Histoire du français
Chapitre
5

(5) La Renaissance

L'affirmation du français

(XVIe siècle)


Plan du présent article

1. La prépondérance de l'Italie
    Les conflits
    Les italianismes
2. Les guerres de religion (1562-1598) et le Nouveau Monde
    Les conséquences de la Réforme
    La découverte du Nouveau Monde
3 Le français comme langue officielle?
   L'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539
   L'expansion du français en France
4 Les problèmes du français
   L'omniprésence des patois
   La vogue des latiniseurs et écumeurs de latin
   Les défenseurs du français
5 Les premières descriptions du français

Le XVIe siècle fut celui de la Renaissance. Au plan des idées, en dépit des guerres d'Italie et des guerres de religion qui ravagèrent la France tout au long du siècle, le pays vécut une période d'exaltation sans précédent: le développement de l'imprimerie (inventée au siècle précédent), la fascination pour l'Italie, et l'intérêt pour les textes de l'Antiquité, les nouvelles inventions, la découverte de l'Amérique, etc., ouvrirent une ère de prospérité pour l'aristocratie et la bourgeoisie. Pendant que la monarchie consolidait son pouvoir et que la bourgeoisie s'enrichissait, le peuple croupissait dans la misère et ignorait tout des fastes de la Renaissance.
 

1 La prépondérance de l'Italie

Ce XVIe siècle fut marqué par la prépondérance de l'Italie dans presque tous les domaines en raison de sa richesse économique, son avance technologique et scientifique, sa suprématie culturelle, etc. Au seuil du XVIe siècle, la France en était encore au XIVe. Par contre, les Italiens tenaient le haut du pavé dans tout le monde méditerranéen depuis deux ou trois siècles. Les succursales de leurs compagnies de commerce s'étendaient de la mer du Nord à la mer Noire, de la péninsule Ibérique au Levant. 

C'est en Italie que commença la Renaissance en Europe. Les plus grands peintres de l'Europe étaient Léonard de Vinci, Michel-Ange, Botticelli, Raphaël, etc. Peintre mais aussi ingénieur, architecte, savant, philosophe, Léonard de Vinci peut être considéré comme l'une des figures les plus représentatives de l'humanisme italien de cette époque. Aussi n'est-il pas surprenant que les Français, les Espagnols, les Catalans, les Anglais, etc., aient été fascinés par ce pays et qu'ils aient cédé à une vague d'italomanie sans précédent que la langue française reflète encore aujourd'hui en raison de la proximité avec l'Italie.

De nombreux Italiens vinrent vivre à la cour du roi de France et les mariages diplomatiques, comme celui de Catherine de Médicis (1519-1589) avec Henri II (1519-1559), amenèrent à la cour des intellectuels, des artistes et des scientifiques italiens.

Régente de France pendant près de vingt ans, Catherine de Médicis sut régner avec une poigne de fer et favorisa le développement des arts... italiens en France. La cour de France se raffina en s'italianisant.

1.1 Les conflits

L'Italie devint le théâtre des rivalités entre la France de François Ier (1494 – 1547) et l'empereur du Saint-Empire romain germanique, Charles Quint (1500-1558). Ce dernier contrôlait non seulement l'Espagne, mais aussi une grande partie de l'Italie. Les conflits finirent par s'atténuer entre Français et Italiens au point que des contacts étroits et pacifiques s'établirent. À peine maîtres de leur royaume unifié, les rois de France se lancèrent dans les conquêtes extérieures: les guerres d'Italie s'étalèrent de 1494 à 1559. À l'origine, ces conflits mirent en scène le roi de France, qui voulait faire valoir ses droits sur les royaumes de Naples et du Milanais, mais on peut penser aussi que les Français furent attirés par les richesses et la civilisation brillante d'au-delà des Alpes, alors qu'ils accusaient un net retard économique et culturel sur l'Italie, une séquelle de la guerre de Cent Ans (1337-1453).

Au moment de la Renaissance, l'Italie avait tout pour exercer une très grande fascination sur les Français. Ce pays était en avance sur le plans économique, militaire, culturel, etc. Le grammairien Ferdinand Brunot (cité par Bartina Harmina WIND dans Les mots italiens introduits en France au XVIe siècle, Deventer, AE. E. Kluwer, 1928, p. 26) décrit ainsi cette fascination de l'Italie sur l'Europe:

Au XVIe siècle, l'Italie domine intellectuellement le monde; elle le charme, l'attire, l'instruit, elle est éducatrice. N'y eût-il ni guerres d'Italie, ni contact avec les populations d'au-delà des Alpes, ni mariages italiens à la cour de France, que l'ascendant de l'art, de la science, de la civilisation italienne se fût néanmoins imposé.

De fait, la cour de France s'exprimait autant en italien qu'en «françois», car des centaines de courtisans étaient d'origine italienne et avaient adopté les usages italiens, que ce soit la mode, les arts, la musique, l'alimentation, etc. 

1.2 Les italianismes

L'influence culturelle de l'Italie se refléta nécessairement dans la langue française au moyen des emprunts. Des milliers de mots italiens pénétrèrent le français, notamment des termes relatifs à la guerre (canon, alarme, escalade, cartouche, etc.), à la finance (banqueroute, crédit, trafic, etc.), aux moeurs (courtisan, disgrâce, caresse, escapade, etc.), à la peinture (coloris, profil, miniature, etc.) et à l'architecture (belvédère, appartement, balcon, chapiteau, etc.). En réalité, tous les domaines ont été touchés: l'architecture, la peinture, la musique, la danse, les armes, la marine, la vie de cour, les institutions administratives, le système pénitencier, l'industrie financière (banques), le commerce, l'artisanat (poterie, pierres précieuses), les vêtements et les objets de toilette, le divertissement, la chasse et la fauconnerie, les sports équestres, les sciences, etc. Bref, une véritable invasion de quelque 8000 mots à l'époque, dont environ 10 % sont utilisés encore aujourd'hui.
 

buffle
riz
tournesol
porcelaine
citrouille
perle
florin
galerie
trafic
canon
cavalcade
brigand
baldaquin
barrette
lavande
police
arsenal
alarme
banquet
brigade
estamper
perruque
guirlande
escrime
escalade
saccager
plage
banque
cavalier
partisan
rotonde
calibre
plastron
lustre
banqueroute
caresser
citadelle
embusquer
escadron
estrade
esplanade
estropier
médaille
tribune
infanterie
escorte
révolter
banderole
violon
radis
poltron
lagune
masque
panache
bémol
mosaïque
balustre
mousquet
ballet
fleuret
incognito
cartouche
gamelle
stylet
ombrelle
figurine
piastre
estafette
intermède
fugue
pommade
balcon
grotte
colonel
piston
casemate
piédestal
pilastre
sentinelle
parapet
désastre
arabesque
camisole
parasol
bagatelle
buste
ballon
gondole
cavale
caporal
sorbet
vermicelle
mascarade
sérénade
mascarade
appartement
brocoli
concert
cabriole
caleçon
stalle
carrosse
carton
fantassin
polichinelle
miniature
fresque
store
burlesque
corridor
basson
berlingot
cortège
bombe
fortin
trombe
opéra
coupole
socle
costume
carafon
violoncelle
gouache
piano
mandoline

Cet apport considérable de quelque 8000 mots n'a pas duré très longtemps, seulement quelques décennies. La plupart de ces italianismes sont disparus avec le temps, comme c'est d'ailleurs le sort qui attend la plupart des mots empruntés à l'anglais par le français (ou par toute autre langue) de nos jours. Lorsque les modes changent ou que les réalités disparaissent, les mots disparaissent aussi. Effectivement, il ne reste qu'environ 800 italianismes au XXIe siècle. Il n'en demeure pas moins que l'apport de l'italien a dépassé en importance toutes les influences étrangères qui ont agi sur le français presque jusqu'au milieu du XXe siècle. Non seulement cette influence italianisante a-t-elle été importante, mais elle a été très profonde, car presque tous les mots se sont intégrés phonétiquement au français, beaucoup ont formé des dérivés ou ont subi des altérations de sens.

De nombreux écrivains de la Renaissance se sont élevés alors en vain contre cette intrusion des italianismes dans la langue française et cette manie de s'italianiser à tout prix. Ainsi, Béroalde de Verville (1556-1626), l'auteur de Moyen de parvenir (1616), exhortait les Français de ne pas dire «la soupe se mange» (influence italienne), mais «on mange la soupe». Le succès fut mitigé, car on retrouve encore aujourd'hui l'expression On parle italien, une traduction mot à mot du célèbre Si parla italiano. Le poète Barthélemy Aneau (v. 1505-1565) dénonçait les «corruptions italiques» et la «singerie de la singerie italiane». Quant à Étienne Tabourot (1547-1590), il considérait que l'italien n'était qu'une «corruption latinogotisée du langage romain» (sous l'influence des Ostrogoths?). 
 

Parmi les plus grands pourfendeurs des italianismes, il faut mentionner sans nul doute Henri Estienne (1528-1598), un imprimeur huguenot et un érudit polyglotte (français, italien, espagnol, latin, grec, hébreu), qui a consacré sur ce sujet au moins trois ouvrages:

- Traicté de la Conformité du langage françois avec le grec (1565);
- Deux dialogues du nouveau français italianizé, et autrement desguizé, principalement entre les courtisans de ce temps.
De plusieurs nouveautez qui ont accompagné ceste nouveauté de langage. De quelques courtisianismes modernes et de quelques singularitez courtisianesques (1578):
- De la précellence de la langue française (1579).

