prêtres anglophones.
La 
Constitution de 1898 
fit encore régresser le statut du français en Louisiane. L'article 251 
sur la langue d'enseignement reprenait le texte de l'article 226 de la 
Constitution précédente de 1879, alors que la langue anglaise était imposée dans les 
écoles primaires, tout en autorisant l'enseignement en français dans les 
paroisses où le français prédomine «à la condition qu'il n'en
résulte aucuns frais supplémentaires». 
	
		
			| Constitution of 1898 
			
      [texte original] 
			Article 251 The general exercices 
			in the public schools shall be conducted in the English language and 
			the elementary branches taught therein; provided, that these 
			elementary branches may also be taught in the French language in 
			those parishes in the States or localities in said parishes where 
			the French language predominates, if no additional expense is 
			incurred thereby. | Constitution de 1898
			
       [traduction] 
			Article 251 Les exercices 
			généraux dans les écoles publiques doivent se dérouler en anglais et 
			les disciplines élémentaires, enseignées dans cette langue; pourvu 
			que ces disciplines primaires puissent aussi être enseignées en 
			français dans ces paroisses dans les États ou les localités dans 
			lesdites paroisses où le français prédomine, à la condition qu'il 
			n'en résulte aucuns frais supplémentaires. | 
	
 
Au sein des représentants de la 
Convention, on ne comptait plus aucun Créole blanc, seulement des Acadiens (22 
%). Bref, les Créoles blancs étaient définitivement éliminés dans les décisions 
politiques de la Louisiane.  Néanmoins, la majorité de la population 
louisianaise continuait de parler français.
La 
Constitution de 1913 
reprit les dispositions de la Constitution précédente, notamment aux articles 
248 et 251, qui maintenaient les écoles séparées et l'imposition de la langue 
anglaise, tout en tolérant le français dans certaines écoles. Sur 73 signataires 
de cette constitution, seulement 14 (19 %) étaient francophones. 
	
		
			| Constitution 
			of 1913  [texte 
			original] Article 248 There shall be free public schools 
			for the white and colored races, separately established by the 
			General Assembly, throughout the State for the education of all the 
			children of the State between the ages of six and eighteen years; 
			provided, that where kindergarten schools 'exist, children between 
			the ages of four and six may be admitted into said schools. All 
			funds raised by the State for the support of public 'schools, except 
			poll taxes, shall be distributed to each parish in proportion to the 
			number of children therein between 'the ages of six and eighteen 
			years. The General Assembly shall provide for the enumeration of 
			educable children.
 Article 251
 The general exercises in the 
			public schools shall be conducted in the English language; provided, 
			that the French language may be taught in those parishes or 
			localities where the French language predominates, if no additional 
			expense is incurred thereby.  Article 253 No funds raised for the support of 
			the public schools of the State shall be appropriated to or used for 
			the support of any private or sectarian schools. | Constitution de 1913 
			 [traduction] 
			Article 248 Il doit exister des écoles 
			publiques gratuites pour la race blanche et les gens de couleur, 
			établies sur une base séparée par l'Assemblée générale, dans tout 
			l'État destinées à l'éducation de tous les enfants de l'État âgées 
			entre 6 et 18 ans; à la condition que, lorsque les écoles 
			maternelles existent, les enfants âgés de 4 à 6 ans puissent être 
			admis dans lesdites écoles. Tous les fonds recueillis par l'État 
			pour le soutien des écoles publiques, sauf les impôts de capitation, 
			seront distribués à chaque paroisse en proportion du nombre 
			d'enfants correspondant entre 6 et 18 ans. L'Assemblée générale doit 
			prévoir le dénombrement des enfants admissibles.
 Article 
			251
 Les exercices généraux dans les 
			écoles publiques doivent se dérouler en anglais, à la condition, que 
			la langue française puisse être enseignée dans les paroisses ou dans 
			les localités où le français prédomine, s'il n'en résulte aucune 
			dépense supplémentaire à ce sujet. Article 253 Aucuns fonds recueillis pour le 
			soutien des écoles publiques de l'État ne doivent être affectés ou 
			utilisés pour soutenir des écoles privées ou confessionnelles. | 
	
 
La 
Constitution de 1921 
ne fit même plus allusion au mot «français» ("French"). Seul le terme «anglais» 
("English") apparut comme exigence pour être désignée juge de paix:
	
		
			| Constitution of 1921 
			 [texte 
			original] Section 47
			
 Qualifications election and terms
 
 Justices of the peace shall be of good moral character, freeholders 
			and qualified electors, able to read and write the English language 
			correctly, and shall possess such other qualifications as may be 
			prescribed by law.
 
