4) La traduction doit être effectuée par un traducteur.
Province autonome de Voïvodine |
Voïvodine 3) Politique linguistique provinciale |
Plan de l'article
1 Les langues
officielles de la province 1.1 La langue serbe et les langues «d'usage officiel» 1.2 Les langues et alphabets officiels de la province autonome 2 Les langues du gouvernement et de l'Assemblée provinciale 2.1 L'adoption des actes généraux 2.2 L'emploi des langues au gouvernement 2.3 Les langues de l'Assemblée provinciale 2.4 Les élections et les bulletins de vote 3 Les langues en matière de justice 3.1 La prédominance du serbe 3.2 Les restrictions dans l'emploi des langues d'usage officiel
|
4 Les
langues de l'administration provinciale 4.1 Les organismes provinciaux et les langues d'usage officiel 4.2 Les pénalités 4.3 Le Protecteur du citoyen 4.4 Les conseils des minorités nationales 5 Les droits linguistiques en éducation 5.1 Les textes juridiques 5.2 Les pratiques en vigueur 5.3 L'enseignement supérieur 5.3 L'enseignement pour les minorités provinciales d'usage officiel 5.4 L'enseignement pour les autres minorités 5.5 L'enseignement supérieur 6 Les langues minoritaires dans les médias 6.1 Les médias écrits 6.2 Les médias électroniques |
La Province autonome de Voïvodine ("Autonomna Pokrajina Vojvodina") dispose d'une autonomie politique au sein de la république de Serbie. Ce territoire est ethniquement diversifié avec plus de 25 groupes ethniques différents représentant un tiers de la population du pays. La province a de ce fait six langues officielles, reflétant sa diversité culturelle et linguistique. La Voïvodine est la seule province autonome de Serbie encore rattachée au pouvoir central, le Kosovo, qui a fait unilatéralement sécession le 17 février 2008, étant devenu de facto indépendant.
Le statut des langues en Serbie, y compris en Voïvodine, est défini dans plusieurs documents importants, dont la Constitution de la république de Serbie (2006), le Statut de la Province autonome de Voïvodine de 2014, la Loi sur l'emploi officiel des langues et des alphabets (1991-2018), la Loi sur l'autonomie locale (2007-2018), la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales (2002-2018), la Loi établissant les compétences de la Province autonome de Voïvodine (2009) et la Loi sur les conseils nationaux des minorités nationales (2009-2018). |
1.1 La langue serbe et les langues «d'usage officiel»
En Serbie, il faut distinguer le statut de la langue serbe, qui est celle de l'État, et celui des langues des minorités nationales appelées les langues «d'usage officiel» ("службеној употреби"). Or, selon que l'on situe au niveau de l'État, de la province autonome ou des municipalités, la politique peut être très différente dans la pratique. L'article 10 de la Constitution de la Serbie (2006) énonce que «le serbe et l'alphabet cyrillique sont d'usage officiel dans la république de Serbie», mais que «l'emploi officiel des autres langues et alphabets est réglementé par la loi»:
Article 10 Langue et alphabet 1) Le serbe et l'alphabet cyrillique sont d'usage officiel dans la république de Serbie. 2) L'emploi officiel des autres langues et alphabets est réglementé par la loi, sur la base de la Constitution. |
Il faut donc comprendre que le serbe est la langue officielle sur tout le territoire de la Serbie, que ce soit en Serbie centrale, dans la province autonome de Voïvodie ou dans n'importe quelle municipalité ou n'importe quel village. Mais ce sont les lois nationales qui réglementent d'abord l'usage officiel des autres langues.
L'article 1er de la Loi sur l'emploi officiel des langues et des alphabets (1991-2018) précise que les langues et les alphabets des minorités nationales sont d'usage officiel, en même temps que la langue serbe, selon les modalités prescrites par la loi :
Article 1er 1) En République de Serbie, la langue serbe est d'usage officiel. 2) En République de Serbie, l’alphabet cyrillique est d’usage officiel ainsi que l’alphabet latin selon les modalités prescrites par la présente loi. 3) Dans les régions de la république de Serbie où résident des membres des minorités nationales, les langues et les alphabets des minorités nationales sont d'usage officiel, en même temps que la langue serbe, selon les modalités prescrites par la présente loi. |
Il existe donc en Serbie d'autres langues officielles en plus du serbe, là où résident des membres des minorités nationales. Dans les faits, cela signifie que la langue d'une minorité nationale doit correspondre à des normes précises pour être reconnue «d'usage officiel».
1.2 Les langues et alphabets officiels de la province autonome
Le Statut de la Province autonome de Voïvodine (2014) constitue la loi suprême en Voïvodine. Elle a été adoptée à la fois par l'Assemblée nationale de Belgrade et par l'Assemblée provinciale de Novi Sad, la capitale provinciale. L'article 24 de cette loi reconnaît six langues officielles dans la province:
Article 24 Langues et alphabets officiels |
L'Assemblée provinciale de Novi Sad reconnaît donc sur le territoire de sa juridiction le serbe, que ce soit avec l'alphabet cyrillique ou latin, ainsi que le hongrois, le slovaque, le croate, le roumain et le ruthène, avec leur alphabet respectif (cyrillique ou latin). Encore une fois, l'emploi des mots «outre la langue serbe et l'alphabet cyrillique» implique une hiérarchie entre les langues co-officielles, le serbe étant plus officiel que les autres. Cela signifie en principe que les toutes les institutions du gouvernement de la Voïvodine sont multilingues: l'Assemblée provinciale, la fonction publique, les entreprises publiques, etc. L'administration provinciale a compétence sur la culture, l'éducation, la politique linguistique, les médias, la santé, les enquêtes sanitaires, l'assurance maladie, les pensions et l'assurance invalide, la protection sociale, la famille, la protection sociale des enfants, l'écologie, l'urbanisme, l'industrie de la construction, l'emploi, l'économie, l'exploitation minière et énergétique, l'agriculture, le tourisme, les sports, etc. Bref, tout ce qui ressort de la juridiction provinciale doit se dérouler en principe dans les six langues officielles.
Le gouvernement de la Voïvodine (en serbe : Влада Војводине / Vlada Vojvodine) est l'organisme exécutif de la Province autonome de Voïvodine au sein de la république de Serbie. Il est composé d'un président, de quatre vice-présidents et de plusieurs ministres. Par ses actions, le gouvernement est responsable devant l'Assemblée provinciale. Les droits et les obligations du gouvernement sont définis par la Constitution de la Serbie et par le Statut d'autonomie de la Province autonome de Voïvodine en tant qu'acte juridique suprême.
2.1 L'adoption des actes généraux
Il faut mentionner que l'Assemblée provinciale, qui n'est pas un État souverain, ne peut pas adopter de lois, lesquelles relèvent de la juridiction exclusive de l'Assemblée nationale de Belgrade. Seul le Parlement serbe a le droit d'adopter des lois et seul le gouvernement serbe a la possibilité de les faire exécuter. L'Assemblée provinciale peut cependant procéder par ordonnance, par décret ou par règlement, à la condition que ces actes soient conformes à la législation de l'État. Cela signifie que les possibilités de régler une question de façon différente dans la province que dans d'autres parties de l'État demeurent très limitées.
Rappelons qu'en Belgique le Parlement de la Communauté française (comme celui de la Communauté flamande et de la Communauté germanophone) ne peut pas adopter des lois, mais des décrets. C'est une situation similaire en Voïvodine qui doit employer le mot serbe одлукa (cyrillique) ou odluka (latin) pour désigner les «actes généraux adoptés par l'Assemblée».
- "Odulka" et ordonnance
Or, «odluka» se traduit normalement en français par «décision». Étant donné que ces actes sont adoptés en six langues, on trouve aussi rendeletet en hongrois, nesenie en slovaque, hotărârea en roumain et, bien sûr, odluka en croate et en ruthène. Tous ces termes signifient généralement «décision» en français, sauf en slovaque («résolution») et en hongrois («règlement»). Le problème, c'est que le mot «décision» en français s'applique mal dans un tel contexte: d'une part, il est très générique; d'autre part, il est restrictif en français lorsqu'il est employé dans une procédure judiciaire pour désigner un jugement pris par un juge. Dans le cas d'une assemblée parlementaire, une décision ne concerne en principe qu'une intervention prise par le président pour diriger l'assemblée.
Pour traduire «odluka» en français, on a le choix des termes entre une «ordonnance», un «décret» ou un «arrêté», le mot «règlement» étant exclus puisque le serbe emploie Пословник ou Poslovnik. Dans le droit des pays francophones (sauf en Belgique), les termes «décret» et «arrêté» ont moins de force juridique que le mot «ordonnance». Ainsi, les ordonnances l'emportent toujours les décrets qui ont préséance sur les arrêtés, mais lorsqu'une ordonnance est ratifiée par une assemblée, elle bénéficie d'une valeur plus élevée, puisqu'elle équivaut à une loi; on pourrait également utiliser les termes «décret-loi». Quoi qu'il en soit, une ordonnance est un acte de gouvernement pris en vertu d'une habilitation législative dans un domaine relevant normalement de la compétence de la loi. Par ailleurs, l'Assemblée provinciale peut demander à l'Assemblée nationale de Belgrade d'adopter une loi particulière s'appliquant uniquement à la Voïvodine.
- Le journal officiel
Les actes généraux doivent être consignés dans le Journal officiel, en vertu de l'article 60 du Statut d'autonomie (2014):
Article 60 Publication |
En somme, quand le terme «Statut» (au singulier) est utilisé dans cet article, il fait référence à la «Constitution interne» de la province; le mot «ordonnance» désigne les actes généraux adoptés par la province à Novi Sad, alors que le terme «loi» désigne un acte juridique réservé à l'Assemblée nationale de Belgrade. Dans tous les cas, ces actes législatifs correspondent en fait à des lois.