Dans ses Deux dialogues du nouveau langage françois italianizé..., Estienne, pamphlétaire anti-papiste, écrivit une satire sur le «jergon» (jargon) farci d'italianismes de la cour d'Henri IV:
 

Vous vous accoustumerez tant à ce jergon de cour que, quand vous la voudrez quitter, vous ne pourrez pas quitter pareillement son jergon : vous serez en danger d'estre en risee à plusieurs cosmopolitains, qui ne vivent ni parlent courtisanesquement : et toutefois sçavent comment il faut vivre et comment il faut parler.

Le pamphlétaire prenait pour cible les «nouveautez» et «courtisianismes» adoptés par certains auteurs français, par exemple, spaceger, strade, ragionner, mescoler, leggiadres, etc. Henri Estienne qualifiait ces usages de «barbarismes», de «barragouinage», de «langage farragineux», de «jergonnage» (jargonnage) ou encore de «jergon si sauvage / appelé courtisan langage». Se qualifiant lui-même de «tyran des mots», Henri Estienne s'opposa toute sa vie tant à la langue vulgaire qu'à la langue savante, en combattant les latinismes, les archaïsmes, les italianismes, les patois et les termes techniques. Il aurait avoué sur son lit de mort qu'il avait voulu «maintenir la pureté de la langue française». On qualifierait certainement Henri Estienne aujourd'hui de «puriste»!

2 Les guerres de religion (1562-1598) et le Nouveau Monde

Le XVIe siècle fut aussi l'époque des guerres de religion, contrecoup de la réforme d'Henri VIII en Angleterre (protestantisme), de Luther en Allemagne et de Calvin en Suisse. Ces guerres étaient liées à la mentalité du temps; il semblait n'y avoir que deux possibilités pour ceux qui confessaient une autre religion: se convertir ou périr, selon le principe du «crois ou meurs». Catholiques (papistes) et protestants (huguenots) se firent la guerre pour assurer par la force le triomphe de la «vraie foi», mais ces conflits servirent en réalité les intérêts des grandes familles princières, qui lorgnaient vers le trône en faisant appel, les unes à l'Angleterre, les autres à l'Espagne. Pendant ce temps, les guerres de religion livrèrent le pays à la famine et au pillage, entre les batailles rangées, les massacres, les tortures et les assassinats des grands personnages du royaume de France.

2.1 Les conséquences de la Réforme
 

Quoi qu'il en soit, la Réforme entraîna le déclin du latin en introduisant l'usage des langues vulgaires (vernaculaires) dans le culte et les Saintes Écritures. Erasme (1469-1536), l'un des plus grands humanistes de la Renaissance et l'un des grands penseurs de son époque, était un théologien hollandais né à Rotterdam, d'où son nom Desiderius Erasmus Roterdamus. Dans un texte rédigé en latin de 1516 (Paracelsis), Erasme prétendait que, si les théologiens s'opposaient à ce que le peuple lise la Bible dans leur langue (maternelle), c'est qu'ils désiraient se réserver un rôle de «prophète» ou d'«oracle». Dans Opera Omnia (1523), il considérait normal de lire l'Évangile dans sa langue (maternelle) plutôt que de répéter comme un perroquet des paroles incompréhensibles:

 
Pourquoi paraît-il inconvenant que quelqu'un prononce l'Évangile dans cette langue où il est né et qu'il comprend: le Français en français, le Breton en breton, le Germain en germanique, l'Indien en indien? Ce qui me paraît bien plus inconvenant, ou mieux, ridicule, c'est que des gens sans instruction et des femmes, ainsi que des perroquets, marmottent leurs psaumes et leur oraison dominicale en latin, alors qu'ils ne comprennent plus ce qu'ils prononcent. [Traduit du latin]

De son côté, Martin Luther entreprenait la traduction en allemand de la Bible, ce qu'il termina en 1522. Cette traduction eut une immense répercussion pour la langue allemande, car Luther s'est trouvé à populariser et fixer l'allemand écrit. En général, l'Église catholique s'opposait à toute traduction des Saintes Écritures, voyant dans ces traductions des facteurs potentiels d'hérésie. Erasme, entre autres, fut condamné pour avoir proposé des traductions, et nombre de curés furent envoyés au bûcher pour avoir prôné des traductions en français.

En 1559, Jean Calvin (1509-1564) alors réfugié à Genève, fonda le calvinisme et diffusa sa doctrine en français en Suisse romande comme en France. Son livre, l'Institution chrétienne, contient l'essentiel de ses idées sur la loi, la foi, la prédication, les sacrements et les rapports entre les chrétiens et l'autorité civile. Par ce livre, Calvin contribua aussi à fixer l'écriture du français alors en pleine évolution. Par ses écrits, Calvin changea radicalement les rapports linguistiques entre l'Église et le peuple. Cependant, le français continuera d'être mal perçu en France par l'Église catholique durant tout le XVIe siècle. Tandis que le latin continuait d'être la langue de l'Église catholique, le français était devenu celle de l'Église protestante en France et en Suisse romande. Les imprimeries de Genève et d'Amsterdam devinrent par le fait même des centres importants de diffusion du français en Europe et en France.

Par leur brassage d'hommes et d'idées, les campagnes militaires dans le royaume de France contribuèrent, plus que tout autre cause, à faire entrer dans la langue française un certain nombre de mots anglais et espagnols. Ce sont surtout des termes relatifs à la guerre et aux produits exotiques dus à la découverte de l'Amérique et de l'Asie par les Anglais et les Espagnols, voire les Portugais.

2.2 La découverte du Nouveau Monde

Le français a emprunté de l'Espagne (et du Nouveau Monde) quelque 300 mots, et du Portugal, une cinquantaine de mots. Ces emprunts sont entrés en français à partir de la Renaissance jusqu'au XVIIe siècle; c'est dire que le Moyen Âge espagnol n'a pas exercé une influence importante sur le français, et ce, en incluant les termes d'origine arabe dont une partie est passée dans les emprunts du français à l'espagnol. Cependant, avec la découverte de l'Amérique par l'Espagne et le Portugal, l'espagnol et le portugais auront transmis un nombre important de termes exotiques.
 

alcôve (arabe)
pépite
caracoler
toréador
cortes
mélasse
satin (arabe)
moresque
toque
nègre
savane
cannibale
hamac
intransigeant
canari
écoutille
chocolat
casque
condor
tabac
romance
bizarre
camarade
fanfaron (arabe)
lama
parer
toucan
gaucho
marron
quadrille
caramel
estampille
matamore
passacaille
sieste
adjudant
pacotille
flottille
embarcadère
cigare
tomate
aubergine
cacahuète
boléro
mayonnaise
matamore
mirador
pampa
gitane
tornade
ouragan
maïs
embarcation
cacao
ananas
mandarine
avocat
coyote
canyon
lasso
tango
rumba
estudiantin
safran
moustique
canot
mulâtre
jonquille
embargo
pirogue
hidalgo
alezan
parade
bandoulière
anchois
goyave
indigo
palabre
abricot
pastille
castagnette
vanille
cédille
créole

Cependant, l'Espagne n'a jamais exercé une influence aussi grande que l'Italie sur le français, et l'anglais n'établira son influence véritable qu'au XIXe siècle pour l'Angleterre et qu'après la Seconde Guerre mondiale pour les États-Unis.

Jaloux des richesses que l'Espagne et le Portugal retiraient de leurs colonies, François 1er nomma Jacques Cartier (1491-1557) à la tête d'une première expédition en 1534. Ce dernier  devait découvrir de nouveaux territoires et fonder éventuellement un empire colonial. Bien que ces découvertes soient inestimables, les voyages de Cartier au Canada (1534, 1535-1536, 1541-1542) se soldèrent, au point de vue de la colonisation, par des échecs, car au début du XVIIe siècle aucun Français ne sera encore installé sur le territoire de la Nouvelle-France. Bien que le navigateur français ait échoué à fonder un établissement au Canada, il donna à la France des droits sur le territoire. Au plan linguistique, les voyages de Cartier contribuèrent à fixer très tôt la toponymie de l'est du Canada: les noms de lieu sont depuis cette époque ou français ou amérindiens. Cartier aura eu aussi le mérite d'établir les bases de la cartographie canadienne et d'avoir découvert le grand axe fluvial – le Saint-Laurent – grâce auquel la Nouvelle-France pourra recouvrir, pour un temps, les trois quarts du continent nord-américain.

3 Le français comme langue officielle?

À la fin du XVe siècle, qui avait connu des conflits militaires, l'expansion du français se trouvait renforcée. Le roi de France avait désormais une armée permanente et ces immenses brassages de la population mâle par les guerres n'ont pu que favoriser le français auprès des soldats patoisants. Avec ses 20 millions d'habitants, la France restait le pays le plus peuplé d'Europe et les impôts rendaient le roi de France plus riche que ses rivaux, ce qui contribua à asseoir son autorité et à promouvoir sa langue. De plus, Paris commençait à dominer la vie économique du pays; l'Église et l'Université y exerçaient leurs principales activités, tandis que les grandes familles de marchands et de banquiers y avaient installé leur quartier général. On y trouvait aussi le Parlement, la Chambre des comptes, le Grand Conseil, la Chancellerie, etc. À partir de 1528, le roi François Ier manifesta son intention de s'installer à Paris:
 

Nostre intention est doresnavant faire la plus grande part de nostre demeure et sejour en nostre bonne ville et cité de Paris et alentour plus qu'aultre lieu du royaume.

