République de Weimar

Reich allemand

1918-1933

1 Les bouleversements géopolitiques et démographiques

Les bouleversements de la Première Guerre mondiale modifièrent le paysage géopolitique européen avec la disparition de l'Empire allemand, de l'Empire austro-hongrois, de l'Empire russe et de l'Empire ottoman. Les puissances centrales vaincues d'Allemagne et d'Autriche-Hongrie ont subi des pertes territoriales importantes, qui ont marqué les ressortissants de ces anciens empires. Alors qu'avant 1914 les dominations impériales austro-hongroise, allemande et russe s'étaient étendues sur l'Europe centrale et orientale, la situation après 1918 apparut totalement différente (voir les cartes de 1914-1918 à cet effet). Ainsi, l'Empire allemand fut remplacé par la république de Weimar, mais le traité de Versailles avait imposé à l'Allemagne un «couloir polonais», appelé officiellement «corridor de Dantzig», qui coupait la Prusse orientale du reste de l'Allemagne de Weimar, tandis que la Pologne obtenait l'accès à la mer Baltique pour des raisons de survie économique.

L'Allemagne de l'après-guerre, successeur d'un empire vaincu, fut confrontée au défi de faire face à une diminution significative de sa population et de son territoire, à la perte de sa puissance militaire et au sentiment d'injustice et d'humiliation qui en résultait.

2 La Société des Nations

La Société des Nations fut un organisme international introduit par le traité de Versailles en 1919 afin d'assurer la paix en Europe; elle sera dissoute en 1945 et remplacée par l’Organisation des Nations unies. À la fin de la Première Guerre mondiale, la Société des Nations était la première tentative d'établissement d'un système international de protection des minorités, car les nombreux bouleversements démographiques causés par la disparition de quatre grands empires avaient occasionné un très grand nombre de peuples orphelins dans leur nouveau pays. De nombreux groupes ethniques minoritaires furent dans l'obligation de vivre disséminés dans différents États et ont dû changer de loyauté politique. Par exemple, on trouvait des communautés allemandes dans 21 États sur un total de 30. Quant à l'Allemagne, elle se trouvait avec une importante minorités polonaise, surtout en Prusse orientale dont la capitale était Königsberg, détruite durant la Seconde Guerre mondiale, puis annexée par les Soviétiques et renommée Kaliningrad (aujourd'hui une oblast de la fédération de Russie).

Il fallait créer des instruments juridiques concernant la protection des minorités, ce qui constituait une réelle nouveauté dans le domaine de la politique internationale. Or, la Société des Nations fut justement conçue comme un lieu où régler les problèmes des minorités. À long terme, cet objectif allait échouer, car les mesures ne furent à peu près pas appliquées, bien qu'elles n'aient jamais été expressément abolies.

Néanmoins, un certain nombre de traités sur les minorités furent conclus avec la collaboration de la Société des Nations. De tels instruments juridiques fourniront à long terme des moyens de règlement pacifique dans d'éventuels différends futurs. C'est dans cet état d'esprit que s'est retrouvée la république de Weimar au lendemain de la Première Guerre mondiale. 

3 La république de Weimar

De 1918 à 1945, l'Allemagne a plus longtemps été une social-démocratie (république de Weimar; en allemand : Weimarer Republik, 14 ans de 1918 à 1933) qu'une dictature (Troisième Reich, douze ans de 1933 à 1945). Le mot "Reich" signifie «État» et n'est pas lié à la nature d'un régime. Le Premier Reich fut l'Empire allemand (1871-1918), le Deuxième Reich fut la "République de Weimar" : les deux furent des États fédéraux.

Officiellement, la république de Weimar était appelée "Deutsche Reich", l'État allemand, comme sous l'Empire allemand, mais également "Deutsche Republik", la République allemande. La première appellation fait référence à la ville de Weimar, où s'est tenue pour la première fois l'assemblée constituante de la République. En anglais, le pays s'appelait généralement "Germany" («Allemagne»). L'appellation «République de Weimar» est devenu courante chez les historiens au cours des années 1930. Il s'agissait d'une fédération de 17 Länder dirigée par le président du Reich et gouvernée par le chancelier nommé par le président, mais investi par une majorité des membres du Reichstag et responsable devant cette assemblée.

Le Reich allemand (république de Weimar) a émergé des bouleversements révolutionnaires de l'immédiat après-guerre en tant que démocratie parlementaire, contestée par l'extrême-droite nationaliste (président du Reich Hindenburg, pangermanistes et Parti nazi) et l'extrême-gauche communiste (principalement le Parti communiste allemand). En quatorze ans, 16 gouvernements se succédèrent et la République dut faire face aux lourdes réparations dues aux Alliés (notamment à la France) et à plusieurs soulèvements violents. En dépit de ces difficultés économiques et sociales, de nombreux Allemands associaient à la république de Weimar l'espoir de surmonter la crise et de retrouver prospérité et stabilité dans le «concert des nations». Entre 1924 et 1929 cela semblait possible, mais les effets de la «grande dépression» de 1929 remirent en question cet espoir et des millions de personnes se radicalisèrent. Une inflation galopante ouvrit alors aux nazis un «boulevard électoral».

