Drapeau des îles Turques et Caïques
îles Turques-et-Caïques

Îles Turques-et-Caïques

(Turks and Caicos Islands)

Territoire britannique d'outre-mer

 

Capitale: Cockburn Town (sur l'île de Grand-Caïcos)
Population:
45 000
(est. 2023).
Langue officielle: anglais (de facto)
Groupe majoritaire:
créole antillais (72,6 %)
Groupes minoritaires:
 créole haïtien (20 %), anglais standard (3,5 %), espagnol (1 %), etc.
Système politique: territoire d'outre-mer du Royaume-Uni

Articles constitutionnels (langue):  art. 5, 6, 16 et 20 de la Constitution de 2011
Lois linguistiques: 
Ordonnance sur la navigation aérienne (territoires d'outre-mer) de 2007; Loi sur la marine marchande (1995); Ordonnance sur les sociétés (chap. 122); Ordonnance sur les assurances (chap. 121).

1 Situation générale

Les îles Turques-et-Caïques (en anglais: Turks-et-Caïcos) forment un archipel de 497 km² dans la mer des Caraïbes, situé au sud des Bahamas, au nord d'Haïti et de la République dominicaine et à l'est de Cuba (voir la carte régionale). Les îles Turques sont composées de six récifs coralliens inhabités, de deux îles habitées (Grand Turk ou Grande-Turque, 29,7 km²; Salt Cay, 7,1 km²) et d'un grand nombre de petites îles rocheuses. Les îles Caïques sont composées de six îles principales, parmi lesquelles figurent Grand Caïcos ou Grande-Caïque (24 km²), East Caicos ou Caïque orientale, North Caicos Ou Caïque septenbtionale, les Providenciales et West Caicos (Caïque occidentale), ainsi qu'un grand nombre d'îlots (une trentaine), dont Salt Cay (Caye salée). La capitale est Cockburn Town située sur l'île de Grande-Turque. L'archipel des Turks-et-Caïcos (ou Turques-et-Caïques) constitue un territoire britannique d'outre-mer.

L'origine du nom de Tuks et Caicos semble obscure. Il se pourrait que le mot Caicos provienne du français caïques peut-être influencé par l'espagnol cayos, les deux termes servant à désigner les «cay» (récifs) au plateau sous-marin peu profond. Quant à l'origine du mot Turk, c'est encore moins clair. On croit que ce mot proviendrait d'un cactus commun dans l'île. L'extrémité de ce cactus ressemblerait à un «fez» turc, une sorte de calotte de couleur rouge qu'on aurait appelé Turc. Il se pourrait aussi que le mot ait pour origine un terme français décrivant les flibustiers qui, aux XVIe et XVIIe siècles, employaient les îles pour se cacher. Dans la Charte royale de 1794, on trouve les termes «the Corcos» et «Les Caquis».

2 Données démolinguistiques

La population des îles Turques-et-Caïques était estimée à quelque 45 000 habitants en 2023. Il s'agit d'une population en progression constante, puisque ces îles comptaient 19 986 habitants en 2001 et 36 605 en 2008. La plupart des immigrants récents viennent des pays voisins, soit Haïti, la République dominicaine et Cuba, mais il en vient aussi du Canada et de l'Afrique du Sud. Les îles les plus peuplées sont Grand Turk, les Provinciales et les West Caicos (Caïque occidentale), qui sont les plus peuplées, car elles rassemblent les deux tiers de toute la population. La population est presque essentiellement composée de Noirs d'origine africaine ou de Métis (Afro-Caribéens), et d'un millier de Blancs. Les Blancs sont essentiellement des Britanniques et des Américains (3,5 %) résidant près d'une base d'observation des engins téléguidés; ils parlent l'anglais standard. La langue officielle est l'anglais.

Ethnie Population Pourcentage Langue
Afro-Caribéen 33 000 72,6 % créole des îles Turques-et-Caïques
Haïtien 9 500 20,9 % créole haïtien
Américain 1 600 3,5 % anglais
Autres 1 300 2,8 % -
Total 2023 45 400 100 % -

La grande majorité des Afro-Caribéens (représentant 72,6 % de la population) parle le «créole des îles Turques-et-Caïques», un créole à base d'anglais apparenté à celui de la Jamaïque et, jusqu'à un certain point, à celui des Bahamas et de Tobago. Ce créole est appelé en anglais Turks and Caicos Creole English, le créole anglais des Turques-et-Caïques. Cette langue n'a jamais été étudiée, ni écrite et ne bénéficie d'aucun statut officiel. Comme tous les créoles des Antilles, cette langue s'appuie sur la grammaire africaine, tout en utilisant massivement un vocabulaire issu d'une langue européenne (généralement l'anglais ou le français). Dans le cas des îles Truques-et-Caïques, c'est l'anglais qui sert de base au vocabulaire. Les autres langues parlées dans les îles, outre l'anglais standard, sont le créole haïtien et l'espagnol. Évidemment, la quasi-totalité des habitants parlent aussi l'anglais, mais comme langue seconde.