Dès lors, toute une population nouvelle et influente prit racine à Paris et propagea le «françois» du roi. Il s'élabora ainsi une forme de français, tantôt populaire tantôt cultivé, qui s'étendit dans toute l'Île-de-France. La variété populaire, le parisien ( aujourd'hui le francilien?), est celle des artisans, des ouvriers ou manœuvres, des serviteurs, des petits marchands, etc. La variété cultivée, le françoys, est celle de la religion, de la bourgeoisie, de l'enseignement, de l'administration et du droit. Ces deux variétés étaient différentes, surtout dans la prononciation et le vocabulaire, mais néanmoins intelligibles entre elles. Si le parler parisien comptait plus de locuteurs que le françoys, celui-ci demeurait plus prestigieux.

3.1 L'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539

Une autre cause pourrait expliquer également l'expansion du français à cette époque: c'est que le pouvoir royal s'intéresse au français. Dès le XIVe siècle, on voit s'installer dans l'évolution de la monarchie des caractéristiques particulières. Parallèlement au latin universel de l'Église catholique, la monarchie française choisit aussi sa langue véhiculaire comme moyen d'uniformisation juridique dans le pouvoir administratif.

Déjà, en décembre 1490, l'ordonnance de Moulins (en Auvergne) de Charles VIII (1470-1498) obligeait l'emploi du «langage francois ou maternel» et non le latin dans les interrogatoires et procès verbaux en Languedoc. En 1510, Louis XII (1462-1515) exigea l'emploi du «vulgaire et langage du pays»: «Ordonnons que doresnavant tous les procez criminels et lesdites enquestes, en quelque maniere que ce soit, seront faites en vulgaire et langage du pais... autrement ne seront d'aucun effet ni valeur.»

En 1535, l'ordonnance d'Is-sur-Tille (en Bourgogne) de François Ier (1494-1547) prescrit que les actes soient rédigés «en françoys ou à tout le moins en vulgaire dudict pays»: 
 

Pour obvier aux abbus qui sont ci devant advenus au moyen de ce que les juges de nostre dict pays de Prouvence ont faict les procès criminels dudict pays en latin, ordonnons, affin que les tesmoings entendent mieux leurs dépositions et les criminels les procès faits contre eux, que doresenavant tous les procès criminels et les enquestes seront faictz en françoys ou a tout le moins en vulgaire dudict pays. (Is-sur-Tille, 10 octobre 1535)

Plusieurs commentateurs ont signalé l'importance dans cette ordonnance d'Is-sur-Tille de l'ajout de « à tout le moins », une expression qui semble bien marquer une hiérarchie, dans l'esprit du roi, entre le français et les parlers régionaux.

Mais c'est l'importante ordonnance royale, l'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), qui marquera le plus le statut du français. Cette ordonnance traitait de la langue, du moins partiellement (deux articles), car le titre de l'ordonnance mentionnait clairement qu'il s'agissait de la justice: Ordonnance du Roy sur le faict de justice. Pour François Ier, cette ordonnance était une façon de réduire le pouvoir de l'Église tout en augmentant celui de la monarchie. Dorénavant, le roi s'attribuait de plus grands pouvoirs administratifs et limitait ceux de l'Église aux affaires religieuses, notamment pour les registres de naissance, de mariage ou de décès, lesquels devaient être contresignés par un notaire. En obligeant les curés de chaque paroisse à tenir un registre des naissances et des décès, François Ier inaugurait ainsi l'état civil.

C'est dans son château de Villers-Cotterêts que François Ier, qui parlait le françoys, le latin, l'italien et l'espagnol, signa l'ordonnance imposant le françoys comme langue administrative au lieu du latin.

Bien que l'ordonnance soit relativement longue avec ses 192 articles (voir le texte complet), seuls les articles 110 et 111 concernaient la langue francoise :

Version originale

110. Que les arretz soient clers et entendibles et afin qu'il n'y ayt cause de doubter sur l'intelligence desdictz Arretz, nous voullons et ordonnons qu'ilz soient faictz et escriptz si clerement qu'il n'y ayt ne puisse avoir aulcune ambiguite ou incertitude, ne lieu a en demander interpretacion.

111. Nous voulons que doresenavant tous arretz, ensemble toutes aultres procedeures, soient de noz courtz souveraines ou aultres subalternes et inferieures, soient de registres, enquestes, contractz, commisions, sentences, testamens et aultres quelzconques actes et exploictz de justice ou qui en deppendent, soient prononcez, enregistrez et delivrez aux parties en langaige maternel francoys et non aultrement.

Translitération

[110. Afin qu'il n'y ait cause de douter sur l'intelligence des arrêts de nos cours souveraines, nous voulons et ordonnons qu'ils soient faits et écrits si clairement, qu'il n'y ait ni puisse avoir ambiguïté ou incertitude, ni lieu à demander interprétation.

111. Nous voulons donc que dorénavant tous arrêts, et ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines ou autres subalternes et inférieures, soient des registres, enquêtes, contrats, testaments et autres quelconques actes et exploits de justice ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françoys et non autrement.]

Cette mesure royale faisait en sorte que les procédures judiciaires et les décisions de justice soient accessibles à la population. Pour cela, il fallait utiliser le «langage maternel francoys» au lieu du latin. Aujourd'hui, on considère que ce texte de François Ier faisait du français la langue officielle de l'État, mais ce n'était pas très clair à l'époque.

En revanche, tout le monde avait compris que, dans un tribunal, les parties en cause devaient dorénavant comprendre la langue de la procédure; finies les longues plaidoiries préparées en latin par les avocats! Beaucoup comprirent aussi que les tribunaux avaient désormais le choix d'utiliser le «francoys» OU le «langage maternel vulgaire», c'est-à-dire la langue locale, à l'exclusion du latin. À l'époque, le français était aussi étranger que le latin pour l'immense majorité de la population. Rappelons que la plupart des ordonnances royales précédentes (entre 1490 et 1535) employaient des formules autorisant le choix entre deux usages linguistiques:

- «en langage Francois ou maternel» (ordonnance de 1490);
- «en vulgaire ou langage du païs» (ordonnance de 1510);
- «en langue vulgaire des contractans» (ordonnance de 1531);
- «en francoys ou a tout le moins en vulgaire dudict pays» (ordonnance de 1535).

Ainsi, l'ordonnance de 1539 pouvait très bien être interprétée comme un choix entre le «francoys» OU la «langue vulgaire» locale. C'est par la suite, entre autres, après la Révolution française, qu'on révisa cette partie de l'histoire du français.

Nous ignorons encore aujourd'hui si le «langage maternel francoys» désignait la langue maternelle du roi ou celle de la population de l'Île-de-France ou encore celle de tous les Français. Comme à l'époque les patois étaient omniprésents, personne ne comprit que l'ordonnance royale considérait que le «francoys» était la langue maternelle de tous les Français, mais ce mot pouvait comprendre à l'époque tous les parlers d'oïl. Autrement dit, le champenois, le picard, l'artois, etc., pouvaient être considérés comme du «francoys». De façon générale, les historiens croient que l'ordonnance de 1539 n'était pas dirigée contre les parlers locaux, mais seulement contre le latin de l'Église utilisé par les «gens de droit» ou de justice. 

D'ailleurs, en fin stratège, François Ier ne pouvait s'en prendre réellement aux parlers locaux en cette époque de crise religieuse et de conflits entre catholiques et protestants (huguenots). En s'attaquant au latin, le roi réduisait le pouvoir de l'Église catholique et s'alliait ainsi les protestants qui rejetaient massivement le latin et encourageaient plutôt l'usage des parlers locaux. Non seulement François Ier augmentait son pouvoir sur l'Église catholique, mais il apaisait aussi les huguenots. Bref, ce n'est pas d'abord l'amour de la «langue françoyse» qui motivait François Ier, mais bien un savant calcul politique.

L'ordonnance de 1539 n'eut pas d'effets immédiats, mais elle précipita la tendance déjà amorcée depuis 1450, qui consistait à réduire le rôle du latin au profit du françois. Cette ordonnance modifiait le statut du françois de l'Île-de-France par rapport aux autres langues régionales en le transformant en seule langue administrative et judiciaire autorisée, et, par voie de conséquence, en langue la plus utile de France. Certains parlements régionaux étaient passés au françois tout au cours du XVe siècle, notamment Toulouse, Bordeaux, etc. En 1550, l'usage de l'occitan avait disparu presque partout des archives administratives et judiciaires du midi de la France. Cette pénétration du français s'est alors limitée à la langue écrite et non pas à la langue parlée, car le français restera longtemps une langue étrangère pour la majorité de la population.

