De par Son Excellence James Wolfe, major-général, colonel
d’infanterie, commandant en chef des troupes de Sa Majesté
britannique sur la rivière de Saint-Laurent. Le Roi mon maître, justement irrité contre la France, et
résolu d’en rabattre la fierté, et de venger les insultes
faites aux colonies anglaises, s’est aussi déterminé à
envoyer un armement formidable de terre et de mer, que les
habitants voient avancer jusque dans le centre de leur pays.
Il a pour but de priver la couronne de France des
établissements les plus considérables dont elle jouit dans
le nord de l’Amérique.
C’est à cet effet qu’il lui a plu de m’envoyer dans ce
pays, à la tête de l’armée redoutable actuellement sous mes
ordres. Les laboureurs, colons et paysans, les enfants ni
les ministres sacrés de la religion, ne sont point l’objet
du ressentiment du Roi de la Grande Bretagne ; ce n’est
point contre eux qu’il élève les bras. Il prévoit leurs
calamités, plaint leur sort, et leur tend une main
secourable.
Il est permis aux habitants de revenir dans leur famille
et dans leurs habitations, je leur promets ma protection, et
je les assure qu’ils pourront sans craindre les moindres
molestations, y jouir de leurs biens, suivre le culte de
leur religion, en un mot jouir au milieu de la guerre de
toutes les douceurs de la paix, pourvu qu’ils s’engagent à
ne prendre directement ou indirectement aucune part à une
dispute qui ne regarde que les deux Couronnes. Si au
contraire un entêtement déplacé et une valeur imprudente et
inutile, leur font prendre les armes qu’ils s’attendent à
souffrir tout ce que la guerre a de plus cruel. Il leur est
aisé de se représenter à quels excès se porte la fureur d’un
soldat effréné. Mes ordres seuls peuvent en arrêter le
cours, et c’est aux Canadiens par leur conduite à se
procurer cet avantage. Ils ne peuvent ignorer la situation
présente. Une flotte considérable bouche le passage aux
secours qu’ils pourraient se flatter de recevoir du côté de
l’Europe, et une armée nombreuse les presse du côté du
continent.
Le parti qu’ils ont à prendre ne paraît pas douteux. Que
peuvent-ils attendre d’une vaine et aveugle opposition ?
Qu’ils en soient eux-mêmes les juges. Les cruautés inouïes
que les Français ont exercées contre les sujets de la
Grande-Bretagne établis dans l’Amérique pouvaient servir
d’excuses aux représailles les plus sévères; mais l’Anglais
repousse ces barbares méthodes. Sa religion ne prêche que
l’humanité, et son cœur en suit avec plaisir le précepte.
Si la folle espérance de nous repousser avec succès porte
les Canadiens à nous refuser la neutralité que je leur
propose, et leur donne la présomption de paraître les armes
à la main, ils n’auront sujet de s’en prendre qu’à eux-mêmes
lorsqu’ils gémiront sous le poids de la misère à laquelle
ils se seront exposés par leur propre choix. Il sera trop
tard de regretter les efforts inutiles de leur valeur
martiale, lorsque, pendant l’hiver, ils verront périr de
famine tout ce qu’ils ont de plus cher.
Quant à moi, je n’aurai rien à me reprocher. Les droits
de la guerre sont connus, et l’entêtement d’un ennemi fourni
les moyens dont on se sert pour le mettre à la raison.
Il est permis aux habitants du Canada de choisir. Ils
voient d’un côté l’Angleterre, qui leur tend une main
puissante et secourable ― son exactitude à remplir son
engagement―, et comme elle s’offre à maintenir les habitants
dans leurs droits et leurs possessions.
De l’autre côté, la France, incapable de supporter ce
peuple, abandonne leur cause dans le moment le plus
critique, et si, pendant la guerre, elle leur a envoyé des
troupes, à quoi leur ont elles servi? à leur faire sentir
avec plus d’amertume le poids d’une main qui les opprime au
lieu de les secourir.
Que les Canadiens consultent leur prudence. Leur sort
dépend de leur choix.
Donné à notre quartier général, à la paroisse
Saint-Laurent, île d'Orléans,
le 27 juin 1759. |