République de Crimée

Crimée

(Sous occupation russe)

1) Situation générale
et données démolinguistiques

 

Capitale: Simferopol (Ak Mesjid)
Population: 2,2 millions (2014)
Langues officielles: russe, ukrainien et tatar de Crimée
Groupe majoritaire: russe (84,1 %)
Groupes minoritaires: tatar de Crimée (7,8 %), tatar (3,6 %), ukrainien (3,2 %), arménien (0,2 %), azéri (1,1 %), etc.
Système politique: république autonome au sein de la république d’Ukraine, puis république de Crimée dans la fédération de Russie.
Articles constitutionnels (langue): art. 10, 11, 12 et 24 de la Constitution ukrainienne de 1996 (jusqu'au 16 mars 2014); art. 10, 13, 19 et 83 de la Constitution russo-criméenne de 2014; art. 19, 28 et 68  de la Constitution russe de 1993.
Lois linguistiques ukrainiennes (en vigueur jusqu'au 15 mars 2014): la Loi sur les langues (1989); la Déclaration des droits des nationalités d'Ukraine (1991); la Loi sur la citoyenneté (1991); la Loi sur les minorités nationales en Ukraine (1992).
Lois linguistiques russes (en vigueur à partir du 16 mars 2014):
Loi sur les langues des peuples de la fédération de Russie (1991), modifiée par la loi fédérale du 24 juillet 1998; Loi sur l'autonomie culturelle (1996); Loi fédérale sur les toponymes (1997); Loi sur l'éducation (1992); Loi sur les garanties des droits des peuples indigènes peu nombreux de la fédération de Russie (1999); Projet de loi sur la langue officielle de la fédération de Russie (2004); Loi sur la langue officielle de la fédération de Russie (2005).
Lois linguistiques russo-criméennes:  Décret du Conseil d'État de la république de Crimée (2014); Loi sur le registre de la réglementation municipale (2014); Loi sur l'adoption, la promulgation et l'entrée en vigueur des lois de la république de Crimée (2014); Loi du 11 septembre 2014 n° 68-ZRK «sur les objets du patrimoine culturel de la République de Crimée»; Loi sur l'éducation (2015); Loi sur les langues (2017).

1 Situation géographique

La république de Crimée (avant 2014: la République autonome de Crimée, sous juridiction ukrainienne) couvre une superficie de 26 100 km², soit un peu plus petite que la Belgique (30 527 km²). C’est une presqu’île qui se détache de l'Ukraine (au sud) en s’enfonçant dans la mer Noire, laquelle borde toutes ses côtes, sauf la côte nord-est baignée par la mer d’Azov. 

La Crimée faisait juridiquement partie de l’Ukraine depuis 1954 en raison d'un décret du président soviétique, Nikita Khrouchtchev, à l'occasion du 300e anniversaire de la réunification russo-ukrainienne. Elle constituait, au sein de l'Ukraine, une république autonome, malgré l'opposition d'une partie de ses habitants (Russes et Tatars). À la suite d'un référendum relativement suspect tenu le 16 mars 2014, les autorités locales «demandèrent» que la Crimée soit «rattachée à la fédération de Russie». Après y avoir envoyé plus de 30 000 soldats et à la suite d'un référendum à la soviétique (un OUI à 95,5 %), le président russe, Vladimir Poutine, signa le décret rattachant la Crimée à la Russie. Malgré l'opposition de la communauté internationale qui pouvait difficilement s'y interposer par la force, la Crimée est devenue, de facto, la 22e république russe, probablement sans rétrocession.

1.1 Les divisions administratives

La Crimée est divisée au point de vue administratif en 25 régions réparties en 14 raïons («districts») et 11 municipalités (villes d'importance nationale), mais la ville de Sébastopol, qui bénéficiait d'un statut particulier au sein de l'État Ukrainien, a conservé ce statut dans la Crimée russe; Sébastopol ne fait pas partie de la république de Crimée en tant que «ville d'importance fédérale».