3.2 L'expansion du français en France

Devant l'hostilité de l'Église à publier des ouvrages en d'autres langues que le latin, François Ier créait en 1543 l'Imprimerie royale destinée à publier, en plus du latin, des ouvrages en grec, en hébreu et en françoys. Le 12 avril 1543, il conféra le titre d'«imprimeur royal pour honorer la langue françoyse» à Denys Janot :
 

Faisons sçavoir que nous ayant esté bien et deuement advertis de la grande dextérité et expérience que nostre cher et hien amé Denis Janot a en l'art d'imprimerie, et es choses qui en dépendent, dont il a ordinairement faict grande et profession; et mesmement en la langue francoise, et considérant que nous avons deja retenu et fait deux noz imprimeurs, l'un en langue grecque et l'autre en la latine; ne voulant moins faire d'honneur à la nostre qu'aux dictes deulx aultres langues, et en commettre l'impression à personnaiges qui s'en saichent acquitter, ainsi que nous espérons que saura très bien faire ledict Janot ; icelluy pour ces causes et aultres à ce nous mouvans, l'avons retenu et retenons par ces présentes nostre imprimeur en la dicte langue francoise, pour doresnavant imprimer, bien et deuement en bon caractère et le plus correctement que faire se pourra, les livres qui sont et seront composes et qu'il pourra recouvrer en la dicte langue, et aussi nous servir en cest estât aux honneurs et auctoritez, privilèges, préesminences, franchises, libertés et droits qui y peuvent appartenir tant qu'il nous plaira; et affin de luy donner meilleure volonté, moyen et occasion de s'y entretenir et supporter les frais et mises, peines, travaulx qui luy conviendra, et prendre tant es impressions, corrections qu'aultres choses qui en dépendent, nous avons voulu et ordonné, voulons et ordonnons et nous plaist et audict Janot permis et octroyé par ces présentes qu'il puisse imprimer tous les livres composez en la dicte langue francoise qu'il pourra recouvrer apres toutefois qu'ils auront esté bien et deuement et suffisamment veuz et visitez et trouvez bons et non scandaleux.

Dès lors, les écrits en françois se multiplièrent. L'invention de l'imprimerie a eu pour effet de diffuser un nombre beaucoup plus considérable de livres en cette langue, bien que le latin restât encore privilégié. Avant 1550, près de 80 % des livres imprimés en France étaient en latin, cette proportion était passée à 50 % en 1575.  Néanmoins, l'imprimerie favorisa la diffusion du français: il parut plus rentable aux imprimeurs de publier en français plutôt qu'en latin en raison du nombre plus important des lecteurs dans cette langue.

Mais les jours du latin étaient comptés, bien que l'Église catholique continuât de tenir le latin dans l'exercice du culte et l'enseignement. Évidemment, l'Église s'opposa avec obstination à toute «réforme» qui avait comme conséquence de ravaler le latin en seconde place après le françois (ou «françoys»). Elle réprima même par le fer et par le feu les mouvements de réforme qui préconisaient la traduction des livres saints en «langue vulgaire». On sait ce qui arriva:  vers 1520, la Bible et l'Évangile furent traduites en français et tous les calvinistes de France ou de Suisse s'évertuèrent à répandre les Saintes Écritures sous cette forme, évidemment au grand dam de la hiérarchie catholique qui tenait à son latin. Bon gré mal gré, les polémiques «religieuses» finirent toutes par être rédigées en français, aussi bien qu'en latin. 

La politique linguistique française eut comme conséquence de relier l'unité du royaume et l'unité de la langue. Puis le français commença à s'imposer comme une langue diplomatique en Europe. Par exemple, si le traité des Pyrénées, conclu entre la France et l'Espagne, avait été rédigé en français et en espagnol en 1659, le traité d'Aix-la-Chapelle de 1668, signé entre les deux mêmes pays, fut rédigé uniquement en français.

4 Les problèmes du français

Le français de l'époque était loin d'avoir résolu tous les problèmes qui freinaient encore son expansion. Il y avait l'incontournable question de la présence des patois qu'on appelait de plus en plus des «dialectes» (depuis Ronsard), mais aussi la non-uniformisation de l'orthographe, l'omniprésence des «écumeurs de latin» et l'absence d'ouvrages portant sur la description du français.

4.1 L'omniprésence des patois

En 1533, un humaniste picard du nom de Charles de Bovelles (1479-1553) — un disciple de Jacques Lefèvre d'Étaples (1450-1536), l'un des pères de la Réforme française et l'un des plus grands philologues de la Renaissance — écrivit un ouvrage sur les «langues vulgaires» parlées en France: De differentia vulgarium linguarum et Gallici sermonis varietate («Des différentes langues vulgaires et variétés de discours utilisés dans les Gaules»). Dans son ouvrage, l'auteur faisait remarquer: «Il y a actuellement en France autant de coutumes et de langages humains que de peuples, de régions et de villes.» Il évoquait notamment les «peuples étrangers» que sont les Burgondes, les Francs, les Bretons, les Flamands, les Normands, les Basques et les «Germains cisrhénans». Son inventaire des langues indigènes (les parlers d'oïl) comprenait «les Lorrains, les Bourguignons, les Poitevins, une partie des Belges comme les habitants d'Amiens et de Péronne, les habitants de Saint-Quentin, de Laon et les Esses, les Parisiens, ceux du Hainaut». En somme, l'auteur soulignait la grande diversité linguistique dans la France de son époque, mais aujourd'hui les Esses font partie de l'Allemagne, le Hainaut, de la Belgique.

Rappelons qu'au début de la Renaissance la plupart des Français ne parlaient pas le français (ou «françois»), mais leur langue régionale appelée patois (dialecte). Ce terme de «patois» est un mot typiquement français inventé plutôt pour des intérêts politiques que linguistiques. Le mot a probablement été inventé à la fin du XIIe siècle pour désigner le parler des paysans. Dès le XVe siècle, le mot patois fut considéré comme une forme de parler grossière par comparaison au français du roi. C'est pourtant dans ces langues que les prêtres s'adressaient à leurs ouailles. Lorsque les enfants allaient dans les écoles de village, c'est également dans ces langues qu'ils apprenaient les préceptes de leur religion et parfois certains rudiments d'écriture. On ne parlait «françois» (variété basse) comme langue maternelle qu'à Paris, dans certaines villes du Nord (Rouen, Reims, Metz, etc.) et au sein des classes aristocratiques (variété haute) du nord de la France. Partout ailleurs, le «françois», quand il était connu, demeurait une langue seconde (variété basse ou haute) pour l'aristocratie et la grande bourgeoisie.  

Jusqu'ici, on employait le terme de «patois» pour désigner les parlers régions du royaume de France. En général, le mot faisait référence à un «parler incompréhensible» par les autres locuteurs. Par exemple, un locuteurs du béarnais ne comprenait pas un locuteur du basque, pas plus que le savoyard ou le poitevin. Mais le mot «patois» possédait en même temps une connotation négative. C'est pourquoi Pierre de Ronsard (1524-1585) trouva le mot «dialecte» (du grec dialektos: «langue») pour désigner son «parler vendômois». Au XVIe siècle, tout le monde prit conscience et de l'unité et de la disparité linguistiques dans le royaume de France. Le mot «dialecte» fut alors employé dans les milieux littéraires pour désigner le fonds lexical dans lequel les écrivains et les poètes pouvaient puiser des «mots de leur terroir». Ronsard déclarait en 1565 qu'il acceptait les vocables picards, angevins, tourangeaux, etc., lorsqu'ils comblaient les lacunes du «françois»:

Tu sauras dextrement choisir & approprier à ton œuvre les mots plus significatifs des dialectes de nostre France, quand mesmement tu n'en auras point de si bons ny de si propres en ta nation, & ne se fault soucier si les vocables sont Gascons, Poitevins, Normans, Manceaux, Lionnois ou d'autres païs, pourveu qu'ilz soyent bons & que proprement ilz signifient ce que tu veux dire, sans affecter par trop le parler de la court, lequel est quelquesfois tresmauvais pour estre le langage de damoiselles & jeunes gentilzhommes qui font plus de profession de bien combattre que de bien parler. […] Tu ne rejecteras point les vieux verbes Picards, comme voudroye pour voudroy, aimeroye, diroye, feroye : car plus nous aurons de motz en nostre langue, plus elle sera parfaicte, & donnera moins de peine à celuy qui voudra pour passetemps s'y employer. (Ronsard, 1565).

Citons aussi Montaigne (1533-1592) qui affirmait: «Que le gascon y aille, si le françois n'y peut aller.» Cette entrée soudaine des dialectes dans la littérature ne dura pas très longtemps. Même le grand François Malherbe (1555-1628) en vint à insister sur la nécessité d'unifier la langue française, comme en témoigne ce commentaire sur la poésie de Philippe Desportes:

«Comme un ray du soleil, qui la nuict se destainct» (Desportes, Epitaphes, v.4, p. 93)

Note 2 : Je dirois : esteint, et non desteint. Les Normands disent : la chandelle est desteinte ; mais mal, car il faut dire esteinte. Desteint se dit d´un drap ou autre chose qui a perdu sa couleur. Les rayons du soleil ne se desteignent point la nuit ; et puis à bien parler, une clairté ne se desteint pas, elle s´esteint ; une couleur se desteint, c´est-à-dire perd son lustre, perd son teint. (Malherbe, 1606).

Mais François Malherbe ne semblait pas apprécier les «provençalismes», «gasconismes» et autres dialectalismes ou italianismes:
 
«Et que chacun s´attend à prendre son repas» (Desportes, Élégies, Livre II, p. 390)

Note : Je n´approuve pas ce langage : il s´attend à prendre son repas, car attendere des Latins ne signifie pas attendre ; et attendre en francois ne signifie autre chose qu´expectare. Cette phrase est provençale, gasconne, et d´autres telles dialectes éloignées, ou italienne : Attende a far i fatti suoi. (Malherbe, 1606).

On parlait beaucoup à l'époque de «dégasconiser» la langue françoise. À la fin du XVIe siècle, Étienne Pasquier (1529-1615), dans ses Recherches pour la France (1570), proposait un portrait d'une France linguistiquement unifiée à l'écrit :

Ceux qui avoient quelque asseurance de leurs esprits, escrivoient au vulgaire de la Cour de leurs Maistres, qui en Picard, qui Champenois, qui Provençal, qui Tholozan, tout ainsi que ceux qui estoient à la suite de nos Roys escrivoient au langage de leur Cour. Aujourd'huy il vous en prend tout d'une autre sorte. Car tous ces grands Duchez et Comtez estant unis à nostre Couronne nous n'escrivons plus qu'en un langage, qui est celuy de la Cour du Roy, que nous appellon François. (Pasquier, 1570).

