L'ex-Parti des régions Ukraine |
Le Parti des régions (en ukrainien: Партія регіонів ou Partiya rehioniv) est un ancien parti politique pro-russe créé le 26 octobre 1997, et aujourd'hui interdit en Ukraine. Pendant la présidence de Viktor Ianoukovytch (2010-2014), chef du parti depuis 2003, c'était le parti au pouvoir qui, le 3 juillet 2012, a fait adopter par 232 voix sur 334 députés (69,4%) la Loi sur les principes de la politique linguistique de l'État, laquelle entrait en vigueur le 10 août suivant. Elle devait le rester jusqu'en 2018.
Cette loi n° 5029-VI avait été proposée par les députés russophones Vadim Kolesnichenko et Sergei Kivalov, du Parti des régions. C'est pourquoi on l'a surtout appelée «loi Kivalov-Kolesnichenko» ou encore «loi des trois K» (pour Kremlin, Kivalov et Kolesnichenko). Rappelons que, le 22 février 2013, les députés de la Verkhovna Rada, membres du Parti des régions, Sergei Kivalov et Vadim Kolesnichenko, ainsi que trois autres «régionaux», ont reçu au Kremlin le Prix Pouchkine des mains du président russe Vladimir Poutine, pour leur grande contribution à la préservation et à la vulgarisation de la langue et de la culture russes à l'étranger.
Cette loi se voulait aussi conforme aux dispositions de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, mais permettait l'emploi à égalité avec la langue officielle (l'ukrainien) de deux ou de plusieurs langues régionales ou minoritaires dans une région donnée, là où le nombre d'une minorité représentait 10 % ou plus de la population, soit en principe dans 13 régions sur 27, dont Kiev, la capitale.
Ce statut de «langue régionale» équivalait dans les faits à rendre toute autre langue aussi officielle que l'ukrainien. C'est ainsi que, dans les mois qui ont suivi l'adoption de la loi n° 5029-VI, le russe a été déclaré «langue régionale» dans les régions d'Odessa, de Kharkiv, de Kherson, de Mykolaïv, de Zaporijjia, de Dnipropetrovsk, de Louhansk et de Donetsk, sans oublier la ville de Sébastopol en Crimée. De plus, le hongrois, le moldave et le roumain ont obtenu ce même statut dans certaines villes de l'Ukraine occidentale.
En réponse à la révolution orange de 2004, les députés du Parti des régions ont tenté en vain de séparer les régions du Sud-Est pour former la République autonome ukrainienne du Sud-Est séparatiste. Au cours des manifestations massives d'Euromaïdan qui ont duré des mois et qui ont abouti à la destitution du président Viktor Ianoukovytch, le parti a perdu une part importante de son influence politique et a cessé effectivement d'exister à la fin de 2014. Cette année-là, le Parti des régions a changé de nom pour «Bloc d'opposition», en l'enregistrant comme un nouveau parti politique officiel. La plupart des anciens députés Parti des régions ont rejoint le parti nouvellement créé. Néanmoins, plus d'un million de membres ont quitté le parti en juin 2014. Le 21 février 2023, le Parti des régions fut officiellement interdit par la décision de la 8e cour d'appel.
Sergei Kivalov
Né en 1954 à Tiraspol en Transnistrie (Moldavie), Sergei Kivalov est un scientifique de grande valeur. Russophone, mais bilingue, il a toujours combattu toute politique d'ukrainisation de son pays. Membre du Parti des régions, il a milité pour faire du russe la seconde langue officielle de l'Ukraine. Le 22 février 2013, il a reçu au Kremlin le Prix Pouchkine pour ses actions en faveur de la langue russe. La même année, très proche du président Ianoukovytch, il fut nommé membre de la Commission de Venise pour son pays (mais il finira par en être destitué). Il a quelquefois été impliqué dans des scandales, notamment d'avoir participé, en tant que président de la Commission électorale centrale, à des falsifications lors des élections présidentielles, ainsi que dans la corruptions de juges. En 2018, à la Verkhovna Rada, Kivalov a voté contre la Loi sur la reconnaissance de la souveraineté ukrainienne sur les territoires occupés des régions de Donetsk et de Louhansk. Candidat comme député du peuple aux élections législatives de 2019, il a perdu contre le candidat du Parti Serviteur du peuple du président Zelensky.
Vadim Kolesnichenko
Né en 1958 à Ouman (oblast de Tcherkassy), Vadim Kolesnichenko est un agronome et un avocat. Il est devenu célèbre pour son aversion à la langue ukrainienne, ainsi que pour ses opinions ukrainophobes et séparatistes; il a aussi contribué personnellement à l'annexion de la Crimée en 2014. Kolesnichenko a obtenu lui aussi le Prix Pouchkine en 2013 en même temps que Kivalov pour sa «grande contribution à la préservation et à la vulgarisation de la langue et de la culture russes à l'étranger». Il était l'un des plus farouches opposants à l'introduction du doublage ukrainien dans la distribution cinématographique ukrainienne. Pourtant bilingue, il est aussi devenu l'un des plus sévères détracteurs de la langue ukrainienne. À l'occasion de la Journée de la langue et de l'écriture ukrainiennes (9 novembre 2010), Kolesnitchenko avait prononcé un discours dans lequel il avait accusé les nationalistes de l'état actuel insatisfaisant, à son avis, de la langue littéraire ukrainienne :
Cтараннями націоналістів українська мова перетворився на звалище суржику, в яку влізло все що завгодно, і тому літературної мови ми сьогодні не маємо. Grâce aux efforts des nationalistes, la langue ukrainienne est devenue un dépotoir, dans lequel tout peut rentrer, et c'est pourquoi nous n'avons pas de langue littéraire aujourd'hui. Après l'annexion de la Crimée et l'invasion militaire de la Russie contre l'Ukraine, il a suspendu son adhésion au Parti des régions et a renoncé à son mandat parlementaire à la Verkhovna Rada en raison du fait que, selon lui, l'Ukraine se trouvait «sur le territoire de la fédération de Russie». En tant qu'authentique ukrainophobe, toute mention concernant l'indépendance de l'Ukraine semble lui causer une urticaire insurmontable et il perçoit le fait que l'Ukraine ait obtenu son indépendance comme «très douloureux.» Kolesnichenko est reconnu pour avoir tissé des liens étroits avec les services spéciaux russes. Depuis qu'il a obtenu la nationalité russe, il s'est réfugié en Crimée, car il est interdit de séjour en Ukraine.