Nom Superficie,
en km²
Population
(2018)
  Raïons («district»)    
1 Bakhchisaray   1588,58  89 184  
2 Belogorsky   1893,56  60 588  
3 Dzhankoysky 2666,96  65 978  
4 Kirovsky    1208,20  51 288  
5 Krasnogvardeysky   1765,80 84 587  
6 Krasnoperekopsky    1230,96 24 053  
7 Leninsky    2918,61  58 985  
8 Nizhnegorsk  1212.43  44 336  
9 Pervomaisky  1474,35  31 851  
10 Razdolnensky    1231,38  30 429  
11 Saksky    2257,47  76 326  
12 Simféropol  1752,53  160 772  
13 Sovetskiy   1079,44 31 545  
14 Chernomorsky    1508,63 30 427  
La capitale de la Crimée est Simféropol (Ak Mescit, en tatar de Crimée), une ville de 160 700 habitants. Les autres villes importantes sont Sébastopol, Kertch, Feodosiya, Yalta et Yevpatoriya (Gözleve).

Le terme «raïon» provient du mot français rayon (prononcé rajɔ̃), mais il désigne en russe (район : prononcé [rajɔn]) une subdivision administrative territoriale particulière. En français, le mot russe raïon (raion en anglais ou rayon en français) est souvent traduit par des mots tels que «district», «arrondissement», voire «comté» (de l'anglais county) ou «cercle» (de l'allemand Kreis).

Toutefois, aucun de ces termes ne renvoie à la notion administrative exacte du mot raïon. En Russie, le  (rayon) correspond soit à un arrondissement d'une grande ville comme Moscou ou Saint-Pétersbourg, soit un territoire autour d'une ville-centre. En général, les traducteurs vont utiliser le mot «district» pour transcrire la notion de федеральный округ ("federal'nyy okrug" : district fédéral), introduite par Vladimir Poutine, qui a un sens beaucoup plus large qu'un raïon. En réalité, le meilleur terme en français serait «district», qui désignerait une «division territoriale», sans plus.

  Villes d'importance nationale
(Города республиканского значения)
Superficie,
en km²
Population
(2018)
 
15   Alushta 599,90  54 515  
16 Armyansk  162,42 24 151  
17 Dzhankoi  25,2  38 669  
18   Evpatoria  65,47 120 360  
19 Kertch 107,63 150 573  
20 Krasnoperekopsk  22,42  25 450  
21 Saki 28,74  24 797  
22 Simféropol  107,41  362 344  
23   Sudak  539,45 32 797  
24   Féodosia (Théodose) 350,42 100 571  
25   Yalta  282,90 139 155  

En Crimée, on distingue les «raïons» ou «rayons» et les «villes d'importance nationale» ("Goroda respublikanskogo znacheniya" ou Города республиканского значения), ce qui les différencie d'une ville d'importance fédérale comme Sébastopol (Saint-Pétersbourg et Moscou). Ainsi, la ville de Sébastopol (416 700 hab. en 2016) bénéficie d'un statut particulier du fait qu'elle ne fait pas partie de la république de Crimée, comme c'était le cas d'ailleurs dans la Crimée ukrainienne. Avant 2014, Sébastopol dépendait directement de l'État ukrainien, de telle sorte que le maire était désigné par le président de l’Ukraine. Depuis le 18 mars 2014, à la suite de la crise de Crimée, Sébastopol a obtenu le privilège de statut particulier de «ville d'importance fédérale de Russie» (comme Moscou et Saint-Pétersbourg). La ville abrite la base navale de la flotte russe de la mer Noire, partagée depuis un traité (Traité d'amitié, de coopération et de partenariat entre la fédération de Russie et l'Ukraine) signé le 31 mai 1997 entre la Russie et l'Ukraine, traité qui devait prendre fin en 2022.

Bref, la république de Crimée et la ville de Sébastopol sont devenues deux «sujets» nouveaux de la fédération de Russie, ayant respectivement le statut de «république» et de «ville d'importance fédérale». Signalons qu'une «ville d'importance fédérale» (en russe : города федерального значения > "goroda federal'nogo znatchenia") constitue l'un des types de subdivision de la fédération de Russie, qui compte au total 85 sujets de la fédération de Russie, répartis en 22 républiques (incluant la Crimée), 9 kraïs, 46 oblasts, un oblast autonome, 3 villes d’importance fédérale et 4 districts autonomes. À ce jour, seules trois villes ont acquis le statut de «ville d’importance fédérale»: Moscou, Saint-Pétersbourg et Sébastopol. Quant à la Crimée, elle est devenue la 22e république russe de la fédération de Russie.