Pourtant, Pasquier s'opposait à ce que la cour serve de modèle linguistique en raison de l'usage italianisant de ses membres; il préférait l'usage du Parlement plus proche de la réalité. Dans une lettre à Claude de Kerquefinen, il écrivait dix ans plus tôt (1560):

Vous n'estes pas le premier qui estes de ceste opinion, & y en a une infinite en France, qui estiment avec vous qu'il faut puiser l'Idee & vraye naîfvete de nostre langue e la cour de noz Rois, comme sejour & et abord general de tous les mieux  disants de la France. Si vous me disiez que c'est la ou il faut aller prendre a bien faire ses besongnes, je le vous allouerois franchement; mais pour apprendre a parler le vray françois, je le vous nie toue a plat. Au contraire (voyez, je vous en prie, combien je m'eslongne en cecy de vous), j'estime qu'il n'y a lieu ou nostre langue soit plus corrompue. 

Dans le dictionnaire (Dictionnaire français contenant les mots et les choses) que Pierre Richelet (1631-1694) publiera en 1680, il se moquera de l'usage des dialectes dans les provinces et, ce faisant, ses locuteurs seront considérés comme ne sachant pas parler :

Médecine. Quelques personnes se servent du mot de médecine pour dire la femme d'un Médecin. Ils diront Madame la Médecine, ou Mademoiselle la Médecine telle est acouchée. Ces personnes parlent comme les Provinciaux qui ne savent pas parler. On dit à Paris, la femme d'un Médecin (Richelet, 1680).

Par la suite, tous les dictionnaires conserveront cette approche dépréciative de la notion de dialecte. Il en est ainsi dans le dictionnaire d'Antoine Furetière (1620-1688) de 1690, le Dictionnaire Universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les Sciences et des Arts :

DIALECTE. ƒ.m. Langage particulier d'une Province, corrompu de la Langue generale ou principale du Royaume. Les Grecs avoient plusieurs sortes de Dialectes, le Dialecte Ionique, Æolique, &c. Le Gascon, le Picard, sont des Dialectes François. Le Boulonnois, le Bergamasque, sont des Dialectes Italiens. (Furetière, 1690).

Pour Furetière, il existe une «langue générale» et un «langage particulier» d'une province, qui n'est qu'une corruption de la langue précédente. En 1694, le Dictionnaire de l'Académie française reprendra la même approche, ce qui ne surprend pas de la part de l'Académie :

DIALECTE. s.m. Langage particulier d'une ville ou d'une province, dérivé de la Langue generale de la nation. La Langue Grecque a differents dialectes. (Dictionnaire de l'Académie, 1694).

Les notions de «dialecte» et de «patois» seront toujours associées à un usage «inférieur», «corrompu», «grossier», «rural», «paysan», par opposition à la «langue» françoise jugée «supérieure», «raffinée», «douce», «élégante», sinon «royale». Cette hiérarchisation des parlers permettra aux érudits de l'époque de faire dériver tous les dialectes de France de la seule et unique langue française, ce qui, on le sait aujourd'hui, est tout à fait erroné, puisque tous ces dialectes, comme le français, proviennent du même latin d'origine. Comme on peut le constater, l'intégration des parlers régionaux prônée par Ronsard n'a pas pu tenir le coup très longtemps. Le discours du «triomphe» de la langue nationale sur les patois et de la supériorité du français sur les idiomes des provinces deviendra le modèle institutionnel de la civilisation. Par le fait même, la langue se transformera un objet politique comme langue de l'État, c'est-à-dire une langue officielle qu'il faudra organiser et réglementer.

4.2 La vogue des latiniseurs et écumeurs de latin

Le latin du XVIe siècle demeurait encore une langue vivante pour certaines catégories de personnes: les juristes ou «gens de droit», les ecclésiastiques ou «gens d'Église», les lettrés et les scientifiques. Tous ces professionnels lisaient, écrivaient et parlaient le latin, en plus de leur langue maternelle (le françois ou un dialecte). Le latin était aussi une langue fort utile, qui leur permettait non seulement de communiquer avec ce qu'on appellerait aujourd'hui les membres de la «communauté internationale», mais aussi d'entretenir des liens directs avec les écrits du passé. Le latin était une langue véhiculaire commode sans qu'il ne faille s'encombrer de traductions.

Cependant, le latin du XVIe siècle n'était plus celui des Romains. En tant que langue vivante chez les érudits, il avait continué d'évoluer. Dix siècles avaient passé depuis que le latin n'était plus la langue maternelle de personne! Plus aucun Romain du temps de César ou de Cicéron n'aurait compris un scientifique français (italien, espagnol, allemand, etc.) s'exprimer en «latin du XVIe siècle». Par exemple, les Français avaient introduit des voyelles orales inconnues des Romains, comme le [ü] de flûte; les Allemands recouraient à des prononciations particulières pour transcrire certaines consonnes, pendant que les Italiens, les Espagnols, les Hongrois, etc., avaient leurs propres façons de lire et d'écrire le latin.

Avec le temps, les scientifiques n'entendaient plus le même latin, selon qu'il était utilisé en France, en Italie, en Allemagne ou en Hongrie. La communication orale entre érudits de différents pays devenait de plus en plus difficile! Le grand humaniste et théologien hollandais Érasme (1469-1536) consacra en 1528 un ouvrage sur cette question: Dialogus de recta latini graecique sermonis pronuntatione («Dialogues sur la prononciation correcte du grec et du latin»). Les humanistes se rendirent compte que l'existence du «latin éternel»était un mythe et qu'il avait subi des altérations, des déformations et des dégradations au cours des siècles. En fait, il n'avait fait qu'évoluer.

Sous l'impulsion d'Érasme, un vaste mouvement de «révision» se mit en branle afin de redonner une sorte de lustre au latin perdu. La relecture de l'Antiquité, qui avait envahi toute l'Europe, favorisa en même temps la «relatinisation» du français, ce qui allait durer plus d'un siècle. C'était la solution que les érudits du latin avaient trouvée pour enrichir la «pauvreté» du françois par rapport au latin. Ce mouvement «révisionniste», qui demeure l'un des plus importants de toute l'histoire du français, se fit sentir à la fois dans l'orthographe et le lexique.

- La question de l'orthographe

Le XVIe siècle fut aussi celui d'une certaine uniformisation de l'orthographe. Jusqu'alors, tous les clercs, érudits, juristes, copistes, poètes et autres écrivaient les mots comme bon leur semblait, sans aucune véritable contrainte. Certains esprits de la Renaissance furent sensibles à la gêne qu'imposait alors l'orthographe, surtout avec les contraintes apportées par l'imprimerie. Les typographes, une profession alors fort à la mode depuis l'invention de l'imprimerie, fut responsable de biens des traditions, parfois fort sottes, sinon bien encombrantes.

Ainsi, les imprimeurs introduisirent des consonnes étymologiques absentes dans la graphie française, alors qu'elles n'étaient pas prononcées. Par exemple, un g et un t dans doi apparut pour rappeler que le mot doigt provenait du latin digitum. Il en fut de même pour le p de compter (< lat. computare), le b de doubter (< lat. dubitare), le c de faict (< lat. factum), le g de congnoistre (< lat. cognoscere), le p de corps < lat. corpus) ou de temps < lat. tempus), le h de homme (< lat. homo), le b de soubdain (< lat. subitaneus), le p de sept (< lat. septem), le g de vingt (< lat. viginti), le x de paix (< lat. pax). Et il y en a eu beaucoup d'autres! En ancien français, ces mots s'écrivaient respectivement conter, doter, faz, conoitre, cors, tems, om, sudein, set, vint et pais. De cette façon, les latiniseurs, qui voulaient absolument reconnaître la forme latine derrière la forme française, multipliaient les lettres superflues rappelant l'étymologie latine. Ainsi, le mot abhorrer, avec ses nouvelles formes latinisantes (< lat. abhorrere), apparaissait comme nettement supérieur à l'ancienne graphie populaire avorir, décidément trop simple. Ces complications orthographiques faisaient l'affaire des typographes qui pouvaient ainsi non seulement afficher leurs connaissances, mais aussi recevoir des honoraires plus élevés parce que les mots d'imprimerie étaient plus longs à composer.   

Toutefois, les savants latiniseurs ont fait parfois des erreurs en croyant, par exemple, que le mot pois (aujourd'hui poids) venait du latin pondus, alors qu'il provenait de pensum. Il en est ainsi de lais (de laisser) devenu legs (en référence à legatum), de seel (du lat. pop. sitellus) devenu sceau (pour le distinguer de seau). Cela étant dit, c'est à cette époque que nous devons cette déplorable orthographe du français dont les francophones subissent encore les servitudes.     

À partir des années 1530, certains érudits commencèrent à protester contre l'envahissement du français par le latin. Ainsi, Jean-Antoine de Baïf (1532-1589), grand admirateur de la culture antique et théoricien de la versification, protestait contre les complications en usage et préconisait un système simple et élégant, mais son succès fut presque nul. Il semble que les écrivains, les lettrés et les gens du monde abdiquèrent en faveur des typographes et leur laissèrent le soin d'écrire le français comme ils le jugeaient, c'est-à-dire de façon plus savante, plus latinisante, plus noble et plus flatteuse... pour eux.

