République libyenne

Libye

République libyenne

 

Capitale:  Tripoli
Population:  6,1 millions (2008)
Langue officielle:  arabe
Groupe majoritaire:  arabe libyen (67,5 %)
Groupes minoritaires: arabe égyptien (9,7 %), arabe marocain (4,4 %), arabe soudanais (4,4 %), berbère nafusi (3,5 %), arabe tunisien (3,1 %), arabe palestinien (1 %), penjabi (1 %), arabe hassaniyya (0,7 %), domari ((0,6 %), italien (0,4 %), serbe (0,4 %), cinghalais (0,2 %), berbère tamahaq (0,2 %), coréen (0,1 %), anglais (0,1 %), filipino (0,1 %),berbère ghadamès (0,1 %), zaghawa (0,1 %), français (0,1 %), grec (0,1 %), berbère sawknah (0,1 %), maltais (0,1 %), etc.  
Langues coloniales: italien, français, anglais
Système politique:  gouvernement provisoire
Articles constitutionnels (langue): article 2 de la Constitution du 11 décembre 1969, modifiée le 2 mars 1977
Lois linguistiques:  circulaires, décrets et diverses lois (inaccessibles)

1 Présentation générale

La Libye (voir Maghreb) est un pays d’Afrique du Nord, ouvert sur la mer Méditerranée. Elle partage partage ses frontières avec six pays. Les uns font partie des pays arabes : l’Égypte à l’est, l’Algérie à l’ouest et la Tunisie au nord-ouest. Les autres appartiennent déjà à l’Afrique noire : le Soudan au sud-est, le Tchad et le Niger au sud. La Libye, le troisième plus grand pays d’Afrique après l’Algérie et le Soudan, possède une superficie de 1 759 540 km², soit trois trois la France.

Le pays compte deux îlots au climat méditerranéen au nord, la Tripolitaine à l’ouest, la Cyrénaïque à l’est. Le désert occupe 90 % du territoire, et comporte trois régions : le désert de Syrte au nord, le désert libyque (occupant une partie de la Libye et de l’Égypte), le Fezzan (quart sud-ouest de la Libye saharienne). La façade méditerranéenne de 1770 km de long concentre l’essentiel de la population (90 %).

Le nom de Libye proviendrait de la tribu des Libou, qui occupait la façade méditerranéenne durant le premier millénaire avant notre ère. Sous l’Empire romain, le terme finit par désigner l’ensemble de l’Afrique à l’Ouest du Nil. En 1911, les Italiens ont repris ce nom pour l’appliquer à la région tripolitaine, puis à l’ensemble du pays.

2 Données démolinguistiques

La population de la Libye était estimée à 6,1 millions d'habitants en 2008. Les travailleurs étrangers et leurs familles représentent près de 20 % de la population totale et 50 % de la population active. Ils viennent principalement d’Égypte, du Soudan et du Sahel (Niger, Tchad, Nigeria, etc.). Les Libyens sont, pour la plupart, d’origine berbère. Ils ont été arabisés assez tôt avec l’expansion de l’islam d’est en ouest, portée par les tribus arabes dès le VIIIe siècle.

L’islam est religion d’État et, depuis 1994, la Charia, loi islamique, s’applique en matière de droit. La quasi-totalité de la population libyenne est musulmane sunnite. L’islam libyen demeure organisé autour de la confrérie religieuse senoussi. L’arabe est la langue officielle, mais le berbère est toujours parlé, notamment dans les oasis et dans les montagnes de Tripolitaine et de Cyrénaïque.

2.1 Les ethnies

On distingue les Arabes, les Berbères, les Occidentaux, les Asiatiques, les Nilo-Sahariens et les Austronésiens. Les Arabes de toutes origines (Égyptiens, Soudanais, Tunisiens, Palestiniens, Bédouins, Maltais, etc.) forment la majorité de la population avec 90 % des Libyens. Suivent les Berbères (4,7 %), les Occidentaux (env. 1 %), les Indo-Pakistanais et autres Asiatiques (env. 1 %), les Nilo-Sahariens (moins de1 %) et les Philippins (moins de 1 %).  La plupart des Arabes d'origine libyenne sont de descendance mixte, c'est-à-dire arabo-berbère. Les Berbères habitent de petits villages à l'ouest de la Libye; ils ont tendance à s’identifier à leur tribu ou à leur village plutôt qu’à la nation libyenne.  Les Bédouins, dont les Touaregs, habitent le sud du pays;  ce sont généralement des nomades qui déplacent leur bétail d’un endroit à l’autre et qui vivent dans des tentes.

L'afflux de travailleurs étrangers a contribué à l'accroissement de la population. Ces immigrés viennent principalement des pays arabes, notamment d'Égypte, du Soudan, de Tunisie et de Palestine. Mais la Libye fait de plus en plus appel à une main-d'œuvre d'origine asiatique, essentiellement indienne et pakistanaise, coréenne et philippine, puis occidentale (Britanniques, Italiens, Français, Grecs, Bulgares). Retenons que la seule minorité linguistique indigène d'importance est la communauté berbère.