Par comparaison avec l'Empire allemand, la république de Weimar devait se montrer plus réceptive aux doléances des minorités linguistiques telles que les Danois, les Frisons et les Sorabes, donc dans le Schleswig et les régions de l'Est (Brandebourg et Saxe), mais surtout avec les Polonais. C'est ainsi que les autorités autorisèrent l'enseignement de ces langues dans les écoles primaires et les lycées. D'ailleurs, l'article 113 de la Constitution du 11 août 1919 prévoyait une disposition à l'égard des minorités linguistiques:

Verfassung des Deutschen Reichs vom 11. August 1919

Artikel 113

Die fremdsprachigen Volksteile des Reichs dürfen durch die Gesetzgebung und Verwaltung nicht in ihrer freien, volkstümlichen Entwicklung, besonders nicht im Gebrauch ihrer Muttersprache beim Unterricht, sowie bei der inneren Verwaltung und Rechtspflege beeinträchtigt werden.

Constitution du Reich allemand du 11 août 1919

Article 113

Les populations de langue étrangère du Reich ne doivent pas être limitées par la législation et l'administration dans le libre développement de leur culture, en particulier dans l'usage de leur langue maternelle dans l'enseignement, ainsi que dans l'administration interne et dans l'administration de la justice.

Le résultat le plus apparent de cette politique «libérale» fut, malgré certaines restrictions, le rétablissement des écoles pour les minorités du Schleswig et des régions de l'Est (Brandebourg, Saxe et Pologne). La République démontrait au monde extérieur qu'elle accordait l'égalité des droits aux minorités et interdisait la discrimination. D'un côté, la république de Weimar reconnaissait les droits des minorités ethniques dans la Constitution, mais de l'autre les décrets et les ordonnances pour la protection de celles-ci dans le système scolaire et dans l'administration demeurèrent flous ou jamais appliqués.

En fait, la politique des minorités de Weimar était à double face. D'une part, l'objectif était de donner l'exemple d'une politique bienveillante en Europe de façon à influencer les États qui abritaient des «Allemands à l'étranger», notamment la Pologne; d'autre part, l'objectif était d'assimiler les populations «de langue étrangère», dont les Polonais. Bref, les différents gouvernements et l'administration de Weimar élaborèrent une politique tactiquement généreuse envers les minorités en Allemagne, mais derrière cette façade elle visait leur assimilation par les germanophones. L'idéal était de garantir des droits culturels aux minorités non germanophones en Allemagne et aux minorités allemandes dans les autres États voisins, tout en croyant que ces derniers imiteraient la politique allemande d'ouverture. Mais les autres États ne furent pas dupes.

Cette politique de Weimar connut des succès mitigés, car les Polonais, les Danois et les Sorabes ont pu résister à l'assimilation, non sans pertes importantes, tandis que les Allemands à l'étranger, au nombre de 1,4 million, durent subir des politiques d'assimilation en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Roumanie et en Hongrie. En Pologne, les décisions du gouvernement polonais à l'égard de ses minorités inquiétèrent tellement les germanophones qu'en 1922 les deux tiers des Allemands de l'ancienne Prusse occidentale s'étaient déjà établis en Allemagne. Tout au long de la durée de la république de Weimar (1918-1933), les gouvernements allemands successifs poursuivirent une politique à double tranchant, consistant à se présenter comme les gardiens légitimes des droits des minorités, tout en essayant de laisser la porte ouverte pour regagner les territoires perdus en germanisant les populations «étrangères».

4 Le Troisième Reich

À la suite de la désignation d'Adolf Hitler comme chancelier, le 30 janvier 1933, la république de Weimar devint plus autoritaire jusqu'à ce que le pouvoir politique soit suffisamment affaibli pour permettre l'avènement du Troisième Reich. Le 12 novembre 1933, des élections au Reichstag furent organisées sur une liste unique ne comportant que des nazis qui furent élus avec 92 % des voix. Par la suite, Hitler supprima les assemblées dans tous les Länder et dota l’Allemagne d’une administration très centralisée. Ainsi, Adolf Hitler accéda au pouvoir par la voie légale avec un programme démagogique et populiste, dont l'objectif officiel était de combattre le communisme. Cumulant les deux fonctions de président et de chancelier de la République (le 19 août 1933), Hitler se fit désigner sous le nom de "Führer".

C'est à partir de ce moment qu'on parla de "Troisième Reich", même si les nazis n'ont jamais abrogé la Constitution de Weimar. C'est alors que de nombreuses dispositions juridiques furent supprimées dans les premières années au pouvoir d'Hitler. Les nazis utilisèrent le mot "Gleichschaltung" («synchronisation», «nazification», «mise au pas») pour désigner le système de contrôle totalitaire et de coordination sur tous les aspects de la société allemande et des sociétés occupées par l'Allemagne nazie.

Dernière révision: 22 avril, 2022

République fédérale d'Allemagne

Carte Europe
L'Europe