Province autonome de Voïvodine |
Voïvodine 1) Situation générale |
La Voïvodine (en anglais et dans la plupart des langues: Vojvodina) est une région du nord de la Serbie, limitée à l’est par la Roumanie, au nord par la Hongrie, à l’ouest par la Croatie et la Bosnie-Herzégovine (voir la carte 3). La Voïvodine a bénéficié d’un Statut d’autonomie politique de 1946 à 1989. Ce statut fut retiré en 1989, alors que la région était directement administrée par le gouvernement de Belgrade. L'autonomie lui fut restituée au 1er janvier 2010 avec le nom en français de «Province autonome de Voïvodine»; on prononce comme [voj-vô-dinn].
La superficie de la Voïvodine est de 21 506 km² (par comparaison au Belize, 22 966 km²; à Djibouti, 22 000 km², au Salvador, 21 040 km², à Israël, 20 770 km² ou à la Slovénie, 20 253 km²), ce qui équivaut à 21 % de la Serbie. La capitale de la province est Novi Sad, tandis que la seconde plus grande ville est Subotica. Le mot serbe Vojvodina signifie «duché», car le nom historique était «duché serbe», mais aujourd'hui Vojvodina signifie simplement «province». |
Les dénominations officielles de la province autonome sont les suivantes:
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1.1 Les districts de la province
La Province autonome de Voïvodine est divisée en trois districts administratifs qui sont des centres régionaux d'administration de l'État: le Banat, la Backa et la Syrmie (ou Sremski). Ces trois districts sont des anciennes provinces de l’empire des Habsbourg; ils comprennent sept unités régionales de district: la Backa de l'Ouest, la Backa du Nord, la Backa du Sud, le Banat du Nord, le Banat du centre, le Banat du Sud et la Syrmie (ou Srem, en serbe).
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1.2 Le gouvernement provincial
Le gouvernement provincial est l'autorité exécutive de la province. Les activités du gouvernement local sont régies par l'Assemblée provinciale dont il doit rendre des comptes. Le gouvernement est composé du président, de quatre vice-présidents et des membres du gouvernement provincial (les ministres). Le président du gouvernement provincial administre et harmonise les activités de l'Exécutif en conformité avec les directives de l'Assemblée; il représente le gouvernement local; il signe les actes adoptés par l'Assemblée; il veille à l'application du règlement intérieur du gouvernement et s'acquitte d'autres tâches énoncées dans le Statut d'autonomie. Étant donné que les Serbes sont majoritaires dans la province autonome, ils le sont aussi dans la composition du gouvernement qu'ils partagent avec les minorités. |
Les compétences du gouvernement provincial sont les suivantes:
1. proposer et exécuter les décisions de l'Assemblée provinciale et d'autres actes généraux;
2. mettre les lois et les ordonnances en vigueur, s'il y est autorisé;
3. adopter des décrets provinciaux, des ordonnances et d'autres actes généraux aux fins de l'exécution des lois et des décisions de l'Assemblée provinciale;
4. prévoir des services responsables des tâches prévues pour le gouvernement;
5. proposer le budget et l'état des comptes annuels à l'Assemblée;
6. proposer les programmes, les documents de développement et de planification à l'Assemblée et prendre des mesures pour leur mise en œuvre;
7. nommer et révoquer les titulaires des responsables provinciaux qui ne sont pas désignés par l'Assemblée;
8. harmoniser et superviser les activités des autorités administratives provinciales;
9. superviser le travail des entreprises et des institutions fondées par la Voïvodine;
10. gérer et disposer des biens publics de la Voïvodine;
11. rendre son avis sur les décisions proposées de l'Assemblée provinciale ou sur tout autre acte général soumis à l'Assemblée ;
12. proposer à l'Assemblée provinciale la signature d'accords avec les communautés territoriales correspondantes dans d'autres pays;
13. soumettre à l'Assemblée le rapport annuel régulier sur ses activités;
14. adopter le règlement intérieur du gouvernement provincial;
15. effectuer d'autres tâches stipulées par la loi ou le Statut de la province autonome.
Bien que les pouvoirs du gouvernement provincial soient plutôt considérables, ils sont assujettis aux lois qui s'appliquent à l'ensemble du pays.