Un illustre humaniste de l'époque, Geoffroy Tory (v. 1480-1533), imprimeur et graveur de son métier, renouvela la forme des livres. En même temps, il condamnait avec vigueur les «latineurs» qui remplaçaient les mots bien connus par des formes latinisantes telles que transfeter pour traverser, deambuler pour se promener, quadrivies pour places publiques. Voici ce qu'il pensait des «escumeurs de latin» :

On dit communément (et on dit vrai) qu'il y a grande vertu naturelle dans les herbes, pierres et paroles. En donner des exemples serait superflu tant la chose est certaine. Mais je voudrais qu'il plût à Dieu de me donner la grâce de pouvoir, par mes paroles et requêtes, persuader certains que, même s'ils ne veulent pas faire honneur à notre langue française, qu'au moins ils ne la corrompent pas. J'estime qu'il y a trois sortes d'hommes qui se plaisent à travailler à la corrompre et à la déformer : ce sont les escumeurs de latin, les faiseurs de bons mots et les jargonneurs. Quand les escumeurs de latin disent : "Despumon la verbocination latiale, & transfreton la Sequane au dilicule & crepuscule, puis deambulon par les Quadrivies & Platees de Lutece, & comme verisimiles amorabundes captiuon la beniuolence de lomnigene & omniforme sexe feminin", il me semble qu'ils ne se moquent pas seulement de nous, mais d'eux-mêmes.

Dans un livre de 1529 intitulé Champ-Fleury, auquel est contenu l'art & science de la deue et vraye proportion des lettres attiques et vulgairement Lettres Romaines, proportionnées selon le corps & le visage humain, Geoffroy Tory proposa même une réforme en profondeur de l'orthographe. Il popularisa le caractère «romain» (parce que ses premiers caractères furent réalisés au monastère de Subiaco, près de Rome) qu'il enrichit de l'apostrophe, des accents aigus et de la cédille (d'influence espagnole):
 

En nostre langage françois, dit-il, navons point daccent figure en escripture, et ce pour le default que nostre langue nest encore mise ne ordonnee a certaines reigles, comme les hebraique, grecque et latine. Je vouldrois quelle y fust, ainsi que on le porroit bien faire.

Tory eut aussi l'idée de remplacer les lettres élidées par une apostrophe (la + apostrophel'apostrophe), ce qui n'était pas encore répandu en français. Bref, Geoffroy Tory joua un grand rôle dans l'élaboration des signes graphiques du français. En 1529, François Ier lui accorda le titre d'«imprimeur du roi» et, en 1532, il le fit admettre comme «libraire-juré» de l'université de Paris.

L'imprimeur Tory ne fut pas le seul des «délatineurs» à combattre ces écumeurs de latin. François Rabelais (v. 1494-1553) s'éleva aussi contre les écumeurs de latin et la pédanterie latine pour défendre la langue vulgaire (populaire):
 

Si je vis encore l'âge d'un chien, en santé et intégrité, tel que vécut Démonax philosophe, par arguments non impertinants et raisons non réfutable je prouverai en barbe de je ne sais quel centonifiques botteleurs de matires cent et cent fois grabelées, rappetasseurs de vieilles ferrailles latines, revendeurs de vieux mots latins tous moisis et incertains, que notre langue vulgaire n'est tant vile, tant inepte, tant indigente et à mépriser qu'ils l'estiment » (Cinquième livre, prologue).

L'un des textes les plus célèbres de l'œuvre de François Rabelais demeure sans doute celui de «l'escholier limousin», que rencontrent à Paris le personnage Pantagruel et ses compagnons. L'écrivain se moque joyeusement du jargon prétentieux de ceux qui ont fait leurs études à la Sorbonne et qui ont pris l'habitude de latiniser leur propre langue à un point tel qu'ils ne sont plus guère compris:
 

Comment Pantagruel rencontra un Limosin qui contrefaisoit le langaige Francoys

Quelque jour, je ne sçay quand, Pantagruel se pourmenoit après soupper avecques ses compaignons par la porte dont l'on va à Paris. Là rencontra ur escholier tout jolliet, qui venoit par icelluy chemin ; et, après qu'ilz se furent saluez, luy demanda : " Mon amy, d'ont viens tu à ceste heure ? L'escholier luy respondit : " De l'alme, inclyte et celebre academie que l'on vocite Lutece.

­ Qu'est ce à dire ? dist Pantagruel à un de ses gens ?
­ C'est (respondit-il), de Paris.

­ Tu viens doncques de Paris, dist il ? Et à quoy passez vous le temps, vous aultres messieurs estudiens, audict Paris ? " Respondit l'escolier : " Nous transfretons la Sequane au dilucule et crepuscule ; nous deambulons par les compites et quadrivies de l'urbe ; nous despumons la verbocination latiale, et, comme verisimiles amorabonds, captons la benevolence de l'omnijuge, omniforme, et omnigene sexe feminin. Certaines diecules nous invisons les lupanares, et en ecstase venereique, inculcons nos veretres es penitissimes recesses des pudendes de ces meritricules amicabilissimes ; puis cauponizons es tabernes meritoires de la Pomme de Pin, du Castel, de la Magdaleine et de la Mulle, belles spatules vervecines perforaminées de petrosil. Et si, par forte fortune, y a rarité ou penurie de pecune en nos marsupies, et soyent exhaustes de metal ferruginé, pour l'escot nous dimittons nos codices et vestes opignerées, prestolans les tabellaires à venir des Penates et Lares patriotiques. " A quoy Pantagruel dist : " Que diable de langaige est cecy ? Par Dieu, tu es quelque heretique.

­ Seignor, non, dit l'escolier, car libentissiment, dès ce qu'il illucesce quelque minutule lesche du jour, je demigre en quelc'un de ces tant bien architectez monstiers, et là, me irrorant de belle eaue lustrale, grignotte d'un transon de quelque missicque precation de nos sacrificules ; et, submirmillant mes precules horaires, elue et absterge mon anime de ses inquinamens nocturnes. Je revere les Olimpicoles. Je venere latrialement le supernel Astripotent. Je dilige et redame mes proximes. Je serve les prescriptz Decalogiques et, selon la facultatule de mes vires, n'en discede le late unguicule. Bien est veriforme que, à cause que Mammone ne supergurgite goutte en mes locules, je suis quelque peu rare et lend à supereroger les eleemosynes à ces egenes queritans leurs stipe hostiatement.

­ Et bren, bren ! dist Pantagruel, qu'est ce que veult dire ce fol ? Je croys qu'il nous forge icy quelque langaige diabolique et qu'il nous cherme comme enchanteur. " A quoy dist un de ses gens : " Seigneur, sans doubte, ce gallant veult contrefaire la langue des Parisians ; mais il ne faict que escorcher le latin, et cuide ainsi pindariser, et luy semble bien qu'il est quelque grand orateur en francoys, parce qu'il dedaigne l'usance commun de parler. " A quoi dict Pantagruel : " Est il vray ? " L'escholier respondit : " Signor Missayre, mon genie n'est poinct apte nate à ce que dict ce flagitiose nebulon, pour escorier la cuticule de nostre vernacule Gallicque, mais vice versement je gnave opere, et par veles et rames je me enite de le locupleter de la redundance latinicome. ­ Par Dieu (dist Pantagruel) je vous apprendray à parler. Mais devant, responds moy : dont es tu ? " A quoy dist l'escholier : "L'origine primeves de mes aves et ataves fut indigene des regions Lemovicques, où requiesce le corpore de l'agiotate sainct Martial.

­ J'entens bien, dist Pantagruel ; tu es Lymosin, pour tout potaige. Et tu veulx icy contrefaire le Parisian. Or vien çza, que je te donne un tour de pigne! " Lors le print à la gorge, luy disant : " Tu escorche le latin ; par sainct Jean, je te feray escorcher le renard, car je te escorcheray tout vif. "

Lors commença le pauvre Lymosin à dire : " Vée dicou, gentilastre ! Ho, sainct Marsault, adjouda my ! Hau, hau, laissas à quau, au nom de Dious, et ne me touquas grou ! " A quoy dist Pantagruel : " A ceste heure parle tu naturellement. " Et ainsi le laissa, car le pauvre Lymosin conchioit toutes ses chausses, qui estoient faictes à queheue de merluz, et non à plein fons ; dont dist Pantagruel : " Sainct Alipentin, quelle civette ! Au diable soit le mascherabe, tant il put ! " Et le laissa. Mais ce luy fut un tel remord toute sa vie, et tant fut alteré qu'il disoit souvent que Pantagruel le tenoit à la gorge, et, après quelques années, mourut de la mort Roland, ce faisant la vengeance divine et nous demonstrant ce que dit le philosophe et Aule Gelle : qu'il nous convient parler selon le langaige usité, et, comme disoit Octavian Auguste, qu'il fault eviter les motz espaves en pareille diligence que les patrons des navires evitent les rochiers de mer.
____________________
Rabelais, Pantagruel 1532, Chapitre VI.

Pour Rabelais, les écumeurs de latin sclérosaient l'enseignement, maintenaient les sciences dans l'obscurantisme et corrompaient le français, rien de moins.

