Louisiane

La politique linguistique
actuelle en Louisiane

 
Capitale:  Bâton-Rouge (en anglais: Baton Rouge)
Population: 4,5 millions (2023)
Langue officielle: anglais (de facto
Groupe majoritaire: anglais (90,7 %)
Groupes minoritaires: français, créole et langues asiatiques
Système politique: le 18
e État de l'Union américaine (USA)
Articles constitutionnels (langue): article 12 (section 4) de la Constitution de 1974 (modifiée); constitutions passées.
Lois linguistiques:
Loi établissant le Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL) ; Loi scolaire sur l'enseignement du français en Louisiane;
Louisiana Revised Statutes (Lois révisées de la Louisiane): Constitution (1974); législature de l'État; élections; communications officielles; justice (Code civil, Code de procédure civile, Code de procédure pénale); contrats; éducation; Code de l'enfance; télévision; institutions financières; Résolution nº 23 autorisant la formation d'un groupe de travail sur la signalisation bilingue (2012).

1 Le statut du français en Louisiane

Depuis son admission dans l'Union en 1812, la Louisiane a adopté 11 constitutions, dont huit au XIXe siècle et trois au XXe siècle (1913-1921-1974). La Constitution actuelle a été ratifiée le 20 avril 1974 et elle est entrée en vigueur le 1er janvier 1975; elle remplaçait celle de 1921, qui avait été modifiée plus de 500 fois. Bien qu’aucune des constitutions n’ait reconnu juridiquement le français comme langue officielle, cette multiplicité de textes constitutionnels témoigne des profonds changements politiques et des luttes partisanes, qui ont secoué l’histoire complexe de cet État à l'origine français. 

Encore aujourd'hui, l'avis des experts juristes demeure partagé: certains affirment qu'il n'existe pas de langue officielle de jure (de par la loi), alors que d'autres prétendent qu'il y en a deux de facto (dans les faits): l'anglais et le français. Du point de vue strictement juridique, contrairement à une certaine croyance, il n'existe pas de loi actuelle déclarant le français langue officielle en Louisiane, pas plus que l'anglais d'ailleurs. 

Néanmoins, le français détient un certain statut juridique en Louisiane; c'est une situation due à des circonstances historiques. Rappelons que, de 1682 à 1803, le français a été de facto une langue officielle et, de loin, la langue dominante dans toute la Louisiane. D'ailleurs, l’actuel Code civil louisianais, qui contient des milliers d'articles, est encore en français, sauf pour les modifications qui ont suivi au XXe siècle; la version française originale constitue le texte officiel. Autrement dit, tout juriste en Louisiane doit être capable de lire le français. Aujourd'hui, le Code civil louisianais est souvent appelé «la vieille loi» et doit faire face à une campagne nationale qui tend à uniformiser les lois parmi les États américains. The Uniform Commercial Code a déjà remplacé plusieurs parties du Code civil de la Louisiane et, selon le juriste Hadley Ward Fontenot, il s'agit là d'une «tendance lourde». Un autre recul en perspective! D'ailleurs, toutes les modifications au Code civil actuel ne se font qu'en anglais à partir du texte français.

L'article 12 (paragraphe 4) de la Constitution actuelle (modifiée en 1999) précise en anglais que «le droit du peuple de préserver, de favoriser et de promouvoir ses origines respectives, historiques, culturelles et linguistiques, est reconnu». 

Article 12 (version originale)

§ 4.  Preservation of Linguistic and Cultural Origins

The right of the people to preserve, foster, and promote their respective historic linguistic and cultural origins is recognized.

Article 12 (traduction)

§ 4. Préservation des origines linguistiques et culturelles

Le droit du peuple de préserver, de favoriser et de promouvoir ses origines respectives, historiques linguistiques et culturelles, est reconnu.

C'est le seul article à portée linguistique dans la présente Constitution de la Louisiane et aucune allusion n'est faite au sujet du français. On comprendra qu'il est difficile de transposer dans la réalité une telle clause, dans la mesure où elle ne précise aucune application concrète. Dans le domaine de l'éducation, l'article 7 de la Constitution ne fait pas davantage référence à la langue. 

Non seulement il n'existe pas de loi déclarant une quelconque langue officielle en Louisiane, que ce soit pour l'anglais ou le français, mais l'État a délégué ses pouvoirs à un organisme gouvernemental : le CODOFIL, le Council for the Development of French in Louisiana, ce qui se traduit en français par «Conseil pour le développement du français en Louisiane». Toutefois, cet organisme n'est pas doté de pouvoir législatif et il doit donc se contenter de mesures strictement administratives et scolaires. 

2 La politique linguistique louisianaise

La politique linguistique de l'État de la Louisiane est juridiquement définie d'abord dans les Louisiana Revised Statutes (ou Lois révisées de la Louisiane), puis dans quelques articles du Code civil, du Code de procédure civile et du Code de procédure pénale et même dans le Code de l'enfance (Children's Code). 

2. 1 La Législature et la justice

La seule disposition linguistique concernant la Législature est celle portant le numéro 19 des Lois révisées de la Louisiane. En vertu de cette mesure, les lois de la Législature doivent être publiées sous la forme de livre, en anglais, avec une liste des lois, les dates de leur promulgation et un index:

§ 19 (traduction)

Lois devant être imprimées sous la forme d'un livre; style d'impression; nombre des copies

Les lois de la Législature doivent être publiées sous la forme de livre, en anglais, avec une liste des lois, les dates de leur promulgation et un index.
[...]

Il est donc clair que le français n'a aucune place dans cette disposition législative. Toutes les autres dispositions mentionnant la langue anglaise ne concernent que des mesures d'ordre judiciaire. Comme dans tous les États américains, toute procédure judiciaire ne peut se dérouler qu'en anglais. Lorsqu'une personne ignore la langue anglaise, il faut recourir aux services d'un interprète. Ainsi, il n'existe pas de droit autorisant un citoyen de l'État à s'exprimer en français dans un tribunal sans un interprète. Le juge est tenu de connaître l'anglais, non le français. Même si le juge le connaissait, il ne serait pas autorisé à utiliser formellement cette langue.  