1.2 La représentation parlementaire

Le Conseil d'État (ou Parlement criméen) est composé de 75 membres élus (au lieu de 100 auparavant) pour un mandat de cinq ans. Les deux tiers des membres sont élus selon une liste de parti et un tiers dans les circonscriptions uninominales. Les élections législatives organisées dans le cadre de la Constitution de Crimée rédigée par la Russie se sont tenues en septembre 2014 dans un environnement qui n'était ni vraiment juste ni vraiment concurrentiel. Tous les partis autorisés à y participer ont soutenu l'annexion, les partis pro-ukrainiens ont été exclus et la minorité tatare de Crimée a boycotté le vote. Le parti au pouvoir en Russie, Russie unie, a remporté 70 sièges, et le Parti ultranationaliste libéral démocrate de Russie (LDPR) a obtenu les cinq sièges restants.

Les partis politiques ukrainiens sont interdits, ce qui permet au parti au pouvoir en Russie et à d'autres factions approuvées par le Kremlin de contrôler le système politique. Le Service fédéral de sécurité (FSB), la police locale et les unités «d'autodéfense» pro-russes recourent à l'intimidation et au harcèlement pour réprimer toute mobilisation politique contre le gouvernement actuel ou l'annexion de la Crimée par la Russie. Étant donné que les partis politiques ukrainiens ne sont pas autorisés à participer aux élections et que la Russie dirige étroitement les systèmes politique et électoral, il est impossible pour une opposition politique de former, de concurrencer ou de prendre le pouvoir en Crimée.

Comme en Russie, les autorités du territoire répriment systématiquement les activités politiques de l'opposition. Les Tatars de Crimée continuent d'exprimer leur désaccord et de s'opposer ouvertement à l'occupation russe, mais ils risquent d'être harcelés, arrêtés et emprisonnés pour leurs actes. Toutes les grandes décisions politiques sont prises à Moscou et exécutées par les représentants du président russe Vladimir Poutine en Crimée ou par les autorités locales, qui n'ont pas été librement élue  s et qui sont redevables du Kremlin.

2 Données démolinguistiques

Au recensement de 2001, la population de la Crimée comptait deux millions d'habitants. Mais c'est une population qui décroissait de 0,3% par année: elle est passée de 2,2 millions en 1993 à 2,1 millions en 2001. Selon certsines estimations, la population comptait 1,9 million d'habitants en 2008, pour se réduire encore davantage dans les années ultérieures:
 
1959 (recens.) 1989 (recens.) 2001 (recens.) 2008 (est.) 2009 (est.) 2010 (est.) 2011 (est.) 2012 (est.) 2014 (recens.)
1 246 197 2 065 829 2 033 736 1 971 072 1 967 260 1 965 305 1 963 514 1 963 008 2,284 400

Le nombre annuel des naissances, qui était de 32 000 en 1990, avait baissé à quelque 15 000 en 2000.

La Crimée russe a fait l'objet d'un recensement de la population avec la participation des autorités fédérales de la fédération de Russie; ce recensement a eu lieu du 14 octobre au 25 octobre 2014. Les résultats définitifs de l'opération ont été publiés en août 2015. Sur le territoire du district fédéral de Crimée (république de Crimée), la population résidente était de 2,2 millions de personnes, dont 1,8 million (82,8%) en république de Crimée et 393 304 personnes (17,2%) dans la ville d'importance fédérale de Sébastopol.

Il convient de noter que le recensement de 2014 a été effectué «sous occupation». Par conséquent, les médias locaux et russes ont activement eu recours à des discours de haine envers l'Ukraine, les Ukrainiens et la culture ukrainienne, ainsi qu'envers les Tatars de Crimée. Certains médias russophones ont même fait appel à la violence et à la discrimination en toute impunité. Or, ces discours de haine et ces manifestations de discrimination à l’encontre des Ukrainiens et des Tatars de Crimée ont obligé un grand nombre de ces derniers à éviter d'exprimer leur propre appartenance ethnique, afin de ne pas être soumis au harcèlement des autorités. C'est ainsi que les informations sur les Ukrainiens et les Tatars en Crimée, obtenues à la suite du recensement de 2014 en Russie, ne sont pas objectives, le nombre d'Ukrainiens et de Tatars dans la péninsule pouvant être nettement sous-estimé.