 They shall be elected at the general state election for terms of 
			four years, by the qualified voters within the territorial limits of 
			their jurisdiction.
 | Constitution de 1921 
      [traduction] 
			Article 47 Qualifications aux 
			élections et mandats Les juges de paix doivent avoir 
			une bonne moralité, être propriétaires fonciers et être qualifiés 
			comme électeur, savoir lire et écrire l'anglais correctement et 
			posséder toute autre qualifications prescrite par la loi. Les juges de paix sont élus lors 
			des élections législatives générales pour un mandat de quatre ans 
			par les individus qualifiés comme électeurs dans les limites 
			territoriales de leur juridiction. | 
	
 
En ce qui concerne les écoles publiques et paroissiales, 
il ne fut plus question du français. L'article XII prévoit encore des écoles 
séparées pour les Blancs et les Noirs (section 1), mais impose l'emploi exclusif 
de l'anglais (section 12), tandis que les fonds publics ne doivent pas être 
destinés à soutenir une école privée (française) ou confessionnelle 
(catholique). 
	
		
			| Constitution of 1921 
			 [texte 
			original] Article XII Public Education
 Section 1
 Educational system, how 
			constituted The educational system of the 
			State shall consist of all free public schools, and all institutions 
			of learning, supported in whole or in part by appropriation of 
			public funds. Separate free public schools shall be maintained for 
			the education of white and colored children between the ages of six 
			and eighteen years; provided, that kindergartens may be authorized 
			for children between the ages of four and six years. Section 12 Exercices in English The general exercises in the 
			public schools shall be conducted in the English language. 
			 Section 13 No public funds for private or 
			sectarian schools No public funds shall be used for 
			the support of any private or sectarian school. | Constitution 
			de 1921  [traduction] 
			Article XII Éducation publique Constitution du système 
			d'éducation Section 1 Le système d'éducation de l'État 
			est composé de toutes les écoles publiques gratuites et tous les 
			établissements d'enseignement pris en charge en totalité ou en 
			partie au moyen des fonds publics. Des écoles publiques gratuites 
			séparées doivent être maintenues pour l'éducation des enfants blancs 
			et des enfants de couleur âgés de 6 à 18 ans; à la condition que des 
			écoles maternelles puissent être autorisées pour les enfants âgés de 
			4 à 6 ans. Section 12 Exercices en anglais Les exercices généraux dans les 
			écoles publiques doivent se dérouler en anglais.  Section 13 Aucun fonds publics pour les 
			écoles privées ou confessionnelles Aucuns fonds publics ne doivent 
			être destinés à soutenir une école privée ou confessionnelle. | 
	