L'article 401 (paragraphe A-3) du Code de procédure pénale (Code of Criminal Procedure) prévoit que, pour se qualifier comme juré, une personne doit être capable de lire, écrire et parler l'anglais et posséder une connaissance suffisante de cette langue : 

Article 401 (traduction)

Qualifications générales des jurés

A. Pour se qualifier pour servir de juré, une personne doit:

3) Être capable de lire, écrire et parler l'anglais et posséder une connaissance suffisante de la langue anglaise.

L'article 433 du Code de procédure pénale précise que, parmi les personnes pouvant assister aux sessions du grand jury, est autorisé «un interprète juré pour traduire le témoignage d'un témoin incapable de parler l'anglais» :

Article 433 (traduction)

Personnes présentes au cours des sessions du grand jury

A. (1) Seules les personnes suivantes peuvent assister aux sessions du grand jury:

(e) Un interprète juré pour traduire le témoignage d'un témoin incapable de parler l'anglais.

Pour sa part, l'article 192.1 du Code de procédure civile fait mention des qualifications d'un interprète appelé comme un «expert» dans une cour de justice: 

Article 192.1 (traduction)

Dans toutes les affaires civiles et dans la prise de toute déposition où une partie ou un témoin est une personne sourde ou sévèrement handicapée dans son audition, la procédure du procès lui sera communiquée dans une langue qu'elle peut comprendre par un interprète qualifié désigné par la cour.

Ce n'est pas ce qu'on peut appeler des mesures destinées à protéger efficacement ou à promouvoir une langue minoritaire telle que le français en Louisiane. On peut même se demander si une personne parlant français correspond nécessairement à une «personne sourde ou sévèrement handicapée dans son audition».

Quant au paragraphe 2582 du Code civil, il précise qu'un juge de paix doit être «capable de lire et écrire correctement l'anglais»:

§ 2582 (traduction)

Juges de paix; qualifications

A. Tout juge de paix doit avoir un bon caractère moral, être un électeur qualifié, un résidant du quartier et du district dans lequel il a été élu et capable de lire et écrire correctement l'anglais. Toute personne faisant des études pour se qualifier aux fonctions de juge de paix doit posséder un diplôme de secondaire ou son équivalent, tel qu'il est prévu par le Conseil de l'éducation primaire et secondaire de l'État lors de la date de qualification pour les mises en candidature de l'année 2008. Chacun possédera toute autre qualification prévue en conformité avec la loi.

Le paragraphe 204 du chapitre V des Lois révisées de la Louisiane énonce que les communiqués d'ordre judiciaire doivent être rédigés en anglais:

§ 204 (traduction)

Communiqués anglais; duplication en français autorisée

A. Quand il est exigé que les communiqués soient faits en rapport avec la procédure judiciaire, la vente d'une propriété pour des impôts impayés ou en vertu de la procédure judiciaire ou de tout autre application juridique de cette sorte, ces communiqués doivent être rédigés en anglais et peuvent être reproduits en plus en français.

B. Les fonctionnaires de l'État et les fonctionnaires locaux et ceux des établissements publics sont reconfirmés dans leur droit traditionnel
de diffuser des documents en français en plus de l'anglais.

Cependant, il est possible «de diffuser des documents en français en plus de l'anglais». Finalement, l'article 1580.1 du Code civil traite des testaments établis par un notaire. On peut lire cette disposition au sujet de l'anglais:

Article 1580.1 (traduction)

Un testament notarié peut être effectué en vertu du présent article uniquement par une personne qui a été légalement déclarée physiquement sourde, ou sourde et aveugle, et qui est capable de lire la langue des signes, le braille ou l'anglais visuel.

La notion d'«anglais visuel» («visual English») n'est pas très claire pour tous, mais il correspond en principe à un anglais sommaire basé sur des illustrations. Finalement, le paragraphe 204-A des Lois révisées de la Louisiane autorise que des documents judiciaire soient reproduits en français en plus de l'anglais:

§ 204 (traduction)

Communiqués anglais; duplication autorisée en français

A. Quand il est exigé que les communiqués soient faits en rapport avec la procédure judiciaire, la vente d'une propriété pour des impôts impayés ou en vertu de la procédure judiciaire ou de toute autre application juridique de cette sorte, les communiqués doivent être rédigés en anglais et peuvent être reproduits en plus en français.

En somme, le monde judiciaire de la Louisiane est unilingue anglais dans les faits, ce qui correspond à ce qui se fait dans d'autres États américains. Quoi qu'il en soit, le recours à un interprète est conforme à la Loi fédérale sur les interprètes judiciaires (1978). 

2.2 L'Administration publique

L'État de la Louisiane demeure également unilingue anglais dans ses rapports avec les citoyens. Il existe plusieurs dispositions dans les Lois révisées de la Louisiane obligeant l'usage de la langue anglaise. Ainsi, le paragraphe 52 mentionne qu'il «est suffisant pour toutes les paroisses de l'État de diffuser uniquement en anglais des annonces, judiciaires ou autres, des avis et des publications exigées conformément à la loi»:

§ 52 (traduction)

Publication d'annonces, d'avis etc., en anglais

Il est suffisant pour toutes les paroisses de l'État de diffuser uniquement en anglais des annonces, judiciaires ou autres, des avis et des publications exigées conformément à la loi.

Toutefois, le paragraphe 204-B des Lois révisées de la Louisiane autorise que des documents soient reproduits en français en plus de l'anglais:

§ 204 (traduction)

Communiqués anglais; duplication autorisée en français

B. Les fonctionnaires de l'État et les fonctionnaires locaux et ceux des établissements publics sont reconfirmés dans leur droit traditionnel de diffuser des documents en français en plus de l'anglais.

Il ne s'agit nullement d'une obligation, mais d'une possibilité de la part des fonctionnaires. De plus, les employés de l'État ne sont pas tenus de parler ou de connaître le français, sauf dans les cas prévus par une loi fédérale, comme les élections.

Dans le cas des élections locales, le registraire ou un responsable du registre des électeurs peut aider toute personne handicapée physiquement ou incapable de lire ou d'écrire en anglais (§ 106 des Lois révisées de la Louisiane):

§ 106 (traduction)

Handicap physique; incapacité d'écrire l'anglais; groupes linguistiques minoritaires

B. Si une personne demandant de l'aide est physiquement handicapée ou est incapable de lire ou écrire l'anglais, le registraire ou un responsable autorisé pour recevoir les demandes d'enregistrement des électeurs doit aider cette personne en lui lisant les documents et en les remplissant tout en écrivant ce que cette personne lui dicte. Si le demandeur ou l'électeur ne parle pas l'anglais adéquatement pour cette dictée, celle-ci doit être donnée et reçue par un interprète. [...]