2.1 La composition ethnique

Composition ethnique 2001 2018
Russes 58,5 % 67,9 %
Ukrainiens 24,4 % 15,6 %
Tatars de Crimée 12,1 % 10,5 %
Autres 5,0 % 6,0 %
 
En 2001, la composition ethnique de la Crimée se répartissait de la façon suivante (Wikipédia): 58,5 % de Russes, 24,4 % d'Ukrainiens, 12,1 % de Tatars de Crimée, 1,5 % de Biélorusses, 0,5 % de Tatars, 0,4 % d'Arméniens, 0,2 % de Juifs, 0,1 % de Grecs, etc. En 2018, en Crimée russe, la composition ethnique avait changé: 67,9 % de Russes, 15,6 % d'Ukrainiens et 10,5 % de Tatars de Crimée. Les trois communautés linguistiques importantes demeurent les mêmes, mais dans des proportions différentes.

En effet, les russophones ont augmenté leur nombre de 9,4 %, tandis que les ukrainophones ont vu leur nombre réduit à 8,8 % et les Tatars à 1,6 %. Le russe et l'ukrainien sont des langues slaves, mais le tatar de Crimée fait partie de la famille altaïque.

Le tableau de gauche présente la répartition ethnique de la population criméenne au recensement russe de 2014, en distinguant trois composantes: la péninsule de Crimée, la république de Crimée et la ville fédérale de Sébastopol.

Nous pouvons constater que les russophones comptent pour 67,9% de la population de la péninsule de Crimée; pour 65,2% de la république de Crimée et pour 81,0% de la ville de Sébastopol. Suivent les Ukrainiens avec 15,6% de la population dans la péninsule de Crimée, 15,9% dans la république de Crimée et 14,1% dans la ville de Sébastopol. Finalement, les Tatars (toutes catégories confondues) sont à peu près dans les mêmes proportions, sauf à Sébastopol: 12,6% dans la péninsule de Crimée, 14,9% dans la république de Crimée et 1,4% dans la ville de Sébastopol.

Appartenance
nationale
Péninsule de Crimée  % République de
  Crimée
%  Ville de
Sébastopol
 %
Russes  1 492 078  67,90%  1 188 978  65,20%  303 100  81,07%
Ukrainiens  344 515 15,68%  291 603  15,99%  52 912  14.15%
Tatars de Crimée  232 340 10,57%  229 526 12,59%  2 814  0,75%
Tatars  44 996 2,05%  42 254  2,32% 2 742  0,73%
Biélorusses  21 694 0,99%  17 919 0,98%  3 775 1,01%
Arméniens 11 030  0,50%  9 634  0,53%  1 396  0,37%
Azerbaïdjanais  4 432  0,20%  3 738  0,20%  694  0,19%
Ouzbeks  3 466 0,16%  3 265  0.18%  201 0,05%
Moldaves  3 147  0,14%  2 573  0,14%  574  0,15%
Juifs  3 144  0,14% 2 543 0,14% 601 0,16%
Coréens 2 983  0,14%  2 820 0,15%  163 0,04%
Grecs  2 877  0,13%  2 646  0,15%  231 0,06%
Polonais  2 843  0,13%  2 435  0,13% 408 0.11%
Gitans  2 388 0,11%  2 381  0,13%  7th  0,00%
Chuvashi  1 990  0,09%  1 529  0,08% 461  0,12%
Bulgares  1 868  0,09%  1 506  0,08%  362  0,10%
Allemands  1 844  0,08%  1 648  0,09% 196  0,05%
Mordves  1 601 0,07%  1 334  0,07% 267  0,07%
Géorgiens  1 571 0,07% 1 280  0,07%  291 0,08%
Turcs 1 465  0,07%  1 413  0,08% 52 0,01%
Autres  15 292  0,70% 12667  0,69%  2625  0,70%
Nationalité déclarée  2197 564 100.00% 1 823 692  100,00% 373 872 100.00%
Nationalité non spécifiée  87205  3,82%  67 773 3,58% 19 432 4,94%
Refus de répondre  6712 0,29%  5 293  0,28% 1 419  0,36%
Toute la population  2 284 769 100,00%   1 891 465 100.00%  393 304 100,00%