2.2 L'emploi des langues au gouvernement
L'article 30 de l'Ordonnance de l'Assemblée provinciale sur le gouvernement provincial (2014) impose l'égalité de l'usage officiel des six langues au sein du gouvernement:
Article 30 1) En plus de la langue serbe et de l'alphabet cyrillique, le gouvernement provincial, dans ses activités, doit assurer l'égalité de l'usage officiel des langues hongroise, slovaque, croate, roumaine et ruthène ainsi que leurs alphabets, conformément à la loi. 2) L'usage officiel des langues et des alphabets des minorités et des communautés nationales visées au paragraphe 1 du présent article implique en particulier le droit d'un membre du gouvernement provincial d'employer sa langue maternelle dans ses interventions, à l'écrit et à l'oral, auprès du gouvernement provincial, ainsi que de soumettre des actes pour cette langue. |
L'Ordonnance de l'Assemblée provinciale sur le gouvernement de la Province autonome de Voïvodine (2010) autorise à l'article 28 tout membre du gouvernement provincial d'employer sa langue maternelle dans ses interventions écrites et orales et de bénéficier des actes aux sessions du gouvernement provincial dans cette langue:
Article 28 1) Dans ses activités, le gouvernement provincial doit assurer l'usage officiel de la langue serbe avec les alphabets cyrillique et latin, ainsi que les langues hongroise, slovaque, croate, roumain et ruthène, avec leurs alphabets respectifs, conformément à la loi, au statut, à l'ordonnance de l'Assemblée provinciale et au Règlement intérieur du gouvernement provincial. 2) L'usage officiel des langues et des alphabets des communautés nationales visées au paragraphe 1er du présent article implique le droit d'un membre du gouvernement provincial d'employer sa langue maternelle dans ses interventions écrites et orales auprès du gouvernement provincial, ainsi que de bénéficier des actes aux sessions du gouvernement provincial dans cette langue. |
L'article 48 du Règlement intérieur du gouvernement provincial (2019) reprend les mêmes dispositions:
Article 48
1) Tout membre du gouvernement provincial a le droit de se faire soumettre les actes des sessions du gouvernement provincial dans une langue dont les activités du gouvernement provincial sont officiellement nécessaires, conformément au statut de la Province autonome de Voïvodine et de l'Assemblée provinciale gouvernement. 2) Tout membre du gouvernement provincial a le droit d’employer sa langue dans ses interventions, à l'écrit et à l'oral, auprès du gouvernement provincial dans le cadre des activités de ce dernier. |
En théorie, tout membre du gouvernement peut effectivement employer n'importe quelle des six langues officielles. Cependant, on ne peut demander aux ministres de maîtriser toutes ces langues. De façon générale, les membres du gouvernement connaissent leur langue maternelle et le serbe, sinon seulement le serbe. Afin de faciliter la communication, le serbe sert de langue pour la communication interethnique entre les membres du gouvernement parlant des langues différentes. Pour un serbophone, l'emploi d'une autre langue au Conseil des ministres peut s'apparenter à de l'irrédentisme linguistique, voire du fanatisme.
2.3 Les langues de l'Assemblée provinciale
En plus de la langue serbe et de l'alphabet cyrillique, les autres langues officielles doivent être employées dans les activités concernant l'Assemblée et les autorités provinciales. C'est ainsi que le nom de la Province autonome de la Voïvodine, en tant que partie constituante de la Serbie, possède six dénominations officielles (correspondant aux six langues officielles):
|
L'article 24 du Statut d'autonomie de 2014 identifie clairement les six langues d'usage officiel:
Article 24 Langues et alphabets officiels |
Les caractères cyrillique et latin sont officiellement reconnus dans toute la Serbie, mais l'emploi des lettres latines est particulièrement important dans la province de Voïvodine pour ses quelque 250 000 Hongrois de souche, ainsi que pour les autres minorités plus petites (slovaque, croate, roumaine, etc.). Bref, les actes généraux adoptés par l'Assemblée provinciale doivent être présentés au Journal officiel à la fois en serbe, en hongrois, en slovaque, en roumain, en croate et en ruthène.
- Les partis politiques
Les partis politiques sont nombreux en Voïvodine. Plusieurs d'entre eux sont des partis politiques nationaux qui bénéficient néanmoins d'un soutien populaire important en Voïvodine: le Parti progressiste serbe ("Srpska napredna stranka"), le Parti socialiste de Serbie ("Socijalistička partija Srbije"), le Parti radical serbe ("Srpska radikalna stranka"), le Parti démocrate ("Demokratska stranka"), etc. Il existe aussi des partis politiques régionalistes qui préconisent généralement une plus grande autonomie de la Voïvodine en Serbie: le Banat Forum, la Ligue des sociaux-démocrates de Voïvodine ("Liga socijaldemokrata Vojvodine"), le Parti de Voïvodine ("Vojvođanska Partija"), le Mouvement Vojvodinian ("Vojvođanski Pokret"), etc.
D'autres partis politiques représentent des minorités nationales en Voïvodine. Le plus important d'entre eux est l'Alliance des Hongrois de Voïvodine (en hongrois: "Vajdasági Magyar Szövetség"; en serbe: "Savez vojvođanskih Mađara"). Ce parti prône une plus grande autonomie pour la Voïvodine tout en préconisant également la création d'une autonomie régionale hongroise ("Mađarska regionalna samouprava"), c'est-à-dire une région autonome distincte dans la partie septentrionale de la Voïvodine. Cette région autonome comprendrait les neuf municipalités du nord de la Voïvodine: Subotica, Bačka Topola, Mali Iđoš, Kanjiža, Senta, Ada, Bečej, Čoka et Novi Kneževac. Le centre administratif de la région serait Subotica, tandis que la région elle-même ferait partie de la Voïvodine et de la Serbie.
On peut aussi mentionner la Communauté démocratique des Hongrois de Voïvodine (en hongrois: "Vajdasági Magyarok Demokratikus Közössége"), le Parti démocratique des Hongrois de Voïvodine (en hongrois: "Vajdasági Magyar Demokrata Párt"), la Ligue démocratique des Croates en Voïvodine (en croate: "Demokratski sait Hrvata u Vojvodini") et le Parti croate-bunjevac-sokac (en croate: "Hrvatsko-bunjevačko-šokačka stranka").
Selon l'article 47 de l'Ordonnance de l'Assemblée provinciale sur l'élection des députés à l'Assemblée de la Province autonome de Voïvodine (2014), les partis politiques des minorités nationales doivent représenter et défendre les intérêts de la minorité nationale et de protéger les droits des personnes appartenant à des minorités nationales:
Article 47 4) Les partis politiques des minorités nationales et les coalitions de partis politiques des minorités nationales participent à la répartition des sièges même lorsqu'ils ont obtenu moins de 5% des voix sur le nombre total d'électeurs qui ont voté. 5) Les partis politiques des minorités nationales doivent être des partis dont l'objectif principal est de représenter et de défendre les intérêts de la minorité nationale et de protéger et d'élargir les droits des personnes appartenant à des minorités nationales, conformément aux normes nationales et internationales. |
- Le droit d'employer n'importe quelle langue officielle:
L'Ordonnance de l'Assemblée provinciale relative à l'Assemblée de la Province autonome de Voïvodine (2014) rappelle les dispositions concernant l'emploi des langues officielles ainsi que le droit d'un député d'utiliser sa langue, ce qui implique un système de traduction simultanée:
Article 8 Dans les activités de l'Assemblée, outre la langue serbe et l'alphabet cyrillique, les langues hongroise, slovaque, croate, roumaine et ruthène et leurs alphabets sont d'usage officiel égal, conformément à la loi. Article 32 Un député a le droit d'utiliser sa langue et son alphabet à l'Assemblée, dont l'usage officiel est déterminé par le Statut, l'ordonnance de l'Assemblée provinciale et le Règlement intérieur. |
D'après le Règlement intérieur de l'Assemblée de la Province autonome de Voïvodine (2018),
Article 3 Dans les activités de l'Assemblée, outre la langue serbe et l'alphabet cyrillique, les langues hongroise, slovaque, croate, roumaine et ruthène et leurs alphabets sont d'usage officiel égal, conformément au Statut. Article 83 |
Il est rare que des règlements limitent le temps de parole des parlementaires en fonctions de la langue employée, mais tel est le cas ici.
Les articles 208 et 209 du Règlement intérieur de l'Assemblée de la Province autonome de Voïvodine (2018)
Article 208 1) Tout député a le droit de soumettre une demande aux services de l'Assemblée dans les 30 jours à compter du jour de la confirmation du mandat afin que les documents de la session de l'Assemblée et du comité lui soient soumis dans l'une des langues de la minorité ou de la communauté nationale minoritaire, conformément à l'article 3 du règlement. 2) Le député qui a présenté la demande visée au paragraphe 1 du présent article a le droit d'utiliser la langue choisie dans les travaux du comité. Article 209 |
Étant donné que les serbophones sont majoritaires à l'Assemblée provinciale, leur langue est beaucoup plus employée, et ce, d'autant plus que certains parlementaires non serbes n'hésitent pas à employer cette langue dans leurs interventions. Les actes généraux de l'Assemblée sont rédigés en serbe, puis traduits dans les autres langues, mais ils sont généralement promulgués en même temps.
Il existe en Voïvodine un Service de traduction (en serbe cyrillique: Преводилачка служба; en serbe latin: "Prevodilačka služba") qui traduit dans les langues minoritaires d'usage officiel les règlements, les ordonnances, les décrets, etc., bref les actes publiés dans le Journal officiel, ainsi que les bulletins et publications de l'Assemblée provinciale et ceux du gouvernement de la Voïvodine. En outre, une traduction simultanée est automatiquement offerte aux séances de l'Assemblée provinciale et des rassemblements internationaux ; ce service est aussi prévu lors des communications interrégionales.
Les unités internes du Service de traduction sont les suivantes: le Département de langue hongroise, le Département de langue slovaque, le Département de langue roumaine et le Département de langue ruthène. Il faut ajouter aussi le Service de relecture, croate et anglais.
2.4 Les élections et les bulletins de vote
Au moment des élections des députés à l'Assemblée provinciale, les bulletins de vote doivent être préparés en fonction des langues d'usage officiel, là où les municipalités les reconnaissent. C'est la prescription de l'article 36 de l'Ordonnance de l'Assemblée provinciale sur l'élection des députés à l'Assemblée de la Province autonome de Voïvodine (2014):
Article 36 1) Les bulletins de vote sont préparés et certifiés par la Commission électorale provinciale. 6) Pour les municipalités où les langues et les alphabets des minorités nationales sont d’usage officiel, les bulletins de vote doivent être imprimés en format bilingue ou multilingue. |
En somme, le multilinguisme est une réalité dans un domaine qui est entièrement contrôlé par le gouvernement.
D'ailleurs, l'article 7 du Statut d'autonomie (2014) déclare que le multilinguisme est une valeur d'une importance particulière pour la Provence autonome de Voïvodine:
Article 7 Multilinguisme, multiculturalisme et liberté de religion |
De fait, le caractère multiethnique de la Voïvodine différencie la province du reste de la Serbie. Celle-ci compte 212 municipalités, dont 167 en Serbie centrale et 45 en Voïvodine. Sur ces 45 municipalités de Voïvodine, 41 peuvent être considérées comme multiethniques et multilingues, ce qui signifie que plus de 5% de la population locale totale appartient à un groupe minoritaire ou que toutes les minorités représentent ensemble plus de 10% de la population locale. En revanche, le nombre de municipalités réellement multiethniques en Serbie centrale n'est que de 11 sur 167.
