Province autonome de Voïvodine

Voïvodine

4) Politiques linguistiques municipales

Plan de l'article

1 Le caractère multilingue des municipalités
1.1 Le multilinguisme des municipalités
1.2 La juridiction des villes et les municipalités
1.3 Des critères conditionnels pour la co-officialité des langues

2 Les municipalités officiellement unilingues
2.1 La réalité du multilinguisme
2.2 Le modèle de Subotica

3 Les municipalités officiellement multilingues
3.1 Les langues d'usage officiel
3.2 La carte des municipalités et des langues officielles

4 L'application des droits linguistiques dans les municipalités
4.1 Les statuts des municipalités
4.2 La municipalité unilingues d'Opovo
4.3 La municipalité bilingue de Kanjiža
4.4 La ville trilingue de Subotica
4.5 La municipalité trilingue de Vrśac
4.6 La municipalité quadrilingue de Bačka Topola
4.7 La municipalité quadrilingue de Kovačica
4.8 La ville quadrilingue de Zrenjanin
4.9 La ville multilingue de Pančevo
4.10 La municipalité multilingue de Plandiśte
4.11 Le multilinguisme de la ville de Novi Sad (capitale)

5 La visibilité des langues d'usage officiel
5.1 La prédominance du serbe
5.2 Les panneaux indicateurs à l'entrée et sortie des municipalités
5.3 Le vandalisme anti-minorités
5.4 Le bilinguisme anglo-serbe
5.5 Les affiches publicitaires sans visibilité minoritaire

1 Le caractère multilingue des municipalités

Remarque: pour des raisons d'efficacité dans la lecture en français, tous les noms de lieux sont indiqués ici avec leur dénomination serbe et l'alphabet latin, et non pas avec l'alphabet cyrillique. De toute façon, les deux alphabets, selon la législation en vigueur, sont tous deux officiels, bien que le cyrillique soit favorisé pour des raisons culturelles et historiques. Ainsi, on trouvera dans cet article, par exemple, Novi Sad (alphabet latin) plutôt que Нови Сад (alphabet cyrillique), Futog plutôt que Футог, Begeč plutôt que Бегеч, Budisava plutôt que Будисава, etc.

Les Serbes forment le groupe ethnique majoritaire avec 66,7 % de la population de la Voïvodine et ils sont disséminés partout sur le territoire. Tous les autres groupes constituent des minorités ou des communautés nationales.

Les Hongrois constituent la minorité la plus nombreuse avec 13 % de la population de la province; ils sont surtout concentrés dans les municipalités du Nord-Est près de la frontière hongroise.

Ils sont suivis par les Slovaques (2,6 %), les Croates, les Roms/Tsiganes (2,1%), les Roumains (1,3 %), les Monténégrins (1,1%), les Bunjevci (0,85%), les Ruthènes (0,72%), etc., pour un total de 18 groupes ethniques, selon le tableau reproduit dans la partie 1.

On compte aussi quelques petites communautés de Tchèques, de Gorans, de Juifs, etc. Les Bunjevci (au singulier Bunjevac) sont principalement concentrés dans la région de Subotica (dans le nord-ouest de la Voïvodine); ils sont considérés à Belgrade comme des Serbes catholiques (mais comme des Croates par le gouvernement de Zagreb).

1.1 Le multilinguisme des municipalités

La province de la Voïvodine se différencie principalement du reste de la Serbie par son caractère multiethnique et multilingue.

La Serbie compte un total de 212 municipalités, dont 167 en Serbie centrale et 45 en Voïvodine. Sur ces 45 municipalités de Voïvodine, 41 peuvent être considérées comme multiethniques et multilingues, ce qui signifie que plus de 5% de la population locale totale appartient à un groupe minoritaire ou que toutes les minorités représentent ensemble plus de 10% de la population locale. En revanche, le nombre de municipalités réellement multiethniques en Serbie centrale n'est que de 9 sur 167.

Il est parfois difficile de distinguer les droits linguistiques appliqués par la province et ceux se rapportant aux municipalités. Il importe donc de tenir compte de l'ensemble de ces droits en abordant les domaines de l'éducation, de l'information et des médias.

Il faut comprendre que les six langues officielles «provinciales» (serbe, hongrois, slovaque, roumain, croate, ruthène) ne le sont que pour les institutions provinciales, et non pas pour les municipalités.

Celles-ci sont autonomes en ce qui a trait au choix des «langues d'usage officiel». Elles peuvent n'avoir qu'une seule langue officielle, obligatoirement le serbe, et ne pas reconnaître les cinq autres langues officielles de la province. Elles peuvent même déclarer d'autres langues officielles que celles reconnues par la province, tels le bulgare, le macédonien, le tchèque ou le monténégrin.

Bref, les municipalités sont toutes-puissantes en matière de langues officielles. C'est ainsi que la localité d'Ivanovo dans la ville de Pančevo est trilingue (serbe, hongrois et bulgare), alors que les localités de Jabuka et de Kačarevo sont bilingues (serbe et macédonien). Quant à la municipalité de Bela Crkva, elle reconnaît le serbe, le hongrois, le roumain et le tchèque. Légalement, le bulgare, le macédonien et le tchèque ne sont pas des langues officielles pour la province. La ville de Novi Sad (341 000 habitants) possède quatre langues d'usage officiel: le serbe (78,7%), le hongrois (3,8%), le slovaque (1,9%) et le ruthène (0,6%). Le nombre de locuteurs pour les trois langues minoritaires ne correspond pas aux normes nationales de 15% pour être admises comme «langue d'usage officiel». 

Pourtant, au point de vue juridique, la législation serbe impose des conditions pour qu'une langue minoritaire soit promue «d'usage officiel». Mais la province et les municipalités, voire les villages, peuvent décider de reconnaître d'usage officiel des langues, selon d'autres critères.

1.2 La juridiction des villes et les municipalités

Rappelons que la Serbie entière comprend 17 districts en Serbie centrale, 117 municipalités (opštine en serbe latin) et 23 villes (gradovi en serbe latin) ainsi que Belgrade, la capitale nationale. La ville (grad, en serbe) est une unité territoriale établie par la Loi sur l'organisation territoriale ("Zakon o teritorijalnoj organizaciji"). Elle représente le centre économique, administratif, géographique et culturel d'un territoire plus large et a une population de plus de 100 000, parfois cependant un peu moins exceptionnellement. Mais le territoire de la ville peut être divisé en plusieurs municipalités, elles-mêmes comprenant plusieurs plus petites localités (villages). En général, une grande ville peut comprendre plusieurs municipalités. En Voïvodine, on compte 45 municipalités, elles-mêmes divisibles en localités distinctes plus petites. Le tableau qui suit présente la liste des localités incluses dans la ville de Novi Sad, la capitale:

Localité
dans la ville de Novi Sad
Désignation
officielle en cyrillique
Statut Population
(2011)
Groupe majoritaire Religion majoritaire
Novi Sad Нови Сад ville 250 439 Serbes christianisme orthodoxe
Futog Футог municipalité 18 641 Serbes christianisme orthodoxe
Begeč Бегеч village 3 325 Serbes christianisme orthodoxe
Budisava Будисава village 3 656 Serbes christianisme orthodoxe
Čenej Ченеј village 2 125 Serbes christianisme orthodoxe
Kać Каћ village 11 740 Serbes christianisme orthodoxe
Kisač Кисач /Kysáč (slovaque) village 5 091 Slovaques protestantisme
Kovilj Ковиљ village 5 414 Serbes christianisme orthodoxe
Rumenka Руменка village 6 495 Serbes christianisme orthodoxe
Stepanovićevo Степановићево village 2 021 Serbes christianisme orthodoxe
Veternik Ветерник village 17 454 Serbes christianisme orthodoxe
Total administratif     341 625    

Selon les données du recensement de 2011, la ville de Novi Sad proprement dite (intra muros) avait une population de 250 439 habitants, tandis que sa zone urbaine (y compris les agglomérations adjacentes de Petrovaradin et de Sremska Kamenica) comptait 277 522 habitants; la population totale de l'agglomération administrative de la ville s'élevait à 341 625 personnes.

Il faut donc comprendre que toutes les villes et municipalités peuvent compter plusieurs localités, généralement des villages, et qu'un groupe ethnique peut être minoritaire dans une ville ou une municipalité, mais majoritaire dans un village. 

Comme ailleurs en Serbie, c'est la municipalité (opština, en serbe) qui constitue l'unité territoriale de base dans laquelle se réalise l'autonomie locale, voire la co-officialité des langues minoritaires. Toute municipalité doit compter un minimum de 10 000 habitants sur son territoire, bien qu'exceptionnellement elle peut être admissible à ce titre pour des raisons de nature économique, géographique ou historique. Bref, c'est la municipalité qui prend la décision en ce qui concerne les langues, pas nécessairement la ville (grad, en serbe) dans laquelle elle fait partie; la municipalité peut décider qu'une localité donnée, par exemple un village, accepte une ou plusieurs langues «d'usage officiel».