La liste des autres ethnies est longue, mais elle ne compte qu'un petit nombre de locuteurs, à l'exception des Biélorusses (21 694) et des Arméniens (11 030).   Par exemple: les Azerbaïdjanais (4432), les Ouzbeks (3466), les Moldaves (3147), les Juifs (3144), les Coréens (2983), les Grecs (2877), les Polonais (2843), les Gitans ou Roms (2388), etc.

2.2 Les langues maternelles des Criméens

Au recensement de 2014 (publié en 2015), les principales langues maternelles sont le russe (84,1 %), le tatar de Crimée (7,8 %), le tatar (3,6 %) et l'ukrainien (3,2 %).

Langue maternelle Péninsule de Crimée
 
%  République de
 Crimée
 % Ville de
Sébastopol
 %
Russe  1 867 680  84,16%  1 502 972  81,68%  364 708 96,19%
Tatar de Crimée 173 076 7,80%  171 517 9,32% 1 559  0,41%
Tatar  81 858 3,69%  79 638 4,33%  2 220 0,59%
Ukrainien  72 891 3,28% 64 808 3,52%  8 083 2,13%
Arménien  5 891  0,27% 5 376 0,29%  515  0,14%
Azerbaïdjanais (ou azéri) 2 668  0,12% 2 239 0,12% 429  0,11%
Biélorusse 1 954  0,09% 1 700  0,09%  254  0,07%
Gitan (ou romani)  1 598 0,07%  1 595  0,09%  3  0,00%
Turc 1 229  0,06% 1 192  0,06%  37  0,01%
Moldave  838 0,04% 703  0,04%  135 0,04%
Grec 450 0,02%  434  0,02%  16  0,00%
Arabe  421 0,02%  385  0,02% 36  0,01%
Bulgare 367  0,02%  297 0,02%  70  0,02%
Allemand 129  0,01%  118 0,01%  11  0,00%
Polonais 126  0,01%  110  0,01% 16  0,00%
Autre  8107  0,37%  7 047  0,38%  1 060  0,28%
Toute la population 2 284 769 100,00% 1 891 465 100,00% 393 304 100,00%

Les Russes comptent pour 67,9 % de la population comme groupe ethnique, mais les russophones sont plus nombreux, car ils constituent 84,1 % des locuteurs de la Crimée. Cet écart entre l'ethnie et la langue s'explique par le fait que les membres des autres groupes ethniques ont adopté le russe comme langue maternelle; on pense notamment aux Tatars de Crimée, aux Ukrainiens, aux Arméniens, aux Azerbaïdjanais, aux Turcs, etc. 

Les russophones sont dispersés un peu partout sur le territoire, mais avec des zones concentrées plus massivement dans le Sud, notamment dans les municipalités de Kerch (78%), de Feodosiya (72%), de Sudak (59%), d'Alushta (67%), de Yalta (65%) et de Sébastopol (71%). Les russophones sont également majoritaires dans les raïons de Lenine (54%), de Kirovske (50%), de Sovetskyi (48%), de Nizhnyohirskyi (50 %), de Dzhankoy (59%), de Krasnoperekopsk (51%), d'Armyansk (55%), de Yevpatoria (65%), de Saki (65%) et de Simferopol (66%), ainsi que dans les raïons de Chornomorske (52%) et de Bakhchisaray (54%). Partout ailleurs, les russophones sont minoritaires, tout en étant présents dans les autres raïons.

Les Ukrainiens sont aussi présents dans la plupart des régions, mais ils demeurent très minoritaires, alors que les Tatars sont concentrés dans le Nord tout en étant minoritaires. 

