République fédérale de Yougoslavie

La République fédérale de Yougoslavie (RFY)

1992 - 2000

 

1 La troisième Yougoslavie (nationaliste)

La nouvelle République fédérale de Yougoslavie fut formée en avril 1992, lorsque la sécession de la Slovénie, de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine, ainsi que la reconnaissance internationale et l'admission à l'ONU des trois premières (juin 1991- avril 1992) eurent consacré le démantèlement de l’ex-République fédérative socialiste de Yougoslavie. La nouvelle Yougoslavie déclara être le seul successeur légal de l'ancienne République socialiste fédérative de Yougoslavie, mais devant l’importance de la dette extérieure — 20 milliards de dollars US — elle se ravisa et accepta que d’autres anciennes républiques réclament aussi ce titre afin de l’aider à financer cette dette, ce qui supposait également le partage des avoirs. Encore aujourd’hui, cette question des responsabilités financières n’a pas encore été régularisée.

La troisième Yougoslavie était composée de deux républiques: la république de Serbie et la république du Monténégro. La carte de gauche illustre la République fédérale de Yougoslavie (ou 3e Yougoslavie) de 1992 (en rose) avec les limites de la 2e Yougoslavie (jaune et rose).

En tant que fédération, la Yougoslavie connaissait deux niveaux de pouvoir partagé par les républiques et le gouvernement fédéral. Chacune des républiques fédérées, soit la Serbie et le Monténégro, disposait de son président (élu au suffrage universel), de son gouvernement et de son parlement. L’article 6 de la Constitution de 1992 précisait même qu’«une république membre est souveraine dans les matières qui ne sont pas sous la juridiction de la présente Constitution de la République fédérale de Yougoslavie».

Pour ce qui est de la fédération, elle comprenait une assemblée bicamérale composée de la Chambre des républiques (108 sièges pour la Serbie et 30 pour le Monténégro), le plus important organe législatif, et de la Chambre des citoyens (20 députés par république). Ses membres élisaient le président de la fédération.

2. Slobodan Milosevic

La Yougoslavie des années 1990 fut dominée par un habile politicien, Slobodan Milosevic. Cet ancien banquier de Belgrade fut élu chef du Parti communiste de Serbie en 1986, puis président de la république de Serbie de 1989 et enfin président de la fédération yougoslave en 1997. La forte personnalité de Milosevic fit en sorte que celui-ci domina entièrement la politique yougoslave, alors qu’il était président de la Serbie et reléguait tous les présidents de la fédération au rang de simple figurant. Or, la présidence serbe de Milosevic dut faire face à trois crises majeures: la violence institutionnalisée au Kosovo depuis 1989 (alors que Milosevic avait aboli le statut d’autonomie de la province), la guerre civile de 1992 en Bosnie-Herzégovine entre Croates, Serbes et Bosniaques, et la guerre du Kosovo en mars 1999.

C’est Milosevic qui, en tant que président de la Serbie, appuya ses «frères» serbes de Bosnie-Herzégovine et voulut proposer en 1994 un plan de partage du pays avec la Croatie, mais c’est lui qui, en raison de l’intervention des États-Unis et de l’Union européenne, signa les accords de paix de Dayton en 1995. On sait que les accords de Dayton prévoyaient le retrait des forces serbes de la Bosnie-Herzégovine, l’indépendance politique du pays et la levée des sanctions internationales contre la République fédérale de Yougoslavie (qui s’était un peu trop impliquée dans le conflit bosniaque).

Jusqu’en 1997, la fédération était, dans les faits, dominée par le président de la Serbie, Slobodan Milosevic, lequel faisait élire l’un de ses proches à la présidence de la fédération et n’hésitait pas à provoquer sa chute en cas de désaccord. L’effacement du président fédéral devint tel que Slobodan Milosevic, en tant que président de la république de Serbie, fut le seul signataire des accords de Dayton (sur la Bosnie-Herzégovine), alors que la politique étrangère est, de par la Constitution, du ressort du président fédéral.

3. Le président de la Yougoslavie

En juillet 1997, ne pouvant constitutionnellement pas briguer un troisième mandat présidentiel en Serbie, Slobodan Milosevic se fit élire président de la Yougoslavie par le Parlement fédéral. Toutefois, les pouvoirs du président fédéral étant singulièrement réduits, plusieurs observateurs voyaient mal le dirigeant serbe se contenter d'inaugurer les chrysanthèmes... C'est pourquoi Slobodan Milosevic aurait souhaité obtenir un accroissement des compétences présidentielles et être élu non par les deux Chambres du Parlement fédéral, mais au suffrage universel. Or, le Monténégro s’est toujours opposé à modifier la Constitution fédérale de peur d’être de plus en plus dominé par la Serbie et, pendant dix ans, par le président Slobodan Milosevic. 