Selon la Constitution nationale, le système judiciaire de la Serbie se compose de tribunaux de juridiction générale et de tribunaux de juridiction spéciale. La législation prévoit que les tribunaux de compétence générale sont les tribunaux de base, les tribunaux supérieurs, les cours d'appel et la Cour suprême de cassation. Les tribunaux de première instance sont établis sur le territoire d'une ville, c'est-à-dire dans une municipalité. Conformément à la Loi sur les sièges et les territoires des tribunaux et des parquets, il existe 34 tribunaux de base sur le territoire de la République. Les affaires pénales pour des crimes passibles de peines de dix ans d'emprisonnement au maximum et les affaires civiles impliquant des différends entre des personnes physiques vivant soit dans une seule municipalité soit dans un petit groupe de municipalités sont entendues par les tribunaux de base.
En Voïvodine, les tribunaux de base sont dans les municipalités de Novi Sad, de Kikinda, de Pančevo, de Subotica et de Vršac. Les affaires portées en appel devant les tribunaux supérieurs et occasionnellement devant les tribunaux de base sont entendues par la cour d'appel à Novi Sad.
3.1 La prédominance du serbe
L'article 6 de la Loi sur la procédure civile (2011-2020) prescrit le serbe et l'alphabet cyrillique dans toute procédure civile, ce qui n'interdit pas d'autres langues, selon les modalités prévues par la loi:
Article 6 1) La langue serbe et l'alphabet cyrillique sont utilisés officiellement dans la procédure civile. D'autres langues et alphabets sont officiellement utilisés conformément à la loi. |
L'article 96 privilégie nettement l'emploi du serbe dans les assignations, les décisions et tout autre document judiciaire, mais l'article 97 concernant «la langue officielle en usage au tribunal» n'exclut pas qu'une autre langue puisse être «d'usage officiel» dans certains tribunaux :
Article 96 1) Les assignations, les décisions et tout autre document judiciaire doivent être transmis en serbe aux parties et aux autres participants à la procédure. Article 97 |
3.2 Les restrictions dans l'emploi des langues d'usage officiel
Les tribunaux municipaux et les tribunaux de district peuvent employer une langue minoritaire dans le cadre de la procédure pénale ou civile si leur juridiction comprend au moins une localité où cette langue est d'usage officiel. Par exemple, si aucune municipalité n'a le romani parlé par les Roms comme langue d'usage officiel, cette langue ne peut être acceptée au tribunal, sauf par le moyen de la traduction.
- Le recours à la traduction
Dans le Code de procédure pénale (2011-2014), l'article 11 énonce que «la langue serbe et l'alphabet cyrillique sont d'usage officiel dans la procédure, ainsi que les autres langues et alphabets d'usage officiel qui sont conformes à la Constitution et à la loi», ce qui laisse entendre la traduction pour les autres langues:
Article 11
Langue et alphabet dans la procédure 3) Les parties, les témoins et toute autre personne participant à la procédure ont le droit d'utiliser leur langue et leur alphabet pendant la procédure, et si celle-ci ne se déroule pas dans leur langue et si, après avoir reçu des instructions sur le droit à la traduction, ils ne déclarent pas connaître la langue dans laquelle est menée la procédure; et s'ils renoncent au droit à la traduction, ils se verront responsables des frais financiers qu'ils représentent ainsi que la traduction des documents et des autres preuves écrites.
4) La traduction doit être effectuée par un traducteur. |
Les articles 108 et 110 du Règlement de la cour (2009-1019), un règlement du gouvernement central, résument bien la procédure judiciaire en usage:
Article 108 1) La procédure judiciaire peut se dérouler dans la langue d'une minorité nationale, si la langue de la minorité nationale est d'usage officiel au tribunal, conformément à la réglementation particulière. 2) Si la procédure judiciaire ne se déroule pas dans la langue d'une minorité nationale et qu'en plus de la langue serbe la langue de la minorité nationale est également d'usage officiel au tribunal, les documents écrits sont remis sur demande au membre de la minorité nationale dans sa langue. 3) Dans les autres cas, les dispositions d’une loi spéciale régissant l’usage officiel des langues et des alphabets s’appliquent. 4) La traduction des mémoires et des documents soumis au tribunal dans les langues des minorités nationales doit être effectuée par un traducteur. Article 110 1) Les tribunaux doivent coopérer et se fournir mutuellement une assistance judiciaire dans une langue qui est d'usage officiel au tribunal. |
- Les tribunaux de première instance
D'après la législation serbe, les langues des minorités nationales sont acceptées dans les tribunaux de première instance, mais le juge n'est pas tenu de comprendre la langue minoritaire, à moins que celle-ci soit d'usage officiel. Cela signifie que la procédure judiciaire doit se dérouler dans la langue qui est employée officiellement par le tribunal. Quand il s'agit d'une langue minoritaire, les parties, les témoins et les autres participants à la procédure ont le droit d'employer cette langue et de recevoir les convocations, les décisions et autres communications rédigées dans cette langue.
Le tableau ci-contre indique le nombre de juges appartenant à une minorité nationale. Par exemple, il y a 17 juges qui sont hongrois et un juge ruthène. Au total, on ne compte que 24 juges, dont 15 bilingues, mais pour deux langues seulement, le hongrois et le ruthène. Ce qui surprend, c'est que des juges soient unilingues dans une langue minoritaire en Voïvodine (en macédonien, en roumain, en slovaque et en croate).
Langue maternelle
minoritaire des jugesNombre
de jugesJuges bilingues
en Voïvodine
Hongrois (Voïvodine)
17
14
Ruthène (Voïvodine)
1
1
Macédonien (Voïvodine)
0
0
Roumain (Voïvodine)
2
0
Slovaque (Voïvodine)
2
0
Croate (Voïvodine)
2
0
Monténégrin (Voïvodine)
0
0
Tchèque (Voïvodine)
0
0
Total
24
15 À la demande d'une partie, la procédure se déroule en serbe, mais une interprétation consécutive des déclarations de l'accusé et la traduction des pièces et des éléments de preuve écrits sont assurées. Le coût de la traduction et de l'interprétation est sous la responsabilité de l'État. Mais la procédure peut avoir lieu dans une langue minoritaire uniquement en première instance, tandis qu'en appel la procédure se déroule obligatoirement en serbe. Certes, les autorités serbes encouragent les parties à employer les langues et les alphabets minoritaires devant les tribunaux, mais ils favorisent en même temps l'usage de la traduction.
- Les mesures de dissuasion
Selon les représentants des communautés employant des langues minoritaires, les autorités judiciaires n'informent pas toujours les accusés du droit d'employer leur langue, car elles insistent plutôt de façon systématique pour employer le serbe. Il semble que l'emploi des langues minoritaires devant les instances judiciaires ait reculé ces dernières années. Il faut mentionner que les justiciables d'une langue minoritaire ne sont guère encouragés à employer leur langue, car dans bien souvent ils peuvent même être découragés de la faire. Dans les faits, les parties à une cause sont dissuadées d'employer leur langue dans la mesure où le juge doit traduire les propos et les décisions en serbe. Il faut signaler également le manque de ressources humaines, comme du personnel polyglotte, sans oublier les restrictions financières.
- Un accès très limité
Afin de remédier à ce problème, les autorités de la Voïvodine ont organisé de nombreux séminaires sur l'emploi du hongrois et du roumain par les instances judiciaires, puis d'autres séminaires ont été prévus pour d'autres langues (slovaque, ruthène, croate). Dans les faits, le hongrois est parfois employé dans les tribunaux de Novi Sad, de Pančevo et de Subotica, mais en l'absence de mesures d'incitation le hongrois demeure peu utilisé, même avec des juges hongrois. Sur un total d'environ 700 procès par année, seule une trentaine d'entre eux ont lieu en hongrois, contre un seul en roumain et un seul en monténégrin. Les autres langues n'ont pas fait l'objet d'un quelconque emploi dans les tribunaux, que ce soit en slovaque, en croate ou en ruthène. Tout au plus, les tribunaux de la Voïvodine acceptent que des documents officiels rédigés dans une langue minoritaire, tels le hongrois, le slovène, le croate, le ruthène ou le roumain, soient recevables en cour.
La Province autonome de Voïvodine a juridiction sur les organismes de l'administration publique, les entreprises publiques ainsi que les institutions et les services créés pour l'ensemble du territoire de la Voïvodine. L'administration est donc responsable d'émettre des documents publics et autres documents présentant un intérêt pour l'exercice des droits des citoyens prévus par la loi, mais aussi de l'usage de la langue dans le domaine de l'économie et des services, la rédaction de noms de lieux, des autres noms géographiques, les noms de places et de rues, les noms des organismes, des organisations et des sociétés, les avis et les avertissements destinés au public ainsi que l'impression d'autres panneaux publics. De cela, il faut comprendre que l'administration provinciale ne peut intervenir dans la juridiction des municipalités qui ont leur propre administration et leurs compétences exclusives.