1.3 Des critères conditionnels pour la co-officialité des langues

Pour qu'une municipalité adopte une langue minoritaire «d'usage officiel» en plus du serbe, il faut, selon l'article 98 de la Loi sur l'autonomie locale (2007-2018), que les membres d'une minorité nationale représentent plus de 5% de la population totale ou que toutes les minorités nationales représentent plus de 10% de la population totale selon le dernier recensement de la République:

Article 98

1) Dans les unités d'autonomie locale mixtes au niveau national, un conseil pour les relations interethniques est créé, en tant qu'organisme de travail indépendant, composé de représentants du peuple serbe et des minorités nationales, conformément à la présente loi et au statut.

2) Au sens de la présente loi, les unités nationales mixtes d'autonomie locale sont des unités d'autonomie locale dans lesquelles
les membres d'une minorité nationale représentent plus de 5% de la population totale ou toutes les minorités nationales représentent plus de 10% de la population totale selon le dernier recensement de la république de Serbie.

3) Les représentants au Conseil des relations interethniques peuvent avoir des membres du peuple serbe et des minorités nationales avec une participation de plus de 1% dans la population totale de l'unité d'autonomie locale.

En Voïvodine, l'article 8 de l'Ordonnance sur la réglementation plus proche de certaines questions relatives à l'usage officiel des langues et des alphabets des minorités nationales sur le territoire de la Province autonome de Voïvodine (2010) impose un pourcentage de 15 % pour que la langue et l'alphabet d'une minorité nationale soient introduits pour l'usage officiel dans un village ou d'une communauté locale sur son territoire:

Article 8

1)
Le secteur dans lequel la langue d'une minorité nationale est d'usage officiel est déterminé par les statuts de l'unité d'autonomie locale.

2) Les statuts d'une unité d'autonomie locale déterminent l'usage officiel de la langue et de l'alphabet d'une minorité nationale sur l'ensemble du territoire de l'autonomie locale si le pourcentage de membres de cette minorité nationale dans la population totale de son territoire atteint 15%, selon le dernier recensement.

3) Lorsque la langue et l'alphabet d'une minorité nationale ne sont pas utilisés officiellement sur l'ensemble du territoire d'une unité d'autonomie locale, la langue et l'alphabet d'une minorité nationale sont introduits pour l'usage officiel dans un village ou une communauté locale sur son territoire
si le pourcentage de membres d'une minorité nationale atteint 25 %, selon les résultats du dernier recensement.

4) Dans les unités d'autonomie locale, où le pourcentage de membres d'une certaine minorité nationale n'atteint pas 15% selon le dernier recensement, et où, au moment de prendre cette décision, la langue de la minorité nationale est d'usage officiel, conformément aux statuts de l'unité d'autonomie locale, elle reste d'usage officiel.

5) Dans les unités d'autonomie locale visées au paragraphe 3 du présent article, les statuts de la municipalité peuvent déterminer l'usage officiel de la langue d'une minorité nationale pour certaines communautés locales ou implantations dans lesquelles les membres d'une certaine minorité nationale vivent en grand nombre.

Ce pourcentage doit être de 15 % pour qu'une municipalité accorde ce droit à l'ensemble des localités sur son territoire; il sera de 25 % si la co-officialité ne s'applique qu'à une localité de la municipalité. Dans tous les cas, il faut donc qu'une municipalité adopte dans ses statuts des dispositions précises à cet effet de telle sorte qu'une langue devienne «d'usage officiel».  

Cependant, le statut d'une langue co-officielle n'est ni obligatoire ni automatique, car ce n'est qu'une possibilité légale et juridique de la part d'une municipalité. Ainsi, la Province autonome ne peut imposer une langue minoritaire aux municipalités, car celles-ci détiennent le pouvoir de décider quelles sont les langues qui seront «d'usage officiel» dans le territoire sous leur juridiction. Par exemple, le cas de Novi Sad est exceptionnel, car elle est composée d'une ville, d'une municipalité et de neuf villages, le tout avec quatre langues officielles (serbe cyrillique, hongrois, slovaque et ruthène).

Si l'on compte seulement 11 municipalités en Serbie centrale sur un total de 117 ayant un statut de co-officialité à des langues minoritaires, ce sont par contre 41 municipalités  en Voïvodine sur un total de 45, qui ont plus d'une langue officielle. Le serbe (en alphabet cyrillique et/ou latin) est officiel dans les 45 municipalités, le hongrois est co-officiel dans 33, le slovaque dans 15, le roumain dans 10, le ruthène et le croate dans 7 chacun; le macédonien l'est également dans deux villages et une municipalité, tandis que le tchèque, le bulgare et le monténégrin le sont dans une seule (voir le tableau à ce sujet).

2 Les municipalités officiellement unilingues

Il n'existe que quatre municipalités officiellement unilingues serbes: Opovo, Pećinci, Ruma et Sremski Karlovci (voir le tableau de gauche). Évidemment, les seules municipalités unilingues sont forcément à majorité serbophone: Opovo (86,1%), Pećinci (91,1%), Ruma (86,5%) et Sremski Karlovci (77,9%). Comme dans la plupart des municipalités, les minorités sont nombreuses, mais elles sont fragmentées en plusieurs petites communautés, parfois une douzaine ou une quinzaine, de telle sorte qu'elles ne peuvent guère acquérir un statut de co-officialité pour leur langue. En effet, la minorité croate, qui est la plus importante à Opovo, ne compte que pour 2,6% de la population; les Roms à Pećinci représentent 1,4% de la population; les Croates à Ruma, 2,9%. À Sremski Karlovci, les Croates atteignent 6,5%, mais ce seuil semble encore insuffisant.

2.1 La réalité du  multilinguisme

D'autres municipalités ne sont officiellement unilingues serbes, mais partiellement bilingues ou multilingues dans les faits. Cela signifie qu'il peut y avoir à l'intérieur d'une ville ou d'une municipalité majoritairement serbe des localités dont une ou plusieurs langues minoritaires peuvent être reconnues «d'usage officiel». Dans ces cas, la co-officialité d'une ou plusieurs langues demeure très localisée, par exemple, un quartier urbain ou un village. On compte huit municipalités de ce type: Apatin (hongrois et croate), Beoćin (slovaque), Inđija (hongrois, slovaque et croate), Irig (hongrois), Kikinda (hongrois), Pančevo (hongrois, roumain, bulgare et macédonien), Sremska Mitrovica (slovène, ruthène et slovaque) et Stara Pazova (slovaque). On peut consulter le tableau qui indique les localités concernées (voir le tableau à ce sujet).

Penons comme seul exemple la ville de Pančevo pour comprendre la complexité du système en vigueur. La Ville (grad, en serbe) est officiellement unilingue serbe. C'est la quatrième plus grande ville de la Voïvodine avec 123 414 habitants. Elle est composée de 10 agglomérations dont deux sont urbaines (les municipalités de Kačarevo et de Pančevo), alors que sept sont rurales: Banatski Brestovac, Banatsko Novo Selo, Glogonj, Dolovo, Ivanovo, Jabuka et Vojlovica. La municipalité de Pančevo et le quartier de Vojlovica sont officiellement bilingues: serbe et hongrois. La localité de Banatsko Novo Selo est bilingue avec le serbe et le roumain; la localité d'Ivanovo est trilingue: serbe, hongrois et bulgare; les localités de Jabuka et de Kačarevo sont bilingues (serbe et macédonien).

2.2 Le modèle de Subotica
 

La carte de gauche montre l'ensemble de la municipalité et des localités composant la ville de Subotica (141 554 habitants). La Ville possède trois langues officielles: le serbe (24,1%), le hongrois (38,4%) et le croate (11,3%). La Ville comprend la municipalité du même nom, dite intra-muros, comptant 96 483 habitants. Il reste 45 071 personnes qui se répartissent dans les autres localités ou villages.

Les Serbes sont les plus nombreux que les autres nationalités uniquement dans les localités de Višnjevac (46,3%) et de Novi Žednik (63,3%); dans toutes les autres localités ou tous les villages, ils arrivent en deuxième position, voire en troisième, quatrième ou cinquième position. Ils sont généralement dépassés par les Hongrois, par les Croates ou les Bunjevci. Dans la municipalité même de Subotica, les Serbes constituent 26,4 % de la population. Dans l'ensemble de la ville, les Hongrois sont les plus nombreux (38,4%, suivis par les Serbes (24,1%), les Croates (11,3%) et les Bunjevci (10,9%. Il faudrait ajouter au moins une quinzaine de petites minorités comptant moins de 1,0% chacune:  Monténégrins, Roms, Macédoniens, Allemands, Albanais, Slovaques, Slovènes, Ruthènes, Bosniaques, Russes, Roumains, Ukrainiens, Tchèques, etc.