L'Assemblée de la Province autonome de Voïvodine (en serbe : Скупштина Аутономне Покрајине Војводине ou "Skupština Autonomne Pokrajine Vojvodine") est composée de 120 députés, dont 60 sont élus au suffrage universel direct par liste et 60 sont élus individuellement au sein des municipalités de la Voïvodine. Le siège de l'Assemblée est situé à Novi Sad, la capitale.
Dans le cadre du présent article, l'alphabet latin sera employé de préférence au cyrillique afin de faciliter la compréhension pour les internautes. Par exemple, la plupart des noms de lieux et des ethnies seront indiqués en alphabet latin, parfois le nom des lois ou des ordonnances. On peut donc transcrire République de Serbie, Belgrade et Constitution de la façon suivante: Республика Сербия (cyrillique) ou Respublika Serbiya (latin), Белград (cyrillique) ou Belgrad (latin), Конституция (cyrillique) ou Konstitutsiya (latin).
Notons que l'orthographe de certains mots transcrits en serbe avec l'alphabet latin, par exemple opština, Bačka ou žuto, peut causer des difficultés aux francophones, notamment les lettres [č], [š] et [ž]. Ce signe placé au-dessus des lettres [c], [s] et [z] se présente en français comme «un accent circonflexe inversé». Ce sont là des lettres fréquentes en croate et en bosniaque, ainsi qu'en serbe et en monténégrin, lorsque ces deux langues emploient l'alphabet latin au lieu de l'alphabet cyrillique:
En serbe latin | [č] | [š] | [ž] | [đ] | [c] |
Valeur en français | tch comme tchador | ch comme chat | dj comme djellaba | dy comme Dieu | ts comme tsar |
En alphabet phonétique international | tʃ | ʃ | dʒ | dj | ts |
Cela signifie que les mots opština, Bačka, žuto et Medveđa se prononcent respectivement comme [op-chti-na], [batch-ka], [djouto] et [med-vé-dya]. Un dernier exemple: le nom d'un président de la Serbie doit s'écrire en serbe latin, Milošević, ce qui correspond à [mi-lo-ché-vitch].
La province de la Voïvodine compte près de deux millions d’habitants, ce qui correspond à 26,8 % de la population de la république de Serbie (7,1 millions, selon le recensement de 2011). Avec quelque 25 groupes ethniques, la Voïvodine est l’une des régions ethniquement les plus diversifiées d’Europe.
2.1 Une mosaïque de peuples
Comme on le constate sur le tableau ci-dessous, la Voïvodine abrite une mosaïque de peuples, surtout si l'on tient compte des communautés numériquement faibles :
Ethnie (2011) | Vojvodine | % | Langue | Serbie centrale | % | Serbie complète | % |
Serbe | 1 289 635 | 66,76 | serbe (officiel) | 4 698 515 | 89,40 | 5 988 150 | 83,32 |
Hongrois | 251 136 | 13,00 | hongrois (officiel) | 2 763 | 0,05 | 253 899 | 3,53 |
Slovaque | 50 321 |
2,60 |
slovaque (officiel) | 2 429 | 0,04 | 52 750 | 0,73 |
Croate | 47 033 |
2,43 |
croate (officiel) | 10 867 | 0,21 | 57 900 | 0,81 |
Rom | 42 391 |
2,19 |
romani | 105 213 | 2,00 | 147 604 | 2,05 |
Roumain | 25 410 |
1,32 |
roumain (officiel) | 2 922 | 0,05 | 29 332 | 0,41 |
Monténégrin | 22 141 | 1,14 | monténégrin | 16 386 | 0,31 | 38 527 | 0,53 |
Bunjevac | 16 469 |
0,85 |
bunjevac | 237 | / | 16 706 | 0,23 |
Ruthène | 13 928 | 0,72 | ruthène (officiel) | 318 | / | 14 246 | 0,20 |
Macédonien | 10 392 | 0,54 | macédonien | 12 363 | 0,23 | 22 755 | 0,32 |
Ukrainien | 4 202 | 0,22 | ukrainien | 701 | 0,01 | 4 903 | 0,07 |
Allemand | 3 272 | 0,17 | allemand | 792 | 0,01 | 4 064 | 0,06 |
Albanais | 2 251 | 0,12 | albanais | 3 558 | 0,06 | 5 809 | 0,08 |
Slovène | 1 815 | 0,09 | slovène | 2 218 | 0,04 | 4 033 | 0,06 |
Bulgare | 1 489 | 0,08 | bulgare | 17 054 | 0,32 | 18 543 | 0,26 |
Russe | 1 173 | 0,06 | russe | 2 074 | 0,04 | 3 247 | 0,04 |
Bosniaque | 780 | 0,04 | bosniaque | 144 498 | 2,75 | 145 278 | 2,02 |
Valaque | 170 | 0,01 | valaque | 35 160 | 0,67 | 35 330 | 0,49 |
TOTAL |
1 931 809 |
100 % |
5 255 053 | 100 % | 7 186 862 | 100 % |
2.2 Les communautés linguistiques
Les Serbes forment le groupe majoritaire avec 66,7 % de la population de la Voïvodine et ils sont disséminés partout sur le territoire. Tous les autres groupes forment des minorités ou des communautés nationales.
