Le Saint-Empire romain germanique

Sacrum Romanorum Imperium Nationis Germanicae
Heilige Römische Reich deutscher Nation

De 962 à 1806

1. L'appellation de l'Empire

L'appellation de Saint-Empire romain germanique est la traduction habituelle de la dénomination allemande officielle Heiliges römisches Reich deutscher Nation (mot à mot: Saint + romain + Empire + germanique + nation). Cette appellation est employée traditionnellement depuis la fin du XVe siècle dans les textes officiels, en même temps que sa dénomination latine Sacrum Romanorum Imperium Nationis Germanicæ, ce qui correspond littéralement à «Saint-Empire romain de la nation germanique». Dans la partie italienne de l'Empire, on employait aussi Sacro Romano Impero.

Au moment de sa fondation en 962, l'appellation se résumait en allemand à Römisches Reich et en latin à Romanorum Imperium, c'est-à-dire «Empire romain», car le premier empereur se voulait non seulement l'héritier de l'empire des Carolingiens, lequel venait de disparaître en 924, mais également celui de l'Empire romain de l'Antiquité. L'adjectif Saint (Heiliger ou Sacrum), attesté en 1157, fut ajouté sous le règne de Frédéric Barberousse (de 1155 à 1190) dans le but d'exprimer le «droit divin» devant présider l'intronisation des empereurs,  car l'imbrication du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel était le fondement même des institutions de l'époque; c'était aussi une façon de se distinguer de l'Empire romain d'Orient de religion orthodoxe, que les lettrés occidentaux désignèrent comme Imperium Graecorum, jusqu'à ce que l'historien allemand Jérôme Wolf (1516-1580) crée pour lui la dénomination «Empire byzantin» en 1557. Ce n'est qu'au XVe siècle qu'on a ajouté Deutscher Nation (en latin Nationis Germanicæ), la nation germanique, d'où l'appellation de Saint Empire romain germanique.

C'est Voltaire qui écrivait que le Saint Empire romain «n’était en aucune manière ni saint, ni romain, ni empire». De fait, cet empire n'avait rien de «saint», pas plus que «la Sainte-Russie» ou la «Sainte-Alliance» de 1815. Ce n'était pas vraiment un «empire», parce qu'il s'agissait plutôt d'une confédération (voir ci-dessous). Il n'était plus romain, mais germanique.

2. Une «confédération» d'États

L'histoire du Saint-Empire romain germanique (aussi appelé en Allemagne le Premier Reich) est reliée à l'histoire générale de l'Europe. Elle puise ses origines dans celle de l'Antiquité classique avec l'Empire romain d'Occident, dont le nom fut donné par les historiens à la période de la Rome antique, s'étendant entre 27 avant notre ère et 476 de notre ère. Pour la période postérieure, c'est-à-dire de 476 à 1453, c'est la partie orientale de l'Empire, avec Constantinople pour capitale, qui perdura et que les Croisés appelèrent  «Romanie» ou «Imperium Græcorum». Les historiens modernes l'ont appelée «Empire byzantin» à partir de 1557. En Occident, de 476 à 800, la notion d'Empire romain subsista avec l'idée d'un empire romain unique et universel, ayant son siège à Rome.

C'est ainsi qu'après les grandes invasions du VIIIe siècle, cette idéologie de l'existence d'un pouvoir central fortement organisé reprit avec force avec l'avènement de l'empire de Charlemagne (v. 742-814) en 800.

2.1 L'empereur Otton Ier

C'est le couronnement d'Otton Ier (936-973), surnommé en allemand Otto der Große (Otton le Grand), comme empereur le 2 février 962, qui est retenu par la majeure partie des historiens comme la date de fondation du Saint-Empire romain germanique. Durant son règne, Otton donna à la royauté germanique un rayonnement et un prestige certains en raison de sa gestion politique et de ses victoires militaires, notamment contre la Hongrie. Il se proclama roi d'Italie à Pavie après avoir épousé en 951 la reine Adélaïde de Bourgogne (931-999), reine d'Italie de 947 à 950 par son premier mariage avec le roi Lothaire II d'Italie.

