République de Venise

697-1797

1. La république de Venise

La Vénétie était à l'origine une région habitée par les Vénètes, un peuple celtique déjà marqué par les Grecs et les Étrusques. Elle devint une colonie romaine dès le IIe siècle avant notre ère. Les Vénètes s'assimilèrent aux Romains et parlèrent le latin. Après le déclin de l'Empire romain d'Occident (395) et les invasions germaniques du Ve siècle, la Vénétie passa en 554 sous l'autorité de l'Empire byzantin. Ayant fui les envahisseurs, les Vénitiens s'étaient installés dans les îlots isolés au milieu des marécages et des roseaux, mais en 697 ils étaient établis durablement dans ces îles.

L’empereur byzantin Léon III, l'Isaurien (de 717 à 741), unifia les villages sous le contrôle d’un chef, appelé Dux en latin (duc en français), d’où le nom Doge en langue vénitienne. Il fit en sorte que le doge soit élu par ses propres pairs et qu’il ait une grande marge de manœuvre pour faire prospérer Venise. Paoluccio Anafesto fut le premier doge élu par les Vénitiens; il y resta de 697 à 717. La légende lui attribue les premiers travaux de fortification de la ville ainsi que l'arsenal; on lui doit la modernisation de la ville et la construction de ponts et de nouvelles voies d'eaux dont le Grand Canal.

L'élection du doge fut une innovation à une époque où, pour accéder au pouvoir, le moyen le plus courant était l'hérédité ou l'usage de la force, certainement pas un système électif. Ainsi, pendant que les voisins de Venise étaient dirigés par des princes, des rois et des sultans, Venise était gouvernée par des ducs élus, les doges de la République. C'est cette originalité politique républicaine qui permit à Venise de traverser plus de 1000 ans tout en conservant son indépendance.

La république de Venise était appelée en vénitien Serenìsima Repùblica Veneta, c'est-à-dire Sérénissime république de Venise. Au Moyen Âge, Venise faisait toujours partie de l'Empire byzantin, mais prit peu à peu son indépendance au cours des VIIIe et IXe siècles afin de se  protéger des invasions germaniques. Progressivement, Venise se développa par l’annexion de divers territoires et l'acquisition de nombreux comptoirs commerciaux, le long des côtes de la mer Adriatique et une partie de la Méditerranée.

Au sommet de sa puissance, la République administrait les territoires suivants: l’Istrie, la Dalmatie continentale, la baie de Kotor (Monténégro), l’Albanie vénitienne, les îles Ioniennes, la Crète, l’Eubée et d'autres îles grecques ainsi que Chypre et un grand nombre de cités, dont Bergame, Brescia, Vérone, Padoue, Trévise et Udine.

2. La puissance maritime

La république de Venise possédait une puissance maritime exceptionnelle pour l'époque, ce qui lui permettait de pratiquer le commerce à une grande échelle, c'est-à-dire dans toute la Méditerranée jusqu'en Espagne, ainsi que le pourtour de la mer Noire. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, Venise, avec environ 100 000 habitants, figurait parmi les plus grandes villes d'Europe occidentale avec Paris, Pise, Milan, Florence, Gênes et Gand. Au XVe siècle, la république de Venise faisait partie des cinq principales puissances en Italie avec le duché de Milan, le royaume de Naples, la république de Florence et les États pontificaux.

Au maximum de sa puissance, Venise entretenait une armée de 40 000 hommes, dont les deux tiers étaient des fantassins et un tiers des cavaliers appuyés par une puissante artillerie. Cette domination était aussi assurée par la supériorité technique des galères construites par quelque 17 000 ouvriers, alors que la flotte marchande pouvait compter 25 000 marins.

3. L'amorce du déclin

À partir du XVIe siècle, Venise amorça un long déclin, car la république dut se confronter aux grands États voisins dont faisaient partie la France et l'Espagne qui étaient militairement plus puissantes. De plus, la république de Venise dut souffrir de l'affaiblissement de l'Empire byzantin et de l'expansion de l’Empire ottoman, lequel enleva, les uns après les autres, les comptoirs vénitiens et les îles grecques, dont la Crète, Rhodes et Chypre.

Au XVIIIe siècle, la France révolutionnaire et l'Autriche s'affrontèrent pour acquérir certains territoires, dont Venise, alors que les grandes routes du monde étaient en train de se déplacer lentement de la Méditerranée vers l'Atlantique.

En 1797, Napoléon Bonaparte, alors général en chef de l’armée d’Italie, s'empara de Venise durant la première campagne d’Italie (1796-1797) et mit fin à son indépendance; puis il la céda à l’Autriche la même année.

En 1805, Venise rejoignait le royaume d'Italie (1805-1814). En 1815, le congrès de Vienne devait rattacher l'ensemble du domaine vénitien à l'empire d'Autriche. Par la suite, une émigration vénitienne massive s'est produite entre 1870 et 1905, de sorte que de grandes communautés d'origine vénitienne sont encore présentes en Roumanie, au Brésil (dans les États de Espírito Santo, de Santa Catarina, de Paraná, de San Paolo et de Rio Grande do Sul), ainsi qu'en Argentine et au Mexique.

4. Les langues en usage

Tout au long de son histoire, Venise utilisa à la fois le latin et le vénitien, une langue italo-romane, comme l'italien. Les documents officiels de la république de Venise, c'est-à-dire les lois, les décrets et les rapports, furent rédigés en latin jusqu'à la fin du Moyen Âge. Les transactions commerciales pouvaient se faire en vénitien ou en florentin (l'italien d'aujourd'hui), mais lorsque c'était nécessaire d'autres langues pouvaient être employées, tels le frioulan, le slovène, le croate, l'allemand, le lombard, le français, le catalan, l'arabe ou le turc ottoman. C'est ainsi que la langue vénitienne a commencé à ressentir une influence plus marquée du florentin qui allait devenir la langue de communication dans toute la péninsule italienne. Après la chute de la république de Venise en 1797, le vénitien fut définitivement supplanté par le florentin devenu la langue officielle du royaume d'Italie en 1861.

La plupart des locuteurs actuels du vénitien, avec ses nombreuses variantes locales, se trouvent dans les régions italiennes de la Vénétie, du Frioul-Vénétie Julienne et du Trentin-Haut-Adige. Il existe également de petites minorités de cette langue en Istrie slovène et en Istrie croate, ainsi qu'au Monténégro et en Roumanie. Malgré la pression de l'italien, le vénitien reste l'une des langues locales les plus connues et les plus parlées en Italie. Selon Ethnologue, les locuteurs du vénitien, tous pays confondus, seraient plus de six millions, dont quatre millions au Brésil et deux millions dans la province de Vénétie. Bref, bien que la langue vénitienne représente la langue typique de la région italienne du même nom, ses frontières linguistiques ne correspondent pas aux frontières administratives. Selon plusieurs enquêtes, les zones où est parlé le vénitien a subi une forte italianisation au cours des 30 dernières années. Cela signifie que les locuteurs sont généralement bilingues  (vénitien-italien, vénitien-slovène ou vénitien-croate) ou trilingues.

Il ne faut pas oublier que les locuteurs du vénitien sont en concurrence avec l'italien, mais également dans certains cas avec le frioulan, l'allemand, le bavarois, le slovène ou le croate, sans oublier le portugais au Brésil et l'espagnol dans les autres pays de l'Amérique du Sud. De fait, l'UNESCO, avec le Conseil de l'Europe, reconnaît et inscrit la région de la Vénétie dans le Livre rouge des langues en danger, l'incluant parmi les langues minoritaires dignes de protection.

Dernière mise à jour: 20 févr. 2024

 

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