Les Hongrois constituent la minorité la plus nombreuse avec 13 % de la population de la province; ils sont surtout concentrés dans les municipalités du Nord-Est près de la frontière hongroise. Ils sont suivis par les Slovaques (2,6 %), les Croates, les Roms/Tsiganes (2,1%), les Roumains (1,3 %), les Monténégrins (1,1%), les Bunjevci (0,85%), les Ruthènes (0,72%), etc., pour un total de 18 groupes ethniques, selon le tableau reproduit ci-haut. On compte aussi quelques petites communautés de Tchèques, de Gorans, de Juifs, etc. Les Bunjevci (au singulier Bunjevac) sont principalement concentrés dans la région de Subotica (dans le nord-ouest de la Voïvodine); ils sont considérés à Belgrade comme des Serbes catholiques (mais comme des Croates par Zagreb). Parmi les langues slaves, mentionnons évidemment les langues similaires que sont le serbe, le croate, le monténégrin et le bosniaque (voir l'article à ce sujet); de plus, citons le slovaque, l’ukrainien, le macédonien, le tchèque, l'aroumain, le goran, etc. Les langues non slaves sont le hongrois (famille ouralienne), le romani (langue indo-iranienne), l'allemand (langue germanique), et l'albanais (isolat indo-européen). |
- Les Roms/Tsiganes
Il convient d'ajouter quelques mots de plus sur les Roms, qui font partie des minorités nationales dans la province. Selon le recensement de 2011, il y aurait plus de 42 000 Roms en Voïvodine, mais selon des données non officielles ils seraient au moins 200 000 dans la province. Les Roms sont répartis à peu près partout sur le territoire, mais ils sont numériquement plus présent en nombre dans les districts de Bačka du Sud (6053), de Banat du Sud (6268) et de Banat du Nord (3944), ainsi qu'en Syrmie (3489). Contrairement à plusieurs minorités, il n'existe pas de localités (municipalités ou villages) à majorité rom en Voïvodine, bien qu'il puisse y avoir des quartiers urbains et des banlieues où les habitants sont majoritairement des Roms: Bangladeš (banlieue rom de Novi Sad), Depresija (quartier rom de Novi Sad), Šangaj (quartier rom de Novi Sad), Veliki Rit (quartier rom de Novi Sad) et Mali London (quartier rom de Pančevo).
Le mot Bunjevci se prononce comme [boun-yév-tsi]. Cette communauté catholique romaine parle le bunjevac, une variante du serbo-croate plus proche du croate avec une prononciation ikavienne avec certaines caractéristiques archaïsantes. En Serbie (16 700 locuteurs), les Bunjevci (Bunjevac, au singulier) sont concentrés en Voïvodine, principalement dans la partie nord de la région de Bačka. La plus grande concentration de Bunjevci se trouve dans la ville ethniquement mixte de Subotica (10 870), qui est leur centre culturel et politique. Un autre centre urbain important des Bunjevci est la ville de Sombor (2730). Les villages avec une population importante de Bunjevci sont tous situés dans la zone administrative de la ville de Subotica. D'autres Bunjevci résident en Hongrie et en Bosnie-Herzégovine.