D. Si un requérant à l'enregistrement ou un électeur enregistré est membre d'un groupe d'une minorité linguistique, tel qu'il est prévu dans la Loi fédérale sur le droit de vote, qui donne le droit à toute personne, demandant des avis d'enregistrement, des formulaires, des instructions, du matériel, de l'information ou toute autre aide, de les recevoir dans la langue de son groupe linguistique minoritaire; le registraire ou un responsable autorisé pour recevoir les demandes d'enregistrement de l'électeur doit fournir lesdits documents, ledit matériel ou ladite information et cette aide, en conformité avec la Loi fédérale sur le droit de vote. 

Cette disposition est conforme à la Loi fédérale sur le droit de vote (1965-2006), qui donne le droit à toute personne demandant des avis d'enregistrement, des formulaires, des instructions, du matériel, de l'information, etc., de recevoir de l'aide dans la langue de son groupe linguistique minoritaire.

Pour le reste, l'anglais est de mise. Par exemple, il existe plusieurs paragraphes du Code de l'enfance (Children's Code) concernant l'obligation de recourir à des certificats de naissance en anglais dans le cas des adoptions (art. 1281.8):

Article 1281.8 (traduction)

Exigence pour un certificat de naissance

A. Avant le début d'une adoption en vertu des dispositions du présent titre, l'avocat des requérants doit obtenir un exemplaire certifié de l'acte de naissance de l'enfant et, si le certificat n'est pas en anglais, une traduction certifiée du document devra être jointe à la requête en vue de l'adoption.

B. Si une copie authentifiée du certificat de naissance et la traduction autorisée n'est pas disponible, le tribunal peut prendre des décision sur le jour, le lieu de naissance et l'origine parentale de la personne adoptée, conformément aux dispositions des Lois révisées de la Louisiane (40:79 (C) (2)).

L'article 1430 du même Code de l'enfance est similaire:  

Article 1430 (traduction)

Avis sur les droits

A. Chaque patient mineur admis selon le certificat de secours doit être informé, par écrit, lors de son admission, des procédures de requête concernant les conditions du traitement, la disponibilité des consultants, les informations sur l'Association de la santé mentale (Mental Health Association ou MHA), les droits énumérés au chapitre III du présent titre ainsi que les règles et règlements applicables ou concernant sa conduite alors qu'un patient est en situation de traitement.

B. Si le mineur est illettré, ne lit pas ou ne comprend pas l'anglais, des dispositions appropriées doivent être prises obtenir cette information.

C. De plus, un exemplaire de l'information mentionnée dans le présent article doit être placé dans un secteur où les patients sont confinés et traités.

Article 1466 du Code de l'enfance reprend les mêmes dispositions à l'égard des enfants admis sur une base volontaire pour des soins médicaux. On y lit que «si le mineur est analphabète ou ne lit pas ou ne comprend pas l'anglais,  des dispositions appropriées doivent être prises pour lui fournir cette information».

La Louisiane impose aussi l'anglais dans les institutions financières. Il en est ainsi pour les demandes, les avis et la correspondance présentés formellement au Bureau des institutions financières :

§ 551.6

Conditions de présentation

Devant tout affaire traitée dans cet État de la part d'une agence d'État, la succursale ou le bureau principal d'une banque étrangère doit présenter formellement au commissaire :

1) Un exemplaire dûment authentifié de ses articles d'incorporation, de ses règlements ou de tout autre document constitutif et, si cet exemplaire est rédigé dans une autre langue que l'anglais, une traduction du document, faite sous serment par un traducteur, doit y être jointe.

§ 551.8  

Demandes exigées; contenu

D. Toutes les demandes, les avis et la correspondance présentés formellement au Bureau des institutions financières doivent être rédigés en anglais.

De plus, le paragraphe 705 des Lois révisées de la Louisiane oblige les sociétés et associations à utiliser l'anglais dans leurs documents d'incorporation:

§ 705

Incorporation; articles d'incorporation

A. Chaque association structurée en vertu du présent chapitre doit être incorporée et formée selon les articles écrits de l'incorporation. Ces articles doit être rédigés en anglais et signés par chaque fondateur d'une société ou par un agent de chaque fondateur d'une société dûment autorisée en vertu d'un document joint à ces articles. Les articles seront reconnus par n'importe quel fondateur d'une société devant un notaire et deux témoins ou peuvent, en lieu et place, être effectués par un acte authentifié.

En somme, à part quelques exceptions de la part des fonctionnaires de l'État, l'anglais est l'unique langue dans les affaires administratives courantes.

Toutefois, en 2012, la Chambre des représentants de l'état de la Louisiane a adopté une résolution pour former une groupe de travail afin de dresser une carte de l'État en français et une signalisation bilingue uniforme: c'est la Résolution no 23 autorisant la formation d'un groupe de travail sur la signalisation bilingue (2012).

2.3 L'éducation

En Louisiane, c'est le Louisiana State Board of Elementary and Secondary Education ou BESE , le Conseil d'État de la Louisiane de l'enseignement primaire et secondaire, qui a le pouvoir constitutionnel et législatif pour prendre des décisions régissant le système d'éducation public de l'État. Ce conseil exerce également la responsabilité budgétaire pour tous les fonds alloués ou attribués par l'État aux écoles relevant de sa juridiction. Agissant en sa qualité d'organisme quasi législatif, le Conseil d'État adopte des politiques et des règlements qui ont la force de loi en Louisiane.

- L'obligation de l'enseignement du français

Bien que toutes les écoles publiques de l'État n'utilisent que l'anglais comme langue d'enseignement, la législation scolaire oblige en principe ces mêmes écoles à offrir au moins cinq années d'enseignement du français comme langue seconde au primaire et durant trois années au secondaire (loi scolaire n° 272 des Statuts révisés de la Louisiane):

§ 272

Langue culture et françaises; enseignement dans les écoles publiques

A. La langue et la culture françaises ainsi que l'histoire des populations françaises en Louisiane et ailleurs dans  les Amériques doivent être dispensées durant quelques années successives dans les systèmes d'écoles primaires et secondaires de l'État, conformément aux dispositions générales suivantes :

(1) Aussi promptement que possible mais pas plus tard que le début de l'année scolaire 1972-1973, toutes les écoles primaires publiques doivent offrir un enseignement en français durant au moins cinq ans en commençant avec le français oral lors de la première année. [...]