Ethnie Langue maternelle Affiliation linguistique Population %
Arabes libyens arabe libyen chamito-sémitique 1 702 400 33,2 %
Arabes cyrénaïques arabe libyen chamito-sémitique 1 400 000 27,3 %
Arabes égyptiens arabe égyptien chamito-sémitique 500 000 9,7 %
Berbères arabisés arabe marocain chamito-sémitique 228 000 4,4 %
Arabes soudanais arabe soudanais chamito-sémitique 227 488 4,4 %
Bédouins du Fezzan arabe libyen chamito-sémitique 168 000 3,2 %
Arabes tunisiens arabe tunisien chamito-sémitique 159 000 3,1 %
Berbères nefusa nafusi chamito-sémitique (berbère) 141 000 2,7 %
Arabes noirs arabe taizzi-adeni chamito-sémitique 98 000 1,9 %
Arabes palestiniens arabe levantin du Nord chamito-sémitique 54 000 1,0 %
Panjabi de l'Ouest penjabi de l'Ouest langue indo-iranienne 54 000 1,0 %
Zuara nafusi chamito-sémitique (berbère) 43 000 0,8 %
Berbères jalo arabe hassaniyya chamito-sémitique 40 233 0,7 %
Bédouins du Sirte arabe libyen chamito-sémitique 33 538 0,6 %
Domari (Tsiganes) domari langue indo-iranienne 33 000 0,6 %
Bédouins de Riyah arabe libyen chamito-sémitique 28 000 0,5 %
Berbères de Jofra arabe libyen chamito-sémitique 26 649 0,5 %
Italiens italien langue romane 22 530 0,4 %
Bédouins kufra arabe libyen chamito-sémitique 22 000 0,4 %
Serbes serbe langue slave 21 510 0,4 %
Cinghalais cinghalais langue indo-iranienne 12 240 0,2 %
Tamachek tamahaq chamito-sémitique (berbère) 17 000 0,2 %
Coréens coréen langue coréenne 11 520 0,2 %
Britanniques anglais langue germanique 10 200 0,1 %
Philippins filipino langue austronésienne 10 200 0,1 %
Ghadamès ghadamès chamito-sémitique (berbère) 10 000 0,1 %
Zaghawa zaghawa nilo-saharienne 7 000 0,1 %
Français français langue romane 6 120 0,1 %
Grecs grec langue grecque 6 120 0,1 %
Sawknah sawknah chamito-sémitique (berbère) 5 600 0,1 %
Maltais maltais chamito-sémitique 5 400 0,1 %
Bédouins de Sanusi arabe libyen chamito-sémitique 5 000 0,0 %
Bulgares bulgare langue slave 2 700 0,0 %
Teda tedaga nilo-saharienne 2 000 0,0 %
Wadshili awjilah chamito-sémitique (berbère) 2 000 0,0 %
Chinois chinois mandarin sino-tibétaine 1 730 0,0 %

Total = 5 117 178 (2001)

 

Cependant, depuis la «révolution libyenne» de 2011, de trois à quatre millions d'étrangers ont quitté le pays sous la pression des événements: 1,5 à 2 millions d’Égyptiens; un million d’Africains du Sahel, d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale; 600 000 Soudanais; plus de 200 000 Marocains et de 100 000 Tunisiens; quelque 60 000 Palestiniens et 10 000 Algériens, ainsi que de nombreux Turcs, Philippins, Sri Lankais et autres Asiatiques. Ces travailleurs assuraient de nombreuses fonctions économiques en Libye; une fois partis, beaucoup de chantiers, d'hôtels, de restaurants, de commerces, de stations-services, etc., ne fonctionnent plus, faute de personnel.

2.2 Les langues

Les langues sont relativement nombreuses en Libye, mais la plupart appartiennent à la chamito-sémitique. Il s'agit d'abord de l'arabe libyen parlé par 65,7 % de la population. Soulignons toutefois que cet arabe libyen est fortement dialectalisé et se fragmente en plusieurs variétés: l'arabe tripolitanien (capitale), l'arabe libyen du Sud, l'arabe libyen de l'Est, l'arabe libyen du Nord-Est, l'arabe bedawi, etc. Il existe aussi d'autres variétés d'arabe telles que l'arabe taizzi-adeni et l'arabe hassaniyya. À cela il convient d'ajouter l'arabe provenant des travailleurs immigrés : l'arabe marocain, l'arabe égyptien, l'arabe tunisien, l'arabe soudanais, l'arabe palestinien et le maltais. À l'exception des Berbères qui parlent l'arabe hassaniyya ou l'arabe libyen, la plupart d'entre eux font usage de langues berbères telles que le nafusi, le tamahaq, le ghadamès, le sawknah et l'awjilah. Certaines petites ethnies indigènes parlent des langues nilo-sahariennes (zaghawa et tedaga).  On compte aussi des langues indo-iraniennes (penjabi, domari, cinghalais), des langues occidentales indo-européennes (anglais, italien, français, serbe, grec, bulgare, etc.), le coréen et le chinois. L’anglais, le français et l’italien sont utilisés dans le commerce, en raison de l'apport important des étrangers (Égyptiens, Soudanais, Tunisiens, Palestiniens, Indo-Pakistanais, Britanniques, etc.). Toutefois, la langue officielle est l'arabe classique. Évidemment, l'arabe classique n'est la langue maternelle d'aucun locuteur en Libye.