4.1 Les organismes provinciaux et les langues d'usage officiel
L'Ordonnance de l'Assemblée provinciale sur l'administration provinciale (2014) énonce que les langues officielles doivent être employées par les organismes de la province:
Article 18 Article 19 |
L'article 2 de l'Ordonnance sur la réglementation plus proche de certaines questions relatives à l'usage officiel des langues et des alphabets des minorités nationales sur le territoire de la Province autonome de Voïvodine (2010) précise qu'un membre d'une minorité nationale peut s'adresser aux organismes provinciaux, à l'oral et à l'écrit, dans sa langue maternelle et son alphabet, qui sont d'usage officiel sur le territoire de cet organisme:
Article 2 1) Tout membre d'une minorité nationale peut s'adresser aux organismes visés à l'article 1er de la présente ordonnance, à l'oral et à l'écrit, dans sa langue maternelle et son alphabet, qui sont d'usage officiel sur le territoire de cet organisme. 2) Les organismes visés à l'article 1er de la présente ordonnance acceptent comme valides les soumissions, les documents et tout autre document des citoyens rédigés dans la langue et l'alphabet des minorités nationales, qui sont d'usage officiel sur le territoire de cet organisme. |
- En format bilingue
L'article 4 de l'Ordonnance sur la réglementation plus proche de certaines questions relatives à l'usage officiel des langues et des alphabets des minorités nationales sur le territoire de la Province autonome de Voïvodine (2010) stipulent que les registres, les formulaires et autres documents publics doivent être imprimés en format bilingue, en serbe et dans la langue de chaque minorité nationale dont la langue est d’usage officiel:
Article 4 1) Dans les secteurs où les langues des minorités nationales sont également d’usage officiel, les registres prescrits par les autorités compétentes doivent être dans la langue de la minorité nationale. 2) Les certificats d'éducation approuvés, lorsque les cours sont offerts dans la langue d'une minorité nationale, et d'autres documents publics, ainsi que ceux présentant un intérêt pour l'exercice des droits des citoyens établis par la loi et d'autres règlements, et qui sont émis sur la base des registres visés au paragraphe 1 du présent article, à la demande d'un membre d'une minorité nationale, doivent également être formulée dans sa langue. 3) Les formulaires des documents publics, ainsi que les formulaires des registres pour les besoins des secteurs dans lesquelles les langues des minorités nationales sont d’usage officiel, doivent être imprimés en format bilingue, en serbe et dans la langue de chaque minorité nationale dont la langue est d’usage officiel. 4) Un employé d'un organisme qui émet un acte public est tenu d'indiquer à un membre d'une minorité nationale son droit de demander que l'acte public soit présenté dans les deux langues, c'est-à-dire en serbe et dans la langue et l'alphabet de la minorité nationale, sur un formulaire imprimé en deux langues. |
- La facturation
L'article 5 de l'Ordonnance sur la réglementation plus proche de certaines questions relatives à l'usage officiel des langues et des alphabets des minorités nationales sur le territoire de la Province autonome de Voïvodine (2010) oblige les organismes qui facturent des services à la population dans le domaine de l'électricité, du gaz naturel, des services publics, de la poste et du télégraphe, etc., à offrir leurs services dans les langues des minorités nationales d'usage officiel:
Article 5 Dans les secteurs où les langues des minorités nationales sont d'usage officiel, les organismes visés à l'article 1er de la présente ordonnance qui fournissent et facturent des services aux citoyens dans le domaine de l'électricité, du gaz naturel, des services publics, de la poste et du télégraphe, ou fournissent aux utilisateurs de leurs services et produits des formulaires de facturation, divers certificats et avis concernant leurs services, ils doivent être dans un format multilingues en langue serbe et dans la ou les langues des minorités nationales d'usage officiel. |
- Les panneaux de signalisation
La même ordonnance doit s'appliquer aux panneaux de signalisation, aux noms de lieux, aux avis et avertissements au public, et avec la même forme et taille de police qu'en serbe:
Article 6 1) Dans les secteurs où les langues des minorités nationales sont d’usage officiel, les noms de lieux et les autres noms géographiques, les noms des rues et des places, les noms des organismes visés à l’article 1er de la présente ordonnance, les panneaux de signalisation, les avis et les avertissements au public et d’autres inscriptions publiques doivent également être imprimés dans la langue et l'orthographe de la minorité nationale en question, selon sa tradition. 2) Les noms visés au paragraphe 1er du présent article doivent être rédigés après le texte en langue serbe ci-dessous ou à droite de celui-ci, sous la même forme et avec la même taille de police. |
- Le nombre de locuteurs par langue
Le tableau suivant (source: Secrétariat provincial de l'éducation, de la réglementation, de l'administration et des minorités nationales) indique le nombre de locuteurs par langue officielle en Voïvodine:
Nombre total d'employés (6774) | Autorités de la PA de Voïvodine (1180) | Administrations locales (5594) | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Étant donné que les Serbes représentent 66,7 % de la population en Voïvodine, ils sont forcément surreprésentés dans les emplois de la fonction publique, des autorités provinciales et des administrations locales (municipalités), avec respectivement 77,8 %, 88,9 % et 75,4 %. Lorsque la langue d'une minorité nationale est d'usage officiel, la plupart réussissent à recevoir les documents administratifs dans leur langue. Si la langue d'une minorité nationale n'est pas d'usage officiel sur le territoire de l'autorité responsable de la procédure administrative, celle-ci ne peut se dérouler dans cette langue.
4.2 Les pénalités
La province de Voïvodine a prévu des pénalités dans son Ordonnance sur la réglementation plus proche de certaines questions relatives à l'usage officiel des langues et des alphabets des minorités nationales sur le territoire de la Province autonome de Voïvodine (2010):
Article 13 2) Pour le délit visé au paragraphe 1er du présent article, la personne responsable de la personne morale est également condamnée à une amende de 50 à 5000 dinars. |
Une amende de 1000 dinars équivaut à 8,53 € (ou 10,46 $US), mais 100 000 dinars correspondent à 852 € (ou 1044,47 $US). Une amende de 50 dinars, c'est peu de chose: 0,47 € (ou 0,53 $US). Quant à 5000 dinars, ce sont 42,6 € (ou 52,2 $US). Il faut savoir que l'article 1er de cette ordonnance concerne l'usage officiel des langues et des alphabets des minorités nationales sur le territoire de la Province autonome de Voïvodine: l'administration publique, les entreprises publiques, les institutions publiques, le droit d'utiliser son nom personnel, les documents publics, l'usage de la langue dans le domaine de l'économie et des services, la rédaction de noms de lieux, la publication des appels publics, les avis et les avertissements destinés au public ainsi que l'impression d'autres panneaux publics, etc. L'article 4 de l'ordonnance mentionne l'approbation des certificats d'éducation, ainsi que les registres, les formulaires qui doivent être imprimés en format bilingue, en serbe et dans la langue de chaque minorité nationale dont la langue est d’usage officiel. L'article 5 oblige les organismes publics à facturer leurs services aux citoyens en format multilingue au besoin, ce qui inclut les domaines de l'électricité, du gaz naturel, de la poste et du télégraphe, etc.
4.3 Le Protecteur du citoyen
Le Protecteur provincial du citoyen (ou Médiateur) est un organisme indépendant de la province autonome, qui veille aux droits des citoyens et supervise les activités de l'administration provinciale. L'Ordonnance de l'Assemblée provinciale sur le Protecteur provincial des citoyens (2014) énonce ce qui suit à propos des minorités nationales:
Article 21
1) Le Médiateur soumet à l'Assemblée un rapport annuel régulier qui contient des données sur les activités de l'année précédente, des données sur les lacunes constatées dans les activités des organismes administratifs, donne une évaluation générale des activités des organismes administratifs du point de vue de l'application de la réglementation et des propositions pour améliorer la situation des citoyens. 3) Le rapport contient des sections spéciales pour les domaines des droits des minorités nationales, des droits des enfants et des droits fondés sur l'égalité des sexes. Des parties spéciales du rapport sont rédigées par des médiateurs adjoints. Article 29 |
Sur papier, les droits linguistiques des minorités nationales en matière administrative semblent exemplaires. Dans la pratique, ces services sont plus aléatoires lorsque l'une des six langues officielles n'est pas reconnue par une municipalité. Plus précisément, la qualité des services peut varier en fonction du nombre de locuteurs d'une langue donnée dans une municipalité. Évidemment, tous les services sont assurés en serbe et en hongrois; ils peuvent être moindres en slovène, en croate, en roumain ou en ruthène. Ils seront relativement adéquats si ces langues sont aussi d'usage officiel dans une municipalité.
4.4 Les conseils des minorités nationales
Par l'article 18 de la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales, l'État a créé le Conseil des minorités nationales afin de préserver, de promouvoir et de protéger les particularités nationales, ethniques, religieuses, linguistiques et culturelles des membres appartenant à des minorités nationales:
Article 18 (2018) Le Conseil des minorités nationales 2) Les tâches du Conseil sont les suivantes: suivre et examiner l'état de réalisation des droits des minorités nationales et l'état des relations interethniques en république de Serbie; proposer des mesures pour promouvoir l'égalité pleine et effective des membres appartenant à des minorités nationales; surveiller la réalisation de la coopération des minorités nationales avec les organismes de l'État, ainsi qu'avec les organismes de la province autonome et des collectivités locales; examiner les conditions de travail des conseils nationaux des minorités nationales et proposer des mesures dans ce domaine; surveiller la mise en œuvre des obligations internationales de la république de Serbie dans le domaine de l'exercice des droits des membres appartenant à des minorités nationales; examiner les accords internationaux relatifs à la situation des minorités nationales et à la protection de leurs droits au cours de leur conclusion; examiner les projets de loi et les autres règlements relatifs à l'exercice des droits des minorités nationales, donner un avis au gouvernement et confirmer les symboles, les signes et les jours fériés des minorités nationales, sur proposition des conseils nationaux des minorités nationales. |
Cette loi est complétée par la Loi sur les conseils nationaux des minorités nationales (2009-2018). On lit à l'article 2 que les membres des minorités nationales de la république de Serbie peuvent élire leurs conseils nationaux afin d'exercer leur droit à l'autonomie dans les domaines de la culture, de l'éducation, de l'information et de l'usage officiel de la langue et de l'alphabet:
Article 2 1) Afin d'exercer leur droit à l'autonomie dans les domaines de la culture, de l'éducation, de l'information et de l'usage officiel de la langue et de l'alphabet, les membres des minorités nationales de la république de Serbie peuvent élire leurs conseils nationaux. 2) Le Conseil national, qui représente une minorité nationale dans les domaines de l'éducation, de la culture, de l'information et de l'usage officiel de la langue et de l'alphabet d'une minorité nationale, participe au processus décisionnel ou décide des problèmes dans ces domaines. 3) Le Conseil national peut créer des institutions, des entreprises et d'autres organisations dans les régions visées au paragraphe 2 du présent article, conformément à des lois spéciales. |
Les conseils des minorités nationales fonctionnent un peu comme des «assemblées ethniques», mais ce ne sont pas des organismes publics de l'État: ils ne font pas partie d'une administration locale tout en étant dans l'obligation de respecter la réglementation nationale. Les conseils des minorités nationales n'ont aucun pouvoir législatif et leur participation à l'exécution reste également limitée; ils doivent respecter les lois nationales et, en Voïvodine, les ordonnances provinciales. D'ailleurs, selon la législation en vigueur, les conseils des minorités ne peuvent que «proposer» des mesures aux autorités compétentes, sauf si la langue de la minorité nationale est d'usage officiel dans une municipalité en ce qui concerne les noms des entités géographiques en plus de ceux en serbe. Dans ces circonstances, les conseils ont de réels pouvoirs.
En réalité, les conseils nationaux demeurent un élément très important forum de prise de décision des minorités, car il n'y a pas d'autres organismes au sein duquel les intérêts d'une minorité nationale seraient représentés de manière professionnelle et adéquate. L'État serbe a voulu ainsi réglementer la situation de nombreuses minorités nationales vivant dispersées dans l'ensemble du territoire de la Serbie centrale, et non seulement en Voïvodine, au moyen d'une forme d'autonomie limitée à un territoire municipal ou à un village. La manière la plus importante dont les conseils nationaux peuvent influencer à l'heure actuelle la vie des membres des minorités concerne la gestion des institutions dans les domaines de l'éducation, de la culture et des médias. Ce n'est pas rien!
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Le tableau ci-contre présente la liste des 15 conseils nationaux des minorités nationales sur le territoire de la Voïvodine. La Serbie compte 22 conseils nationaux, donc 15 juste en Voïvodine. Les autres conseils concernent les Bulgares, les Bosniaques, les Albanais, les Valaques, les Russes, les Polonais. Selon la loi, le Conseil exécutif de l'Association des municipalités juives de Serbie remplit la fonction de conseil national.