(2) Aussi promptement que possible mais pas plus tard que le début de l'année scolaire 1972-1973, toutes les écoles secondaires publiques doivent offrir un programme d'enseignement d'au moins trois ans en français et au moins un cours comprenant la culture et l'histoire des populations françaises de la Louisiane et d'autres francophones vivant ailleurs dans les Amériques. [...]

Une année supplémentaire est ajoutée au programme à mesure que les élèves progressent dans le système scolaire. En 2001-2002, quelque 2200 élèves de 26 écoles dans huit paroisses ont participé aux programmes d'immersion française.

Toutefois, le même paragraphe 272 prévoit que, au primaire, «tout conseil scolaire paroissial ou municipal peut, sur demande au Conseil de l'éducation de l'État, être exempté de cette exigence, et cette demande ne doit pas être refusée»:

§ 272 (suite) (traduction)

Cependant, tout conseil scolaire paroissial ou municipal peut, sur demande au Conseil de l'éducation de l'État, être exempté de cette exigence, et cette demande ne doit pas être refusée. Les demandes déjà reçues aux conseils scolaires pour l'exemption des dispositions de la loi 408 de 1968 seront aussi valables pour l'exemption des dispositions de la présente loi à moins que les conseils scolaires particuliers ne l'estiment autrement. Les conseils scolaires qui n'ont pas déjà demandé d'exemption peuvent le faire à tout moment entre le 1er juillet 1971 et le début de l'année scolaire 1972-1973. Le fait qu'un conseil scolaire soit exclu, tel qu'il est prévu ici, de la participation au programme établi par le présent paragraphe ne pourra en aucun cas être interprété pour interdire à un conseil scolaire d'offrir et de dispenser des cours français dans le programme d'études des écoles qu'il administre. Dans toute école où le programme prévu à ce sujet a été adopté, le parent ou toute autre personne légalement responsable d'un enfant peut faire une demande écrite au conseil d'école de la paroisse pour demander que ledit enfant soit exempté de ce programme.

 Il en est de même dans les écoles secondaires:

§ 272 (suite) (traduction)

Cependant, tout conseil scolaire paroissial ou municipal peut demander au Conseil de l'éducation de l'État d'être exempté de cette exigence et cette demande ne doit pas être refusée. Les demandes déjà reçues aux conseils scolaires pour l'exemption des dispositions de la loi 408 de 1968 seront aussi valables pour l'exemption des dispositions de la présente loi à moins que les conseils scolaire particuliers ne l'estiment autrement. Les conseils scolaires qui n'ont pas déjà demandé d'exemption peuvent le faire à tout moment entre le 1er juillet 1971 et le début de l'année scolaire 1972-1973.

- L'imposition du français dans les écoles

Dans les faits, peu d'écoles se prévalent des exemptions prévues par la  loi. Sur un total de 66 conseils scolaires, une quarantaine d'entre eux imposent l'enseignement du français dans leurs écoles. Les conseils qui suppriment le français (langue seconde) correspondent à des paroisses plus pauvres du nord de l'État où il n'y a pas d'héritage francophone. Dans la partie méridionale désignée par la Législature en 1971 comme la région francophone de l'État sous le nom d'Acadiana (ou Acadiane), on compte 10 conseils scolaires qui enseignent le français par immersion. En automne 2011, la Louisiane comptait 10 paroisses bilingues (français et anglais) ou en immersion totale immersion en français: Calcasieu, L'Acadie, Saint-Landry, Saint-Martin, Iberia, Lafayette, l'Assomption, Bâton-Rouge-Est, Jefferson et Orléans. Les élèves concernés placés dans ces programmes commencent leur instruction à la maternelle ou en première année jusqu'à l'école secondaire.

En 1997, on comptait 54 694 élèves qui apprenaient le français (langue seconde) et 1623 élèves en classes d'immersion. En 2010, il y avait plus de 50 000 élèves qui apprenaient le français langue seconde dans les écoles publiques de la Louisiane. Cela signifie une vingtaine d'écoles qui offrent des classes d'immersion et entre 450 et 500, qui dispensent des cours de français langue seconde, avec environ 270 spécialistes de la langue française et près de 200 professeurs étrangers.

En 2024, quelque 1500 élèves étaient inscrits dans l’un de ces 34 programmes répartis dans l’État, tandis que près de 16 000 autres suivaient des cours de français langue seconde dans 102 écoles publiques. Plus de 200 professeurs francophones, majoritairement de France, mais aussi de la Louisiane, de la Belgique, du Canada et de l’Afrique francophone (comme le Mali, la Côte d’Ivoire, le Sénégal), viennent ainsi transmettre leur langue et leur culture aux jeunes Louisianais.

Toutefois, comme ailleurs, ce qui limite l’organisme gouvernemental dans sa mission de «faire tout ce qui est nécessaire pour encourager le développement, l’utilisation et la préservation du français tel qu’il existe en Louisiane pour le plus grand bien culturel, économique et touristique pour l’État», ce sont les budgets.

- Les enseignants

En ce qui a trait aux enseignants, la loi (Lois révisées de la Louisiane) rend obligatoire la connaissance de l'anglais, sauf pour les cours de langue étrangère, les ateliers, les laboratoires, l'éducation permanente, etc.:
 

§ 3388 (traduction)

Maîtrise de l'anglais; corps enseignant; évaluation; certification(certificat); pénalités

A. (1) Après le 1
er septembre 1992, aucun membre du corps enseignant ayant échoué à démontrer sa maîtrise en anglais ne pourra enseigner un cours dans un collège public ou une université. Les conseils d'administration de l'enseignement supérieur doivent adopter et mettre en œuvre les procédures compatibles avec la politique du Conseil des régents pour évaluer et attester la maîtrise de l'anglais de chaque membre du corps enseignant.