 
La Constitution de 1913 obligea les écoles publiques à n'enseigner qu'en 
anglais. Les maîtres avaient le droit de punir leurs élèves qui, par 
mégarde, parlaient français en classe ou dans les cours de récréation. Il 
arrivait que l'on oblige les enfants surpris à parler français à se laver la 
bouche avec du savon et à s'agenouiller pendant une heure sur des épis de maïs. 
Cette discrimination toucha plus les Blancs que les Noirs, car ces derniers 
étaient moins perméables à l'anglais. L'État recruta, dans le nord de la 
Louisiane, dans le Mississipi et dans le Kentucky des professeurs qui ne 
parlaient qu'anglais. Cette interdiction du français n'avait rien de rigoureux 
dans les écoles privées. Dans ces écoles fréquentées par les communautés 
acadiennes, l'interdiction passa plus ou moins inaperçue, mais le «Code de Napoléon» 
a continué à s'appliquer dans les lois de l'État. Toutefois, les Acadiens francophones ne comptaient plus que pour 2 % des signataires de la 
Constitution.  C'est au cours de ces années que les enfants surpris à 
parler français à l'école recevaient des coups de fouet sur les fesses.
 Durant une décennie (au cours des années 1930), certains
membres du clergé catholique, par ailleurs fortement américanisé depuis le
début du XXe siècle, encouragèrent les Louisianais francophones à abandonner le
français pour l’anglais; par la suite, le clergé local fut formé selon les
valeurs anglo-américaines du Sud. C'est ce qui explique probablement que, dans les années
1980, une seule communauté religieuse offrait encore une messe en
français le dimanche (à sept heures le matin); quelques autres communautés
offraient une messe en semaine dans les centres d'accueil pour les personnes
âgées. 
C'est au cours de ces années que les Louisianais 
francophones ont véritablement découvert les Américains, qu'on appelait encore 
«les Anglais»!  L'exploitation intensive du pétrole à partir de 1940 
changea le visage de la Louisiane, tout en faisant la fortune des habitants de 
Lafayette. L'arrivée de la Seconde Guerre mondiale a mis les Louisianais 
francophones en contact avec les soldats américains. Les Louisianais qui 
revinrent d'Europe poursuivirent l'œuvre d'américanisation commencée par les 
hommes d'affaires et les professeurs américains, tandis que la Louisiane sortait 
de sa ruralité.      
2.5 L'absence de politique linguistique 
institutionnalisée
 Après la Seconde Guerre mondiale, le français (ou ses
variantes) n’était
plus la langue majoritaire en Louisiane, alors que l’avènement de la radio
et surtout de la télévision allait s'introduire dans les foyers et accélérer le changement amorcé par
les établissements scolaires et les communautés religieuses. Dès la 
décennie 1950, on peut affirmer que le français était pratiquement perdu en 
Louisiane. La plupart des Louisianais d'origine francophone étaient assimilés, à 
l'exception des personnes âgées.
Quant à la Constitution actuelle (adoptée en 1974, 
modifiée en 1999), l'article 12 (paragraphe 4) précise, en anglais, que «le 
droit du peuple de préserver, favoriser et promouvoir ses origines respectives, 
historiques, culturelles et linguistiques, est reconnu». 
  
  
    
      | Constitution of 1974 
		 [texte 
		original] 
      Article 12  Section 4 Preservation of Linguistic 
      and Cultural Origins  The right of the people to preserve, foster, and promote their 
      respective historic linguistic and cultural origins is recognized. | Constitution de 1974 
      
		[traduction] 
      Article 12
       Section 4 Préservation des origines 
      linguistiques et culturelles  Le droit du peuple de préserver, 
      de favoriser et de promouvoir ses origines respectives, historiques 
      linguistiques et culturelles, est reconnu. | 
  
  
 
C'est le seul article à contenu linguistique dans la 
présente Constitution de la Louisiane et aucune allusion n'est faite au sujet ni 
de l'anglais ni du français. L'anglais est donc la langue officielle de facto, 
le français, tout au plus une langue étrangère protégée, sans véritable 
assise juridique. Il faut donc retenir que, 
juridiquement parlant, la Louisiane n'a de langue officielle, pas plus 
l'anglais que le français. Ce n'est même plus nécessaire!
L'exemple de la Louisiane démontre que, comme au Canada, 
l'expansion de l'anglais s'est faite sans aucune politique linguistique 
institutionnalisée qui aurait eu pour objectif l'imposition de l'anglais aux 
francophones. C'est la même dynamique que l'on retrouve dans plusieurs autres 
régions des États-Unis où les Européens non anglophones se sont anglicisés et 
américanisés. 
3 L'apport de James Domengeaux
(1907-1988)
Après la Seconde Guerre mondiale, la plupart des Louisianais étaient devenus 
anglophones. Les francophones qui, pour des raisons ethniques et linguistiques, 
n'étaient pas assimilés, étaient définitivement devenus des marginaux. Pendant 
que leur culture française était discréditée, leur variété de français 
dévalorisée, leur variété d'anglais était ridiculisée. À la fin de la décennie 
de 1950, le tourisme incita les francophones à sortir de leur ghetto social.  
Les origines françaises devinrent un élément distinctif de l'État de la 
Louisiane, sinon son principal attrait.   
  