La plupart des insulaires sont de religion baptiste (40 %), anglicane (18 %), méthodiste (16 %), mais il existe aussi d'autres confessions (26 %) religieuses, dont le catholicisme.

3 Données historiques

Les premiers habitants de l'archipel des Turques-et-Caïques étaient des Arawaks. Il y a environ 1500 ans, ceux-ci ont commencé à immigrer du Venezuela pour se disperser dans les îles des Antilles, dans un secteur que nous appelons maintenant les Caraïbes. Ils ont découvert la plupart des îles comme Cuba, Porto Rico et Hispaniola, puis de plus petites comme les Bahamas, la Jamaïque, etc. Dans les îles que nous appelons aujourd'hui les Bahamas et les Turques-et-Caïques, ce sont les Lucayes et les Taino qui s'y étaient installés. Plus tard, les Arawaks entrèrent en conflit avec les Caraïbes, des Amérindiens plus agressifs, qui les chassèrent en partie, mais pas les Taïno.

3.1 La colonisation européenne

En 1512, l'explorateur espagnol Juan Ponce de León visita les îles Turques-et-Caïques, qui restèrent inhabitées jusqu'en 1678, date à laquelle des Bermudiens commencèrent à développer l'industrie du sel. Pendant le siècle suivant, la propriété des îles fut disputé entre Français, Espagnols et Britanniques, mais ce fut finalement la Grande-Bretagne qui les acquit définitivement. Les Français avaient occupé les îles en 1753, puis de 1778 à 1783. Après la guerre de l'Indépendance américaine (1775-1776), les Bermudiens furent rejoints par un groupe de loyalistes coloniaux, qui y ont établi des plantations de coton. Les loyalistes britanniques apportèrent avec eux leurs esclaves. En 1799, les îles Turques-et-Caïques furent représentées à l'Assemblée des Bahamas. Les planteurs blancs durent faire face aux révoltes d'esclaves jusqu'au moment où l'esclavage fut aboli (1834). Les plantations de coton périclitèrent, ce qui favorisa l'industrie du sel. À la demande des habitants, les îles furent officiellement annexées à la Jamaïque en 1873. Ce statut demeura jusqu'en 1962, alors qu'elles furent de nouveau administrées depuis les Bahamas.

En 1952, aux termes d'un accord avec le Royaume-Uni, le gouvernement des États-Unis a établi sur l'île de Grand Turk une base d'observation des engins téléguidés. Quand les Bahamas obtinrent leur indépendance en juillet 1973, les îles Turques-et-Caïques devinrent officiellement une colonie de la Couronne britannique.

3.2 Un territoire britannique d'outre-mer

Dès lors, les îles Turques-et-Caïques ont comme chef d'État le roi du Royaume-Uni, actuellement Charles III, qui est représenté dans ce territoire par un gouverneur. En tant que territoire britannique d'outre-mer, ces îles bénéficient d'un Chambre d'Assemblée ("House of Assembly") de 21 membres, afin d'administrer les affaires intérieures. C'est le "ministre en chef" qui exerce en principe les pouvoirs dans l'archipel. Quant au gouvernement britannique, il demeure responsable des domaines de la défense, des affaires étrangères, de la sécurité interne et des finances extraterritoriales.