Pendant tout ce temps, diverses mesures furent prises par la Serbie à l'encontre des nationalistes albanais du Kosovo: vagues d'arrestations de nationalistes présumés, répression à l’égard des civils, persécutions similaires perpétrées à l'encontre d'autres minorités, en particulier les Hongrois de Voïvodine et les Bosniaques de la région du Sandjak (près de la frontière du Monténégro). Des milliers de Bosniaques serbes se sont réfugiés en Serbie pendant que des milliers d’Albanais, de Hongrois et de Bosniaques ont fui le Kosovo, la Voïvodine et le Sandjak. En 1998, la guerre commençait au Kosovo entre Kosovars et Serbes. La communauté internationale voulut imposer un plan de paix à Rambouillet (février 1999) et à Paris (mars), mais le président yougoslave (Slobodan Milosevic) le refusa, car il ne pouvait accepter une force d’interposition internationale au Kosovo.

3.1 La guerre du Kosovo

Ce fut la guerre avec les forces de l’OTAN, suivie des représailles serbes contre les Kosovars qui subirent l’expulsion et l’épuration ethnique (du 24 mars au 9 juin 1999). Ce qu’on a appelé la «crise yougoslave» a permis aux Serbes de «sataniser» les Croates, les Albanais et les Musulmans/Bosniaques, qui rompaient l’homogénéité de la Grande Serbie, au profit de la résurgence du nationalisme serbe, tant en Serbie qu’en Bosnie-Herzégovine. Pour la communauté internationale, Slobodan Milosevic était devenu un véritable Saddam Hussein, voire le nouvel Hitler des Balkans. Quant aux Serbes, ils semblaient en vouloir à tout le monde et se croyaient victimes d’une coalition rassemblant l’Italie et l’Autriche catholiques, l’Allemagne protestante, la Hongrie catholico-protestante et la Turquie musulmane, toutes soutenues par les États-Unis. C’est la politique du complot international: un contre tous, tous contre la Serbie. C’est ce qui a fait dire à de nombreux observateurs que la Servie vivait dans «la paranoïa du complot» dans laquelle l’Étranger est toujours responsable. 

La guerre du Kosovo de 1999 a encore exacerbé les antagonismes ethniques et le complexe du complot international (l’OTAN) contre la Serbie. D’un côté, les Serbes en ont profité pour tenter de recoloniser le Kosovo en expulsant et en massacrant les Albanais au nom de l’intérêt national. De l’autre côté, les massacres du Kosovo ont convaincu les Albanais qu’ils ne pouvaient plus faire partie de la Yougoslavie depuis que le Kosovo est devenu le pays de la serbitude. Enfin, on peut croire que la communauté internationale, par la voix des États-Unis, a tout fait pour déclencher la guerre contre la Yougoslavie afin de bâtir le nouvel ordre mondial dont rêvent les Américains, ce qui laisserait croire que la protection des populations civiles kosovares n’a jamais constitué le véritable objectif de cette guerre.

Finalement, l’ancien président Milosevic aura souvent entraîné le peuple serbe dans des combats perdus — comme l’abandon des Serbes de Croatie en juillet 1995 et le lâchage des Serbes de Bosnie en décembre 1995 —, provoquant des crises de plus en plus graves pour resserrer les rangs derrière lui et assurer ainsi son pouvoir. En moins de 10 ans, Slobodan Milosevic a mené quatre guerres meurtrières en ex-Yougoslavie, entraîné environ 200 000 morts et fait déplacer plus de cinq millions de personnes. Exception faite de la Russie demeurée une fidèle alliée, la Yougoslavie s’est mis à dos la communauté internationale, incarnée surtout par les États-Unis. Après une décennie de conflits incessants, la Yougoslavie s’est retrouvée épuisée, moralement et économiquement, et asphyxiée par des années de sanctions punitives. Et la guerre du Kosovo a fait reculer l’économie de la Yougoslavie au stade où elle était au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Les Serbes ont fait les frais de la politique de la Grande Serbie, car elle a réduit la fédération yougoslave à sa plus simple expression: la Serbie menacée d'être amputée du Kosovo et le Monténégro marchant vers l'indépendance. Les dégâts matériels sont à ce point considérables que cinquante ans de reconstruction, fruit de l'effort de deux générations, risquent ainsi d’être effacés en quelques semaines de bombardements.