  
    
      |  | Or, la Louisiane devait pouvoir compter sur la 
détermination d'un James Domengeaux, un prestigieux et riche avocat de 
      Lafayette, membre du Congrès de Washington. M. Domengeaux 
faisait le constant suivant lors d'une entrevue: 
 
          
          
            
              | Peut-être que c'est 
              vrai, parce que en réalité le français était fini, le français 
              était abandonné dans les églises, dans les écoles, dans les 
              familles, il n'était pas parlé dans les chemins, dans les 
              magasins, c'était déclassé, c'était associé à l'ignorance. Et ça, 
              c'est une des grosses erreurs et c'est triste qu'on a laissé ça 
              arriver. Et les éducateurs louisianais administrateurs, je veux 
              dire plus que les écoles, ont découragé le français, et les 
              commissions dans les écoles dans le sud de la Louisiane et où le 
              français était natif, ces commissaires étaient tous 
              français-acadiens, ils avaient le pouvoir de mettre solidement le 
              français dans les écoles et ils ne l'ont pas fait, et personne ne 
              l'a demandé, personne n'a insisté pour ça. Alors, je crois qu'on a 
              tous contribué à cette triste attitude et je souhaite qu'il ne 
              soit pas trop tard pour le préserver. |  
 À partir de 1968, M. James Domengeaux entreprit une campagne
destinée à restaurer la langue française. À cette époque, seulement le
quart de la population parlait une variété de français, sans pouvoir le lire
ni l'écrire.  Domengeaux était l'un de ceux-là! | 
  
  
 
        Lors d'un voyage en France, James Domengeaux rencontra le
président français (alors Georges Pompidou) à qui il demanda d'envoyer des
professeurs  en Louisiane pour enseigner le français aux jeunes. Dans son 
        français caractéristique, il déclara: «Monsieur le Président, si tu 
        m'aides pas, le français, il est foutu en Louisiane.» Ce
fut l'origine de l'accord de coopération qui lie encore aujourd'hui la France
et la Louisiane. Ces enseignants furent ensuite rejoints par des Belges et des
Québécois. L'apport de M. Domengeaux fut considérable pour le français de la
Louisiane. Il fit adopter à l'unanimité par le Sénat et la Chambre des représentants
        un ensemble de lois à incidences linguistiques:
  - la  loi no 408 (1968) prévoyant
  l'enseignement du français dans les cinq premières années des écoles
  primaires et les trois premières années des écoles secondaires;
  - la  loi no 259 (1968) exigeant que les
  universités et les collèges forment des enseignants qualifiés en français;
  - la  loi 256 (1968) reconnaissant la langue
  française comme officielle dans la publication des avis juridiques et des
  contrats;
  - la  loi 458 (1968) autorisant l'établissement
  d'une station de télévision en français, sans but lucratif (mais la loi n'a
  pas été appliquée).
C'est également grâce à M. Domengeaux que fut créé en
1968 le Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL), un
organisme gouvernemental qui a but de favoriser l'enseignement du français et
de maintenir l'héritage français en Louisiane. James Domengeaux fut nommé président-fondateur
du CODOFIL par le gouverneur de l'État. En 1978, M. Domengeaux
reçut de l'Office de la langue française du Québec l'Ordre des francophones
d'Amérique. Peu avant sa mort, le 11 avril 1988,
alors qu'il était âgé de 81 ans, le gouvernement français le gratifia du
titre de commandeur de l'Ordre de la Légion d'honneur.
3.1   Les nouveaux
développements
  
  
    
      |  | Dès 1971, la partie méridionale
        de la Louisiane fut reconnue officiellement par la Législature comme comme 
      «la région francophone» de l'État sous le nom
d'Acadiana (voir
        la description plus détaillée à ce sujet). Par contre, la 
      Louisiane du Nord (North Louisiana), la Louisiane centrale (Central 
      Louisiana), les Paroisses de Floride (Florida Parishes) et le 
      Grand-Nouvelle-Orléans (Greater New Orleans) sont des régions 
      essentiellement anglophones.  En 1980, lors du procès «James
Roach contre Dresser Industries, Valve and Industries Division», le juge
fédéral Hunter déclara les «Cadiens» une minorité protégée par la Loi
sur le droit civil de 1964.  En 1987, pour
la première fois, la Louisiane participa au Sommet de la Francophonie de
Québec en tant qu'observateur; une délégation de la Louisiane fut présente
en 1991 à Chaillot, au Vietnam en 1997 et à Moncton en 1999. Les premiers programmes d'immersion en français commencèrent en
1992. En 1994, l’Université de Louisiane à Lafayette lança le premier
programme de doctorat en Études francophones en Amérique du Nord.  | 
  
  
 