Les Bunjevci de la Serbie sont divisés autour de la question de leur appartenance ethnique: au recensement de 2011, en termes d'appartenance ethnique, 16 700 habitants se sont déclarés Bunjevci et 47 033 se sont désignés comme des Croates. Autrement dit, les Bunjevci se déclarent soit bunjevci soit croates. Le croate et le bunjevac sont des langues quasi identiques. Au XIVe siècle, les Bunjevci habitaient en Croatie, le long de la côte adriatique. Ils ont émigré vers la Voïvodine où ils sont arrivés au milieu du XVIIe siècle dans le cadre des conflits militaires sous l'empire des Habsbourg.
- Les Gorans
Les Gorans (ou Goranci) sont des Slaves méridionaux résidant dans les Balkans, entre l'Albanie et la Macédoine du Nord et surtout au sud du Kosovo. Ils se sont installés dans cette région dès le VIIIe siècle. Ils sont de confession musulmane depuis la période ottomane. Leur langue, le našenski appartient au groupe des langues slaves du sud et s'apparente au serbe, au macédonien et au bulgare. Fuyant la guerre, de nombreux Gorans se sont réfugiés en Serbie centrale et même en Voïvodine, sans jamais constituer un village où ils seraient en nombre suffisant.
- L'assimilation linguistique
Par ailleurs, les groupes ethniques ne parlent pas tous leur langue ancestrale: par exemple, 76 % des Serbes parlent le serbe, alors que beaucoup de Hongrois, de Slovaques, de Croates, de Tsiganes, etc., ont changé de langue maternelle pour le serbe.
- Les religions
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La majorité absolue de la population de Voïvodine (77,2%) pratique le christianisme orthodoxe. La plupart des adhérents appartiennent à l'Église orthodoxe serbe et un plus petit nombre d'entre eux à l'Église orthodoxe roumaine. Les groupes ethniques, dont les membres sont majoritairement des adeptes du christianisme orthodoxe, sont d'abord les Serbes, puis les Monténégrins, les Roumains, les Roms, les Macédoniens, les Ukrainiens, les Russes, les Grecs, les Valaques, etc. |
Les groupes ethniques dont les membres sont pour la plupart des adhérents de l'Église catholique sont les Hongrois, les Croates, les Bunjevci, les Allemands, les Slovènes, les Tchèques, les Polonais, les Bulgares du Banat, etc. Les chrétiens catholiques sont principalement concentrés dans la partie septentrionale de la Voïvodine, notamment dans les municipalités à majorité ethnique hongroise et dans la ville multiethnique de Subotica et la municipalité multiethnique de Bečej. La population de Subotica, la deuxième plus grande ville de Voïvodine, est catholique à 63%. Les chrétiens protestants représentent 3,3% de la population de Voïvodine. La plupart des Slovaques de souche sont des adeptes du christianisme protestant. Certains membres d'autres groupes ethniques, en particulier les Serbes en termes absolus et les Hongrois et les Allemands en termes proportionnels, sont également des adeptes de diverses formes de christianisme protestant. |
Les groupes ethniques, dont les membres sont pour la plupart des adeptes de l'islam, sont les Albanais, les Gorani, les Bosniaques, les Ashkalis et les Égyptiens. Un plus petit nombre de Roms de souche adhèrent également à l'islam. Avec la conquête ottomane de la région au XVIe siècle, la population catholique a fui la plupart du temps, et pendant la domination ottomane, la population de la région fut principalement composée de chrétiens orthodoxes, certains musulmans vivant dans les villes. À la fin du XVIIe siècle, l'Empire ottoman musulman fut remplacé par la monarchie catholique des Habsbourg et, sous leur régime, de nombreux colons catholiques sont venus s'installer dans la région. Les catholiques sont alors devenus la majorité dans les parties septentrionales de la région, tandis que les chrétiens orthodoxes sont restés majoritaires dans la partie méridionale.
Pour ajouter à la complexité de la population de cette région, la Voïvodine compte aussi 34 organisations religieuses, dont l’Église orthodoxe serbe, l’Église catholique romaine (Hongrois, Croates, Ruthènes), les Églises réformistes et évangélistes slovaques, l’Église orthodoxe roumaine, l’islam des Bosniaques et des Albanais, etc. Néanmoins, ce caractère multiethnique de la Voïvodine a toujours incité les habitants de cette région à pratiquer une cohabitation relativement harmonieuse et une vie multiculturelle relativement riche.
1) Situation générale |
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4) Politiques linguistiques municipales |
5) Bibliographie |