Jusqu'à récemment, le gouvernement britannique s'était désintéressé de ce petit morceau de son ancien empire. D'ailleurs, l'archipel ne reçoit plus d'argent pour le développement de ses infrastructures. Même si l'Union Jack reste le «vrai» drapeau officiel, la monnaie nationale est le dollar américain. Les insulaires se sentent abandonnés par le Royaume-Uni envers lequel ils manifestent peu d'intérêt. C'est pourquoi est née l'idée d'une libre association avec le Canada, une intention prônée par Michael Misick, alors le "Chief Minister" ou «ministre en chef», l'équivalent de premier ministre dans l'archipel (du 15 août 2003 au 23 mars 2009). Cet avocat plaidait passionnément en 2004 pour l'ouverture de négociations avec le Canada:

Nous sommes plus proches de l'Amérique du Nord que du Royaume-Uni. D'ailleurs, le premier ministre canadien, Paul Martin, m'a invité à Ottawa. Je suis ouvert à la discussion. Avec le Canada, qui n'a pas de passé de puissance coloniale, nous resterions au sein du Commonwealth et garderions le même droit anglo-saxon tout en étant respectés. Nous pourrions arriver à un accord d'ici deux ans.

Des députés fédéraux du Canada ont milité également durant un certain temps et ont suggéré que les îles Turques-et-Caïques deviennent une «11e province canadienne». Et le «Chief Minister» de poursuivre: «Ce qui est sûr, c'est que, si un accord n'est pas trouvé avec le Canada, nous réclamerons notre indépendance politique au Royaume-Uni, qui nous délaisse et n'a jamais rien fait pour nous.» On peut se demander s'il ne s'agissait pas là d'une forme de moyen de pression sur la Métropole afin d'élargir l'autonomie actuelle et décrocher quelques subventions. Enfin, la perspective que la colonie soit liée éventuellement  à l'un des membres du G8 (le Canada) remplirait d'aise certains dirigeants locaux. Quoi qu'il en soit, l'annexion des îles au Canada ne s'est pas produite, car pour ce faire il aurait fallu une modification constitutionnelle, un processus devenu extrêmement difficile au Canada. De plus, les insulaires sont très divisés sur cette question, la perspective de se retrouver avec le dollar canadien, les impôts canadiens et une invasion de touristes en hiver ne réjouit pas tout le monde. 

En août 2009, le Royaume-Uni a suspendu l'administration autonome des îles Turques-et-Caïque, après des allégations de corruption ministérielle, notamment Michael Misick. C'est le gouverneur qui administre l'archipel au nom du gouvernement britannique. Finalement, le Canada a conclu un partenariat de coopération avec les îles Turques-et-Caïques. L’économie des îles Turques-et-Caïques est aujourd'hui basée sur le tourisme, la pêche et le secteur financier.

4 La politique linguistique

Le gouvernement des îles Turques-et-Caïques n'a jamais élaboré de politique linguistique particulière. Il a toujours pratiqué donc la non-intervention. À l'image de la mère patrie, la Constitution du 30 août 1976 (suspendue en 1986, restaurée et modifiée le 5 mars 1988) ne proclamait aucune langue officielle. La Constitution de 2011 n'ajoute rien en ce sens. L'anglais reste, bien sûr, la langue officielle de la colonie parce que c'est également la langue officielle de facto du Royaume-Uni. Seules quelques rares lois mentionnent le rôle de l'anglais dans l'administration du territoire.

4.1 L'anglais, langue de l'État

Le gouvernement local perpétue l'usage en vigueur depuis le début de la colonie. L'anglais est la seule langue admise à l'Assemblée législative, dans l'Administration, les tribunaux et l'éducation.

En réalité, même si la colonie est régie par les lois anglaises, les habitants continuent de parler leur créole local, que ce soit dans les tribunaux ou l'Administration, qui s'accommodent de la langue parlée par les insulaires. Dans les tribunaux, lors d'une procédure, l'article 5 de la Constitution de 2011 prévoit une disposition particulière pour ceux qui ne connaîtraient pas la langue du tribunal (on pense aux créolophones ignorant l'anglais):

Article 5

Protection contre les arrestations ou les détentions arbitraires

3)
Quiconque est arrêté ou détenu doit être informé, dans une langue qu'il comprend, des motifs de son arrestation ou de sa détention et de toute accusation portée contre lui.