La même année, Otton intervint avec son armée pour libérer la papauté de l'influence de la noblesse romaine et des menaces de Béranger d'Ivrée (900-966), alors roi d'Italie, contre les États pontificaux. À l'appel du pape Jean XII (937-964), Otton retourna en Italie (961) et chassa une seconde fois Bérenger du pouvoir. 

Le 2 février 962, à Rome le pape Jean XII couronna solennellement Otton I
er comme empereur des Romains, ce fut la fondation du Saint-Empire romain germanique. On comprend ainsi pourquoi le nord de l'Italie faisait partie du Saint-Empire. Le 6 novembre 963, Jean XII fut accusé, lors d'un synode convoqué par l'empereur, de sacrilège, de simonie, de parjure, de meurtre, d'adultère et d'inceste. Il fut considéré comme «le plus scandaleux des "papes Jean"»; amateur de festins et d'aventures amoureuses, familier avec la guerre, il mena durant tout son règne une politique d'expansion territoriale vigoureuse.

Il fut déposé le 4 décembre 963, mais il redevint pape et mourut en mai 964, alors qu'Otton Ier se préparait à retourner en Italie pour le déposer à nouveau.

2.2 Le régime politique

Dès sa fondation, le Saint-Empire romain germanique consistait à un regroupement politique de nombreux États d'Europe centrale, ce qui pourrait ressembler aujourd'hui à une «confédération» parce que chacune des entités conservait son autonomie, sans pour autant n'avoir jamais été un État-nation ou un pays. C'est donc sous la dynastie des Ottoniens que le Saint-Empire s'est formé; ce fut le commencement du Ier Reich allemand.

Le Saint-Empire comprenait une multitude d'entités politiques, probablement de 350 à 400 d'une grande diversité: on y trouvait des duchés, des principautés, des marquisats, des «villes libres», etc., issus de deux royaumes principaux: le royaume de Germanie et le royaume d'Italie, auxquels il faut ajouter le royaume d'Arles.

Dans le royaume de Germanie, on trouvait les Pays-Bas, le landgraviat de Thuringe, le duché de Haute et de Basse Lotharingie, le royaume de Franconie, le duché de Saxe, le duché de Souabe, le duché de Bavière, etc. Dans la partie septentrionale du royaume d'Italie, on comptait notamment le duché de Lombardie, le duché de Milan, le marquisat de Toscane, le duché de Spolète, etc. Le royaume d'Italie conserva une grande autonomie au sein du Saint-Empire, car l'empereur y exerça une autorité limitée :  élu par les princes allemands, il était considéré comme un conquérant et un étranger.

Quant au royaume d'Arles, rattaché au Saint-Empire en 1032, il comprenait notamment avant son rattachement le royaume de Bourgogne et le royaume de Provence. Les empereurs deviennent les rois de Bourgogne et d'Arles.

Le Saint-Empire regroupait également une centaines de «villes libres», dont Aix-la-Chapelle, Cologne, Colmar, Francfort, Mayence, Strasbourg, Worms, Brême, Hambourg, Lübeck, etc., ainsi que plusieurs villes en Italie du Nord (Padoue, Venise, Sienne, Arezzo, Rome, Gênes, etc.).

L'empereur du Saint-Empire était élu par des princes-électeurs et des souverains féodaux, ce qui pouvait entraîner des tractations et des marchandages pour obtenir le poste convoité d'empereur. À chaque vacance du trône, les principaux électeurs de Germanie se réunissaient pour désigner un titulaire et ils en profitaient pour marchander leur voix et arracher des privilèges au futur empereur.