Pour ajouter à la complexité de la situation, la langue la plus parlée dans la zone administrative de Subotica (intra muros), est le serbe (44,8%), puis le hongrois (35,7%), le bunjevac (4,4%) et le croate (4,0%. Autrement dit, le serbe demeure la langue la plus utilisée dans les communications normales, mais le hongrois est également utilisé par près d'un tiers de la population dans ses conversations quotidiennes. Les deux langues sont également grandement employées dans la signalisation officielle et les enseignes commerciales, le croate et le bujevac étant délaissés. 
 

3 Les municipalités officiellement multilingues

Dans les faits, toutes les municipalités de la Voïvodine sont multilingues, sauf que certaines le reconnaissent, d'autres pas. Évidemment, comme on peut compter en général une douzaine de langues, sinon davantage, dans une ville ou une municipalité, il est impossible de toutes les reconnaître d'usage officiel. Non seulement le coût serait prohibitif, mais l'administration serait extrêmement difficile à gérer. Il n'en demeure pas moins que de nombreuses petites minorités dispersées se retrouvent sans droit linguistique réel. C'est là le résultat de la fragmentation ethnique dans l'ensemble des municipalités de la Voïvodine. S'il y a beaucoup de langues reconnues, il y en a encore plus qui sont «oubliées»,

3.1 Les langues d'usage officiel

Le tableau qui suit présente la liste des langues qui sont d'usage officiel dans une municipalité donnée, en plus du serbe. Le hongrois est officiel dans 28 municipalités, le slovaque dans 11, le roumain dans 9, le ruthène dans 6, suivis par le croate, le macédonien, le tchèque et le monténégrin dans une seule.

Langues d'usage officiel Nombre de municipalités Municipalités
Hongrois (officiel/province) 28 Ada, Bač, Bačka Topola, Bela Crkva, Bečej, Vrbas, Vršac, Žitište, Zrenjanin, Kanjiža, Kovačica, Kovin, Kula, Mali Iđoš, Nova Crnja, Novi Bečej, Novi Kneževac, Novi Sad, Odžaci, Plandište, Senta, Sečanj, Sombor, Srbobran, Subotica, Temerin, Titel, Čoka
Slovaque  (officiel/province) 11 Alibunar, Bač, Bački Petrovac, Bačka Palanka, Bačka Topola, Zrenjanin, Kovačica, Novi Sad, Odžaci, Plandište, Šid
Roumain  (officiel/province) 9 Alibunar, Bela Crkva, Vršac, Žitište, Zrenjanin, Kovačica, Kovin, Plandište, Sečanj
Ruthène  (officiel/province) 6 Bačka Topola, Kula, Novi Sad, Vrbas, Žabalj, Šid 
Croate  (officiel/province) 1 Subotica
Macédonien 1 Plandište
Tchèque 1 Bela Crkva
Monténégrin 1 Mali Iđoš

Le tableau suivant présente le nombre de langues officielles dans chacune des municipalités qui en possèdent plusieurs:

Deux langues officielles (15) Trois langues officielles (12) Quatre langues officielles (5) Cinq langues officielles (1)
Ada : serbe, hongrois Alibunar: serbe + slovaque + roumain Bačka Topola : serbe + hongrois + slovaque + ruthène Plandište : serbe + hongrois + slovaque + roumain + macédonien
Bački Petrovac: serbe + slovaque Bač : serbe + hongrois + slovaque Bela Crkva : serbe + hongrois + roumain + tchèque  
Bačka Palanka : serbe + slovaque Vrbas: serbe + hongrois + ruthène Zrenjanin : serbe + hongrois + slovaque + roumain  
Bečej : serbe + hongrois Vršac : serbe + hongrois + roumain Kovačica : serbe + hongrois + slovaque + roumain  
Žabalj : serbe + ruthène Žitište : serbe + hongrois + roumain Novi Sad : serbe + hongrois + slovaque + ruthène  
Kanjiža : serbe + hongrois Kovin : serbe + hongrois + roumain    
Nova Crnja : serbe + hongrois Kula : serbe + hongrois + ruthène    
Novi Bečej : serbe + hongrois Mali Iđoš : serbe + hongrois + monténégrin    
Novi Kneževac : serbe + hongrois Odžaci : serbe + hongrois + slovaque    
Senta : serbe + hongrois Sečanj : serbe + hongrois + roumain    
Sombor : serbe + hongrois Subotica : serbe + hongrois + croate    
Srbobran : serbe + hongrois Šid : serbe + slovaque + ruthène    
Temerin : serbe + hongrois      
Titel : serbe + hongrois      
Čoka : serbe + hongrois      

Article 9

Les
unités d'autonomie locale dans lesquelles les langues des minorités nationales sont d'usage officiel doivent créer un service de traduction au sein de l'administration municipale. Pour des raisons d'économie et d'efficacité, plusieurs collectivités locales autonomes peuvent créer un service de traduction conjoint.

3.2 La carte des municipalités et des langues officielles

La carte ci-dessous présente les 45 municipalités de la Voïvodine (voir le tableau complet des municipalités). Lors que le fond d'une municipalité est blanc, cela signifie que celle-ci n'a qu'une langue officielle, mais que l'une ou plusieurs de ses localités qui la composent peuvent reconnaître une ou plus d'une langue officielle.

- Les Serbes

On compte 1,2 million de Serbes en Voïvodine, soit 66,76% de la population de la province. Les Serbes constituent une majorité absolue dans la plupart des municipalités et des grandes villes de Voïvodine, sauf à Subotica (deuxième plus grande ville), qui a une population mixte sans majorité absolue d'aucune nation (mais la langue serbe est parlée par la pluralité en Subotica). Outre Pećinci, Opovo, Ruma et Sremski Karlovci, les autres municipalités à majorité serbe sont les suivantes: Titel (86,5%), Žabalj (84,6%), Odžaci (83,1%), Stara Pazov (82,8%), Irig (78,5%), (77,9%), Šid (77,9%), Kovin (74,5%), Bela Crkva (73,2%), Sečanj (69,3%), Novi Bečej (67,4%), Beočin (69,6%), Temerin (67,5 %), Nova Crnja (67,3%), Srbobran (65,6%), Žitište (61,9%), Alibunar (60,7%), Kula (58,5%), Novi Kneževac (57,1%), Vrbas (55,2%) et Plandište (51,7%).
 

- Les Hongrois

Les 251 136 Hongrois en Voïvodine (13% de la population) constituent le deuxième groupe ethnique de la région. Ils vivent principalement dans le nord de la Voïvodine où ils constituent une majorité absolue dans cinq municipalités : Kanjiža (85,1%), Senta (79,0%), Ada (75,0%), Bačka Topola (57,9%) et Mali Iđoš (53,9%). Il existe également trois municipalités ethniquement mixtes, sans majorité absolue détenue par aucune nation, dans lesquelles les Hongrois de souche constituent le pourcentage le plus élevé de la population: Čoka (49,6%), Bečej (46,3%) et Subotica (35,6%). Environ les deux tiers de tous les Hongrois de Voïvodine vivent dans ces huit municipalités. Le hongrois est l'une des six langues officielles de la Voïvodine et il est parlé par 14% des habitants; il est aussi co-officiel dans 33 municipalités.

- Les Slovaques

Il y a 50 321 Slovaques en Voïvodine, soit 2,6% de la population. Les Slovaques sont le troisième groupe ethnique en Voïvodine. Ils constituent la majorité absolue dans la municipalité de Bački Petrovac (66,4%) et ils constituent également le pourcentage le plus élevé de la population de la municipalité de Kovačica (41,0%). Le slovaque est l'une des six langues officielles de la Voïvodine, parlée par 2,71% de la population de la province.  Il est co-officiel dans 15 municipalités.

- Les Croates

On compte  47 033 Croates en Voïvodine, soit 2,7% de la population. La plus grande concentration de Croates se trouve dans les municipalités d'Apatin (10,4%) et de Subotica (10%). Certains Bunjevci et la plupart des Šokci de Voïvodine se déclarent Croates. 

Le croate est l'une des six langues officielles de Voïvodine, parlée par 1,04% de la population, et aussi co-officiel dans la municipalité de Subotica.

- Les Roms

On dénombre 42 391 Roms en Voïvodine, soit 2,1% de la population. La plus grande concentration de Roms se trouva dans les municipalités de Nova Crnja (6,8%), de Beočin (6,5%) et de Novi Kneževac (5,0%). La langue romani n'est pas officielle en Voïvodine ni dans aucune municipalité.

- Les Roumains

Il y a 25 410 Roumains en Voïvodine, soit 1,32% de la population; ils sont répartis dans 42 localités. La plus grande concentration de Roumains se trouve dans les municipalités d'Alibunar (24,1%), de Vršac (10,4%) et de Pančevo (9%). Le roumain est l'une des six langues officielles de la Province autonome de Voïvodine; il est aussi co-officiel dans neuf municipalités: Alibunar, Bela Crkva, Vršac, Žitište, Zrenjanin, Kovačica, Kovin, Plandište, Sečanj.