(2) Toute attestation doit être soumise au Conseil des régents dans la forme et la façon que celui-ci prescrit. Cependant, cette soumission ne doit parvenir pas plus tard qu'un an après l'embauche d'un membre du corps enseignant.

B. «Corps enseignant», tel qu'il est employé dans le présent paragraphe, désigne chacun des membres d'un établissement d'enseignement supérieur, autre qu'un visiteur parmi le corps enseignant, mais incluant l'assistant enseignant diplômé qui enseigne un ou plusieurs cours pour acquérir un diplôme. Cependant, rien dans le présent paragraphe ne doit être interprété pour inclure comme condition d'enseignement la maîtrise de l'anglais dans aucun des cours suivants:

(a) Les cours dans une langue étrangère ou les cours conçus pour être enseignés principalement dans une langue étrangère.

(b) La participation étudiante et les activités de cours comme des pratiques, des ateliers, des séminaires et des laboratoires.

(c) Les cours d'accommodement particuliers comme l'enseignement individualisé et les cours d'études indépendantes.

(d) Les cours d'éducation permanente.

- L'immersion française

Le modèle le plus fréquent qu'on trouve en Louisiane en matière d'immersion française semble est celui de l'«immersion partielle à l'élémentaire» (en anglais: "early"). Dans les faits, c'est un programme d'enseignement facultatif permettant aux élèves de poursuivre en anglais le programme normal de l'État de Louisiane dans les cours d'anglais et de littérature. Les autres cours, c'est-à-dire les mathématiques, les arts, les sciences et la vie sociale, sont dispensés par un enseignant du primaire, ce qui correspond à environ 50 % du temps   d'enseignement dans une journée, d'où le mot «partiel» en parlant d'immersion. Les proportions peuvent varier d'un établissement à l'autre, mais l'enseignement doit se faire en français pendant au moins 50 % de la journée de classes. Les enseignants utilisent le terme «élémentaire» pour désigner ce modèle parce qu'il s'applique dès la maternelle ou la première année du primaire. 

Il existe aussi un modèle d'immersion totale (par opposition à partielle) lorsque les élèves reçoivent un enseignement entièrement en français, et ce, durant au moins quatre à cinq ans dès le primaire. Toutefois, comme dans la plupart des programmes du genre ailleurs aux États-Unis, la proportion du temps d'enseignement en français doit diminuer progressivement pour que l'anglais puisse prendre la relève au secondaire.

En Louisiane, les programmes d'immersion sont appliqués dans les paroisses suivantes: Acadie, Assomption, Bâton-Rouge-Est, Calcasieu, Lafayette, Orléans, Saint-Landry et Saint-Martin. À Calcasieu, Orléans et Bâton-Rouge-Est, des programmes similaires sont autorisés en espagnol.

2.4 Les entreprises

L'État de la Louisiane impose dans certains cas l'usage de l'anglais à des entreprises ou pour certaines professions. Par exemple, le paragraphe 391 des Lois révisées de la Louisiane prescrit que, pour avoir un permis d'exercer la profession de notaire, il faut être «capable de lire, écrire et parler l'anglais et posséder une maîtrise suffisante de l'anglais». Le paragraphe 1025 exige qu'un candidat à des cours d'administration de médicaments «doit être capable de lire, écrire et comprendre l'anglais».

Dans le cas d'une banque étrangère, il est obligatoire de présenter au commissaire une copie dûment authentifiée en anglais de ses articles d'incorporation ou au moyen d'une traduction faite sous serment:

§ 551.6 (traduction)

§ 551.6

Conditions de présentation

Devant tout affaire traitée dans cet État de la part d'une agence d'État, la succursale ou le bureau principal d'une banque étrangère doit présenter formellement au commissaire :

1) Un exemplaire dûment authentifié de ses articles d'incorporation, de ses règlements ou de tout autre document constitutif et, si cet exemplaire est rédigé dans une autre langue que l'anglais, une traduction du document, faite sous serment par un traducteur, doit y être jointe.

Le paragraphe 551.22 des Lois révisées de la Louisiane impose également l'usage de l'anglais lors de la présentation du rapport annuel d'une banque étrangère. Si ladite banque est incapable de présenter son rapport selon les conditions prescrites par la loi, il s'agira d'un motif suffisant pour révoquer le certificat d'autorisation accordée à cette entreprise.

Par ailleurs, tout procès verbal d'un conseil d'administration appartenant à une société installée dans l'État de la Louisiane doit être rédigée en anglais (§ 547). Toute association installée en Louisiane est tenue de présenter ses articles d'incorporation en anglais (paragr. 705):

§ 705 (traduction)

Incorporation; articles d'incorporation

A. Chaque association structurée en vertu du présent chapitre doit être incorporée et formée selon les articles écrits de l'incorporation. Ces articles doit être rédigés en anglais et signés par chaque fondateur d'une société ou par un agent de chaque fondateur d'une société dûment autorisée en vertu d'un document joint à ces articles. Les articles seront reconnus par n'importe quel fondateur d'une société devant un notaire et deux témoins ou peuvent, en lieu et place, être effectués par un acte authentifié.

Cependant, la loi louisianaise (chap. II, intitulé «Miscellaneous» ou «divers», n° 51) permet que des individus ou des sociétés rédigent des contrats en français:

§ 51 (traduction)

Actes et contrats en français; effet

Tout acte ou contrat fait ou effectué en français est considéré comme légal et lie les parties comme s'il avait été fait ou effectué en anglais.

La Louisiane est le seul État américain à autoriser une telle pratique. C'est aussi la seule mesure législative véritablement en faveur du français!

2.5 Les médias

Du côté des médias, le français est surtout présent à la radio, car il existe plusieurs stations francophones. Radio-Louisiane est la voix internationale de la musique cadienne, zaricots, acadienne, créolo-louisianaise et franco-américaine. La majorité des Louisianais ont également accès à la programmation en français par des émissions internationales telles que Radio France Internationale et des émissions locales. 