	
		
			|  | 3.2 Le fantôme de La Fayette  Le 17 juillet 2002, le Congrès américain a décidé d'élever
le marquis de  La Fayette au rang de «citoyen d'honneur des États-Unis
d'Amérique», un privilège accordé seulement à quatre reprises en quelque
200 ans d'histoire (l'ancien premier ministre britannique  Winston Churchill
 en
1963; le diplomate suédois   Raoul Wallenberg   en 1981, le philosophe quaker
anglais et fondateur de la Pennsylvanie,  William Penn, en 1984;
  Mère Térésa,
la bienfaitrice albanaise des bidonvilles de Calcutta, en 1997). La Fayette avait
écrit au sujet des États-Unis d'Amérique: 
  
  
    
      | Du premier moment où j'ai entendu
prononcer le nom de l'Amérique, je l'ai aimée; dès l'instant où j'ai su
qu'elle combattait pour la liberté, j'ai brûlé du désir de verser mon sang
pour elle; les jours où je pourrai la servir seront comptés par moi, dans tous
les temps et dans tous les lieux, parmi les plus heureux de ma vie. |  | 
	
 
  
    |  | Le marquis de La Fayette fut parfois plus américanophile 
que francophile; et on comprend que le gouvernement américain l'ait 
officiellement remercié 168 ans après sa mort. L'année 2003 commémorait le 
bicentenaire de la cession de la Louisiane par Bonaparte aux États-Unis (voir
l'affiche du bicentenaire). À cette occasion, le gouvernement fédéral a 
    émis un timbre commémoratif (30 
    avril 2003) pour rappeler la vente de la Louisiane par   
    Bonaparte (et non Napoléon), d'après une 
    illustration de 1904 d'André Castaigne. On y aperçoit le gouverneur de la Virginie, 
	Robert Livingstone 
    (au centre), 
serrant la main au ministre français du Trésor public, le marquis de Barbé-Marbois (de dos, 
    à gauche), alors que l'ambassadeur des États-Unis, James Monroe (à droite), 
signe le document. La Louisiane a connu une histoire 
    mouvementée, avec ses hauts et ses bas. L'histoire la plus positive a sans 
    doute eu lieu sous l'administration espagnole, alors que le français a vécu 
    une expansion presque incroyable, plus importante que sous l'administration 
    française. L'administration fédérale américaine a précipité le déclin du français, 
    surtout au XXe siècle. 
    Nous en connaissons les causes: l'interdiction du français dans les écoles à 
    partir de 1921, l'ouverture de routes qui désenclavèrent les communautés 
    francophones isolées, l'industrie pétrolière qui vint creuser des puits dans 
    les marais, l'influence des médias électroniques, la dévalorisation sociale 
    de tous les francophones et créolophones. | 
3.3 Le français louisianais 
aujourd'hui
 