- Les doublets

C'est aussi à cette époque que nous devons une augmentation importante des doublets, même si ce processus était apparu dès la début de l'ancien français. À la Renaissance, les doublets devinrent l'une des manifestations courantes du renouvellement du vocabulaire. Un doublet correspond à deux mots de même origine étymologique, dont l'un a suivi l'évolution phonétique normale, alors que l'autre a été emprunté directement au latin (parfois au grec) après quelques siècles. Ainsi, hôtel et hôpital sont des doublets; ils proviennent tous les deux du même mot latin hospitalis, mais l'évolution phonétique a abouti à hôtel, tandis que, quelques siècles plus tard, l'emprunt a donné hospital, puis hôpital. Le mot latin d'origine populaire est toujours le plus éloigné, par sa forme, du latin classique. On compte probablement quelques centaines de doublets qui ont été formés au cours de l'histoire. Nous n'en citons ici que quelques-uns. On constatera que les doublets ont toujours des sens différents, parfois très éloignés l'un de l'autre:
 

MOT LATIN > fr. pop. / mot savant MOT LATIN > fr. pop. / mot savant MOT LATIN > fr. pop. / mot savant MOT LATIN > fr. pop. / mot savant
rigidus > raide/rigide
fragilis > frêle/fragile
pendere > peser/penser
integer > entier/intègre
legalis > loyal/légal
liberare > livrer/libérer
fabrica > forge/fabrique
acer > aigre/âcre»
auscultare > écouter/ausculter
absolutum > absous/absolu
capitalem > cheptel/capitale
advocatum > avoué/avocat
singularis > sanglier/singulier
masticare > mâcher/mastiquer
capsa > châsse/caisse
senior > sieur/seigneur
ministerium > métier/ministère
scala > échelle/escale
causa > chose/cause
porticus > porche/portique
simulare > sembler/simuler
strictum > étroit/strict
potionem > poison/potion
frictionem > frisson/friction
claviculum > cheville/clavicule
pedestrem > piètre, pitre/ pédestre
tractatum > traité/tract
operare > oeuvrer/opérer

En français, les doublets touchent généralement des mots d'usage très courant, mais peu de termes scientifiques ou de la vie quotidienne ou familiale. Ce mouvement a eu pour résultat d'introduire un très grand nombre de mots savants. Mais ce procédé du calque, reproduisant l'étymologie latine, a produit un important lexique savant fort différent du fonds lexical ancien et populaire résultat des lois phonétiques et de l'évolution des mots dans le temps. Parallèlement, ce nouveau lexique va s'imposer massivement et s'ajouter à l'ancien comme un système autonome. 

- Le fameux participe passé de Marot

C'est au XVIe siècle qu'apparaît la règle de l'accord du participe passé avec avoir. Nous la devons à Clément Marot (1496-1544). Ce dernier l'avait empruntée à un professeur italien qui, enseignant le français à des Italiens, essayait de trouver un système sous-jacent au fonctionnement du participe passé. Marot a formulé ainsi la règle du participe passé avec avoir :
 

 
Nostre langue a ceste façon
Que le terme qui va devant
Voluntiers regist le suyvant.
Les vieux exemples je suyvray
Pour le mieulx: car, à dire vray;
La chanson fut bien ordonnée
Qui dit m'amour* vous ay donnée.
Et du bateau est estonné
Qui dit: M'amour vous ay donné.
Voilà la forceque possède
Le femenin quand il precede.
Or prouvray par bons temoings
Que tous pluriels n'en font pas moins:
Dieu en ce monde nous a faictz;
Faut dire en termes parfaictz:
Dieu en ce monde nous a faictz;
Faut dire en parolles parfaictes:
Dieu en ce monde les a faictes;
Et ne fault point dire en effect:
Dieu en ce monde les a faict.
Ne nous a fait pareillement,
Mais nous a faictz tout rondement.
L'italien, dont la faconde
Passe les vulgaires du monde,
Son langage a sinsi basty
En disant: Dio noi a fatti.

En graphie moderne, on aurait eu:

Notre langue a cette façon
Que le terme qui va devant
Volontiers régit le suivant.
Les vieux exemples je suivrai
Pour le mieux: car, à dire vrai;
La chanson fut bien ordonnée
Qui dit: «M'amour vous ai donnée».
Et du bateau est étonné
Qui dit:
«M'amour vous ai donné».
Voilà la force que possède
Le féminin quand il précède.
Or prouverai par bons témoins
Que tous pluriels n'en font pas moins:
Dieu en ce monde nous a faits;
Faut dire en termes parfaits:
«Dieu en ce monde nous a faits»;
Faut dire en paroles parfaites:
«Dieu en ce monde les a faites»;
Et ne faut point dire en effet:
«Dieu en ce monde les a fait
».
Ni «nous a fait» pareillement,
Mais
«nous a faits» tout rondement.
L'italien, dont la faconde
Passe les vulgaires du monde,
Son langage a ainsi bâti
En disant: Dio ci à fatti.

C'est cette règle (le mot amour était féminin), fondée sur l'opposition entre le participe passé avec être et le participe passé avec avoir, que nous observons aujourd'hui. À l'époque de Clément Marot, elle n'aurait connu qu'un succès relatif: les écrivains suivaient plus ou moins cette nouvelle règle. On pouvait écrire «la lettre qu'il a écrite», aussi bien que «il a une lettre écrite» ou «il a écrite une lettre». À long terme cependant, il parut plus commode d'avoir une règle afin que le français soit plus comparable au latin. Les imprimeurs apprirent par cœur les célèbres vers de Marot, sans savoir que, pendant des siècles, cette fameuse règle fera la vie dure aux écoliers! Dans son Histoire de la langue française, le grammairien Fernand Brunot précise que, au XVIIe siècle, la prononciation pouvait jusqu'à un certain point justifier la règle de Marot. Ainsi, le «e» final, par exemple, de «rendue» ou de «chantée» s'entendait grâce à l'allongement de la voyelle finale, mais uniquement avant une pause. Bref, le participe passé terminé par les voyelles -i, -u et -é était souvent marqué par un allongement à l'oral, mais il n'y avait rien de rigide. D'autres reprendront la règle de Marot, dont Vaugelas et Malherbe qui l'étendra aux verbes pronominaux, mais ce n'est qu'au XIXe siècle que les règles du participe passé seront imposées dans les écoles de France, de Belgique, des cantons suisses romands et du Canada français.

3.4 Les défenseurs du français

De plus en plus de savants écrivirent en français, notamment les mathématiciens, les chimistes, les médecins, les historiens et les astronomes, et plusieurs écrivains préconisèrent d'employer cette langue, dont Du Bellay, Ronsard, Rabelais, Montaigne, Robert Estienne, etc.

En 1521, Pierre Fabri (v. 1450-v. 1535), un rhétoricien et un poète français, écrivit un traité de rhétorique intitulé Grant et vray art de pleine rhetorique. Il pouvait affirmer que le vocabulaire du «françoys» est suffisamment riche pour désigner les réalités avec précision et élégance:
 

Et qu'il soit vray le langaige françoys est si ample et si abundant en termes que combien que l'en puisse parler de toutes sciences sans user de propres termes de icelles comme par circunlocutions, toulteffoys le plus elegant et le plus agregé est de user de propres termes ja par noz peres imposez. Je entens des termes honnestes carles deshonnestes se doibvent dire par circunlocution comme il sera dict cy aprés.

Ce genre de propos explique la publication du fameux pamphlet de Joachim Du Bellay (1522-1560), La Deffence, et Illustration de la Langue Francoyse (Défense et illustration de la langue française), qui parut en 1549 et généralement considéré comme le manifeste de La Pléiade. Dans ce texte, Joachim Du Bellay préconisait, contre les défenseurs du latin, l'usage de la langue française en poésie. Il favorisait ouvertement l'enrichissement du vocabulaire par la création de termes nouveaux (abréviations de termes existants, création de mots composés, réactivation du sens des racines anciennes, etc.). Les emprunts à d'autres langues, régionales ou étrangères (grecque et latine notamment) sont également conseillés, à condition que les mots choisis soient adaptés en français. Du Bellay recommandait aussi d'abandonner les formes poétiques médiévales employées jusqu'à Clément Marot et préconisait l'imitation des genres en usage dans l'Antiquité, tels que l'élégie, le sonnet, l'épopée ou l'ode lyrique, mais aussi la comédie et la tragédie. Du Bellay considérait aussi que le latine et le grec étaient des langues mortes, devenues difficiles d'accès, contrairement aux langues vivantes:
 

Ne pensez donc, imitateurs, troupeau servile, parvenir au point de leur excellence, vu qu'à grand'peine avez-vous appris leurs mots, et voilà le meilleur de votre âge passé. Vous déprisez notre vulgaire, par aventure non pour autre raison, sinon que dès enfance et sans étude nous l'apprenons, les autres avec grand'peine et industrie. Que s'il était, comme la grecque et latine, péri et mis en reliquaire de livres, je ne doute point qu'il ne fût (ou peu s'en faudrait) aussi difficile à apprendre comme elles sont.

Les idées exprimées par Du Bellay n'étaient pas tout à fait nouvelles, mais celui-ci eut le mérite de les rendre publiques, et ce, avec une certaine audace, il faut l'avouer. On peut consulter le texte au complet de Défense et illustration de la langue françoise de Du Bellay en cliquant ICI. On admirera la richesse et l'invention des mots créés par l'auteur qui met en pratique ce qu'il préconise. 