- Les Ruthènes

On compte 13 928 Ruthènes en Voïvodine (0,72%) de la population. La plus grande concentration des Ruthènes se trouve dans les municipalités de Kula (11,1%), de Vrbas (8,2%), de Žabalj (5,1%) et de Šid (3,3%). La langue ruthène est l'une des six langues officielles de Voïvodine et elle est parlée par 0,57% de la population; il est co-officiel dans six municipalités (Bačka Topola, Kula, Vrbas, Žabalj et Šid), dont Novi Sad.

- Les autres langues

D'autres langues non officielles pour la Voïvodine peuvent l'être dans une municipalité ou un village. C'est ainsi que le tchèque est d'usage officiel à Bela Crkva, que le monténégrin est co-officiel dans la municipalité de Mali Iđoš, que le bulgare l'est également dans le village d'Ivanovo (municipalité de Pančevo), et que le macédonien est aussi d'usage officiel dans la municipalité de Plandište et les villages de Jabuka + Kačarevo (municipalité de Pančevo).

4 L'application des droits linguistiques dans les municipalités

Ce sont les assemblées municipales qui adoptent dans leurs statuts des dispositions concernant les langues d'usage officiel. En Voïvodine, la plupart des municipalités ont au moins deux langues officielles, mais dans certains cas ce sont plutôt des villages ou des quartiers urbains (arrondissements). Les statuts font office de loi pour les municipalités; ils ont nécessairement reçu l'aval de l'Assemblée nationale de Belgrade pour devenir loi.

4.1 Les statuts des municipalités

Voici quelques exemples de 10 statuts municipaux dans les villes ou municipalités suivantes:

  Nom
de l'agglomération
Statut
ville/municipalité
Nombre
de langues
Langue(s) officielle(s)
1 Opovo municipalité 1 serbe cyrillique
2 Kanjiža municipalité

2

serbe cyrillique et latin, hongrois
3 Subotica ville 3 serbe cyrillique, hongrois et croate
4 Vrśac municipalité 3 serbe cyrillique/latin, roumain et hongrois
5 Bačka Topola municipalité 4 serbe cyrillique, hongrois, ruthène et slovaque
6 Kovačica municipalité 4 serbe cyrillique/latin, slovaque, hongrois et roumain
7 Novi Sad ville 4 serbe cyrillique, hongrois, slovaque et ruthène
8 Zrenjanin ville 4 serbe cyrillique, hongrois, roumain et slovaque
9 Pančevo ville 5 serbe (partout), roumain (Banatsko Novo Selo), hongrois (Ivanovo et Omoljica), bulgare (Ivanovo), macédonien (Jabuka et Kacharevo)
10 Plandiśte municipalité 5 serbe, hongrois, macédonien, roumain et slovaque

Toutes les municipalités de la Voïvodine sont numériquement multiethniques et multilingues, sans aucune exception. En moyenne, chaque municipalité abrite au moins de 10 à 15 communautés différentes, voire davantage. Cependant, c'est la municipalité qui prend la décision d'adopter ou non une ou plusieurs langues officielles en fonction de certains critères. Ces langues d'usage officiel «municipal» peuvent correspondre ou non à l'une ou l'autre des langues officielles «provinciales». Quoi qu'il en soit, les protections des six langues officielles provinciales ne sont pas les mêmes que dans les municipalités ou les villes ont des responsabilités et des institutions différentes.   

- Les droits linguistiques accordés

De façon générale, les municipalités bilingues ou multilingues accordent les droits suivants aux citoyens dont la langue est d'usage officiel:

- le texte du sceau municipal doit être dans les langues officielles, ainsi que les armoiries et le drapeau de la municipalité;
- le nom de la municipalité doit être adopté selon la langue d'usage officiel avec son alphabet;
- les statuts et les actes généraux de la municipalité sont publiés au Journal officiel de la municipalité dans les langues d'usage officiel;
- les activités des organismes municipaux sont publiques, et les informations et les avis sont également publiés dans les langues et les alphabets des minorités nationales qui sont d'usage officiel;
- l'Assemblée municipale doit tenir compte du droit des minorités dont la langue est d'usage officiel de pouvoir employer leur langue;
- tout conseiller municipal a le droit de s'adresser à l'Assemblée municipale dans l'une des langues d'usage officiel sur le territoire de la municipalité;
- dans la procédure de changement du nom des rues, des places, des quartiers urbains, des agglomérations et d’autres lieux des lieux d'habitation, l’avis du Conseil national des minorités nationales et celui du Conseil des relations interethniques sont obligatoires.

Ce sont là les garanties accordées aux citoyens dont la langue est d'usage officiel. Tout ce qui relève des quelques symboles écrits est généralement respecté, mais pour ce qui est des services oraux dans la langue des minorités nationales, c'est autre chose, car «à l'impossible nul n'est tenu». Il est en effet impossible à des petites localités d'offrir des services dans toutes les langues co-officielles, surtout lorsque ces langues sont parlées par un tout petit nombre de locuteurs. Dans la pratique, seules les minorités constituant une majorité locale absolue dans leur municipalité ou leur village, tels les Hongrois, peuvent recevoir des services dans leur langue. Sinon les services sont assurés en serbe. Le grand problème, c'est la pénurie de traducteurs et de traductrices. Très peu de villages peuvent se payer de tels services professionnels! De plus, il faut qu'une langue était été déclarée d'usage officiel dans les Statuts de la municipalité pour que des services linguistiques soient jugés acceptables.

- Des droits limités

Étant donné que la plupart des langues des minorités nationales ne sont pas d'usage officiel à l'intérieur d'une municipalité, seules quelques langues reçoivent une protection minimale. Il faut aussi comprendre que les droits linguistiques ne s'étendent pas aux entreprises privées. Quant aux établissements scolaires, les programmes et les règlements sont régis par les autorités centrales, notamment par l'article 12 de la Loi sur l'enseignement primaire (2008), qui prévoit un minimum de 15 élèves inscrits en première année.

De plus, lorsque les activités pédagogiques doivent se dérouler en serbe, faute d'élèves inscrits, l'enseignement de la langue de la minorité nationale «avec des éléments de culture nationale» est offert pour les élèves appartenant à la minorité nationale sous forme de programme facultatif. Bref, lorsqu'une langue n'est pas d'usage officiel dans une municipalité et qui, au surplus, ne l'est pas statutairement pour la province, il ne lui reste pas grand-chose à part des cours éventuels «avec des éléments de culture nationale», lesquels sont des cours sans examen, ni reconnaissance officielle. Pourtant, c'est le cas de la plupart des 10 ou 12 langues minoritaires dans une municipalité.  

4.2 La municipalité unilingues d'Opovo

Statut municipalité (opština, en serbe latin)
Population 10 444habitants (2011)
Groupes ethniques Serbes (93,1%), Roms (2,0%), Roumains (1,8%), Hongrois (0,2%), Macédoniens (0,1%), autres (2,5%)
Langue officielle (1) serbe cyrillique

La municipalité d'Opovo est l'une des quatre municipalités de la Voïvodine qui soit entièrement unilingue serbe, du moins au point de vue juridique. L'article 5 des Statuts d'Opovo traite de la langue d'usage officiel de la façon suivante: «La langue serbe et l'alphabet cyrillique sont d'usage officiel sur le territoire de la municipalité.» Dans ce cas-ci, l'énoncé consiste en une simple déclaration.

La municipalité d'Opovo (Опово, en cyrillique) étant très majoritairement serbophone (93,1%), les droits linguistiques ne sont assurés que pour les serbophones. Cela signifie que les seuls droits dont peuvent bénéficier les minorités nationales sont ceux accordés par la province ou par la Serbie (Loi sur l'enseignement primaire). La municipalité ne compte que trois villages: Baranda (1544 hab.), Sakule (1847 hab.) et Sefkerin (2522 hab.), tous majoritairement serbes. Dans les faits, la municipalité d'Opovo abrite aussi des Croates, des Roms, des Roumains, des Macédoniens, des Hongrois, des Slovaques, des Monténégrins, des Allemands, des Russes, des Ukrainiens, des Albanais, des Bulgares, des Thèques, des Ruthènes, des Slovaques, etc. Cependant, toutes ces minorités sont numériquement trop petites, généralement moins de 50 membres par village, pour être officiellement reconnues. 

4.3 La municipalité bilingue de Kanjiža

Statut municipalité (opština, en serbe latin)
Population 25 343
Groupes ethniques Hongrois (85,1%), Serbes (7,2%), Roms (2,3%), Roumains (1,0%), autres (4,4%)
Langues officielles (2) serbe cyrillique/latin et hongrois

Seuls les articles 6 et 8 des Statuts de la municipalité de Kanjiža traitent des langues, mais ils le font par la manière de présenter le sceau officiel ainsi que le nom de la municipalité : en serbe et en hongrois. Les dispositions concernant les langues d'usage officiel sont très limitées.  