Le français en Louisiane n'est pas mort. Il survit 
aujourd'hui avant tout comme langue identitaire. Ce n'est pas rien, mais cela n'en fait pas 
un État francophone de langue maternelle. La Louisiane est un État américain qui 
accorde au français le statut de langue minoritaire. De nombreuses familles 
vivent une situation dans laquelle les grands-parents unilingues francophones 
ont appris l'anglais à l'école, les parents sont nécessairement bilingues et les 
petits-enfants, des unilingues anglais qui ont appris le français à l'école. 
Dans une enquête effectuée à la fin des années 
quatre-vingt par Mme Cécyle Trépanier, professeure au Département de géographie 
de l'Université Laval, on constatait que seulement 8 % de mes répondants du 
troisième âge étaient unilingues anglais, alors que 36 % de leurs enfants et 91 
% de leurs petits-enfants l'étaient devenus. Moins de la moitié des répondants 
âgés parlaient français avec leur conjoint et moins du quart s'adressaient à 
leurs enfants dans cette langue; cinquante pour cent des enfants des répondants 
du troisième âge étaient bilingues; moins de 5 % d'entre eux utilisaient le 
français avec leur conjoint ou leurs enfants. Bref, Mme Trépanier constatait 
qu'il y avait une réduction dans la capacité de parler français. Pour les 
petits-enfants des répondants âgés, l'anglais était alors la seule langue 
parlée. De fait, il est rare que les parents décident d'élever leurs enfants en 
français, car le bilinguisme anglais-français en Louisiane ne se traduit pas par 
une meilleure situation économique.
Rien ne pourra enrayer le déclin et la disparition du 
français langue maternelle en Louisiane, mais le français langue seconde semble 
avoir un meilleur avenir. Cela nous amène à nous interroger sur le type de 
français à enseigner. Du temps du sénateur James Domengeaux, le CODOFIL devait 
avoir pour mission d'enseigner le français du «bon usage». Les Louisianais, 
notamment les Cadiens, utiliseraient une langue de «mauvaise qualité» qu'il fallait 
absolument corriger. C'est pourquoi l'État fit appel à des instituteurs 
québécois, français et belges, afin de manifester la volonté d'insérer la 
Louisiane dans le monde francophone en adoptant un français plus standardisé. 
Cependant, ce français demeure relativement éloigné de celui des Louisianais.
Encore au début du XXe 
siècle, on distinguait au moins quatre 
groupes linguistiques: 
	1) les Créoles blancs, descendants des premiers colons 
français, sinon canadiens-français ou espagnols; 
	2) les Créoles de couleur, 
d'origine raciale mixte; 
	3) les Amérindiens francophones; 
	4) les Cadiens, descendants 
des réfugiés acadiens. 
Un siècle plus tard, seuls les Louisianais d'origine 
acadienne et de leurs descendants peuvent encore transmettre ce qui reste du 
français. Ainsi, la Louisiane a été en grande partie «cadianisée» sur l'ensemble 
du territoire de la région culturelle française. Étant donné le faible nombre 
des enfants parlant le français cadien ou le créole à leur arrivée à l'école, il 
apparaît irréaliste d'enseigner les variétés locales du français en Louisiane. 
De plus en plus, les enseignants considèrent que le rôle de l'école est de 
valoriser les variétés locales dans le cadre d'un enseignement du français 
standard. Si la consolidation ethnique n'est pas complétée dans l'État, le 
processus de cadianisation unifie maintenant le territoire de la région 
culturelle. 
Lorsque l'ouragan Katrina frappa la Louisiane en août 2005, la 
plupart des écoles furent détruites. Mais la solidarité francophone joua un 
grand rôle dans la reconstruction en Louisiane. Ainsi, la France envoya rapidement des millions d'euros, 
de sorte que toutes les écoles où l'on enseignait le français à la Nouvelle-Orléans 
furent réparées et rouvertes. Il n'en demeure pas moins que le français en 
Louisiane s'apparente à celui de nombreux États francophones en Afrique. 
Cependant, une seconde catastrophe attendait les 
Louisianais en 2010: la marée noire dans le golfe du Mexique. Selon le président 
du CODOFIL, Warren Perrin, cette catastrophe écologique constitue une menace 
pour la langue française en Louisiane: «La catastrophe a surtout touché la côte 
de la Louisiane, et c'est là où l'on compte le plus de familles qui parlent le 
français.» Le problème vient des conséquences économiques de la marée noire sur 
les ressources allouées à la langue française. En temps de crise, les budgets 
accordés pour la langue sont toujours réduits en premier. Ainsi, le budget du 
CODOFIL a chuté de 60 % depuis 2008. Au printemps 2010, l'Université Nicholls 
State à Thibodaux annonçait qu'elle mettait fin à ses programmes en français. Selon  
Warren Perrin: «La catastrophe pétrolière va nécessairement aggraver le 
problème.» Toutefois, à long terme, la fuite de pétrole pourrait aussi avoir un 
effet bénéfique sur la culture cajun: «Ça pourrait mettre l'éclairage sur la 
question du français? Les gens vont comprendre que, si on perd la côte, on perd 
aussi la langue.» Rappelons que, selon le recensement de 2000, la Louisiane 
compterait près de 200 000 francophones, soit 4,7 % de la population. 
Quoi qu'il en soit, l'héritage français pourrait bien se 
transformer en héritage multiethnique, incluant certains apports français, mais 
aussi espagnols, irlandais, allemands, italiens, juifs, vietnamiens, etc. 
Évidemment, ce multiculturalisme semble conforme à l'histoire passée et 
contemporaine de la Louisiane, comme c'est le cas d'ailleurs dans la plupart des 
États américains, mais en même temps il gomme la spécificité louisianaise. Ce 
processus est le résultat de l'absence de l'État louisianais dans la 
restauration du français, laquelle n'est pas perçue comme une projet d'avenir 
pour la société. 

Dernière version mise à 
jour:
19 janv. 2024

  
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