Le Saint-Empire était dépourvu de capitale, bien qu'il y eut toujours une ville où résidait l’empereur, mais aucune ne pouvait prétendre d’être la capitale du Saint-Empire. Compte tenu du caractère électif de la couronne impériale, l'empereur élu ne quittait pas ses terres pour se rendre dans une capitale préexistante, puisque sa propre ville de résidence devenait aussi celle de l’Empire, sans se muer en capitale. Les villes suivantes figurent comme «ville de résidence impériale»: Aix-la-Chapelle, Francfort, Nuremberg, Wetzlar, Mayence, Augsbourg, Ratisbonne, Worms, Spire, Goslar, Vienne, Prague, etc.

Par ailleurs, les frontières politiques changèrent de nombreuses fois entre la fondation de l'Empire en 962 et sa dissolution en 1806. En pratique, les empereurs dirigèrent uniquement l'Allemagne et l'Italie du Nord, ainsi que quelques régions limitrophes, sans le sud de la péninsule italienne où s'est formée le royaume de Sicile.

2.3 Le règne des Habsbourg

Au XVe siècle s'ajoutèrent les États des Habsbourg en possession de la couronne impériale depuis 1438 : l'Autriche, le Tyrol, l'Alsace, la Styrie, la Carinthie et la Carniole, qui étaient des possessions héréditaires. Celles-ci se devinrent plus nombreuses en raison du mariage de Maximilien Ier (1459-1519) et Marie de Bourgogne (1457-1482): les Pays-Bas, la Franche-Comté, l'Artois, la Flandre. Quant à la Bourgogne, elle avait été perdue par Charles Le Téméraire (1433-1477), père de Marie de Bourgogne, au profit du roi de France Louis XI (1423-1483). Cette union entre Maximilien de Habsbourg et Marie de Bourgogne en 1477 aura pour effet d'influencer la géopolitique européenne durant près de deux siècles. La particularité du Saint-Empire était de s'étendre à la fois sur la Germanie (l'Allemagne) et l'Italie du Nord, avec des entités de religion catholique et protestante, le tout théoriquement soumis à un empereur d'origine allemande ne parlant pas nécessairement l'allemand. Pour rendre la situation plus complexe, le pape résidait en Italie où il était d'ailleurs un grand propriétaire de terres (les «États pontificaux»).

Charles Quint («Cinquième» en moyen français), Karl V en allemand ou Carlos I de España en espagnol, fut le plus célèbre empereur du Saint-Empire. Il fut duc de Bourgogne (ou souverain des Pays-Bas) sous le nom de Charles II (1515-1555); roi des Espagnes sous le nom de Charles Ier (1516-1556); roi de Naples et de Sicile (1516-1556), archiduc d'Autriche (1519-1521), mais il est plus connu pour la postérité sous le titre d'empereur du Saint-Empire romain germanique, de 1519 à 1558. À l'exception de cette dernière dignité élective, cette accumulation de titres était le résultat fortuit d'une intense politique d'alliances matrimoniales qui a, faute d'autres prétendants, aboutit à faire de Charles V le seul héritier des dynasties d'Aragon, d'Autriche, de Bourgogne, de Castille et de Naples.

En plus d'être élu empereur du Saint-Empire, Charles Quint (1500-1558) se trouvait le souverain des Dix-Sept Provinces des Pays-Bas, de la Franche-Comté, du royaume de Naples et des possessions des Habsbourg d'Autriche, ainsi que de l'Empire colonial espagnol. De plus, Charles Quint prit possession de plusieurs villes en Afrique du Nord. Toutes ces possessions ne faisaient pas partie du Saint-Empire, mais elles étaient gouvernées par le même souverain, ce qui en fit le monarque le plus puissant de son époque.