Elles concernent les désignations de la municipalité: Општина Кањижа (en serbe cyrillique), Opština Kanjiža (en serbe latin) et Magyarkanisma Község (en hongrois). Il n'y a rien d'autre dans les Statuts. Cependant, puisque les Hongrois forment une majorité absolue (85,1%), leurs droits sont probablement respectés par les autorités municipales, notamment dans les assemblées municipales. Mais les Hongrois de Kanjiža sont avantagés du fait qu'ils disposent de nombreux établissements scolaires et de stations de radio et de télévision. En principe, ce sont les Hongrois les mieux traités dans toute la Voïvodine, surtout que leur municipalité a une frontière commune avec la Hongrie.  

4.4 La ville trilingue de Subotica

Statut ville (grad, en serbe latin)
Population 141 500
Groupes ethniques Hongrois (38,4%), Serbes (24,1%), Croates (11,2%), Bunjevci (10,9%), Monténégrins (0,3), Slovaques (0,1%), autres (15%)
Langues officielles (3) serbe cyrillique, hongrois et croate

Les articles 6, 9 et 112 des Statuts de la Ville de Subotica traitent des trois langues d'usage officiel en mentionnant clairement leur caractère de co-officialité. L'article 9 des Statuts énoncent que «dans la ville, les langues serbe, hongroise et croate, avec leurs alphabets, sont d'usage officiel égal» et l'article 112 déclare que «les statuts et les actes généraux de la Ville sont publiés au Journal officiel de la Ville de Subotica en serbe, en croate et en hongrois, conformément à l'orthographe de ces langues».

Subotica est l'une des villes les plus cosmopolites de la Voïvodine. Les Hongrois sont partiellement majoritaires (38,4%) dans l'ensemble de la ville. Le fait que les Serbes soient minoritaires (24,1%) cause des tensions entre les Hongrois (38,4%), les Croates (11,2) et les Bunjevci (10,9%), et ce, d'autant plus que Serbes, Croates et Bunjevci parlent la même langue (voir l'article sur ce sujet); en comptant les trois communautés slaves (Serbes, Croates et Bunjevci), on en arrive à des rapports plus équilibrés entre Slaves et Hongrois.

Par ailleurs, la ville de Subotica compte 18 localités, dont huit possèdent une majorité absolue ou relative de Hongrois : Subotica (municipalité), Palić,  Hajdukovo, Bački Vinogradi, Šupljak, Čantavir, Bačko Dušanovo et Kelebija. Quatre localités possèdent une majorité absolue ou relative de Serbes : Bajmok, Višnjevac, Novi Žednik et Mišićevo. Plusieurs localités sont habitées par une majorité de Bunjevci et de Croates : Mala Bosna, Đurđin, Donji Tavankut, Gornji Tavankut, Bikovo, Stari Žednik et Ljutovo. Toutes les localités à majorité hongroise ont des noms bilingues: Bačko Dušanovo/Zentaörs, Hajdukovo/Hajdújárás, Bački Vinogradi/Bácsszőlős, Čantavir/Csantavér, Šupljak/Ludas, etc.

Bine que les services municipaux soient en principe trilingues, il arrive que des bureaux municipaux dans certaines localités «oublient» l'alphabet latin pour les Croates ou l'alphabet cyrillique pour les Serbes. Les Hongrois peuvent parfois être négligés dans les localités à majorité serbe. Certains formulaires bilingues se présentent selon le modèle serbe-croate ou serbe-hongrois; les faits révèlent que le modèle serbo-hongrois apparaît dans une proportion de 90% contre 10% pour le serbo-croate. Lors que les formulaires sont imprimés en trois langues, l'ordre alphabétique serbe prédominer souvent dans les listes de termes. Il subsiste certains problèmes lorsque des entreprises publiques émettent des factures ou des avis aux citoyens dont la langue n'est pas d'usage officiel; ces derniers doivent composer avec les langues serbe, hongroise ou croate.

4.5 La municipalité trilingue de Vrśac

Statut municipalité (opština, en serbe latin)
Population 54 370
Groupes ethniques Serbes (72,5%), Roumains (10,8%), Hongrois (4,8%), autres (11,9%)
Langues officielles (3) serbe cyrillique/latin, roumain et hongrois

Les articles 8 et 10 des Statuts de la municipalité de Vrśac déclarent que le serbe, le roumain et le hongrois sont d'usage officiel. L'article 10 précise aussi que «les informations et les avis sont également publiés dans les langues et les alphabets des minorités nationales qui sont d'usage officiel». Il n'y a pas d'autres dispositions d'ordre linguistique dans ces statuts.

La municipalité de Vrśac est l'une des municipalités dont l'une des langues d'usage officiel est le roumain. En serbe, la municipalité est connue sous le nom de Вршац (cyrillique) ou Vršac (latin), mais Vârșeț ou Virset en roumain et Versec ou Versecz en hongrois. Mais le panneau d'affichage à l'entrée de la municipalité n'indique que la dénomination serbe en alphabet cyrillique et en alphabet latin.  

4.6 La municipalité quadrilingue de Bačka Topola

Statut municipalité (opština, en serbe latin)
Population 38 240
Groupes ethniques Hongrois (58,9%), Serbes (29,9%), Monténégrins (1,4%), Croates (1,1%, Ruthènes (0,76%), Slovaques (0,52%), Bunjevci (0,49%), autres (6,9%)
Langues officielles (4) serbe cyrillique, hongrois, ruthène et slovaque

Les articles 5, 6, 8, 9 , 13 et 45 des Statuts de la municipalité de Bačka Topola traitent des quatre langues d'usage officiel (serbe, hongrois, ruthène et slovaque) de façon relativement exhaustive.

La municipalité de Bačka Topola porte quatre dénominations officielles: ОПШТИНА БАЧКА ТОПОЛА (en serbe), TOPOLYA KÖZSÉG (en hongrois), ОПШТИНА БАЧКА ТОПОЛЯ (en ruthène) et OBEC BÁČSKA TOPOLA (en slovaque). Selon l'article 9 des Statuts, dans les locaux officiels des organismes municipaux, seuls les symboles de l'État, les symboles de la Province autonome de Voïvodine et les armoiries et le drapeau de la municipalité sont affichés, ainsi que les symboles confirmés des minorités nationales dont la langue est d'usage officiel sur le territoire de la municipalité. L'article 13 énonce que «la municipalité publie ses informations et ses avis dans les langues et les alphabets des minorités nationales qui d'usage officiel». Quant à l'article 45, il précise qu'un conseiller a le droit de s'adresser à l'Assemblée municipale dans l'une des langues d'usage officiel sur le territoire de la municipalité».

La municipalité compte 22 villages dont 11 ont une majorité hongroise. Les communautés locales à majorité hongroise sont les suivantes (avec la désignation en hongrois): Bačka Topola (ou Topolya), Bajša (ou Bajsa), Pačir (ou Pacsér), Stara Moravica (ou Bácskossuthfalva), Zobnatica (ou Andrásnépe), Bogaraš (ou  Bogaras-Felváros), Obornjača (ou Nagyvölgy), Bagremovo (ou Brazília), Gunaroš (ou Gunaras), Novo Orahovo (ou Zentagunaras) et Kavilo (ou Rákóczifalu ou Kavilló). Le village de Novo Orahovo (en ruthène: Нове Ораховo) abrite la majorité des Ruthènes de la municipalité (181, contre 59 Serbes). Quant au village de Bajša, c'est celui qui compte le plus de Slovaques (162, contre 413 Serbes et 6 Ruthènes).

Les 11 communautés locales à majorité serbe sont Gornja Rogatica, Srednji Salaš, Panonija, Orešković, Bački Sokolac, Karađorđevo, Mićunovo, Njegoševo, Krivaja, Svetićevo et Mali Beograd.

Or, non seulement le serbe et le hongrois sont d'usage officiel, mais également le ruthène et le slovaque. Cela signifie que les Ruthènes et les Slovaques constituent de très petites minorités, car dans l'ensemble on compte 292 Ruthènes et 200 Slovaques.

4.7 La municipalité quadrilingue de Kovačica

Statut municipalité (opština, en serbe latin)
Population 25 259
Groupes ethniques Slovaques (41,0%), Serbes (33,9%), Hongrois (10,2%), Roumains (6,9%), Roms (2,9%), autres (5,8%)
Langues officielles (4) serbe cyrillique/latin, slovaque, hongrois et roumain

Les articles 5, 11 et 12 des Statuts de la municipalité de Kovačica traitent ainsi des quatre langues d'usage officiel: le serbe, le slovaque, le hongrois et le roumain.