Mais la télévision française végète encore, bien que plusieurs chaînes de télévision publiques, dont Louisiana Public Broadcasting (LPB), KLFY 10 (Lafayette), Baton Rouge International Ch 68, Lafayette Cable Ch 47 (TV5), etc., offrent des émissions en français. Le contenu français de la télévision en Louisiane reste relativement faible. À la télévision d’État (Louisiana Public Broadcasting), le CODOFIL ne dispose que d’une heure de programmation par semaine (des informations internationales et un documentaire de la France) dont seulement 10 minutes de production locale, soit un bulletin de nouvelles de l’État. Si l'on fait exception de TV5 à Lafayette et de quelques petites productions à la télévision communautaire, les francophones doivent pratiquement se contenter du «chapelet en français» à cinq heures du matin ou du «French Word of the Day» à la télévision commerciale!
 

Depuis une vingtaine d'années, le CODOFIL offre aux lecteurs francophones toutes les nouvelles de la «bataille pour l'épanouissement du français en Louisiane», grâce à La Gazette de Louisiane. Les buts de ce journal, qui paraît tous les deux mois à partir du bureau du CODOFIL, sont de rapporter tout ce qui touche au développement du français en Louisiane, de publier des oeuvres littéraires écrites en français, d'offrir aux enseignants louisianais de français des activités pédagogiques, etc. Il y a aussi Le Tintamarre qui est une publication du Centenary College of Louisiana. 

Dans les faits, la quasi-totalité des journaux est rédigée en anglais: Alexandria Daily Town Talk (Alexandria), Beauregard Daily News (DeRidder), Catahoula News Booster (Jonesville), Daily Comet (Thibodaux), Daily Iberian (New Iberia), Franklin Banner-Tribune (Franklin), Lake Charles American Press (Lake Charles), Leesville Daily Leader (Leesville), Minden Press-Herald (Minden), Opelousas Daily World (Opelousas), Southwest Daily News (Sulphur), The Advocate (Bâton-Rouge) et de nombreux autres.

L'État a créé la Louisiana Educational Television Authority («Autorité éducative de télévision de la Louisiane»).  C'est une entreprise d'État permettant la préservation et l'usage de la langue française, ainsi que la promotion et le développement de la culture et du patrimoine français en Louisiane au moyen d'émissions éducatives à la télévision (no 2501):
 

§ 2501 (traduction)

Déclaration d'intention

A.
Afin de promouvoir l'usage de la radio et de la télévision éducative et publique dans l'État de la Louisiane en vue de l'éducation et de l'enrichissement culturel de ses citoyens, il est par la présente déclaré d'intérêt public que l'Autorité éducative de télévision de la Louisiane soit créée au sein du département exécutif du gouvernement de l'État.

C. L'autorité doit avoir comme mission particulière la préservation et l'utilisation de la langue française, ainsi que la promotion et le développement du patrimoine et de la culture françaises de la Louisiane. À cette fin, l'autorité doit prévoir et offrir des programmes en français avec la même durée que les émissions destinées à toute autre minorité.

2.6   L'affichage 

En ce qui a trait à l'affichage, le français reste peu visible en Louisiane, sauf pour les toponymes et odonymes (nom des rues) relevant des municipalités francophones, ainsi que de quelques inscriptions identifiant certains bâtiments publics (Cour municipale / City Court, Hôtel de Ville / Town Hall) ou historiques. On trouve de tout! Ce sont parfois des affiches unilingues françaises telles que rue Garfield Ouest, rue Jefferson, rue Principale, rue de L'Acadie, etc., ou bilingues (Fourth Street / Quatrième Rue) avec des caractères plus gros en français, mais le plus souvent les mots français sont rédigés en plus petits caractères. Ou bien le terme générique est en anglais, alors que le terme spécifique est en français: Richard Street, Girard Street, Evangeline Street, General Mouton Avenue, Charles Lake, Pontchartrain Lake, Maurepas Lake, Sabine River. La Louisiane a aussi des toponymes tels que Lac Cocodrie («cocodrie» étant le mot cadien pour «alligator»), Lac des Allemands, La Pointe aux Chênes, Bayou Grosse-Tête, Chênière au Tigre, etc.

Des plaques commémoratives, telles que celle du chêne d'Évangéline à Saint-Martinville ou celle à La Nouvelle-Orléans expliquant la prise de possession de la Louisiane par les Français, sont en langue française. À l'Hôpital général de Lafayette, l'affichage désignant les services disponibles à la salle d'urgence est trilingue (anglais, français et espagnol). La signalisation routière bilingue ou française est possible, mais elle demeure non systématique et encore assez rare.

Certains petits commerçants placent parfois des affiches «en français cadien», notamment avec le mot Évangéline (ou plus souvent Evangeline, sans l'accent aigu). Le CODOFIL reçoit souvent des appels téléphoniques pour demander des conseils sur la traduction ou la bonne orthographe d'un nom en français pour un commerce, un bateau, etc. On peut trouver des lotissements de maisons ou des conciergeries avec des noms comme Le Village, Beaux Chênes, Beau Rivage, Beau Séjour, Maison Bocage, Château Lafayette, Village du Lac, etc. Cela étant dit, la Louisiane demeure pour l'ensemble des touristes un pays anglophone.

3 Le CODOFIL

Le gouvernement de la Louisiane a adopté en 1968 la Loi établissant le Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL), puis la Loi sur la télévision française en Louisiane, la Loi scolaire sur l'enseignement du français en Louisiane. Ce sont des lois «réparatrices» que certains jugeront devenues un peu désuètes, car elles ne peuvent faire oublier toutes les lois portant sur l'usage de l'anglais dans les contrats, documents officiels et juridiques. 

Le CODOFIL (Council for the Development of French in Louisiana) est, rappelons-le, une agence gouvernementale qui a pour mandat de «faire tout ce qui est nécessaire pour développer, utiliser et préserver la langue française telle qu'elle existe en Louisiane, dans l'intérêt culturel, économique et touristique de l'État». C'est là l'essentiel de la loi dont il n'existe officiellement qu'une version anglaise. Aujourd'hui, on peut lire ces articles de loi en anglais dans les paragraphes 651 à 655 du chapitre XIII des Louisiana Revised Statutes. Toutefois, la loi portant sur le CODOFIL a dû être révisée; la dernière modifications date du 15 août 2010.

 Les objectifs du CODOFIL sont présenté au paragraphe 651 des Louisiana Revised Statutes :

§ 651. Création, résidence, objectifs

A. (1) Le Conseil pour le développement du français en Louisiane, ci-après appelé «le Conseil», est créé au sein du ministère de la Culture, des Loisirs et du Tourisme, afin de préserver, promouvoir et développer la Louisiane française ainsi que sa culture créole, son patrimoine et sa langue.