Puisque l'Empire que reçut Charles Quint constituait un agglomérat de principautés, d'États et de villes, il éprouva toujours de grandes difficultés à éviter des morcellements territoriaux. D'ailleurs, durant son règne, le Saint-Empire se divisa sur les questions religieuses qui déclenchèrent de longues guerres entre les princes catholiques et les princes protestants. Charles Quint, étranger aux réalités allemandes et fervent catholique, ne vit en Luther qu'un moine en révolte
contre l'autorité légitime. Il fit adopter un décret afin de mettre le réformateur au ban de l'empire, mais cette décision n'empêcha pas la propagation des idées luthériennes. Selon la décision du Reichstag (Diète en français) de 1526, il devait appartient à chaque État, ville ou principauté de décider de sa religion.

Au temps de sa plus grande expansion, l'Empire comprenait presque tout le territoire de l'actuelle Europe centrale, des Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg, de la Suisse ainsi que des parties de la France et de l'Italie. Cependant, les possessions personnelles (Espagne, royaume de Naples et de Sicile, etc.) de Charles Quint ne faisaient pas partie de l'Empire. Depuis le XVIe siècle, les religions catholique et luthérienne furent reconnues et les princes purent imposer à leurs sujets la religion qu'ils avaient eux-mêmes choisie.

Après le traité de Westphalie de 1648, qui mit fin à la guerre de Trente Ans (1618-1648), l'empereur germanique Ferdinand III (1637-1657) dut accorder l'autonomie territoriale aux États de l'Empire avec le résultat que les Provinces-Unies et les cantons suisses ont pu quitter l'Empire. Le royaume d'Italie n'existait déjà plus, ce qui laissait la place à des principautés italiennes indépendantes. Dès lors, le Saint-Empire ne fut plus qu'une fiction politique, puisque l'empereur était avant tout souverain d'Autriche, la base de la puissance de la maison de Habsbourg.

Durant toute son existence de quelque 800 ans, l'Empire dut faire face politiquement à deux principaux adversaires : d'une part, le roi de France qui s'est toujours senti coincé entre l'Espagne et la Germanie, d'autre part, le sultan ottoman dont les armées tentaient de s'emparer de l'Europe centrale. Il n'en demeure pas moins que le Saint-Empire romain germanique a bénéficié d'une durée de vie particulièrement longue, de 932 à 1806, soit à peine moins de 900 ans.

3. Les langues de l'Empire

Cet Empire comprenait un très grand nombre de langues. Le fait que l’empereur régnait également sur des territoires qui ne parlaient pas allemand avait des conséquences dans les chancelleries. Certains empereurs avaient l'allemand (ou une variété de francique) comme langue maternelle, d'autres avaient le français, voire le tchèque. Par exemple, Charles Quint était polyglotte: il parlait l'allemand (en fait, le francique), le français, l'espagnol, l'italien, le latin et le grec ancien. C'est à lui qu'on doit cette formule: «Je parle espagnol à Dieu, italien aux femmes, français aux hommes et allemand à mon cheval.» On lui prête également cette citation: « J’ai appris l’italien pour parler au pape; l’espagnol pour parler à ma mère; l’anglais pour parler à ma tante; l’allemand pour parler à mes amis; le français pour me parler à moi-même.» Cela signifierait que sa langue maternelle était le français, bien qu'il ne soit pas français.

3.1 Les langues des chancelleries

De façon générale, les chancelleries du Saint-Empire favorisèrent les langues des souverains locaux, c'est-à-dire le haut-allemand (le Hochdeutsch) en Germanie, le castillan en Espagne, le flamand et le néerlandais dans les Pays-Bas, le florentin en Italie, le français en France, etc. Le haut-allemand fut la langue du commerce et du gouvernement sous la dynastie Habsbourg. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, cette variété d'allemand fut employée dans la plupart des villes de l’Empire: le fait de parler cette langue n’impliquait pas la nationalité des individus, mais plutôt leur métier ou leur ville de résidence.