En 2001, alors que la Crimée était ukrainienne, les russophones étaient dispersés un peu partout sur le territoire (voir la carte n° 1 ci-dessous) avec des zones massivement russophones dans le Sud, notamment dans les municipalités de Kerch (78%), de Feodosiya (72%), de Sudak (59), d'Alushta (67%), de Yalta (65%) et de Sébastopol (71%). Les russophones étaient également majoritaires dans les raïons de Lenine (54%), de Kirovske (50%), de Sovetskyi (48%), de Nizhnyohirskyi (50 %), de Dzhankoy (59%), de Krasnoperekopsk (51%), d'Armyansk (55%), de Yevpatoria (65%), de Saki (65%) et de Simferopol (66%), ainsi que dans les raïons de Chornomorske (52%) et de Bakhchisaray (54%). Partout ailleurs, les russophones sont minoritaires, tout en étant présents dans les autres raïons.

Les Ukrainophones occupaient également une grande partie de la péninsule (voir la carte n° 2), notamment la partie plus septentrionale (en vert) où ils étaient souvent en nombre égal aux russophones, sinon en nombre supérieur (raïons de Pervomayske et de Krasnoperekopsk).

Quant aux Tatars de Crimée (voir la carte n° 3 ci-dwessus), ils étaient généralement regroupés près des centres urbains, mais ils constituaient une importante minorité (plus de 20%) dans les raïons de Lenine (29%), de Kirovske (25%), de Sovetskyi (22%), de Nizhnyohirskyi (28%), de Dzhankoy (21%), de Pervomayske (21%), de Simferopol (22%), de Bilohirsk (29%) et de Bakhchisaray (21%).  Durant toute l’époque soviétique, les Tatars de Crimée, qui sont aujourd'hui considérés comme une population «autochtone», étaient appelés les «Turcs tatars». Ils parlent en effet une langue turque de la famille altaïque appelée parfois le crimo-tatar ou turc criméen.

Dans la ville à statut spécial de Sébastopol, le recensement de 2001 présentait la répartition de la population de la façon suivante: 71,6 % de russophones, 22,4 % d'ukrainophones, 1,6 % de Biélorusses, 0,7 % de Tatars, 0,5 % de Tatars de Crimée, 0,3 % d'Arméniens, 0,3 % de Juifs, 0,2 % de Moldaves ou de Roumains et 0,2 % d'Azerbaïdjanais. Évidemment, toutes ces statistiques ne valent plus depuis l'occupation russe en Crimée. Il faudra des années avant d'obtenir des données cartographiques de la part des Russes, tandis qu'il est fort probable qu'Ukrainiens et Russes ne soient pas d'accord pour ce qui concerne la population de la zone occupée et annexée. De plus, les données risquent d'être faussées, car se déclarer ukrainophone depuis 2014 signifie être expulsé. Qui a envie de quitter une région méditerranéenne pour se retrouver entassé dans un camp de réfugiés en climat continental ?

2.2 Les Tatars de Crimée

On compte au moins 6,6 millions de Tatars dans le monde, dont 232 000 en Crimée (2014). Le plus gros contingent de Tatars se trouve dans la fédération de Russie avec 86 % de tous les locuteurs du tatar: Azerbaïdjan (31 787), Géorgie (3102), Kazakhstan (328 000), Kirghizie (env. 70 000), Tadjikistan (80 000), Turkménistan (40 434), Ukraine (90 542), Ouzbékistan (468 000). Les autres habitent la Lettonie (5000), l’Estonie (4000), la Lituanie (5100), la Finlande (1000), l’Afghanistan (350), la Chine (1000) et les États-Unis (de 7000 à 10 000).

On compterait peut-être de deux à quatre millions de Tatars de Crimée en Turquie, qui descendent dans l'ensemble d'immigrés du XIXe siècle, mais ils ont perdu depuis longtemps leur langue et sont aujourd'hui bien assimilés à la majorité turque. Dans la république de Crimée, la plupart des Tatars habitent dans des établissements concentrés à la périphérie des centres urbains, ce qui accentue leur isolement. Les représentants de cette communauté parlent de ghettoïsation!