Les statuts de la municipalité imposent que le texte du sceau municipal soit présenté en serbe, en cyrillique et en latin, ainsi qu'en slovaque, en hongrois et en roumain avec leurs alphabets (art. 5). Selon l'article 11, dans le processus de changement du nom des rues, des places, des quartiers urbains, des agglomérations et d’autres lieux des zones d'habitation, l’avis du Conseil national des minorités nationales et du Conseil des relations interethniques est obligatoire. L'article 12 énonce que «la municipalité publie ses informations et ses avis dans les langues et les alphabets des minorités nationales qui sont d'usage officiel». 

Kovačica est une municipalité multiethnique avec au moins une vingtaine de communautés distinctes. La municipalité porte des noms différents selon les langues officielles: Ковачица (serbe), Kovačica (slovaque), Antalfalva (hongrois) et Covăcița (roumain). Les communautés à majorité slovaque sont Kovačica (84,2%) et Padina (96,7%); les communautés à majorité serbe sont Crepaja (88,1%), Idvor (93,9%), Putnikovo (97,5%) et Samoš (89,7%). Il existe une communauté à majorité hongroise (Debeljača/Torontálvásárhely: 53,2%) et une communauté à majorité roumaine (Uzdin: 76,4%).

Étant donné que les Slovaques (41%) comptent plus de locuteurs que les Serbes (33,9%) et que les Hongrois demeurent néanmoins importants (10,2%), les rapports de force sont équilibrés de sorte que chacune des communautés dont la langue est d'usage officiel peut s'estimer égale l'une l'autre. L'un des avantages, c'est que chacune de ces communautés constitue une majorité absolue dans au moins une localité.  

4.8 La ville quadrilingue de Zrenjanin

Statut ville (grad, en serbe latin)
Population 122 714
Groupes ethniques Serbes (74,8%), Hongrois (10,7%), Roumains (1,9%), Slovaques (1,8%), Roms (1,8%), Croates (0,5%), autres (8,5%)
Langues officielles (4) serbe cyrillique, hongrois, roumain et slovaque

Les articles 5, 7 et 11 des Statuts de la ville de Zrenjanin traitent des quatre langues d'usage officiel. L'article 5 des Statuts proclame que «sur le territoire de la ville, la langue serbe et l’alphabet cyrillique dont d'usage officiel».

L'article 7 précise que les armoiries et le drapeau de la Ville, ainsi que les symboles des minorités nationales dont la langue est d'usage officiel sur le territoire de la Ville doivent être mis en évidence». Quant à l'article 11, il énonce que «dans le processus de changement du nom des rues, des places, des quartiers urbains et d’autres lieux des zones d'habitation où vivent les membres des minorités nationales, l’avis du Conseil national de la minorité nationale dont la langue est d'usage officiel sur le territoire de la Ville doit être obligatoire».

La plupart des localités de la Ville sont habitées par une majorité absolue serbe : Zrenjanin, Banatski Despotovac, Botoš, Elemir, Ečka, Klek, Knićanin, Lazarevo, Lukićevo, Melenci, Orlovat, Perlez, Stajićevo, Taraš, Tomaševac, Farkaždin et Čenta, mais Aradac possède une majorité relative serbe. Les villages de Lukino Selo (67,5%) et Mihajlovo (94,0%) sont habités par une majorité absolue hongroise; le localité de Jankov Most est à majorité roumaine (60,3%) et celle de Belo Blato est habité par une majorité relative de Slovaques (39,4%).

4.9 La ville multilingue de Pančevo

Statut ville (grad, en serbe latin)
Population 123 414
Groupes ethniques Serbes (76,3%), Macédoniens (4,1%), Roumains (3,2%), Hongrois (3,1%), Slovaques (1,2%), Roms (1,0%), Croates (0,9%), autres (10,2%)
Langue officielle (5) serbe, roumain (Banatsko Novo Selo), hongrois (Ivanovo et Omoljica), bulgare (Ivanovo, macédonien (Jabuka et Kačarevo)

Les articles 3, 4 et 10 des Statuts de la Ville de Pančevo  traitent des langues d'usage officiel en les limitant à des localités particulières : Banatsko Novo Selo, Ivanovo, Jabuka, Kačarevo et Omoljica.

L'article 3 des Statuts de la Ville de Pančevo déclare que la langue serbe et l'alphabet cyrillique sont d'usage officiel sur l'ensemble du territoire de la Ville. De plus, les noms des organismes municipaux doivent être inscrits en d'autres langues en plus du serbe, non pas sur tout le territoire de la Ville, mais dans les localités ou lieux d'habitation suivants:

- la langue roumaine, dans la localité de Banatsko Novo Selo : 65,8% de Serbes et 27,7% de Roumains;
- les langues bulgare et hongroise, dans la localité d’Ivanovo : 39,9% de Bulgares, 27,1% de Hongrois, 19,7% de Serbes;
- la langue macédonienne, dans les localités de Jabuka (51,0% de Serbes et 32,5% de Macédoniens) et de Kačarevo (66,1% de Serbes et 19,2% de Macédoniens);
- la langue hongroise, dans la localité de Pančevo (79,0% de Serbes et 4,2% de Hongrois) et la municipalité cadastrale d'Omoljica (90,0% de Serbes et 0,9% de Hongrois).

Les Statuts n'affirment pas que les services peuvent être dans ces langues d'usage officiel, mais seulement que le texte du sceau doit être rédigé dans les langues et les alphabets des minorités nationales (art. 4). L'article 10 énonce que l'avis du Conseil national et du Conseil des relations interethniques est obligatoire lors du changement des noms des rues, places, arrondissements, villages et autres endroits des localités. 

Dans la ville de Pančevo, ce n'est donc pas tout le territoire de la Ville qui est multilingue, mais certaines localités qui sont bilingues ou trilingues, soit cinq localités sur dix.

4.10 La municipalité multilingue de Plandiśte

Statut municipalité (opština, en serbe latin)
Population 11 336
Groupes ethniques Serbes (51,7%), Hongrois (11,2%), Macédoniens (9,2%), Roumains (6,9%), Slovaques (5,4%), Roms (2,4%), autres (13,2%)
Langue officielle (5) serbe cyrillique, hongrois, macédonien, roumain et slovaque

Contrairement à la Ville de Pančevo, les articles 5, 6, 8 et 12 des Statuts de la municipalité de Plandiśte traitent des langues d'usage officiel sur tout le territoire de la municipalité, et non seulement dans certaines localités.

La municipalité de Plandiśte compte 14 localités, dont 11 sont à majorité serbe. La localité de Barice est à majorité roumaine (89,1%), celle de Hajdučica est à majorité relative slovaque (42,1%, contre 30,4% de Serbes) et celle de Jermenovci est à majorité hongroise (69,1%). Les noms dans les cinq langues d'usage officiel sont Пландиште (serbe cyrillique), Zichyfalva (hongrois), Пландиште (macédonien), Plandište (slovaque) et Plandiște (roumain).  

L'article 5 énonce que le nom de la municipalité doit être rédigé en serbe et en alphabet cyrilliques, ainsi qu’en hongrois, en macédonien, en roumain et en slovaque, avec leurs alphabets. Cela signifie aussi que le nom des localités doit être aussi dans la langue de la minorité concernée: Barice/Sân-Ianăş (serbe/roumain), Hajdučica /Hajdušica (serbe-slovaque), Jermenovci/Ürményháza (serbe-hongrois).

Selon l'article 6, sur le territoire de la municipalité, la langue serbe et l'alphabet cyrillique sont d'usage officiel, ainsi que les langues des minorités nationales: le hongrois, le macédonien, le roumain et le slovaque et leurs alphabets. L'article 8 stipule que les symboles des minorités nationales doivent être affichés  les locaux officiels des organismes municipaux. De plus, l'article 12 oblige la municipalité de publier ses informations et ses avis dans les langues et les alphabets des minorités nationales d'usage officiel.

4.11 Le multilinguisme de la ville de Novi Sad (capitale)

Statut ville (grad, en serbe latin)
Population 341 625
Groupes ethniques Serbes (78,7%), Hongrois (3,8%), Slovaques (1,9%), Croates (1,5%), Monténégrins (1,1%), Roms (1,0%), Ruthènes (0,6%), Macédoniens (0,3%), autres (11,1%)
Langue officielle (4) serbe, hongrois, slovaque et ruthène

Les articles 1, 5, 6, 8,12, 13, 16, 34, 42 et 130 des Statuts de la Ville de Novi Sad (2019) qui traitent des langues d'usage officiel de façon assez élaborée.

Du fait que la ville est située à un carrefour de peuples (Bosnie-Herzégovine, Hongrie, Roumanie et Serbie), elle est connue sous différents noms selon la langue employée. Le nom officiel de Novi Sad est Нови Сад en serbe cyrillique, ce qui signifie «nouveau sillon». En hongrois, elle porte le nom d'Újvidék; en slovaque celui de Nový Sad ; en ruthène, elle s'appelle Нови Сад et même en bulgare du Banat Mlada Loza.