La loi reconnaît le conseil des minorités comme une forme d'autonomie et comme un droit collectif, le tout rendu possible par l'élection des conseils des minorités nationales. Les membres des conseils nationaux sont élus lors d'élections démocratiques, libres et secrètes ou au moyen d'élections par assemblée électorale. Les Ashkalis forment une minorité ethnique qui, à l'origine, vivaient au Kosovo, en Albanie, en Macédoine du Nord et au Monténégro. Ce sont des albanophones musulmans et jadis nomades : ils sont considérés comme des «Roms albanisés», mais eux-mêmes s'affirment comme des Égyptiens installés dans les Balkans à l'époque ottomane. Pendant la guerre du Kosovo, les Roms albanisés de cette ancienne province de la Serbie ont été déplacés et certains se sont réfugiés en Serbie centrale, mais aussi en Voïvodine, mais d'autres ont choisi la Macédoine du Nord ou le Monténégro. |
À l’heure actuelle, les conseils nationaux des minorités restent les seuls organismes où les intérêts des minorités nationales sont représentés de manière professionnelle et adéquate. On compte 20 conseils des minorités nationales depuis 2010, mais 15 ont leur siège en Voïvodine. En raison des normes traditionnellement plus élevées du régime de protection des minorités en Voïvodine que dans le reste de la Serbie, le fait que le siège d'un conseil national des minorités soit situé sur le territoire de la Province autonome de Voïvodine fait une différence importante. Dans de nombreux cas, le lieu du siège détermine si le conseil pourra coopérer avec les organismes provinciaux sur les questions d'éducation, de culture ou d'information publique plutôt qu'avec l'État serbe. En outre, les conseils nationaux qui ont leur siège sur le territoire de la province peuvent compter sur plus de ressources financières; ajoutons aussi qu'il est plus facile pour les conseils nationaux de coopérer avec les organismes provinciaux parce que ces derniers sont généralement plus flexibles et plus ouverts aux négociations qu'avec l'État serbe.
L’accès aux écoles dans les langues des minorités est régi par la Constitution de la Serbie (2009), le Statut d'autonomie de la Voïvodine (2014) et les lois scolaires telles que la Loi sur les fondements du système d'éducation et de formation (2017), la Loi sur l'enseignement primaire, la Loi sur l'enseignement secondaire, la Loi sur l'enseignement supérieur et la Loi sur l'université (1998), auxquelles il faut ajouter la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales (2002), la Loi établissant les compétences de la Province autonome de Voïvodine et Ordonnance de l'Assemblée provinciale sur la réussite de l'examen d'admission ou de l'examen pour tester l'aptitude et la capacité de s'inscrire dans un établissement d'enseignement supérieur dans les langues des communautés nationales (2013). Tous ces documents juridiques sont là pour attester hors de tout doute que les enfants des membres des minorités nationales ont le droit de recevoir leur instruction primaire, secondaire et supérieure dans leur langue maternelle.
Rappelons aussi que les activités pédagogiques pour les membres des minorités nationales peuvent être effectuées de trois manières:
1. les cours généraux sont donnés dans une langue minoritaire;
2. les cours sont donnés en deux langues, en serbe et dans une langue minoritaire;
3. les cours sont donnés en serbe langue seconde et dans le programme facultatif «Langue maternelle avec des éléments de culture nationale».
5.1 Les textes juridiques
L'article 71 Constitution de la Serbie rend obligatoire et gratuit l'enseignement primaire, mais l'enseignement secondaire n'est pas obligatoire bien qu'il soit également gratuit:Article 71 Le droit à l'éducation 1) Chacun a droit à l'éducation. |
- Le droit à la langue minoritaire
L'article 5 de la Loi sur les fondements du système d'éducation et de formation (2017) prévoit que les activités pédagogiques doivent se dérouler en serbe, mais qu'elles peuvent être effectuées soit dans la langue d'une minorité nationale, soit à la fois en serbe et dans une langue minoritaire, soit dans une langue étrangère et en serbe et/ou dans une langue minoritaire, soit dans la langue des signes:
Article 5
Emploi de la langue 1) Les activités pédagogiques doivent se dérouler en langue serbe et en alphabet cyrillique (ci-après: la langue serbe). 4) Les activités pédagogiques peuvent être effectuées dans une langue étrangère, c'est-à-dire bilingues, soit dans une langue étrangère et en serbe, soit dans une langue étrangère et dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale, conformément à la présente loi et à une loi spéciale. 5) Les activités pédagogiques pour une personne qui utilise la langue des signes, c'est-à-dire une lettre spéciale ou d'autres solutions techniques, peuvent être effectuées dans la langue des signes et au moyen de cette langue. 6) Lorsque l'enseignement est donné dans la langue d'une minorité nationale, une langue étrangère ou de façon bilingue, l'apprentissage de la langue serbe est obligatoire. |
Article 13 L'éducation dans la langue maternelle |
Article 5 Emploi de la langue 1) Les activités pédagogiques doivent se dérouler en langue serbe. 2) Pour les membres d'une minorité nationale, les activités pédagogiques se déroulent dans la langue de la minorité nationale et peut également se dérouler à la fois dans la langue de la minorité nationale et en serbe, si au moins 50% des parents ou un autre représentant légal des enfants en font la demande. |
Article 12 La langue d'enseignement dans les activités pédagogiques 1) Les activités pédagogiques doivent se dérouler en serbe et en alphabet cyrillique. 2) Pour les membres d'une minorité nationale, les activités pédagogiques se déroulent dans la langue et l'alphabet de la minorité nationale.
3) Exceptionnellement, pour les membres d'une minorité nationale, les activités pédagogiques
peuvent se dérouler de façon bilingue
à la fois dans la langue et l'alphabet de la minorité nationale et en serbe.
4) Lorsque les activités pédagogiques se déroulent dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale, donc de façon bilingue dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale et en serbe, le Ministère responsable de l'éducation (ci-après: le Ministère), après avoir recueilli l'avis du Conseil national compétent qui donne son consentement pour effectuer les activités pédagogiques pour moins de 15 élèves inscrits en première année. Si le Conseil national d'une minorité nationale ne rend pas d'avis dans les quinze jours à compter de la réception de la demande, l'avis est réputé avoir été donné.
5) Lorsque
les activités pédagogiques se déroulent en langue serbe, l'enseignement de la langue de la minorité nationale avec des éléments de culture nationale est organisé pour les élèves appartenant à la minorité nationale sous forme de programme facultatif.
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Ou bien l'enseignement est offert dans une langue minoritaire, ou bien il est donné en format bilingue avec le serbe, ou alors en serbe langue seconde avec le programme facultatif «Langue maternelle avec des éléments de culture nationale».
- Le serbe obligatoire comme langue seconde
Les élèves fréquentant les établissements des minorités nationales doivent néanmoins apprendre le serbe comme langue seconde. L'article 15 de la
Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales précise que les membres appartenant aux minorités nationales ont le droit de créer et de maintenir des écoles privées ou des universités, dans lesquelles l'enseignement est offert soit uniquement dans la langue d'une minorité nationale, soit de façon bilingue. Les organisations locales et étrangères, les fondations et les individus peuvent participer au financement de l'éducation dans les langues des minorités nationales, conformément à la loi. Il reste à voir maintenant ce qu'il en est dans la pratique.L'article 11 de la Loi sur l'emploi officiel des langues et des alphabets (2018) énonce que dans les collectivités locales où le nombre de membres d'une certaine communauté nationale est supérieur à 15%, leur langue et leur écriture doivent être en usage officiel:
Article 11 1) Sur le territoire d'une unité d'autonomie locale où résident traditionnellement des membres des minorités nationales, leur langue et leur alphabet peuvent être d'usage officiel égal. 2) L'unité d'autonomie locale introduit obligatoirement la langue et l'alphabet de la minorité nationale dans un usage officiel égal par ses statuts si le pourcentage des membres de cette minorité nationale dans la population totale de son secteur atteint 15% selon les résultats du dernier recensement. |
- Les compétences de la province en éducation
La province autonome dispose de compétences particulières en matière d'éducation. L'article 33 de la Loi établissant les compétences de la Province autonome de Voïvodine (2009) précise ce qui suit concernant les minorités nationales :
Article 33 Enseignement et éducation préscolaire et primaire
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En somme, la Voïvodine possède des pouvoirs importants à l'égard des membres des nombreuses minorités nationales sur son territoire.
- L'enseignement en serbe «avec des éléments de culture nationale»
L'article 12 de la Loi sur l'enseignement primaire (2008) est particulièrement important en ce qui concerne les plus petites communautés; le paragraphe 5 prévoit que lorsque les activités pédagogiques se déroulent en serbe langue seconde, il est possible d'introduire un «programme facultatif» pour un enseignement de la langue d'une minorité nationale «avec des éléments de culture nationale»:
Article 12
La langue d'enseignement dans les activités pédagogiques 1) Les activités pédagogiques doivent se dérouler en serbe et en alphabet cyrillique. 2) Pour les membres d'une minorité nationale, les activités pédagogiques se déroulent dans la langue et l'alphabet de la minorité nationale. 3) Exceptionnellement, pour les membres d'une minorité nationale, les activités pédagogiques peuvent se dérouler de façon bilingue à la fois dans la langue et l'alphabet de la minorité nationale et en serbe.
4) Lorsque les activités pédagogiques se déroulent dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale, donc de façon bilingue dans la langue et l'alphabet d'une minorité nationale et en serbe, le Ministère responsable de l'éducation (ci-après: le Ministère), après avoir recueilli l'avis du Conseil national compétent qui donne son consentement pour effectuer les activités pédagogiques pour moins de 15 élèves inscrits en première année. Si le Conseil national d'une minorité nationale ne rend pas d'avis dans les quinze jours à compter de la réception de la demande, l'avis est réputé avoir été donné. 5) Lorsque les activités pédagogiques se déroulent en langue serbe, l'enseignement de la langue de la minorité nationale avec des éléments de culture nationale est organisé pour les élèves appartenant à la minorité nationale sous forme de programme facultatif. |
Pour les membres de la minorité nationale, l'enseignement des matières peut ainsi être donné en serbe, mais en tant que langue seconde (ou langue non maternelle), accompagné d'un enseignement facultatif dans une langue minoritaire «avec des éléments de culture nationale» dès la première année. Des mesures identiques sont prévues dans la Loi sur l'enseignement secondaire. Dans ce genre de programme, l'enseignement est offert en serbe avec l'alphabet cyrillique. Pour les membres d'une minorité nationale, l'enseignement est effectué dans les deux langues, en serbe et dans la langue de la minorité nationale donnée, si au moins 15 élèves choisissent cette option lors de leur inscription.