Au cours des siècles de son histoire, le Saint-Empire romain germanique vit se succéder le vieux haut-allemand, le moyen haut-allemand et l'allemand moderne naissant, mais ce n'est qu'aux XIXe et XXe siècles qu'apparut l'allemand standard et la régression progressive des variétés locales dans l'espace public. Le bas-allemand représentait la langue des classes populaires, une langue considérée comme moins correcte, tandis que le haut-allemand, utilisé par les classes dirigeantes, devenait presque synonyme de langue écrite, la Schriftsprache. Cet allemand standard fut presque uniquement une langue écrite jusque vers 1800, et ce, en concurrence avec le latin, les deux langues étant employées dans la plupart des chancelleries allemandes. 

En réalité, le latin employé était le «latin médiéval», pas celui du latin des Romains de l'Antiquité; il ressemblait d'ailleurs au «latin d'église» du Moyen Âge. Durant cette époque, le latin médiéval fut la seule langue officielle écrite du Saint Empire romain germanique avant que l'allemand ne soit également employé. C'était bien souvent la seule langue commune entre les personnes instruites dans tous leurs États membres de l'Empire, en raison du très grand nombre de langues et de cultures impliquées. De façon générale, le latin constituait la "lingua franca" de son temps, qui fut remplacé par l'allemand standard au début de la période moderne au XIXe siècle.

Au moment de l'accession des Habsbourg à la dignité impériale, la question linguistique demeurait très importante. Ainsi, Charles Quint, de langue maternelle française, devait régner sur un empire très multilingue. Dans les promesses qu’il signa à l’occasion de son élection, il dut fournir certaines garanties aux princes électeurs. L'une de ces dispositions concernait la nation et la langue allemandes: l'empereur ne devait choisir dans les affaires de l'État que des ressortissants d'origine allemande et, dans les régions allemandes de l'Empire, il ne devait utiliser que l'allemand (appelé Teutsch ou tudesque en français) ou le latin. Dans la Wahlkapitulation («capitulation électorale») que signa Charles Quint, le jour de son intronisation comme empereur, le 3 juillet 1519, il acceptait les engagements suivants à l'article 14:

§ 14. Darzue in Schriften und Handlungen des Reichs kain ander Zunge oder Sprach gebrauchen lassen wann die Teutsch ober Lateinisch Zung; es wer dann an Orten, da gemeinlich ein andere Sprach in Ubung und Gebrauch stuend. Alsdann mugen Wir und die Unsern Uns derselbigen daselbs auch behelfen. § 14. Dans les écrits et les actes du Reich, aucun autre idiome ni aucune autre langue ne peut être employé que la langue tudesque ou latine ; mais dans les endroits où une langue différente est couramment pratiquée et utilisée, alors nous et les nôtres, pouvons nous entraider là aussi.

Les termes de Teutsch (en allemand) et de Tedesco (en italien) servaient donc à désigner la langue allemande. Cependant, dans les régions où l’on parlait habituellement une autre langue que l'allemand, cette obligation d'employer cette langue ne s’appliquerait pas. De plus, le français, qui fut extrêmement populaire dans la haute société au début du XVIIIe siècle, ne réussit jamais à évincer le latin et l'allemand de l'administration de l'État, et il est resté tout au plus une mode passagère.

3.2 Les langues des populations

Tout ce qu'on peut dire, c'est que les populations de l'Empire s'exprimaient dans une multitude de langues:

- les langues germaniques: l'allemand et variétés du haut-allemand et du bas-allemand, le luxembourgeois, le néerlandais et le flamand, l'anglo-frison, etc.

- les langues romanes:  le latin, l'italien (florentin) et les autres langues italo-romanes (le toscan, le vénitien, le sarde), le français, l'occitan et d'autres langues d'oïl (franc-comtois, lorrain, wallon), l'espagnol pour le Nouveau Monde, etc.

- les langues slaves: le tchèque, le polonais, le cachoube, le silésien, le sorabe, le slovène, le polabe (disparu au XVIIIe siècle) et le slovince (disparu au XXe siècle).