L'article 6 des Statuts de 2019 déclare, d'une part, que «la langue serbe et l'alphabet cyrillique sont d'usage officiel sur le territoire de la ville», d'autre part, «que les langues hongroise, slovaque et ruthène et leurs alphabets sont d'usage officiel dans la ville», ce qui laisse supposer une hiérarchie entre le serbe et les autres langues co-officielles. L'article 5 énonce que le sceau de la Ville soit rédigé en serbe en cyrillique et en hongrois, en slovaque et en ruthène et leurs alphabets. Comme c'est souvent le cas, l'article 8 oblige que les armoiries et le drapeau de la Ville, ainsi que les symboles des minorités nationales dont la langue est d'usage officiel sur le territoire de la Ville soient affichés dans les locaux officiels de la Ville. Il en est ainsi à l'article 12 qui édicte que «dans la procédure de changement des noms des rues, des places, des quartiers urbains, des agglomérations et d'autres parties des lieux d'habitation, l'avis des conseils nationaux des minorités nationales et du Conseil des relations interethniques de la Ville doit être obtenu». Pour ce qui est de l'article 13.4, il stipule que «la Ville publie également ses informations et ses avis dans les langues et les alphabets des minorités nationales qui sont d'usage officiel dans la ville». Selon l'article 34, tout conseiller de la Ville a le droit de s’adresser à l’hôtel de ville dans l’une des langues qui est d'usage officiel» sur le territoire de la Ville. Enfin, l'article 130 impose à la Ville de publier ses statuts, ses ordonnances et tout autre acte général dans les langues et les alphabets d'usage officiel.

Il n'y a dans ces statuts rien qui soit exceptionnel, si ce n'est que le serbe, parlé par 78,7% des citoyens comme langue maternelle dans la ville, n'a qu'une très faible concurrence de la part des autres langues co-officielles: le hongrois n'est parlé que par 3,8%, de la population, le slovaque par 1,9% et le ruthène par seulement 0,6 % des citoyens.

Il est difficile de comprendre une telle situation, même en jetant un coup d'œil sur les 11 localités qui font partie de l'agglomération de Novi Sad. Dans toutes ces localités, sauf une, les Serbes constituent la majorité absolue. Seule la localité de Kisač possède une majorité absolue de Slovaques (82,3 %).

  Localité Population (2011) Serbes Hongrois Slovaques Ruthènes
1 Novi Sad (intra muros) 250 439 75,5 % 5,2 % 2,4 % 0,81 %
2 Futog 18 641 90,5 % 1,5 % 0,7 % 0,20 %
3 Begeč 3 325 71,3 % 1,8 % 13,1 % 0,38 %
4 Budisava 3 656 59,0 % 31,4 % 0,07 % 0,20 %
5 Čenej 2 125 84,8 % 1,5 % 1,7 % 0,09 %
6 Kać 11 740 90,3 % 4,0 % 0,2 % 0,16 %
7 Kisač 5 091 11,8 % 0,9 % 82,3 % 0,14 %
8 Kovilj 5 414 90,3 % 2,5 % 0,17 % 0,10 %
9 Rumenka 6 495 75,0 % 13,0 % 1,1 % 0,69 %
10 Stepanovićevo 2 021 95,6 % 0,40 % 0,6 % 0,04 %
11 Veternik 17 454 80,6 % 2,5 % 0,4 % 0,64 %
0 Moyenne de la Ville (grad)   78,8 % 3,8 % 0,71 % 0,69 %

La ville de Novi Sad est une ville serbe. Si l'on fait exception de Kisač dont le slovaque comme langue d'usage officiel est justifié, il paraît surprenant que les trois langues (hongrois, slovaque et ruthène) bénéficient du statut de co-officialité. Le cas du ruthène est encore plus problématique, car il n'est parlé que par 1721 locuteurs, soit 0,69 % de la population totale de la ville, soit plus de 340 000 habitants. De plus, 90 % des Ruthènes résident dans la municipalité dite intra-muros, ce qui signifie qu'il ne reste que fort peu d'individus dans les dix autres localités, souvent en dessous de dix personnes.

Au niveau local, la plus grande concentration des Ruthènes se trouve dans les municipalités de Kula (11,1%), de Vrbas (8,2%), de Žabalj (5,1%) et de Šid (3,3%), ainsi que dans la ville de Novi Sad. Seules les municipalités de Kula (5800) et de Vrbas (3800) et Novi Sad (1721) compte un nombre non négligeable de Ruthènes (11 321), ce qui environ 80% des tous les Ruthènes de Voïvodine. Dans les faits, les langues et les alphabets des minorités nationales peuvent être déclarés d'usage officiel obligatoire dans le territoire d'une autonomie locale si les membres des minorités nationales constituent au moins 15% de la population, s'il s'agit d'un territoire où ils vivent traditionnellement les membres des minorités nationales. En d'autres termes, lorsque le seuil de 15% n'est pas atteint, la décision est laissée à la municipalité elle-même.

5 La visibilité des langues d'usage officiel 

En droit, on peut s'attendre à ce que les langues d'usage officiel soient sur un pied d'égalité dans le paysage visuel voïvodinien. La Loi sur l'emploi officiel des langues et des alphabets prévoit l'introduction obligatoire des langues des minorités nationales d'usage officiel dans une autonomie locale si le pourcentage de membres d'une minorité nationale la population totale de son territoire atteint un minimum 15%, selon les résultats du dernier recensement. C'est l'article 11 de cette loi qui précise les modalités pour l'accession à la co-officialité:

Article 11

1) Sur le territoire d'une unité d'autonomie locale où résident traditionnellement des membres des minorités nationales,
leur langue et leur alphabet peuvent être d'usage officiel égal.

2) L'unité d'autonomie locale introduit obligatoirement la langue et l'alphabet de la minorité nationale dans un usage officiel égal par son statut si le pourcentage des membres de cette minorité nationale dans la population totale de sa région atteint 15% selon les résultats du dernier recensement.

3) L'usage officiel de la langue des minorités nationales mentionné au paragraphe 1 du présent article comprend notamment l'usage de la langue des minorités nationales dans la procédure administrative et judiciaire, ainsi que dans le déroulement de la procédure administrative et judiciaire dans la langue d'une minorité nationale; l'usage de la langue d'une minorité nationale dans la communication des organismes des autorités publiques avec les citoyens; l'émission des documents publics et la tenue des registres officiels et des collections de données à caractère personnel dans les langues des minorités nationales, ainsi que l'acceptation des documents dans ces langues comme valides; l'usage des langues des minorités nationales sur les bulletins de vote et le matériel de vote; l'usage des langues des minorités nationales dans les activités des organismes représentatifs.

5.1 La prédominance du serbe

Il faut retenir de cet article 11 que les langues dans leur usage officiel sont «égales». Cela pourrait vouloir signifier que toutes les langues d'usage officiel sont égales entre elles au même titre que le serbe. Cependant, compte tenu que le serbe est hiérarchiquement supérieur, les autres langues o-officielles sont plutôt à égalité de traitement entre elles seulement, le serbe demeurant à un autre niveau. Dans les circonstances, c'est cette dernière interprétation qui prévaut. En fait foi cet article 6 des Statuts de la Ville de Novi Sad:

Statuts de la Ville de Novi Sad (2019)

Article 6

1) La langue serbe et l'alphabet cyrillique sont d'usage officiel sur le territoire de la ville.

2) Les langues hongroise, slovaque et ruthène et leurs alphabets sont d'usage officiel dans la ville.

On aurait pu lire que les langues serbe, hongroise, slovaque et ruthène et leurs alphabets sont d'usage officiel dans la ville. Mais ce n'est pas le cas, la langue serbe ayant droit à un paragraphe à elle seule. Il ne faut pas croire que le bilinguisme ou le multilinguisme visuel est étendu sur tout le territoire d'une municipalité.

5.2 Les panneaux indicateurs à l'entrée et sortie des municipalités

La figure ci-contre illustre l'emploi des langues co-officielles en Voïvodine dans certaines localités multiethniques: Kovačica, Kanjiža, Subotica, Plandište, Zrenjanin, Bačka Topola, etc.  Il ne faut pas s'y méprendre: ce sont là généralement les seules affiches contenant des inscriptions en d'autres langues que le serbe.

Il s'agit des panneaux à l'entrée d'une agglomération indiquant le nom de celle-ci en deux ou trois langues. Par exemple, la dénomination Vojvoda Zimonić qui indique un village à majorité hongroise (54,4%). Cette inscription est rédigée en serbe latin et ignore la désignation hongroise (Ilonafalu ou Ilonakertváros). Ce village de 340 habitants est situé dans la municipalité de Kanjiža à majorité hongroise (86,5%) dont la population est de 25 000 habitants. Au mieux, la municipalité offre ne présentation en serbe cyrillique et latin, avec en dessous le nom en hongrois: Кањижа/Kanjiža, Magyarkanizsa.