Au cours de l'année scolaire 2014-2015, l'option «Langue maternelle avec des éléments de la culture nationale» comptait dans toute la Serbie 216 écoles primaires, 425 classes pour 6889 élèves dans 12 langues des minorités nationales : bosniaque, bulgare, valaque, hongrois, macédonien, romani, roumain, ruthène, slovaque, ukrainien, croate, tchèque et bunjevac.
- L'enseignement supérieur
En ce qui concerne les établissements d'enseignement supérieur, l'Ordonnance de l'Assemblée provinciale sur la réussite de l'examen d'admission ou de l'examen pour tester l'aptitude et la capacité de s'inscrire dans un établissement d'enseignement supérieur dans les langues des communautés nationales (2013) prescrit un examen pour évaluer les aptitudes et les capacités des candidats et candidates dans la langue de la minorité nationale:
Article 2 1) Tout établissement d'enseignement supérieur est tenu de permettre au candidat de passer l'examen d'admission ou l'examen de vérification des aptitudes et des capacités dans la langue de la communauté nationale, s'il y a des enseignants ou des associés dans l'établissement d'enseignement supérieur pour évaluer les connaissances du candidat dans cette langue. Article 3 1) Un candidat à l'inscription dans un établissement d'enseignement supérieur a le droit, lors du dépôt d'une candidature au concours d'inscription aux études, de décider de la langue de la communauté nationale dans laquelle il passera l'examen d'admission ou le test d'aptitude. 2) Si l'établissement d'enseignement supérieur informe les candidats sur les langues des communautés nationales dans lesquelles sera organisé l'examen d'admission ou l'examen de vérification des aptitudes et des capacités au concours d'inscription. |
5.2 Les pratiques en vigueur
Le problème, c’est que pratiquement seules les minorités dont les langues sont reconnues «d'usage officiel» dans la province (serbe, hongrois, slovaque, croate, roumain et ruthène) dans le Statut d'autonomie de la Voïvodine (2014), ont effectivement le droit de recevoir un enseignement dans leur langue. De plus, le droit à l’enseignement dans la langue maternelle est réduit par l’élévation progressive du nombre d’élèves nécessaire pour créer une classe dans une langue minoritaire donnée. Le gouvernement serbe a toujours exigé qu’un minimum de 10 élèves soit inscrit pour former une classe au primaire, contre 15 au secondaire; ce minimum a été haussé à 15 au primaire, puis à 30 (primaire et secondaire) dans un grand nombre d’écoles. Ce quota frappe particulièrement les petites communautés telles que les Roumains, les Slovaques et les Ruthènes. Les dirigeants des groupes minoritaires estiment qu’il s’agit là d’une autre forme d’«épuration ethnique» incitant les populations non serbes à quitter la région ou à s’assimiler. Par contre, ces quotas peuvent être compensés par les statuts des municipalités qui peuvent reconnaître comme langues officielles d'autres langues que celles de la province autonome.
- L'enseignement préscolaire
Ce type d'enseignement est destiné aux enfants d'âge préscolaire, depuis l'âge de six mois jusqu'à la rentrée primaire. Depuis l'année scolaire 2006-2007, il est obligatoire et dure quatre heures par jour pendant au moins neuf mois. Non seulement l'État serbe peut ouvrir des écoles préscolaires, mais également la province autonome et les municipalités. Les fondateurs peuvent inclure: la République de Serbie, une province autonome, une unité d'autonomie locale et une autre personne physique ou morale.
En Voïvodine, on compte 91 établissements préscolaires, dont 44 publics et 47 privés. Durant l'année 2012-2013, cet enseignement a été organisé pour 6283 enfants dans six langues différentes: albanais (586), hongrois (4331), roumain (131), ruthène (148), slovaque (987) et croate (100). Il faut aussi ajouter qu'un enseignement bilingue a été donné à plus de 4000 enfants en bosniaque, en bulgare, en hongrois, en allemand, en romani, en roumain et en slovaque. De plus, l’enseignement préscolaire est offert en deux langues, combinant l’allemand avec le serbe ou le hongrois est proposé au niveau préscolaire Novi Sad et à Subotica; il est vrai que l’allemand est fréquemment enseigné également comme première ou seconde langue étrangère dans les écoles de la Voïvodine.
- L'enseignement primaire
En Voïvodine, l'enseignement primaire est offert dans 347 écoles primaires publiques ordinaires, au sein desquelles il existe 188 classes séparées (certaines parties en dehors du siège). Une attention particulière est accordée à l'éducation des enfants handicapés. En plus des écoles en serbe, l'enseignement est généralement donné dans cinq autres langues: en hongrois, en slovaque, en roumain, en ruthène et en croate. En plus des cours normaux dans ces langues, les élèves sont autorisés à étudier l'une ou l'autre des six autres langues: l'ukrainien, le bunjevac, le romani, le bulgare, le macédonien et le tchèque. Cela donne un total de 11 langues pour les cours du programme «Langue maternelle avec des éléments de culture nationale».
En Serbie, y compris en Voïvodine, il existe un enseignement facultatif de la langue minoritaire «avec des éléments de culture nationale». En Voïvodine, ce programme est disponible, selon les municipalités et les localités, en hongrois, en roumain, en slovaque, en croate, en bulgare, en macédonien, en bunjevac et en tchèque. Comme il s'agit d'un programme facultatif, cela signifie qu'il n'y a pas de note ni d'évaluation chiffrée.
On peut constater que, sur un total de 347 écoles primaires (dont 196 «écoles de département»), 118 offrent des cours en hongrois, 19 en slovaque, 32 en roumain et trois en ruthène. Sur un total de 113 écoles secondaires, 29 d'entre elles offrent l'enseignement en hongrois, deux en slovaque, deux en roumain et une seule en ruthène.
- L'enseignement secondaire
Dans l'ensemble, les activités pédagogiques en langue bosniaque ont commencé au cours de l'année scolaire 2013-2014, dans les écoles secondaires du territoire de Tutin et de Novi Pazar. Dans l'ensemble, l'enseignement secondaire a été offert dans huit langues minoritaires (albanais, bosniaque, bulgare, hongrois, roumain, roumain, slovaque et croate), le tout dans 59 écoles secondaires et 507 classes, pour 11 299 élèves.
5.3 L'enseignement pour les minorités provinciales d'usage officiel
Il s'agit ici des minorités reconnues d'usage officiel en Voïvodine: le hongrois, le slovaque, le roumain, le ruthène et le croate.
- La minorité hongroise
Les enfants appartenant à la minorité hongroise ont le droit de recevoir leur instruction primaire dans les 28 municipalités où cette langue est reconnue officiellement, c’est-à-dire dans 83 écoles primaires et 35 «classes spéciales» (bilingues) pour un total de 22 000 élèves. L'éducation bilingue en serbe et en hongrois est offerte dans quatre municipalités. Au secondaire, 67 % des élèves hongrois ont accès aux écoles secondaires dans leur langue et 32 % fréquentent les écoles serbes. Au cours de l’année scolaire de 1996-1997, quelque 10 % des jeunes, qui fréquentaient les lycées, surtout à Novi Sad et à Subotica, étaient d’origine hongroise. Enfin, à l’université de Novi Sad, seulement 5,6 % des étudiants sont d’origine hongroise alors qu’ils représentent 16 % de la population. Le Comité sur les relations interethniques de la Voïvodine souligne, pour sa part, que les écoles manquent de professeurs hongrois et que les manuels scolaires sont en nombre insuffisant. De plus, le nombre des élèves fréquentant les écoles hongroises tend à diminuer d’année en année.
- La minorité slovaque
La langue slovaque est officiellement reconnue dans 11 municipalités, bien que ses locuteurs soient répartis dans une vingtaine de municipalités. Les enfants slovaques, dans une proportion de 74 %, ont accès à 17 écoles primaires réparties dans 12 municipalités; les autres élèves, soit 26 %, poursuivent leurs études en serbe. Au secondaire, plus de 300 élèves sur 1300 font leurs études en slovaque, soit à Backi Petrovac, soit à Kovačica. Tous les autres suivent un programme spécial, dit facultatif, dans les écoles secondaires de Bačka Palanka, Kovačica, Stara Pazova et Backi Petrovac, qui consiste en un enseignement bilingue (serbe-slovaque) complété par des «éléments de culture nationale».
- La minorité roumaine
Le roumain est une langue officielle, rappelons-le, dans neuf municipalités en Voïvodine. Les enfants d’origine roumaine reçoivent, dans une proportion de 57 % en moyenne, leur instruction primaire dans leur langue maternelle, alors que 43 % choisissent l’école serbe. L’enseignement en roumain est offert dans 10 écoles et 14 «classes supplémentaires» (bilingues) pour un total de 1600 élèves. Au secondaire, 28 % des élèves, soit moins de 200 au total, reçoivent leur instruction en roumain et 72 % en serbe. Il n’existe que deux écoles secondaires en roumain. À l’instar des Hongrois, les élèves de la minorité roumaine voient leur nombre se réduire progressivement année après année.
- La minorité ruthène
Rappelons que la langue ruthène est reconnue officiellement dans sept municipalités: Bačka Topola, Vrbas, Žabalj, Kula, Novi Sad et Šid. Néanmoins, on trouve dans 18 municipalités des écoles primaires où le ruthène est enseigné. Seulement 50 % des 1500 enfants ruthènes apprennent le ruthène (ukrainien) dans 60 écoles primaires. Près de 20 % des élèves poursuivent un enseignement bilingue avec des éléments de culture nationale, alors que les autres vont dans les écoles serbes. Les élèves slovaques suivent leur cours secondaire dans des classes spéciales (au nombre de 77) disséminées un peu partout dans les écoles serbes. Il n’existe qu’une seule vraie école secondaire slovaque; située à Ruski Krstur, elle compte moins de 80 élèves.
- La minorité croate
Les enfants de la minorité croate sont moins pourvus puisque le croate n'est reconnu que dans la ville de Subotica. En effet, depuis une dizaine d'années, il est possible d'étudier en croate à Subotica. On compte cinq écoles primaires qui proposent des cours de croate et dans certains villages de la municipalité (Đurđin, Tavankut). On donne aussi des cours en croate au lycée Svetozar Marković depuis 2007 et au Lycée polytechnique depuis 2010. Il n'y a pas de faculté de croate disponible à Subotica. Au total, très peu d'élèves étudient en croate à Subotica (environ 2%). C'est très peu si l'on compare au nombre de Croates officiellement déclarés dans la ville de Subotica lors du dernier recensement de 2011, soit 11,2%.
Aujourd'hui, la plupart des Croates de Voïvodine appartiennent aux groupes des Bunjevci. Étant donné que la langue bunjevac n'est pas officiellement reconnue, il n'y a pas de cours dans cette langue. Cependant, il est possible dans sept écoles primaires entre la 1re et la 4e année de suivre des cours facultatifs de langue et de culture bunjevac.