Dans son rapport CERD/C/431/Add.5 présenté aux Nations unies au Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, la Libye déclarait: «Les Libyens, qui sont tous de même origine raciale, professent l’islam et parlent l’arabe.» Or, les Libyens ne professent pas tous l'islam et ne parlent pas tous l'arabe. Dans le même rapport, on lit ce qui suit:

Il n’existe aucune communauté religieuse ou ethnique définie par sa religion, sa race, sa langue, son sexe, sa couleur de peau ou ses affiliations politiques, ces éléments étant essentiels pour l’apparition du phénomène de discrimination raciale. Le fait que tous les citoyens libyens aient la même origine, la même religion et la même langue a sans aucun doute contribué de manière déterminante à l’absence de discrimination raciale dans le pays.

Parmi ceux qui ne sont pas arabophones, il faut mentionner les Berbères non arabisés. Ils parlent une variété de berbère, soit le nafusi, le tamahaq (amazigh), le ghadamès, le sawknah ou l'awjilah.  Sous le régime du colonel Kadhafi, parler ou écrire en public, lire ou imprimer une langue berbère, tout cela était tout simplement interdit par le leader libyen, toujours resté soupçonneux à l'égard de ce peuple présent dans le pays avant la conquête arabe du VIIe siècle et connu pour sa résistance militaire à l'occupation italienne au début du XXe siècle.

3 Données historiques

Il semble que la Libye devrait son nom à la tribu des Libou de la région de la Cyrénaïque. Avec les Mahouach, les Libou auraient attaqué l’Égypte pharaonique à partir du XIIe siècle avant notre ère. Certains de ces Libyens seraient demeurés en Égypte et seraient devenus mercenaires à la solde des pharaons, notamment la XXIe dynastie. Quant à l'historien grec Hérodote, il mentionne que le no deux dynasties suivantes, à partir de 945 avant notre ère, furent libyennes. On trouve le nom de Libya (Libye) chez les historiens grecs, qui servait à désigner tout le nord du continent africain, sauf l’Égypte. 

3.1 Phéniciens, Grecs et Romains

À partir du VIIIe siècle avant notre ère, les Phéniciens fondèrent des comptoirs commerciaux sur la côte de la Tripolitaine (à l'ouest). Au siècle suivant, la région de la Cyrénaïque (à l’est), était colonisée par les Grecs. Finalement, au cours du Ier siècle avant notre ère, les trois régions qui forment l’actuelle Libye — la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan — passèrent sous domination romaine. La Libye, alors riche et fertile, devient l’un des greniers de l’Empire romain. Le pays fut rapidement latinisé.

Quelques siècles plus tard, le pays amorça un long déclin après l’envahissement des régions côtières par les Vandales en 455, puis celles-ci furent reconquises par les Byzantins à partir de 533.

3.2 Les Arabes et les Normands

AU VIIe siècle, plus précisément en 641, les Arabes conquirent d'abord la Cyrénaïque, puis la Tripolitaine. Ces régions furent progressivement islamisées et arabisées, sauf les populations berbères qui s'islamisèrent sans s'arabiser. Les conquérants musulmans ne parvinrent jusqu’au désert du Fezzan qu’en 666. Par la suite, cette région connut jusqu’au XIXe siècle une histoire distincte. À partir du XIIIe siècle, elle passa sous suzeraineté de l’empire tchadien de Kanem-Bornou. Au XVIe siècle, une dynastie chérifienne y fut fondée par des Marocains.

En Cyrénaïque et en Tripolitaine, les Berbères résistèrent aux Arabes en se ralliant au kharijisme. Il s'agissait d'un mouvement rigoriste dissident de l’islam. Au XIIe siècle, ces régions furent en partie conquises par les Normands, qui les abandonnèrent bientôt aux Almohades.

3.3 Les Ottomans et les Italiens

À partir de 1551, la Cyrénaïque et la Tripolitaine changèrent d'allégeance et passèrent sous la domination ottomane (voir la carte). La ville de Tripoli ainsi que les ports côtiers servirent de base pour les corsaires turcs. À plusieurs reprises, les Occidentaux tentèrent de freiner les ardeurs des Ottomans installés en Libye. Au XXe siècle, la confrérie des senoussis (du nom du fondateur al-Sanusi), qui contrôlait la région de la Cyrénaïque depuis un demi-siècle, dirigèrent la résistance contre les Italiens qui avaient entrepris la conquête de la Libye en 1911. Finalement, l’Empire ottoman dut renoncer à ses droits sur la Libye en 1912.

Cependant, la conquête italienne ne se termina qu'en 1932 dans le Fezzan. Les Italiens fusionna les trois régions historiques (Tripolitaine, Cyrénaïque et Fezzan) en une colonie libyenne, laquelle devient une «province italienne» en 1939. La domination italienne se révéla désastreuse pour les Libyens : entre 1911 et 1945, les Italiens exterminèrent ou forcèrent à l'exil la moitié de la population locale. Durant ce temps, ils imposèrent leur langue dans l'administration du pays. Sous le régime colonial, l'italien était la langue d'instruction dans les écoles, mais seulement un faible nombre d'enfants musulmans a pu fréquenter ces établissements.