Le tatar n’est pas une langue uniforme: on distingue, par exemple, le «moyen tatar» (ou «tatar kazan»), le «tatar occidental», le «tatar oriental» (ou «tatar sibérien»), le «tatar de Crimée», etc. La variété dialectale du tatar de Crimée correspond essentiellement à une langue parlée, très influencée par d’autres langues, notamment le turc de Turquie, mais aussi l’arabe, le persan et le russe. Même si le tatar de Crimée demeure une langue de communication au sein de la communauté, sa connaissance reste en grande partie limitée à l’oral et aux communications informelles. D’ailleurs, le tatar de Crimée ne dispose pas de vocabulaire technique ni scientifique nécessaire à toute langue moderne.

Néanmoins, les Tatars de Crimée ont su en faire une langue d'enseignement. Du XVIe siècle jusqu'en 1928, le tatar de Crimée a employé l'alphabet arabe qui fut remplacé par l'alphabet cyrillique jusqu'en 1990, date à laquelle l'alphabet latin moderne fut introduit sur la base de la langue turque avec trois lettres spéciales (Q, Ñ, Â). En 1997, une nouvelle version de l’alphabet latin fut officiellement adoptée par le Parlement de Crimée. Après l’annexion de la Crimée en 2014, la Russie a interdit l’usage de l'écriture latine, l’alphabet cyrillique étant dorénavant le seul autorisé. La tatar de Crimée est considéré comme une langue «gravement en danger».

2.3 Les confessions et les organisations religieuses

En ce qui a trait à la religion, la plupart des Russes et des Ukrainiens sont de confession orthodoxe, mais les Tatars de Crimée appartiennent à l'islam sunnite, avec une minorité caraïte (environ 500 personnes). L'organisation orthodoxe est représentée par deux juridictions parallèles: l'Église orthodoxe russe et le patriarcat de Kiev (non canonique). Trois éparchies (circonscription territoriale civile et ecclésiastique héritée de l'ancien Empire byzantin) de l'Église orthodoxe russe sont présentes en Crimée : Simferopol, Dzhankoy et Razdolnenskaya, Feodosia et Kertch. Elles continuent d'être enregistrées officiellement en tant que membres de l'Église orthodoxe ukrainienne. Les paroisses du patriarcat de Kiev sur la péninsule sont réunies dans le diocèse de Crimée.

La Crimée compte 13 paroisses catholiques de rite latin, qui font partie du diocèse d'Odessa-Simferopol. Plusieurs paroisses de l'Église catholique grecque ukrainienne de Crimée appartiennent à l'exarchat de Crimée, un délégué hiérarchiquement situé entre le patriarche et le métropolitain. Les paroisses et le monastère de la Sainte-Croix de l'Église apostolique arménienne sont inclus dans le diocèse ukrainien de l'Église apostolique arménienne.

L'islam est l'une des religions traditionnelles sur le territoire de la Crimée. Les premiers centres des adeptes de l'islam sont apparus dans la Crimée de l'époque chrétienne (principalement orthodoxe) vers le XIe et ou le XIIe siècle. L'islamisation de masse de la Crimée a commencé dans la première moitié du XIIIe siècle, après l'intégration de la partie septentrionale de la péninsule à la Horde d'Or de l'empire turco-mongol. Dans le khanat de Crimée (XVe-XVIIIe siècles), l'islam était la religion d'État et la Crimée est devenue le centre de la diffusion de la civilisation islamique dans la région septentrionale de la mer Noire.

Lorsque la péninsule est devenue partie intégrante de l’Empire russe en 1783, l’ère de la dominance de l’islam en Crimée a pris fin en raison de l’évolution démographique et de la complexité des changements migratoires. À la suite de la déportation des Tatars de Crimée en 1944, l’islam est devenu pendant quelque temps une religion très marginale en Crimée. À la fin des années 1980 et au début de la décennie suivante avec le retour des Tatars de Crimée, l’islam a commencé à renaître tant au plan démographique qu'institutionnel.

Actuellement, l'islam est pratiqué par environ 15 % des habitants de la péninsule, soit environ 300 000 personnes. La plupart d'entre eux sont des Tatars de Crimée (ou leurs descendants rapatriés), ainsi que des Azéris, des Turcs, des Tatars, des Ouzbeks et des représentants d'autres diasporas de peuples traditionnellement musulmans.

Dernière mise à jour: 20 avr. 2024

République de Crimée


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2) Données historiques
 

3) La politique linguistique
 

4) Bibliographie
 

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