L'article 6 reprend la même disposition en matière d'infraction pénale:

Article 6

Dispositions visant à assurer la protection de la loi

2)
Quiconque est accusé d'une infraction pénale :

(a) doit être présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit reconnu coupable par la loi;

(b) doit être informé sans délai, dans une langue qu'il comprend et en détail, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui;

(f) doit être autorisé à bénéficier sans frais de l'assistance d'un interprète, s'il ne peut pas comprendre ou parler la langue utilisée lors de l'accusation au procès;

D'autres lois du Royaume-Uni, telles l'Ordonnance sur la navigation aérienne (territoires d'outre-mer) de 2007 et la Loi sur la marine marchande (1995), imposent la connaissance de l'anglais dans la navigation aérienne et maritime. Quant aux lois locales, notamment l'Ordonnance sur les sociétés (chap. 122) et l'Ordonnance sur les assurances (chap. 121), oblige tout individu à fournir ses documents en anglais ou à produire une traduction de ceux-ci en anglais. Tel est le cas de l'Ordonnance sur les sociétés :

Article 208

Documents à être remis au registraire par les entreprises étrangères

1)
Toute société étrangère doit, dans un délai d'un mois après être devenue une société étrangère tel qu'il est défini ici, remettre au registraire à des fins d'enregistrement:

(a) un exemplaire certifié sous le sceau public du pays, de la ville, du lieu ou d'un registraire en vertu des lois dont la société étrangère a été incorporée, de sa charte, de ses statuts ou de son acte constitutif et de ses articles ou de tout autre instrument constituant ou définissant sa constitution et, si l'instrument n'est pas rédigé en anglaise, avec une traduction certifiée conforme de celui-ci;

Il en est ainsi de l'Ordonnance sur les assurances :

Article 3

Procédure relative à la demande d'un permis

Toute personne ou compagnie qui sollicite un permis doit au moment de la demande fournir auprès du secrétaire permanent des Finances les éléments suivants:

(l) si le requérant est une société, un exemplaire certifié conforme de la charte, des statuts ou de l'acte constitutif et des articles du requérant ou de tout autre instrument constituant ou définissant la constitution du requérant et, si l'instrument n'est pas rédigé en anglais, un traduction certifiée conforme, et dans tous les cas un exemplaire certifié conforme du certificat de l'incorporation;

Les documents officiels des entreprises privées doivent être rédigés en anglais, mais ils peuvent aussi être accompagnés d'une traduction dans une langue étrangère et être enregistrés en deux versions auprès de l'Administration. Le nom des sociétés commerciales peut être employé avec des caractères chinois en plus de l'anglais ou dans toute autre langue utilisant l'alphabet latin.

4.2 L'éducation

En ce qui a trait aux écoles, c'est l'anglais standard qui sert d'unique langue d'enseignement. D'ailleurs, le système est calqué sur le système britannique, y compris les manuels.  C'est donc dire que pour la très grande majorité des insulaires, sinon la quasi-totalité, l'anglais est une langue seconde d'enseignement. Pourtant, l'anglais est enseigné comme langue maternelle, ce qui ne peut que soulever certaines difficultés d'ordre pédagogique. Seuls certains immigrants bénéficient des cours d'anglais langue seconde avant leur admission dans les écoles publiques. L'enseignement primaire dure six ans et l'enseignement secondaire, cinq ans. Le Turks and Caicos Islands Community College offre l'enseignement supérieur aux étudiants qui ont terminé avec succès leurs études secondaires. Le collège communautaire supervise également un programme d'alphabétisation des adultes.

Par ailleurs, quelques écoles primaires privées desservent des expatriés originaires d'Haïti et d'autres pays en difficulté économique dans la région. Elles offrent des cours d'anglais langue seconde.

4.3 Les médias 

Les journaux venant de l'île des Providenciales, le Times of the Islands et le Turks and Caicos Free Press, publient leurs articles uniquement en anglais. Il en est ainsi des stations de radio locales et de la chaîne de télévision nationale: seul l'anglais est admis, mais les paroles des musiques peuvent être en créole, de même que certains bulletins d'information.

L'unilinguisme anglais est omniprésent dans le fonctionnement de l’État, notamment dans la langue écrite. Un certain pragmatisme est toléré dans les communications orales, que ce soit dans l’Administration ou les tribunaux, ainsi qu'à la radio locale. Il n'existe dans l'archipel aucune ouverture éventuelle à l'égard du créole local parlée par plus de 80 % de la population. En somme, la politique linguistique apparaît peu coercitive et reste ce qu'elle a toujours été: la non-intervention.

Dernière mise à jour: 06 janv. 2024

Bibliographie 

MILLS, Carlton Mills. A History of the Turks & Caicos Islands, London, Macmillan Caribbean, 2008, 300 p.

SADLER, Herbert E. Turks Islands Landfall, Providenciales Turks & Caicos Islands, British West Indies, Marjorie Sadler and Karen Collins, 1997, 308 p.

 

Les territoires britanniques d'outre-mer

 

L'Amérique du Sud et les Antilles

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