3.4 Le royaume fédéral libyen

Après la Seconde Guerre mondiale, la France et la Grande-Bretagne se partagèrent le contrôle du pays. Des garnisons françaises demeurèrent dans le Fezzan jusqu’en 1955. La Libye fut grâce à l'ONU la première colonie d'Afrique à accéder à l'indépendance en 1951. Le pays se constitua en une royaume fédéral formé des trois régions historiques: la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan. L'Assemblée nationale désigna l’émir Muhammad Idris as-Sanusi, chef de la confrérie des senoussis, comme roi qui prit le nom de Idris. Le 24 décembre 1951, le roi Idris Ier proclama l’indépendance du royaume de Libye. La Libye rejoignit la Ligue arabe en 1953 et les Nations unies en 1955.

Le nouvel État bénéficia de l’aide économique et technique de la Grande-Bretagne, de la France et des États-Unis, en contrepartie du maintien de bases militaires dans le pays. De plus, l'influence de l'anglais et du français commencèrent à se faire sentir dans l'administration de la Libye. Toutefois, la découverte des gisements pétroliers, en 1958 et 1959, allait modifier la position libyenne et des négociations pour le retrait des troupes étrangères débutèrent en 1964. La Libye établit des relations diplomatiques avec l’URSS en 1956, mais elle repoussa les propositions d’aide économique de la part des Soviétiques. Afin de répondre aux impératifs liés à la production pétrolière, le fédéralisme fut aboli en 1964.

Puis des tensions se firent rapidement ressentir dans le pays et un climat de mécontentement croissant s'installa, alors que, en même temps, le panarabisme se développait dans le monde arabe. La subordination croissante du pays aux intérêts occidentaux provoqua des émeutes qui furent vite réprimées.

3.5 La Révolution et la République

Le 1er septembre 1969 s’ouvrit une ère nouvelle dans l’histoire de la Libye, lorsqu’un coup d'État militaire dirigé par le capitaine Mouammar Kadhafi, alors âgé de 27 ans, renversa la royauté — le roi Idriss était alors en cure thermale en Grèce — et proclama la République arabe libyenne, sans occasionner la moindre effusion de sang. Le gouvernement révolutionnaire, dirigé par Kadhafi, afficha d’emblée un nationalisme intransigeant et exigea l’évacuation immédiate des bases anglo-américaines. En 1970, Kadhafi expulsa les membres de la communauté italienne demeurée en Libye après l’indépendance (1951); quelque 25 000 descendants de colons italiens furent forcés de quitter au plus vite le territoire.

Le régime calqua ses structures sur celles de l'Égypte nassérienne. L’administration, l’éducation et le domaine culturel furent intégralement arabisés. La politique linguistique en fut une d'arabisation et de combat anti-italienne, anti-anglaise (américaine) et anti-française. Une ordonnance fut publiée en exigeant que tous les panneaux de signalisation, les plaques des rues, les enseignes des magasins, etc., devaient être rédigés uniquement en arabe. Cette politique d'arabisation atteignit son apogée en 1973, lorsqu'un décret exigea que les passeports des individus cherchant à entrer au pays contiennent toutes les informations personnelles en arabe, une exigence qui fut respectée scrupuleusement. En 1973, les sociétés pétrolières furent toutes nationalisées. Le nouveau dirigeant libyen affirma également sa détermination à jouer un rôle plus important dans les affaires du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord, et se posa en rassembleur du monde arabe et musulman.


Le colonel Kadhafi

Kadhafi publia en 1976 son fameux Livre vert. Dans cet ouvrage, il faisait ressortir ses idées concernant la démocratie, les problèmes économiques et les bases sociales de «la troisième théorie universelle». Ce livre montrait son opposition à la «démocratie occidentale», qu’il considérait comme une «dictature». Il s’opposa par la violence à toute opposition interne comme à l’extérieur de son pays. Dans le Livre vert, Kadhafi s’opposait à  l’enrichissement personnel, puisqu'une telle transformation ne peut se réaliser qu’au détriment d’autres personnes.

En 1977, Kadhafi proclama la Jamahyria, un mot arabe pouvant se traduire par «république des masses». Il mit en place un système de «démocratie directe» à travers les Comités populaires. Dans la pratique, le système politique libyen demeura un couvert par lequel Kadhafi renforça son pouvoir personnel et imposa une certaine dictature. Le régime libyen se radicalisa. Toute opposition ou toute voix tentant d’exprimer des points de vue différents de ceux dictés par le régime de Kadhafi furent réprimées. En 1980, Kadhafi rompit avec l’al-Fatah, la branche armée de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), dont il soutint, dès lors, l’aile la plus radicale. D’autres mouvements nationalistes révolutionnaires reçurent l’aide financière et logistique du régime de Kadhafi, au nom d’un anti-impérialisme qui était dirigé en premier lieu contre les États-Unis.