3.2 La chute de Milosevic

Puis, le 24 septembre 2000, l’histoire tourmentée de la Yougoslavie changea du tout au tout lors des élections présidentielles. Le trucage de cette élection n'avait trompé personne: la commission électorale aux ordres du pouvoir avait même reconnu au parti de l’opposition près de 49 % des voix, contre 38 % au président sortant (Milosevic). Par la suite, le rapport de forces s'est inversé — la peur a changé de camp — et le mouvement de contestation s'est installé partout en Serbie. La riposte du peuple yougoslave fut sans équivoque: le 5 octobre 2000, l'histoire s'est accélérée au moment où l'opposition (une coalition de 18 partis), soutenue par 300 000 manifestants, a pris le contrôle du Parlement fédéral et de la télévision d'État. Pour Slobodan Milosevic, c'était la fin, malgré ses manoeuvres pour rester au pouvoir jusqu'à l'été 2001.

Le nouveau président de la Fédération yougoslave (Vojislav Kostunica) avait du pain sur la planche: n'était-ce que le Kosovo, c'était déjà beaucoup, mais il y avait aussi le Monténégro, un pays en ruines, une économie anéantie, etc., sans compter le rétablissement des droits des minorités.

En mai 1999, celui que certains ont surnommé «le boucher des Balkans» (Slobodan Milosevic) avait été inculpé par le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Dans son pays, ce sont plutôt des accusations d'abus de pouvoir et de malversations qui avaient mené à son arrestation, le 1er avril 2001, les autorités yougoslaves ayant indiqué n'avoir aucune intention de l'extrader vers La Haye. Toutefois, devant les pressions des bailleurs de fonds internationaux, le gouvernement yougoslave a fini par céder. Le 28 juin 2001, l'ancien président de la Yougoslavie a été remis au Tribunal de La Haye. Le lendemain, le gouvernement démissionnait, ce qui pourrait non seulement entraîner la tenue d'élections fédérales anticipées, mais peut-être même accélérer la séparation entre la Serbie et le Monténégro, car il n’est pas sûr que le changement de régime à Belgrade permettra d'enrayer la dislocation de la Yougoslavie.

Quoi qu'il en soit, l'ancien président yougoslave, Slobodan Milosevic, est décédé d'un «infarctus du myocarde», alors qu'il était en détention au Tribunal pénal international de La Haye où son procès pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, venait d'entrer dans sa cinquième année. Avec son décès s'éteint également l'action judiciaire entamée contre Milosevic le 12 février 2002. Premier chef d'État inculpé de génocide, l'ancien homme fort de Belgrade ne connaîtra jamais le verdict du Tribunal pénal international. Techniquement, il est mort «innocent». Le ministre des Affaires étrangères de la Serbie-et-Monténégro (Vuk Draskovic) a d'ailleurs jugé «dommage» que l'ex-président yougoslave disparaisse à 64 ans, avant d'avoir répondu de ses actes. Les autorités serbes ont refusé tout hommage officiel à l'ancien chef de l'État.

4 La fin de la Yougoslavie

Pendant dix ans, les médias occidentaux réussirent à faire passer le régime de Slobodan Milosevic pour une monstrueuse dictature nationaliste qui aurait entrepris de démembrer la Yougoslavie, alors que le régime a quand même été jadis l'un des plus démocratiques de l'Europe. Mais les conséquences de la disparition de la Yougoslavie allaient entraîner une nouvelle Serbie aux prises avec une structure ethnique issue de l'émergence de différentes nationalités et à la suite du pouvoir accru de l'idéologie du nationalisme.

Si certains de ces groupes minoritaires allaient s'intégrer progressivement dans la société, d'autres allaient rester marginalisés. C'est ainsi que, dans l'histoire des Balkans, le concept de minorité s'est modifié. Par exemple, Tito refusait de distinguer la minorité en raison de son idéologie socialiste affirmant qu'elles étaient toutes égales, que les minorités sur le territoire de la Yougoslavie jouissaient d'un large éventail de droits culturels, religieux et linguistiques, et dans certains cas, même plus larges que ce qui est aujourd'hui garantis par la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Mais la situation changea lorsque l'Europe entama le processus de redéfinition des frontières étatiques, selon des critères ethniques et qu'émargea le thème de la minorité. L'Union européenne et la communauté internationale jouèrent alors un rôle important en faisant pression sur le régime de l'époque.

À partir du 14 février 2003, la République fédérale de Yougoslavie prit le nom officiel de Communauté des États de Serbie-et-Monténégro (Drzavna zajednica Srbija i Crna).

Dernière mise à jour: 13 févr. 2024


 

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