L'enseignement dans les langues officielles de la municipalité de Subotica (serbe, hongrois et croate) est donné dans des classes séparées, mais dans les mêmes bâtiments que pour les Serbes. De cette manière, contrairement à d'autres pays des Balkans (par exemple en Croatie et en Bosnie-Herzégovine), les bâtiments ne sont pas séparés. La seule exception est le lycée Dezső Kosztolányi, réservé aux bons élèves de la province souhaitant étudier en hongrois.
5.4 L'enseignement pour les autres minorités
Les minorités dont la langue n'est pas d'usage officiel dans la province peuvent néanmoins recevoir un enseignement dans leur langue si la municipalité en décide ainsi. Les langues concernées sont le macédonien, le tchèque, le monténégrin, le bulgare et le romani.
- La minorité macédonienne
La minorité macédonienne (10 300 personnes) est concentrée dans la municipalité de Pančevo. Après deux décennies d'attente, la langue macédonienne a fini par être introduite en tant que «matière facultative» dans une école primaire de la localité de Jabuka près de Pančevo. L'école de Jabuka est actuellement la seule de Voïvodine à offrir la langue macédonienne «avec des éléments de culture nationale», donc sans diplôme.
- La minorité tchèque
La communauté tchèque vit dans des localités de la municipalité de Bela Crkva (Bela Crkva, Češko Selo, Kruščica, etc.), ainsi que dans les municipalités environnantes (Gaj in Kovin, Veliko Središte et Vršac); un nombre important de tchécophones vivent également à Belgrade et à Novi Sad, tandis que le reste est dispersé dans toute la Voïvodine. L'enseignement de la langue tchèque «avec des éléments de la culture nationale» se déroule dans les grades inférieurs (1-4) de quatre écoles primaires, dont deux à Bela Crkva et une à Kruščica dans la municipalité de Bela Crkva; il y a une école à Gaj dans la municipalité de Kovin. Au début de l'année scolaire 2016-2017, les cours de tchèque à Gaj furent temporairement suspendus en raison du petit nombre d'enfants, mais le ministre de l'Éducation de la Voïvodine a accordé une exception (lorsque le nombre d'élèves est de 5 à 15, une exception doit être accordée).
- La minorité monténégrine
La spécificité de ce programme réside dans le fait qu'il est offert dans la municipalité de Mali Iđoš, plus précisément dans la localité de Lovćenac (3150 habitants, dont 56 % de Monténégrins et 33,3% de Serbes). Une école est organisée pour les élèves du primaire, qui veulent apprendre leur langue, leur culture et leurs traditions monténégrines. Mali Iđoš est la première municipalité à introduire la langue monténégrine dans l'usage officiel. Pourtant, 53,9% des citoyens de Mali Iđoš sont de langue hongroise, contre 19,8% de langue serbe et 16,2% de langue monténégrine. En ce qui concerne cette langue, la municipalité a invoqué l'article 11 de la Loi sur l'emploi officiel des langues et des alphabets de 1991 selon lequel la municipalité dans laquelle habitent des membres d'une minorité nationale détermine les situations où les langues des nationalités sont d'usage officiel sur leur territoire. Ce fut le cas avec la municipalité de Mali Iđoš qui a introduit 'usage officiel du monténégrin en 2010.
- La minorité bulgare
En Voïvodine, la langue bulgare «avec des éléments de culture nationale» est enseignée dans une école primaire du village d'Ivanovo (plus de 1000 habitants) dans la municipalité de Pančevo. L'article 3 des Statuts de la Ville de Pančevo a introduit en 2019 le caractère d'usage officiel à Ivanovo pour le hongrois et le bulgare. Néanmoins, au cours de l'année scolaire 2017-2018, cette école était déjà fréquentée par un total de 70 élèves, soit neuf enfants d'âge préscolaire et 61 élèves dans huit classes. En raison de la composition ethnique de cet endroit (39,9% de Hongrois, 27,1% de Bulgares, 19,7% de Serbes, etc.), les cours se donnent en serbe, mais l'école enseigne également le bulgare et le hongrois «avec des éléments de culture nationale», comme deux matières facultatives.
- La minorité tsigane/rom
En ce qui a trait aux Roms/Tsiganes, ils ne disposent d’écoles dans leur langue, le romani, que depuis quelques années. Non seulement les enfants tsiganes allient dans les écoles serbes, mais la plupart d’entre eux ne terminaient jamais leur primaire. On estime que 80 % des enfants tsiganes sont des analphabètes fonctionnels. Il y a bien eu pourtant diverses tentatives pour résoudre le problème de l’instruction des Roms, mais les résultats ont souvent été décevants.
Depuis le début de 1998, des programmes ont été élaborés, mais la langue romani a été enseignée de manière facultative dans seulement trois écoles de Voïvodine au cours de l'année scolaire 2014-2015. Depuis 2019, cette langue est enseignée dans 42 écoles de la Voïvodine.
Dans les écoles primaires de Voïvodine et dans d'autres parties de la Serbie, l'enseignement de la langue romani est généralement facultatif «avec des éléments de culture nationale», comme pour d'autres communautés nationales du pays en Serbie centrale (ukrainienne, slovaque, tchèque, polonaise, valaque, etc.). Dans ce type d'enseignement, aucune évaluation formelle n'est effectuée, ce qui discrédite ce genre d'enseignement, bien que les programmes aient été adoptés par le ministère de l'Éducation. Cet enseignement est donné par des enseignants dont la langue maternelle est le romani; ils ont tous obtenu un certificat officiel démontrant leurs qualifications à cet effet. Ils ont leur propre association et ils emploient des manuels d'enseignement en romani. Afin d'augmenter le nombre d'enfants roms dans le système d'éducation, les autorités provinciales fournissent annuellement plus d'un demi-milliard de dinars sous forme de bourses et d'assistance ponctuelle pour les élèves et les étudiants les plus performants, ainsi que pour ceux dont la situation financière est plus précaire.
5.5 L'enseignement supérieur
On compte plus d'une vingtaine d'établissements d'enseignement supérieur en Voïvodine. Tous offrent des cours en serbe. Cependant, certaines d'entre elles prévoient des cours dans les langues minoritaires, entre autres, dans les domaines de la formation des enseignants, de la philosophie, de l'économie et du génie civil.
L'enseignement supérieur en hongrois est offert dans cinq facultés (Faculté de philosophie, d'économie, de sciences naturelles, de génie civil et de formation des enseignants) à Novi Sad et à Subotica, ainsi que dans trois établissements professionnels dans ces deux mêmes villes. La langue et la littérature hongroises sont étudiées à la Faculté de philologie de Belgrade, de même qu'à la Faculté de philosophie de Novi Sad.
La langue roumaine est enseignée dans deux établissements d'enseignement supérieur à Vršac et au département de la Formation des enseignants à l'Université de Belgrade, ainsi qu'au Collège d'études professionnelles de la formation des enseignants. La langue et la littérature roumaines sont étudiées à la Faculté de philologie de Belgrade et à la Faculté de philosophie de Novi Sad.
La langue ruthène est étudiée à la Faculté de philosophie de Novi Sad et au département des Études ruthènes. Quant au slovaque, il est enseigné au Collège d'études professionnelles en éducation des enseignants de Novi Sad; la langue et la littérature slovaques sont étudiées à la Faculté de philologie de Belgrade et à la Faculté de philosophie de Novi Sad, ainsi qu'au département des études slovaques.
L’information dans la langue maternelle est un droit fondamental des minorités; il est reconnu par la Constitution de la république de Serbie et par d'autres lois. L'article 75.2 de la Constitution de la Serbie (2006) énumère comme droits collectifs ceux concernant leur culture, l'éducation, l'information et l'emploi officiel des langues et de l'alphabet :
Article 75
Dispositions fondamentales 2) Grâce à leurs droits collectifs, les membres appartenant à des minorités nationales participent en toute indépendance, soit directement soit par l'intermédiaire de leurs représentants, à la prise de décision ou de certaines questions relatives à leur culture, l'éducation, l'information et l'emploi officiel des langues et de l'alphabet, en conformité avec la loi. |
Quant à l'article 13 de la Loi sur l'information publique et les médias (2014-2016), il prescrit que les minorités nationales ont le droit d'être informées dans leur langue maternelle:
Article 13 Du droit d'informer les minorités nationales Afin de permettre l'exercice du droit des minorités nationales d'être informées dans leur langue maternelle et de s'approprier leur propre culture et leur identité, la république de Serbie, la province autonome ou toute unité d'autonomie locale fournit une partie des fonds, au moyen d'un cofinancement ou d'autres conditions pour le travail des médias qui publient des informations dans les langues des minorités nationales, par l'intermédiaire des autorités responsables des affaires d'information publique. |
L'article 17 de la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales est consacré aux médias. Les minorités nationales ont le droit de créer et de maintenir des médias dans leur langue maternelle (par. 3) et de recevoir une information impartiale dans leur langue maternelle (par. 1). Dans ce cas, l'État, fournit l'information, le contenu culturel et pédagogique dans la langue des minorités nationales pour les programmes de service public à la radio et à la télévision, et peut aussi prévoir des radios particulières et des stations de télévision afin de diffuser des émissions dans la langue des minorités nationales (par. 2):
Article 17 L'information publique dans les langues des minorités nationales 2) L'État fournira des informations, des contenus culturels et pédagogiques dans la langue de la minorité nationale dans les émissions de radio et de télévision du service public. (2013) 3) Les membres des minorités nationales ont le droit de créer et de maintenir des médias dans leur langue maternelle. |
6.1 Les médias écrits
On compte plus de 600 journaux et périodiques de tout genre en Voïvodine. Quelque 20 % d’entre eux émanent des minorités nationales et paraissent en hongrois, en slovaque, en roumain, en romani, en ruthène, même en ukrainien. Beaucoup d’entre eux appartiennent à des intérêts privés, mais d’autres ont été créés par l’Assemblée provinciale ou par des municipalités, des établissements d’enseignement supérieur, des communautés religieuses, des sociétés culturelles ou scientifiques, des clubs sportifs, etc.
Les Serbes, en tant que majoritaires sur l'ensemble de la Voïvodine, ont l'avantage de bénéficier de nombreux journaux dans la province. Le plus important est le Дневник (Dnevnik), un quotidien serbe publié à plus de 8000 exemplaires à Novi Sad, la capitale de la province autonome de Voïvodine. La plupart des grandes villes ont leur hebdomadaire en serbe, dont le Subotičke Novine dans la municipalité de Subotica. De plus, les serbophones ont l'avantage de pouvoir obtenir les journaux de la Serbie centrale, dont ceux de Belgrade.