Bien sûr, le morcellement du territoire de l'Empire en petits États et l'absence de mobilité favorisèrent la formation de nombreuses variétés dialectales au fil du temps, du moins en Germanie. De plus, dans certaines villes non germanophones, les populations furent néanmoins germanisées à la suite de leur incorporation au sein du Saint-Empire, telles Prague (en allemand: Prag), Budapest (en allemand: Ofen), Bratislava (en allemand: Pressburg), Zagreb (en allemand: Agram) ou Ljubljana (en allemand: Laibach) furent progressivement germanisées. Par contre, les villes d'Italie résistèrent sans difficulté à la germanisation.

4. La dissolution de l'Empire

Le 2 décembre 1804, Napoléon Bonaparte devint l'empereur des Français, dont le couronnement témoignait de sa volonté de devenir l'héritier de Charlemagne et du Saint-Empire romain germanique. Le 12 juillet 1806, à la signature du traité de la Confédération du Rhin, seize États quittèrent le Saint-Empire et formèrent la Confédération (appelée dans le traité «États confédérés du Rhin», dont Napoléon en fut le «protecteur». La Confédération du Rhin comptera ultérieurement 35 États, regroupant 15 millions de sujets et fournissant ainsi un avantage stratégique significatif à la France sur ses frontières orientales, avec la mise à disposition de troupes pour les campagnes de la Grande Armée.

Or, François II (1768-1835) détenait le titre de la dignité impériale. Sous la pression de Napoléon, il dut renoncer, le 6 août 1806, dans l'indifférence générale, à son titre d'empereur du Saint-Empire germanique. Celui-ci avait cessé d'exister. On cite parfois l'anecdote rapportée par Goethe dans son journal: «Dispute sur leur banc du domestique et du cocher qui nous passionna davantage que la scission de l'Empire romain.»

François II, le dernier empereur du Saint-Empire, avait prévu son abdication imposée et, en 1805, il était devenu le premier empereur d'Autriche sous le nom de François Ier. Désormais, ce sont donc l'Empire austro-hongrois et l'Empire allemand qui allaient dominer pour un siècle encore l'espace germanique en Europe. Les Habsbourg auront régné sur le Saint Empire romain germanique (1273-1308 ; 1438-1740 ; 1765-1806), sur l'Autriche (1278-1918), sur l'Espagne (1516-1700) et sur la Bohême et la Hongrie (1526-1918).

Que reste-t-il des langues du Saint-Empire romain germanique? Étant donné que la domination territoriale de cet empire purement allemand ne déborda pas vraiment au-delà de l'Allemagne et des territoires de l'Italie septentrionale et centrale, l'influence linguistique ne peut qu'être limitée. Une fois l'Empire dissous, la langue allemande s'affaiblit partout à l'extérieur de l'espace germanique initial. Dans l'Empire austro-hongrois, l'allemand est resté en Autriche, ainsi que dans les territoires européens de l'Empire allemand. Cependant, bien que le haut-allemand (le Hochdeutsch ou
Hochsprache) se soit imposé comme l'allemand standard et comme langue officielle (Allemagne, Autriche, Liechtenstein, Suisse allemande, Luxembourg, Communauté germanophone de Belgique, région italienne dans la province autonome de Bolzano), la plupart des germanophones de ces pays ont aussi conservé leur allemand local: le Schleswigsch, le Holsteinisch, le Märkisch, le Moselfränkisch, le Rheinfränkisch, le Thürungisch, l'Obersächsisch, le Südfränkisch, l'Ostfränkisch, le Nordbairisch, etc. C'est le résultat à la fois de la fragmentation politique du Moyen Âge et de l'unification allemande contemporaine.

Dernière mise à jour: 29 févr. 2024

Empire romain d'Occident - Empire austro-hongrois - Empire allemand

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