Dans la Franciade (1572), Pierre Ronsard désirait démontrer que langue vulgaire française était capable de produire un poème appartenant au plus prestigieux des genres littéraires, et de fournir un mythe d'origine national liant la France à un passé hellénique. Dans sa préface, il présente le latin comme une «chose morte»:
 

C'est autre chose d'escrire en une langue florissante qui est pour le présent reçeuë du peuple, villes, bourgades et citez, comme vive et naturelle, approuvée des Rois, des Princes, des Sénateurs, marchands et trafiqueurs, et de composer en une langue morte, muette et ensevelie sous le silence de tant d'espaces d'ans, laquelle ne s'apprend plus qu'à l'escole par le fouet et par la lecture des livres, ausquelles langues mortes il n'est licite de rien innover, comme disgraciées du temps [...] comme chose morte, laquelle s'est perdue par le fil des ans, ainsi que font toutes choses humaines, qui perissent vieilles, pour faire place aux autres suivantes & nouvelles : car ce n'est pas raison que la nature soit tousjours si prodigue de ses biens à deux ou trois nations, qu'elle ne vueille conserver ses richesses aussi pour les derniers comme pour les premiers.

Robert Estienne (1503-1559), le fils de Henri Estienne, était un imprimeur huguenot, mais aussi l'un des humanistes les plus érudits de son époque. Il connaissait non seulement le françois, le latin et le grec, mais aussi l'hébreu, comme le prouvent les ouvrages savants qu'il a transmis dans ces différentes langues. Dans De la précellence du langage françois (1579, ), Robert Estienne estimait que les patois constituaient une richesse pour le royaume, mais que le «françois» devait demeurer la langue principale:
 

J'estime qu'en cas de langage je ne puis appeler le cueur de la France les lieux où sa nayveté et pureté est le mieux conservee: de sorte que tous y sont d'accord que ces voscables estrangers nous doivent servir de passetemps plustost que d'ornement ou enrichissement, et que le langage de ceux qui en usent autrement, doit estre déclaré non pas françois mais gastefrançois.

Robert Estienne introduisit en 1530 l'accent aigu, l'accent grave et l'accent circonflexe. D'autres proposeront plus tard le point virgule, le trait d'union, etc.

Pour terminer sur cette question, laissons la parole à nul autre que René Descartes (1596-1659) qui justifiait ainsi son choix du français dans la rédaction de son célèbre Discours de la méthode (1637):

Et si j'écris en français qui est la langue de mon pays, plutôt qu'en latin, qui est celle de mes précepteurs, c'est à cause que j'espère que ceux qui ne se servent que de leur raison naturelle toute pure, jugeront mieux de mes opinions, que ceux qui ne croient qu'aux livres anciens; et pour ceux qui joignent le bon sens avec l'étude, lesquels seuls je souhaite pour mes juges, ils ne seront point, je m'assure, si partiaux pour le latin, qu'ils refusent d'entendre mes raisons pour ce que je les explique en langue vulgaire.

Après avoir écrit son ouvrage en français, Descartes retourna au latin pour ses Méditations métaphysiques et Les principes de la philosophie, mais il avait néanmoins ouvert le chemin et d'autres ensuite n'hésiteront plus à écrire la science en français. 

5 Les premières descriptions du français

Au cours du XVIe siècle, la langue française s'était considérablement enrichie et diversifiée. Les latinismes, italianismes, dialectalismes, néologismes, etc., avaient fini par accroître la masse des mots du français. Le français était devenu une langue littéraire et un instrument acceptable pour la transmission des connaissances scientifiques. C'est à cette époque que commencèrent les premières grammaires et les premiers dictionnaires rédigés en France, car l'Angleterre avait précédé les Français à ce sujet. 

C'est depuis Robert Estienne (1503-1559) que les répertoires de mots sont appelés des «dictionnaires», ce mot provenant du latin médiéval dictionarium, lui-même issu de dictio signifiant «action de dire» ou «réservoir de dictions, de mots». Robert Estienne publia en 1539 le Dictionnaire Francois latin contenant les motz et manieres de parler françois tournez en latin. L'ouvrage contenait 9000 mots français, chacun suivi d'une définition en latin; la seconde édition passera à 13 000 entrées. Le dictionnaire mettait l'accent sur le lexique spécialisé.  

L'année suivante (1530), l'Anglais John Palsgrave (1480-1554) publiait Lesclaircissement de la langue françoyse. Son ouvrage, rédigé en anglais malgré son titre, était dédié à Henri VIII et à la princesse Mary dont il fut le précepteur. Palsgrave mettait l'accent sur la prononciation et la manière de former les lettres tout en présentant un vocabulaire bilingue, ce qui en faisait un dictionnaire. L'auteur anglais voulait faire connaître la grammaire du français au moyen de règles précises. Il croyait que le français était «en général corrompu à cause du manque de règles et de préceptes grammaticaux». Il faut dire que de nombreux grammairiens français s'entêtaient à rédiger leurs règles du «françois» en... latin.

Progressivement, les grammairiens en vinrent à trouver une terminologie fraçaise: adjectif, conjonction, adverbe, conjugaison, terminaison, etc. En 1550, parut un ouvrage important de Louis Meigret (v. 1500-v. 1558) : Tretté de la grammaire francoeze, fet par Louis Meigret Lionoes. Meigret désirait qu'on écrivit comme on parle et il a inventé un système graphique très particulier. En voici un exemple tiré de son traité, évidemment plus difficile à lire :
 

[J]e suys asseuré q'une bone partíe de çeus qi s'ęn męlet, sont si fríans de suyure le stile Latin, ę d'abandoner le notre, qe combien qe leur' parolles soęt nayuemęnt Françoęzes : la maouęz' ordonançe rent toutefoęs le sens obscur, auęq vn gran' mecontęntemęnt de l'oręlle du lecteur, ę de l'assistęnçe. De vrey si nou' consideron' bien le stile de la lange Latin' ę celuy de la notre, nou' lę' trouuerons contręres en çe qe comunemęnt nou' fęzons la fin de claoz' ou d'un discours, de çe qe lę Latins font leur comęnçemęnt : ę si nou' considerons bien l'ordre de nature, nou' trouuerons qe le stile Françoęs s'y ranje beaocoup mieus qe le Latin. Car lę' Latins prepozent comunemęnt le souspozé ao vęrbe, luy donans ęn suyte le surpozé.

Le projet de Meigret était d'élaborer les règles d'un «langage entendible» à partir d'une «commune observance». Chez ce grammairien, la norme orthographique ne prétendait pas être autoritaire, mais devait plutôt provenir d'un usage réel. Meigret croyait qu'il «revient aux spécialistes de fixer la graphie, en la réglant sur l'usage oral, dont ils sont le greffier». Mais l'orthographe non traditionnelle prônée par Meigret a certainement limité son influence, car elle a suscité un rejet généralisé. Au plan théorique, peut-être est-ce lui qui avait raison? L'ouvrage de Meigret est le premier du genre à utiliser les adjectifs français et française (au lieu de françois/françoise) pour désigner la langue.

Pour sa part, le grammairien Honorat Rambaud (1516-1586) voulut proposer, lui aussi, une orthographe calquée sur la prononciation. Dans La Declaration des Abus que l'on commet en escrivant Et le moyen de les euiter, & de représenter nayuement les paroles: ce que iamais homme n'a faict, il considéra qu'il fallait augmenter le nombre des lettres latines si l'on voulait transcrire fidèlement les sons du français. Le traité de 351 pages de Rambaud proposait 24 nouvelles lettres de plus et atteignait les 52 lettres. Du temps de Rambaud, les gens riches parlaient et écrivaient le français, bien que leur langue maternelle soit un dialecte (patois). Quant aux pauvres, ils ne parlaient pas français et n'écrivaient pas du tout. Rambaud enseignait aux notables, mais désiraient que les gens du peuple puissent éventuellement écrire le français. Malgré la grande cohérence graphique proposée, le système de Rambaud fut perçu comme l'œuvre d'un fou par les érudits de son époque. Bref, les études de Meigret de Rambaud démontrent qu'il n'est pas aisé de calquer l'orthographe sur la prononciation. Une orthographe étymologique permet de garder la langue fixe, alors qu'une orthographe calquée sur la prononciation est soumise au changement périodique.  

Mentionnons aussi un autre ouvrage qui a fait fureur au XVIe siècle: la Gramere de Pierre de la Ramée (1515-1572) dit Petrus Ramus.  Rédigée en 1562, la grammaire de Ramus, qui admirait Meigret, se voulait un dialogue pédagogique entre un maître et son élève. Il a proposé des réformes grammaticales avec la distinction de la lettre u et de la lettre v (confondues à cette époque), ainsi que des trois «e» : e, é (accent aigu) et è (accent grave).

À la fin du XVIe siècle, la langue française avait beaucoup changé. L'orthographe n'était pas encore vraiment normalisée, et il était fréquent de trouver dans la même page, voire un même paragraphe, des graphies différentes pour un même mot. Le lexique s'était considérablement enrichi par l'apport massif de mots savants empruntés directement du latin. 

Bien qu'encore assez différente du français contemporain, la langue de cette époque peut aujourd'hui se lire sans qu'il ne soit nécessaire de passer par la traduction; il s'agit presque du français moderne. Cependant, le peuple continuait d'ignorer à peu près tout de cette langue qui commençait à se codifier; dans la région de Paris, il parlait un autre type de français, populaire celui-là, qui ne s'embarrassait pas des latinismes, italianismes et hispanismes, lesquels ne préoccupaient encore que les lettrés, les bourgeois et les nobles. En attendant, l'enseignement reculait partout, car une grande partie de la population s'était détournée de l'éducation. La population paysanne était massivement illettrée et, dans les campagnes, seuls les notables pouvaient lire et écrire le «françois».
 

Dernière mise à jour: 19 déc. 2023

Histoire de la langue française

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