Les inscriptions sur cette affiche apparaissent à la Mairie de Novi Sad en quatre langues (de haut en bas): en serbe cyrillique, en hongrois, en slovaque et en ruthène. En français, on y lirait ce qui suit:

- République de Serbie (première ligne):
- Province autonome de Voïvodine (deuxième ligne):
- Ville de Novi Sad (troisième ligne):
- BOURGMESTRE ou MAIRE (en capitales):
- Novi Sad (dernière ligne). 

Il ne faut pas s'y méprendre, les inscriptions multilingues de ce genre sont rarissimes dans toute la ville de Novi Sad. D'ailleurs, les mots les plus fréquents pour désigner la ville sont Нови Сад en serbe cyrillique et Novi Sad en serbe latin.

On ne verra que rarement un plaque multilingue (illustration de droite) avec les mots Нови Сад (serbe et ruthène), Újvidék (hongrois) ou Nový Sad (slovaque).

5.3 Le vandalisme anti-minorités

Dans ce merveilleux monde du multilinguisme et de la tolérance ethnique, il ne faut pas oublier qu'il existe des résistances de la part de certains membres de la majorité serbe. Tout n'est pas nécessairement un jardin de roses!

Le harcèlement et les agressions physiques contre les membres des minorités nationales, particulièrement les Hongrois, les menaces contre les dirigeants hongrois trop «autonomistes», la profanation des cimetières, les actes de vandalisme contre les propriétés et la prolifération des graffitis racistes et xénophobes sont de plus en plus fréquents dans la province de Voïvodine. Régulièrement, le quotidien Magyar Szó de Novi Sad fait état des dommages causés aux panneaux des entrées et des sorties des localités. Parfois, il faut nettoyer deux ou trois fois les mêmes panneaux.

On en a un exemple sur le panneau de la localité de Бајша / Bajša, située dans la municipalité de Bačka Topola, district de la Bačka septentrionale. Ce village de 2290 habitants compte 65,07% de Hongrois et 16,0*% de Serbes. Or, de nombreux résidents serbes se sont opposés à l'installation de panneaux bilingues dans leur localité. Pourtant, la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales (2002) interdit formellement à l'article 3 toute discrimination fondée sur des motifs nationaux, ethniques, raciaux, linguistiques, religieux ou autres, et garantit la liberté d’employer la langue et l’alphabet. Évidemment, la violation des instruments de la minorité est un acte illégal. Le non-respect de la loi peut entraîner de sévères sanctions, notamment des amendes de 50 000 à 100 000 dinars.

Dans les zones touristiques, c'est l'anglais qui remplace les langues d'usage officiel dans l'environnement visuel, sauf pour le serbe qui conserve toujours ses prérogatives. C'est ainsi qu'on trouve Добро дошли у Нови Сад et Welcome to Novi Sad («Bienvenue à Novi Sad»). D'ailleurs, l'anglais est davantage présent dans le paysage visuel voïvodinien que toutes les autres langues d'usage officiel réunies, puisque celles-ci ne sont présentes que sur des plaques à l'entrée d'un village ou d'une municipalité. Ailleurs, c'est une absence quasi totale, alors que les voyageurs et étrangers sont accueillis partout en anglais avec "Welcome"!   

Il est aussi possible, dans de rares cas, de voir des noms de rue en deux langues.  

5.4 Le bilinguisme anglo-serbe

 

Sur les panneaux de direction (voir l'illustration de gauche), on peut lire les inscriptions bilingues suivantes: Стара апотека / Old Pharmacy, Саборна џрква / Orthodox Cathedral, Богословија / Theological School, Патријаршијски двoр / Patriarchy Court, Културни центар / Cultural Center. Ce bilinguisme n'a rien à voir avec les langues d'usage officiel en Voïvodine, l'anglais étant une langue étrangère. 

Dans l'illustration de droite, on peut lire d'autres inscriptions bilingues, en serbe cyrillique et en anglais: Железничка станица / Railway Station, pour la gare ferroviaire, Аутобуска станица / Bus Station pour la gare d'autobus, СБЦ "Војводина" / SBC "Vojvodina" pour le Centre sportif et d'affaires de la Vojvodine ou SPENS, Стадион / Stadium pour le stade municipal, Сајам / Fair pour le Centre des foires de Novi Sad.

Ce genre d'inscriptions bilingues est présent un peu partout dans la ville de Novi Sad ainsi que dans tous les centres urbains de la Voïvodine. Quand on parle de multilinguisme en Voïvodine, on oublie trop souvent que l'anglais peut prendre le pas sur les langues d'usage officiel.

5.5 Les affiches publicitaires sans visibilité minoritaire

Lorsqu'on regarde ces quelques affiches, on se rend compte que le serbe écrit en cyrillique est omniprésent, alors que le serbe écrit en latin semble plus rare : Novi Sad, Bank, Reka Dunav.  

Le mot "Beolek" désigne une pharmacie: Apoteka Beolek en serbe latin; en serbe cyrillique, on aurait "Апотека Беолек".

L'inscription Река дунав / Reka Dunav désigne le Danube en serbe cyrillique et en latin.

L'anglais peut être employé seul: City Toilette, Welcome to Novi Sad Serbia, Cafe Restaurant Novi Sad, ERSTE Bank,Faculty of Technical Sciences - The Univesity of Novi Sad.

ЗОНА: ПЛАВА et ZONE : BLUE sert à distinguer des zones de stationnement à Novi Sad. Tout est bilingue serbe-anglais.

Les autres inscriptions sont uniquement en serbe cyrillique. La plus surprenante concerne la police municipale sur les voitures: полиција. On aurait en serbe latin "Policija". Dans une ville quadrilingue, on serait attendu au moins à полиција / policija, mais cette présentation bilingue est beaucoup moins fréquente que полиција / police (serbe-anglais).  

Bref, ces quelques exemples montrent que l'emploi visuel des langues d'usage officiel demeure très limité.  Pour résumer, on peut affirmer que l'égalité des langues d'usage officiel dans l'affichage n'est certainement pas atteinte. Ces langues ne sont visibles qu'à l'entrée des municipalités et des villages où les locuteurs sont en nombre suffisant. Que ce soit dans les inscriptions gouvernementales ou municipales, ou sur les enseignes des commerces et la direction des routes, la langue serbe est omniprésente dans le paysage visuel; elle alterne souvent avec l'alphabet cyrillique et l'alphabet latin. Il convient de constater que l'anglais prend plus de place dans l'espace visuel que les langues co-officielles.

Comme on peut le constater, le statut des langues d'usage officiel en Voïvodine est plutôt complexe, et il l'est d'autant plus quand il s'agit d'appliquer des droits définis dans la Constitution et les lois serbes. Malgré l'arsenal de protection dont s'est dotée la Serbie à l'intention des minorités, la toute-puissance des municipalités en termes de droits linguistiques fait en sorte que ceux qui sont pourtant «garantis» peuvent aussi être supprimés dans les faits.  

Bien sûr, on ne tarit pas d'éloges sur le caractère multilingue de la Voïvodine. C'est une région que l'on cite en exemple pour la tolérance dont font preuve les citoyens de cette province. On trouve au moins 25 ethnies différentes réparties dans les 45 municipalités de la Voïvodine. La majorité des municipalités offre des services bilingues ou trilingues, surtout en matière d'information. La plupart des minorités nationales bénéficient d'écoles primaires dans leur langue — sans toujours mentionner qu'il s'agit bien souvent d'écoles serbes «avec des éléments de culture nationale» — et de stations et de chaînes de radiotélévision.

n comprend pourquoi le gouvernement central de la Serbie mise sur la Voïvodine pour entrer dans l'Union européenne. Cependant, il existe des écarts parfois importants dans l'application de la politique linguistique dans certaines municipalités et localités de la Voïvodine et pour certaines minorités nationales. On oublie que les procès se déroulent rarement dans une langue co-officielle, que la visibilité de ces langues dans le paysage est très réduite, que les Serbes sont surreprésentés dans la fonction publique ou municipale, qu'un grand nombre d'écoles destinées aux minorités sont en fait des écoles serbes «avec des éléments de culture nationale», que cet enseignement est facultatif et qu'il n'est pas reconnu à des fins d'attestation de diplôme. Bref, il existe de nombreux écarts pour assurer une véritable égalité entre les «langues d'usage officiel» parce que le serbe est nettement plus officiel que les autres. On ne peut que féliciter la Serbie pour ses efforts à l'égard des minorités nationales, mais on ne peut oublier les nombreuses failles que l'on tend à laisser de côté.

Dernière mise à jour: 03 janv. 2021

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