3.6 L’isolement

La politique extérieure de la Libye basée sur le panarabisme, la condamnation violente de «l'impérialisme occidental», le soutien aux mouvements indépendantistes à travers le monde et l'intervention dans les pays voisins ne contribuèrent qu'à isoler la Libye de la communauté internationale, car le régime se fit accuser de venir en aide à des organisations terroristes internationales. Mouammar Kadhafi devint le paria de la planète. Le président égyptien, Anouar el-Sadate, l'a traité de «voisin fou»; le président des États-Unis, Ronald Reagan, l'a qualifié de «chien enragé».

Dans ce contexte, les États-Unis menèrent en avril 1986 une attaque aérienne sur la Libye, qui fit une centaine de victimes. Bien que les raids américains provoquèrent d’importants dégâts et firent de nombreuses victimes, ils ne suscitèrent que des protestations formelles de la part des pays arabes et de l’Union soviétique. Par ailleurs, la Libye fut de nouveau accusée par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France d’être impliquée dans deux attentats aériens contre des avions de ligne, l’un américain qui explosa en vol en 1988, au-dessus de Lockerbie (en Écosse), l’autre français qui s’écrasa dans le Ténéré en 1989. En 1992, un embargo aérien et militaire fut décidé par le Conseil de sécurité des Nations unies, qui élargit ainsi l’embargo décrété unilatéralement par les États-Unis en janvier 1986.

Au plan intérieur, le colonel Kadhafi s'en prit aux Berbères de son pays. Tous les militants et porte-parole berbères furent arrêtés, emprisonnées ou liquidés. En juin 1985, un jeune Berbère, Ferhat Ammar Hleb, fut pendu sur la place publique dans sa ville natale (Zouara). Il avait étudié aux États-Unis et était reconnu pour ses positions favorables à la cause berbère. Le régime libyen l’accusa d’avoir des contacts avec des opposants libyens aux États-Unis et le condamna à la pendaison. La langue berbère fut interdite en public, les livres rédigés en berbère furent brûlés. Les militants berbères, comme tous les opposants, furent poursuivis jusque dans l’exil où ils se faisaient assassinés par les agents des services secrets du régime libyen. Kadhafi interdit l'enseignement de toute langue étrangère.

Au même moment, les portraits de Kadhafi couvraient tout le pays, sur les façades des immeubles, dans les commerces et les hôtels, sur les panneaux publicitaires, etc. Il était possible d'admirer Mouammar Kadhafi à toutes les époques de sa vie: en uniforme de jeune colonel putschiste, en tenue de vénérable chef africain, en sexagénaire à la chevelure noire, etc.

À la fin de la décennie de 1980, le régime de Kadhafi dut faire face à l’opposition des mouvements islamistes, dont le plus célèbre, les Frères musulmans. Afin de contrecarrer la montée de l’islamisme, le régime libyen adopta la Charia comme fondement du droit libyen, en 1994, tout en menant une sévère répression contre les Frères musulmans. Mouammar Kadhafi déclara que la langue parlée autorisée au paradis est celle de l'islam, l'arabe coranique. Le colonel utilisa habilement la menace islamiste pour obtenir la coopération des autorités égyptiennes et des pays arabo-musulmans, dont de nombreux ressortissants résidaient et travaillaient en Libye et étaient susceptibles d’en être expulsés, comme des dizaines de milliers d'Égyptiens et de Soudanais l'ont été en 1995.

3.7 Les mesures d'assouplissement

Afin de rompre l'isolement de son pays, le colonel Kadhafi multiplia aussi les voyages dans les pays de la zone sahélienne (Niger, Nigeria, etc.), annonça la reprise des investissements libyens au Soudan et au Mali et renoua avec le Tchad. De plus, il reçut l’appui du président sud-africain, Nelson Mandela qui, en visite en Libye, en octobre 1997, critiqua l’embargo des Nations unies et réclama son arrêt. En juin 1998, l’OUA décida de lever unilatéralement l’embargo aérien imposé à la Libye.

En juin 2003, Mouammar Kadhafi, le «guide de la Révolution», annonça sa volonté de privatiser les entreprises qu’il avait lui-même nationalisées en 1969, notamment celles qui géraient le pétrole, principal revenu du pays. L’abolition des entreprises publiques répondait à une volonté afficher, d’assainir et de développer l’économie nationale. Kadhafi accusa la fonction publique libyenne d'«irresponsabilité» parce qu'ils auraient fait perdre des milliards de dollars par manque d’expertise, de moralité et de patriotisme. Il estima qu’ils avaient fait courir à l’économie de graves dangers qu'il fallait dorénavant éviter. En novembre 2004, Mouammar Kadhafi annonça qu'il désirait voir la peine de mort abolie dans son pays. Il précisa, devant une assemblée de juges, d’avocats et d’universitaires, que cette décision n’était en rien motivée par des pressions extérieures. Depuis un certain temps, des firmes américaines et italiennes arrivaient à décrocher des contrats avec la Libye, comme quoi elles avaient réussi à «plaire» au «guide de la Révolution». Kadhafi poursuivit ses rêves : il voulut fédérer les État du Sahara et et unir les pays arabes dans une grande union panarabe. Mais tous ses projets échouèrent.