(2) La langue officielle de travail du conseil et de ses employés est le français. (2012)

B. Le Conseil doit résider à Lafayette en Louisiane.

C. Les objectifs du Conseil sont les suivants:

(1) Superviser le développement et l'expansion du développement économique de l'État ainsi que les activités touristiques visant à promouvoir notre culture française, notre patrimoine et notre langue.

(2) Promouvoir, développer et superviser les relations culturelles et éducatives ainsi que les échanges au sein de l'État et entre l'État de la Louisiane et d'autres pays, provinces et États qui partagent le patrimoine historique français, la culture et la langue de la Louisiane.

(3) Promouvoir, soutenir et renforcer les programmes d'immersion en enseignement du français et la formation à tous les niveaux de l'enseignement primaire et secondaire dans l'État en travaillant en coopération et en étroite collaboration avec le State Board of Education du primaire et du secondaire ainsi que le département de l'Éducation.

(4) Élaborer un modèle de programme d'immersion en français, qui peut être utilisé par n'importe quelle école cherchant à instaurer un programme d'immersion française au sein de son programme d'études.

(5) Augmenter le nombre d'écoles d'immersion en français dans l'État, avec l'objectif spécifique de mettre en place, au plus tard le 1er septembre 2015, au moins une école d'immersion française dans la paroisse de Bâton-Rouge-Est et dans chacune des paroisses suivantes que comptent la région de l'Acadiane: [...]

(6) Développer un système de certification selon lequel les marchands, les festivals et les restaurants peuvent être désignés par «Bienvenue aux francophones» et par la conception et l'émission d'une banderole qui peut être affichée par chaque entité certifiée.

D. Afin de refléter le développement éducatif, social et économique, et les missions diplomatiques du Conseil, tel qu'il est prévu au présent chapitre, le Conseil est également autorisé à s'identifier comme l'«Office of Francophone Affairs» en anglais ou l'«Agence des Affaires francophones» en français. (2012)

Le rôle du CODOFIL est d'abord de servir comme agence publique officielle dans toutes les relations et échanges entre l'État de la Louisiane et d'autres pays, provinces et États en qualité de membre ou d'observateur de l'Organisation internationale de la Francophonie et autres organisations similaires:

§ 653. Obligations, pouvoirs et fonctions

A. Le Conseil doit servir comme agence publique officielle dans toutes les relations et échanges entre l'État de la Louisiane et d'autres pays, provinces et États en qualité de membre ou d'observateur de l'Organisation internationale de la Francophonie et autres organisations similaires.

B. Une majorité du Conseil constitue un quorum pour la transaction des affaires officielles. Tous les actes officiels du Conseil requièrent le vote affirmatif de la majorité des membres présents et votants.

C. Le Conseil élit un président, qui doit parler couramment français et peut élire les autres membres du Conseil qu'il jugera nécessaires pour mener efficacement les affaires courantes. Les responsables sont désignés pour deux ans.

Dans les faits, la Loi établissant le Conseil pour le développement du français en Louisiane se réduit à peu de choses, car elle ne propose aucun moyen concret relatif à son application. Pour ce qui est des ressources financières, la loi permet simplement de «recevoir des dons et des donations de la part des individus, des sociétés et des gouvernements», ce qui inclut le gouvernement de l'État louisianais, celui du Québec, de la République française, etc. Dans les faits, le CODOFIL reçoit un budget annuel de l'État louisianais d'environ 350 000 $ à plus de 400 000 $; ce moment étant en partie financé par les revenus de la loterie de l'État. Le CODOFIL peut aussi recevoir des sommes d'argent des gouvernements étrangers, dont celui du Québec et de la France. Le rôle du CODOFIL s’exerce surtout au plan éducatif, mais les responsables tentent bien d'élargir ce mandat malgré leur budget limité.

Par ailleurs, le fait que la loi reste vague constitue également un avantage, car elle donne ainsi carte blanche aux responsables du CODOFIL d'agir comme ils l'entendent. Avec peu de pouvoirs, le CODOFIL conserve la possibilité d'agir dans beaucoup de domaines et remplit son mandat de manière très libre.

Comme il demeure possible en Louisiane, tant pour les individus que pour les personnes morales, de signer des contrats en français et, en ce cas, ils ont la même valeur juridique que ceux rédigés en anglais, le CODOFIL fait signer des contrats en français avec les enseignants. Le gouvernement autorise aussi le CODOFIL à signer des accords officiels avec la France, la Communauté française de Belgique, les provinces Maritimes du Canada et le Québec. 

Le CODOFIL peut aussi octroyer des bourses aux étudiants et aux professeurs de l'État pour étudier le français; il fournit annuellement une cinquante de bourses aux étudiants et aux enseignants de français. Des Louisianais étudient en France, en Belgique, au Québec et en Nouvelle-Écosse. On comprendra qu'élever ses enfants en français en Louisiane demande aujourd'hui une certaine dose de courage et un dévouement extraordinaire à la «cause du français». Ce n'est pas donné à tout le monde!

En 1977, la Louisiane avait également adopté une loi sur le développement de l'espagnol: il s'agit de la Loi établissant le Conseil pour le développement de l'espagnol en Louisiane ou CODOSPAN ("Enabling Act for the Council for Development of Spanish in Louisiana"), c'est-à-dire le Conseil pour la promotion de l'étude de la langue espagnole et de la culture hispanique. En réalité, le CODOSPAN n'existe plus, car il a été abrogé en 2001 par une loi de l'État. La loi prévoyait promouvoir l'espagnol dans les écoles élémentaires et secondaires, ainsi que dans les collèges et les universités de Louisiane. Le CODOSPAN pouvait aussi octroyer (selon la disponibilité des fonds) des bourses aux étudiants et aux professeurs de Louisiane pour étudier l'espagnol. Comme l'enseignement de l'espagnol n'est pas obligatoire en Louisiane, mais l'agence pouvait utiliser les ressources fournies par l'importante population hispanophone de la Louisiane et par les représentants des gouvernements des nations espagnoles, qui résident dans cet État. L'État n'a jamais envoyé personne étudier l'espagnol à l'extérieur de l'État.