Le seul quotidien hongrois de tout le pays est le Magyar Szó ("Le Mot hongrois"). Financé en partie par l’État (16 %), il est publié à plus de 14 000 exemplaires et comprend 20 pages. Le journal le plus populaire est le Csalá di kör ("Cercle familial"), une sorte de magazine familial publié à 25 000 exemplaires à Novi Sad. Il faut ajouter aussi le 7 Nap ("Sept Jours"), un petit hebdomadaire de Subotica subventionné par la province à 70 % et publié à 5000 exemplaires. Le Hét Nap ("Le Sept Jours") est un hebdomadaire privé publié à 5500 exemplaires. Au total, on compte une trentaine d'imprimés: un quotidien, cinq hebdomadaires, cinq mensuels, cinq trimestriels, sans oublier des périodiques pour enfants et des revues multilingues. Les Croates bénéficient d'une quinzaine de journaux, dont un hebdomadaire (Hrvatska Riječ), des mensuels (Glas Ravnice, Zvonik, Glasnik Pučke kasine), et divers autres périodiques (Otac Gerard, Glas Šokadije, Sonta, Hrvatski Majur, Gupčeva lipa, etc.) et des revues multilingues). Pour les Slovaques, il existe également une quinzaine d'hebdomadaires et de bihebdomadaires (Hlas L’udu, Petrovske novine, Evangeliski hlasnik), des trimestriels (Novi rod, Večni život, Evanjelička ročenka, Narodni kalendar), des revues culturelles (Novi život, Majak, Obzori, Traf, Aurora, etc.). Il y a aussi des petits hebdomadaires locaux multilingues diffusés à la fois en serbe, en slovaque et en roumain, tels que l'Opstinske Novosti (Actualités municipales) publié dans la municipalité d’Alibunar, et Pazovacke Novine («Actualités de Pazova») publié dans la municipalité de Stara Pazova. Les Roumains disposent d’une quinzaine de périodiques, dont un hebdomadaire (Libertatea), ainsi que plusieurs périodiques (Lumina, Limba Romana, Traditia, Tibiscus, etc.) et des mensuels multilingues. Les Ruthènes, quant à eux, bénéficient de quelques journaux hebdomadaires, dont le Ruské Slovo, le Dzvoni, le Ruski Krstur; le Kalendar, le Švetlosc, etc., ainsi que des revues multilingues et des magazines pour les enfants. Les Bunjevci ont également leurs journaux dont leur hebdomadaire publié à Subotica, le Bunjevačke Novine («Le Journal de Bunjevac»), ainsi que de quelques mensuels. |
Quant aux Ukrainiens, ils disposent de cinq mensuels (Ridne Slovo, Slovo, Ukrajinske slovo, etc.). Le Jó Pajtás («(Bon copain») est un magazine pour les enfants publié en langue hongroise.
Quant aux Roms/Tsiganes, ils ne disposent d’aucun média écrit. En réalité, la presse rom en Voïvodine n'est guère développée en raison de la combinaison de deux facteurs négatifs. Le premier vient du fait que la langue rom en Serbie est encore dans sa phase de normalisation. Le second facteur est le degré élevé d'analphabétisme au sein de cette minorité nationale particulière.
Bien que le financement public des médias et de la presse des minorités nationales en Voïvodine existe depuis plusieurs années, il s'est révélé insuffisant. Il y a aussi la façon dont les médias sont financés par le privé fait en sorte que les entrepreneurs ne semblent pas intéressés à financer des journaux peu rentables.
6.2 Les médias électroniques
La Radiotélévision de Voïvodine (en serbe: Радио Телевизија Војводине; en croate: Radio Televizija Vojvodine; en hongrois: Vajdasági rádió és televízió; en slovaque: Radio Televizia Vojvodiny; en roumain: Radioteleviziunea Voivodinei; en ruthène: Радіо Телебачення Воєводини). L'abréviation est en serbe cyrillique РТВ et en serbe latin RTV. la "Radio Televizija Vojvodine" comprend deux chaînes de télévision et trois stations de radio. La première chaîne de télévision diffuse uniquement en serbe et la seconde diffuse dans les cinq autres langues officielles de la province, ainsi qu'en bunjevac, romani, ukrainien et macédonien. En particulier, un journal télévisé de 15 minutes est diffusé tous les jours de 17 h 45 à 19 h 15, successivement en croate, slovaque, ruthène, roumain, romani et hongrois. |
La radio publique de Voïvodine, Radio Novi Sad, diffuse également en plusieurs langues. La première station est dédiée au serbe, la seconde au hongrois et la troisième aux autres langues minoritaires, officielles ou non.
- La langue hongroise
La Radiotélévision de Voïvodine dispose de 26 stations de radio en hongrois, 24h/jour. Il existe des stations à Subotica (14 h/jour), à Bačka Topola (6 h/jour), à Bela Crkva (1 h/semaine), à Vrbas (6 h/sem.), à Zrenjanin (1 h/jour), à Kikinda (6,30 h(sem.), à Kovačica (1 h(jour), et dans une vingtaine de municipalités. Télévision-Voïvodine diffuse 64 h/mois en hongrois. Il faut ajouter aussi TV Kovačica, TV Pančevo, TV Novosadska, TV Mozaik, TV Kanal 25, TV Subotica, etc., qui diffuse tous des émissions pour plusieurs heures par semaine. Les représentants des associations et partis politiques hongrois se plaignent du contenu des émissions de radio et de télévision qui, selon eux, seraient des copies fidèles d’émissions identiques en serbe et ne propageraient que de la propagande politique.
- La langue roumaine
La Radiotélévision de Voïvodine présente des émissions de radio diffusées en roumain depuis au moins 50 ans. Les Roumains ont la possibilité de capter dix stations de radio et six stations de télévision. Près du tiers des émissions en roumain sont consacrées à la musique, suivie par l'actualité et les émissions portant sur la culture et la science. Une attention spéciale est accordée aux événements culturels traditionnels des Roumains et aux activités de la communauté roumaine de Yougoslavie. Il existe aussi des stations locales de radio émettant dans les langues des minorités nationales. Ainsi, Radio-Zrenjanin à Vršac, Radio-Kovin à Alibunar et Radio-Kovacica à Plandiste diffusent des émissions en serbe, en roumain et en d’autres langues minoritaires. Ils sont tous des propriétés de l’État.
- La langue slovaque
Les Slovaques bénéficieraient en provenance de Novi Sad d’une moyenne de sept heures d’émission à la radio; il s’agit d’une programmation diffusée par le gouvernement serbe dans laquelle on trouve 30 % d’émissions portant sur l’actualité politique (pro-serbe), le reste étant réparti entre la musique, le divertissement, les programmes culturels, scientifiques et éducatifs. Il existe aussi six stations locales bilingues, Radio-Backa, Radio-Backi Petrovac, Radio-Kovacica, Radio-Odzaci, Radio- Stara Pazova et Radio-Sid, qui diffusent des émissions en serbe et en slovaque. Au total, les Slovaques ont à leur disposition 14 stations de radio et 9 stations de télévision. La télévision de Novi Sad diffuse 143,2 heures annuelles d’émissions en slovaque.
- La langue ruthène
Pour les Ruthènes, Radio-Novi Sad Sad diffuse quotidiennement pour un total annuel de 1500 heures d’émissions en ruthène. Radio-Novi Sad et Radio-Télévision de Serbie diffusent quelque 143 heures d’émissions de télévision en ruthène. On compte au total huit stations de radio et trois stations de télévision, qui diffusent en ruthène.
- Les autres langues
Il existe aussi des émissions à la radio et à la télévision dans les langues suivantes: ukrainien, croate, bunjevac, macédonien, romani et monténégrin.
- La RTV-2
RTV 2 est la deuxième chaîne télévisée de la Radiotélévision de Voïvodine, le service public des médias de Voïvodine. Les émissions sont diffusées en serbe, en hongrois, en roumain, en ruthène, en macédonien, en romani, en slovaque, en ukrainien, en croate, en bunjevac, en russe et en allemand. |
Le tableau ci-dessous présente la structure diffusée dans les langues des minorités nationales au cours de la période s'étendant du 1er janvier 2017 au 30 juin 2017 :
Langue | Minutes diffusées | Pourcentage de diffusion |
Serbe Autres langues Langues minoritaires/sous-titres en serbe |
53,762 25,989 22,867 |
20,52 % 9,92 % 8,73 % |
Hongrois | 55,279 | 21,10 % |
Romani | 18,434 | 7,04 % |
Ruthène | 17,833 | 6,81 % |
Musique | 17,776 | 6,79 % |
Slovaque | 17,667 | 6,74 % |
Roumain | 16,339 | 6,24 % |
Croate | 7,894 | 3,01 % |
Ukrainien | 2,991 | 1,14 % |
Bunjevac | 2,865 | 1,09 % |
Macédonien | 2,196 | 0,84 % |
Langues des autres minorités avec sous-titres en serbe | 0,96 | 0,04 % |
Total | 261,985 | 100 % |
On peut constater que les langues qui prennent le haut du pavé sont le serbe et le hongrois. Elles sont suivies par les langues co-officielles: le ruthène, le slovaque, le roumain et le croate. Cependant, la langue romani semble assez bien positionnée, car elle arrive tout de suite après le hongrois.
La province de la Voïvodine dans le nord de la Serbie est l'une des régions les plus complexes au point de vue culturel dans toute l'Europe. La mosaïque culturelle de la Voïvodine est parfois difficile à comprendre pour des citoyens habitants dans un pays plus homogène aux plans ethnique et linguistique. Le fait qu'on trouve six langues officielles avec des journaux quotidiens ou hebdomadaires dans chacune d'elles, ainsi qu'une longue tradition d'enseignement multilingue, évoque un caractère très exceptionnel dans la province de la Voïvodine. Au-delà des six langues officielles (serbe, hongrois, slovaque, roumain, croate et ruthène), une poignée d'autres langues sont également dans les villages excentriques des municipalités.
Malgré l'autonomie relativement limitée de la Voïvodine, force est d'admettre que le niveau général des droits des minorités a toujours été et demeure plus élevé en Voïvodine que dans le reste de la Serbie. Il vaut mieux pour les membres des minorités nationales d'habiter en Voïvodine plutôt qu'en Serbie centrale. Néanmoins, le flou des textes juridiques, l’absence d’organismes de médiation et de recours judiciaires, la toute-puissance de l'État serbe ont pour effet de réduire l'autonomie provinciale. De plus, il faut compter sur le pouvoir des autorités administrations municipales dans l’interprétation et l’application de la loi, avec le résultat que certains droits linguistiques peuvent ne pas s'appliquer par une municipalité donnée, quand ils ne sont pas simplement abolis. Le problème, c’est qu’il s’agit de droits «à géométrie variable». Lorsqu'une minorité constitue une majorité absolue ou une très forte minorité, ses droits sont en général respectés. Dans l'éventualité où une minorité constitue une petite communauté parmi d'autres, les droits peuvent être carrément supprimés sans que les autorités provinciales puissent intervenir.
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4) Politiques linguistiques municipales |
5) Bibliographie |