Le régime se prépara à s'ouvrir au domaine très lucratif du touristique. Il fallait aussi que le régime révise sa politique d'arabisation à tout crin et fasse des compromis avec la langue anglaise. Mouammar Kadhafi affirma alors que William Shakespeare était en fait un Arabe qui s'appelait «Cheikh Spir». Heureusement, il y a belle lurette que les Libyens se fichaient pas mal des élucubrations de leur «guide» et ne se faisaient plus d'illusions. Le côté fantasque et imprévisible du «guide de la Révolution», ses tirades à l'emporte-pièce lui aliénèrent bien des gens, y compris ses voisins arabes. Beaucoup croyaient que si le «guide» était en quête d'un monde meilleur, c'était uniquement pour lui-même et son clan.

Jusqu'alors, l'ouverture extérieure du régime ne s'était nullement accompagnée de nouvelles libertés pour les Libyens. Mouammar Kadhafi continuait d'affirmer que les Libyens jouissaient d'une «forme pure de démocratie», alors que les systèmes parlementaires occidentaux ne seraient, en réalité, que des «dictatures déguisées». Son fils, Seïf al-Islam Kadhafi, qui se voulait un réformateur, était pressenti pour lui succéder. Mouammar Kadhafi se déplaçait entouré d'un groupe de jeunes femmes armées ses «amazones» et aimait planter sa tente de Bédouin là où il allait, même en visite officielle. On sait aujourd'hui que ces femmes étaient pour la plupart des esclaves sexuelles déguisées en soldates.

Quant aux minorités, Kadhafi ne les portait pas en grande estime, notamment les Berbères (Amazighs). Dans un «discours à la nation» prononcé le 1er mars 2007, à l’occasion de l’anniversaire de son coup d'état militaire, il avait affirmé:

Les tribus amazighes ont disparu depuis bien longtemps, depuis l’époque du Royaume de Numidie… Des tribus qu’on ne connaît pas du tout… Il est possible qu’elles soient sémitiques ou orientalistes venues ici, mais elles sont complètement disparues aujourd’hui et elles sont finies. Où sont les tribus machaoueches, ribou, libou, samou, tahnou? On ne peut même pas bien prononcer leurs noms. [...] C’est quoi les Amazighs, ce sont les descendants des Arabes, nous, nous n’avons pas de minorité pour qu’on puisse en parler et leur donner des droits linguistiques et culturels, ce sont des Arabes… C’est un retour aux temps lointains. Parce que la langue amazigh n’a aucune valeur. Les Amazighs qui demandent ceci sont les pions du colonialisme, ces gens-là reçoivent des salaires des services secrets étrangers

Kadhafi estimait par ailleurs qu’il était «inutile de chercher (à utiliser) la langue de ces tribus qui ont disparu»; il critiquait l’emploi de la langue amazighe dans «certaines radios», en allusion à des médias marocains. Ce type de discours témoignait éloquemment de l'ignorance de Kadhafi en matière d'histoire, qui n'aimait guère les Berbères, lesquels le lui rendaient bien. Sous le régime de Kadhafi, les minorités étaient ouvertement discriminées. Beaucoup furent témoins d'entraves à la liberté de réunion et d’expression, à la détention de prisonniers dits politiques, de disparitions forcées et de décès en détention, d'absence de protection juridique et du recours à la peine de mort.

3.8 La contestation

Le «guide de la Révolution» libyen s'est tenu au pouvoir depuis 1969, ce qui en faisait le doyen des dictateurs du monde.  Mais le régime du colonel Kadhafi apparut de plus en plus contesté par la population. À l'instar de la Tunisie et de l'Égypte, les Libyens manifestèrent contre le régime en février 2011. À la télévision, Mouammar Kadhafi déclara qu'il ne cèderait pas, ne démissionnerait pas et ne tendrait pas l'oreille à ses opposants. Au besoin, il n'hésiterait pas à employer la force et menaça ses opposants d'une riposte sanglante: «Rendez vos armes immédiatement, sinon il y aura des boucheries.» Kadhafi n'a jamais eu de «poste officiel», il était «le chef suprême de la Révolution». La chute apparaissait d'autant plus imminente que le «prophète» n'était plus guère écouté par son peuple. Le «guide suprême» était pourtant prêt à tout saccager avant de couler. Il déclara même qu'il se battrait «jusqu'à la dernière goutte de sang», sans préciser s'il s'agissait du sien ou de celui des autres. Depuis le début du soulèvement populaire, le colonel Kadhafi a traité ses opposants de «rats» et de «blattes», et se dirait prêt à les massacrer, quitte à faire couler «des rivières de sang». Comme en Tunisie, la Lybie était une kleptocratie, dans laquelle le régime la famille du président avait une participation directe dans tout ce qui valait la peine d'être acheté, vendu ou possédé. Le népotisme était la règle.