Dans le cadre des accords de coopération linguistique et culturelle entre la France et la Louisiane en matière d'éducation, de promotion de la langue et d'échanges culturels et audiovisuels, le Consulat général de France à La Nouvelle-Orléans, le Département d'Éducation de Louisiane, et le Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL) veillent ensemble à la qualité de l'enseignement du français qui est dispensé aux 70 000 élèves et étudiants francophones louisianais.

Afin de maintenir et de développer le français en Louisiane, les différents partenaires du programme CODOFIL organisent, entre autres actions, un programme d'échanges de professeurs avec le soutien du ministère des Affaires étrangères et européennes, du Centre international d'études pédagogiques (CIEP) et du ministère de l'Éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

En 2012, le Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL) lançait une plaque minéralogique en français (ou plaque d'immatriculation appelée "license" en anglais) dans tout l'État de la Louisiane, afin de lever des fonds au bénéfice des cours d’immersion française. Cette plaque est reconnue comme légale et non obligatoire, mais elle coûte deux fois plus cher (50$ au lieu de 25$ pour deux ans) que les plaques «normales» (photo du haut) où il est écrit Louisiana et Sportmans's Paradise. Selon David Cheramie, directeur du CODOFIL à Lafayette : «Nous voulions une plaque spéciale pour promouvoir l’identité francophone tout en levant des fonds pour nos programmes d’immersion en français».

Sur la nouvelle plaque (photo du bas), la lettre "a" dans Louisiana a été remplacée par un "e" (Louisiane) afin de rappeler l'héritage francophone de cet État du sud des États-Unis. On peut lire aussi l'énoncé "Chez nous autres", une traduction de l'anglais "Our Home" (en cadien: «Notre maison»), le tout accompagné d'une sorte d'iris appelée "la glaie bleue". C'est un moyen pour favoriser en douce l'officialisation du français en Louisiane. Jusqu'alors, seul le Québec avait une plaque unilingue française en Amérique du Nord avec l'Inscription «Je me souviens». 

En somme, la politique linguistique de l'État louisianais apparaît encore rudimentaire pour ce qui est de la promotion du français. Néanmoins, l'État n'est plus contre le fait français, ce qui est déjà beaucoup pour les Louisianais francophiles ou francophones. Présentement, il s'agit davantage pour l'État de renouer avec son héritage passé que de protéger une minorité francophone qui a beaucoup souffert de l'inaction de ses dirigeants, tant politiques que religieux. En réalité, l'État de la Louisiane a délégué ses pouvoirs au CODOFIL, ce qui fait que l'État n'a d'autre politique linguistique que la non-intervention. C'est donc le CODOFIL qui a élaboré une politique linguistique, pas l'État louisianais. Il n'y a donc aucune d'assise ni officielle ni populaire dans cette politique linguistique. Et celle-ci est axée sur l'enseignement du français comme langue seconde. N'oublions pas que le français ne constitue que rarement une langue maternelle en Louisiane (sauf dans les foyers pour personnes âgées et les régions éloignées du Sud), c'est avant tout une langue seconde à forte valeur identitaire

Il n'en demeure pas moins que la Louisiane française est maintenant devenue un territoire tout à fait américain. Les moyens dont disposent les Louisianais pour maintenir une certaine identité française paraissent dérisoires, mais ces derniers ne sont plus tout à fait seuls: ils demeurent maintenant en contact avec les autres francophones du monde. Toutefois, il semble que le français en Louisiane continue quand même de régresser: les jeunes ne l'utilisent plus qu'à l'école. Il reste plus vivant chez les adultes plus âgés dans le sud de l'État. Au moins, aujourd'hui, un locuteur francophone n'est plus une «personne ignorante» ou «vieille et pauvre», mais plutôt une personne «assez intelligente pour parler deux langues». 

Dans les faits, les mesures législatives de l'État louisianais demeurent nettement insuffisantes en ce qui a trait à la sauvegarde d'une langue minoritaire que plusieurs estiment en voie d'extinction.  Les Louisianais, pour leur part, semblent «raisonnablement optimistes» quant à la pérennité de la «culture cadienne-française» dans leur État. Le plus grave problème, c'est que la communauté francophone de la Louisiane est privée d'assises juridiques et gouvernementales (ou officielles), dont bénéficient, par exemple, beaucoup de francophones du Canada (Québec, Nouveau-Brunswick, Ontario, Manitoba, Île-du-Prince-Édouard, etc.), et qu'il lui faut bien s'affirmer et n'exister que par elle-même, avec ses propres moyens. C'est pourquoi David-Émile Marcantel, un porte-parole cadien, a raison d'affirmer : «Nous-aut', on est yinque des poves Cadiens et Créoles, mais on fait de notre mieux de conserver notre culture.»  L'auteur, compositeur, chanteur et poète louisianais, Zachary Richard, l'un des artistes les plus importants de la francophonie nord-américaine, serait sûrement d'accord avec cette affirmation! En fait, il reste à l'État louisianais de pousser la roue du même côté, mais ce n'est pas encore demain la veille!

Enfin, il est dommage que les médias québécois représentent encore la Louisiane comme l'exemple parfait de ce que le Québec ne doit pas devenir (en référence à la «louisianisation»). Il n'en demeure pas moins que la Louisiane constitue un héritage francophone, même si le contexte historique louisianais se révèle très différent du contexte québécois. Quant à la France, elle semble démontrer plus d'ouverture que le Québec à l'égard de la Louisiane. Plus de 75 000 Français visitent la Louisiane chaque année, les étrangers les plus nombreux après les Britanniques. Quant à l'État de la Louisiane, il capitalise sur ses racines françaises afin d'attirer le reste des Américains. Le problème, c'est qu'il s'apprête aussi à miser sur son héritage espagnol, irlandais, allemand, italien, juif, vietnamien, etc., ce qui ravalerait ses origines françaises à une portion infime d'un multiculturalisme assimilateur.  

Dernière version mise à jour: 03 nov. 2024

La Louisiane


(1)
Situation démolinguistique
 

(2)
Histoire linguistique de la Louisiane américaine

 

(3)
La politique linguistique de la Louisiane

 

(4) Bibliographie

 

 

Les États-Unis d'Amérique

- Amérique du Nord -

Francophonie

 

Accueil: aménagement linguistique dans le monde