- L'intervention militaire de l'OTAN

Kadhafi avait aussi les moyens de résister assez longtemps; il disposait de ressources financières considérables et d'une force militaire capable de tenir un long siège dans la ville de Tripoli. De plus, il n'avait pas besoin de trouver des prétextes pour se justifier. Pour lui, la menace qui planait sur son pays était avant tout le fruit d'une œuvre de propagande de la part de l'Occident. Devant le fait que la Libye risquait d'être coupée en deux, une république rebelle à l'est, un gouvernement Kadhafi ailleurs, le «guide suprême» n'a pas hésité à recourir à la force afin d'éliminer toute résistance. Mouammar Kadhafi avait promis une «rivière de sang», il a tenu promesse: des milliers de Libyens ont perdu la vie au cours des mois qui ont suivi les frappes de l'OTAN. On sait qu'une coalition de quelques pays (États-Unis, France, Royaume-Uni, Italie, etc.) a décidé de stopper le «progression meurtrière de Kadhafi» en bombardant les installations militaires libyennes. Malheureusement, certaines frappes de l’OTAN ont eu aussi des conséquences dramatiques pour les populations civiles. En plus du choc psychologique et du traumatisme qu’elles ont subi, des familles entières ont dû quitter leur logement pour se réfugier sous des tentes, dans des conditions de vie extrêmement précaires.

L’intervention militaire en Libye, sans oublier les tentatives plus ou moins transparentes de la part des Occidentaux d’influencer les «révolutions arabes», témoigne de l'intérêt des États-Unis d'exercer un contrôle sur la production mondiale de pétrole, car la Libye dispose des plus grandes réserves confirmées de tout le continent africain. Cependant, le véritable objectif de l’opération militaire en Libye, baptisée «Aube de l’Odyssée», n'est pas le pétrole ni la vengeance contre Kadhafi, c'est surtout d'éliminer la pénétration chinoise sur le continent noir où
Pékin cherche à développer son accès aux ressources énergétiques. Renverser le régime de Kadhafi signifiait pour Washington pousser les Chinois vers la sortie. Pour Pékin, les investissements chinois colossaux sont en train de partir en fumée; l'intervention militaire de l'OTAN est donc perçue comme un acte hostile à son endroit.

- La chute du dictateur

Même si le dictateur a fini par tomber, quarante-deux ans de tyrannie auront laissé la Libye fracturée et sans institutions civiles fortes. Depuis la mise à l'écart de Kadhafi dans certaines régions, depuis que des villages berbères ont été «libérés», leur culture explose. En effet, la radio, les journaux, les associations, les musées, les chansons, les cours de langue amazighe, etc., sont sortis de leur torpeur. Sur les murs, apparaissent des dessins géométriques symbolisant les Berbères dans la région. En septembre 2011, l'autorité de transition, le CNT, contrôlait la majeure partie du territoire libyen, mais les forces fidèles à la Jamahiriya arabe libyenne continuaient de tenir plusieurs bastions. Au moment où le premier ministre libyen annonçait que Mouammar Kadhafi préparerait une insurrection, le CNT révélait de son côté que l'ancien dictateur aurait été victime d'un échange de tirs, après avoir été capturé par les rebelles à Syrte, sa ville natale. Il aurait été atteint d'une balle à la tête. En réalité, les circonstances de sa mort demeurent troubles. D'un bout à l'autre du pays, les masses sont descendues dans les rues pour célébrer la mort de «leur guide». L'ex-dictateur a été inhumé dans le désert libyen dans un lieu maintenu secret.

- Le Conseil national de transition (CNT)

Il n'en demeure pas moins que la «révolution libyenne» ne fut ni démocratique ni spontanée. Il s'agit au départ d'un soulèvement armé organisé par la partie orientale du pays. De plus, ce mouvement fut largement soutenu par des puissances étrangères, dont les États-Unis, la France, l'Italie, le Royaume-Uni, etc. Le Conseil national de transition, le CNT, qui a pris le pouvoir à Tripoli, est une coalition d’éléments disparates aux intérêts divergents, dont l’unique point commun était leur opposition au régime Kadhafi. Les véritables démocrates du nouveau régime ne constituent qu'une infime minorité, en conflit avec, d'une part, les tenants d’un retour de la monarchie, d'autre part, les partisans d'un
islam radical. Or, l'histoire a maintes fois démontré que les «défenseurs de la liberté» sortaient rarement gagnants d'une stratégie mettant en scène des forces aux intérêts divergents. Souvent, le régime dictatorial est remplacé par un autre encore plus radical, tout aussi peu démocratique, voire anti-occidental.

Les nouveaux maîtres du pays ont été clairs: toute loi qui ne respecterait pas la Charia, la loi islamique, devra être abolie. Kadhafi avait aboli la polygamie; les femmes en Libye n'étaient pas tenues de se voiler et avaient un accès égal à l'instruction et à divers rôles dans la sphère publique. Assisterons-nous à un retour de la polygamie, de la répudiation arbitraire de l'épouse, de l'autorité absolue du père sur le mariage de ses filles, et des règles concernant l'héritage? Les femmes risquent d'y perdre beaucoup. Malgré la menace réelle de l'extrémisme religieux, les Libyens semblent demeurer confiants dans l'avenir. Toutefois, dès novembre 2011, les Berbères dénonçaient leur marginalisation dans le nouveau gouvernement parce qu'ils se sentaient exclus des ministères importants. Leur représentativité dans le gouvernement ne correspondrait pas à leur présence ni à leur contribution à la «révolution». Les Berbères exigent une plus grande reconnaissance de leur culture et de leur langue au sein de la nouvelle Libye.

- Un pays à reconstruire

Si l'heure de la libération a sonné, il reste encore un pays à reconstruire. Un nouveau chapitre s'ouvre dans l'histoire de la Libye, teinté d'espoirs et d'incertitudes. Il ne sera pas facile de construire des institutions politiques dans le vide absolu laissé par le régime de Kadhafi. De fait, les rebelles ont pris les armes pour renverser une dictature toute-puissante. Puis ils n'ont jamais déposé les armes. Les Nations unies considèrent les miliciens qui imposent aujourd'hui leurs lois comme la plus grande menace à la sécurité du pays. De héros libérateurs, ils sont devenus les plus craints et les plus détestés de la nouvelle Libye. 

En proie aux tensions entre brigades rivales, la Libye a sombré dans le chaos. Elle est aujourd'hui écartelée entre deux gouvernements: l'un siège à Tobrouk, l’autre à Tripoli. Échappant à tout contrôle, le pays est livré à tous les trafics : pétrole, armes, migrants, etc. L’échec du «printemps» libyen s’explique par le fait que ce pays avait connu quarante ans de dictature dans une société au caractère clanique. Au lendemain de la chute de Kadhafi, les Libyens ont dû faire du «bricolage», car ils n’avaient jamais participé à un processus de gestion. C'est alors que les organisations radicales proches du groupe État islamique ont rempli le vide. Si la dictature est disparue, les Libyens ont recouvré la liberté d’expression, mais ils ont maintenant peur d’être assassinés. Leur avenir dépend maintenant du sort de l'accord conclu le 17 décembre 2015 au Maroc. Selon l’accord, les deux parlements rivaux devraient se fondre en un seul, c'est-à-dire en une Chambre des représentants et en un Conseil d’État, en plus d’un même pouvoir exécutif collégial. Mais si les leaders des deux parlements continuent de rejeter l’accord, le risque de voir naître une troisième autorité libyenne, en plus des deux Parlements rivaux, n’est pas totalement exclu.

Les deux factions libyennes ont cherché une solution dans la constitution d’un gouvernement pouvant les réconcilier. Malheureusement, les factions en ont créé trois. Deux de ces gouvernements se revendiquent d’une légitimité politique et territoriale – ils sont installés dans l’est et l’ouest du pays – , et le troisième, fruit d’un accord mal ficelé entre les deux premiers, n’existe que sur papier. De plus, les négociations visant à rapprocher les différents camps et supervisées par l’ONU sont laborieuses et enlisées dans des querelles de représentativité et de procédures. En attendant, l’État islamique établit des bases discrètes et exploite le ressentiment d’une partie de la population pour conclure des alliances avec des groupes et des tribus en rupture avec les deux gouvernements établis à Tripoli et à Tobrouk. Pour les Occidentaux, l’ouverture de ce troisième front si proche des rivages européens provoque une très forte inquiétude.

Les Occidentaux portent une lourde responsabilité dans la situation actuelle. Ce sont eux qui, en 2011, ont lancé une attaque aérienne dans le but de déloger le régime Kadhafi. Ils ont bien tenté d’accompagner les factions libyennes à travers un processus de dialogue, mais sans résultat concret pour l’instant. Pendant ce temps, l’instabilité en Libye menace non seulement l’Afrique du Nord, mais aussi l’Europe, qui n’est qu’à 300 kilomètres de là, et fait face à un afflux de migrants sans précédent en provenance des côtes libyennes. En 2016, l’État libyen est inexistant et la sécurité n’est plus assurée sur cet immense territoire, ce qui ouvre la porte à l’enracinement de groupes criminels ou extrémistes. On craint une nouvelle Somalie aux portes de l’Europe.

4 La politique linguistique

La politique linguistique de l'État libyen est résumée à l'article 2 de la Constitution du 11 décembre 1969, modifiée au 2 mars 1977, une constitution en principe suspendue depuis la chute de Kadhafi. Cet article se lit comme suit:

Article 2

La religion de l'État est l'islam et l'arabe sa langue officielle. L'État protège la liberté de religion en accord avec les coutumes établies.

Autrement dit, c'est une politique d'arabisation. Il reste à voir comment elle se concrétise. Auparavant, citons cet extrait du rapport de la Libye présenté aux Nations unies en 2003:

Comme nous l’avons vu, les citoyens de Libye ont la même origine, parlent la même langue et professent la même religion, l’islam. Par conséquent, il n’existe aucune discrimination raciale en Libye. Le rejet par la société de ce phénomène vient de sa culture musulmane, fondée sur le saint Coran, code social de la Libye. Le saint Coran contient de nombreux versets qui affirment que Dieu honore tous les peuples, sans distinction de langue, de religion ou de couleur. Il comprend également plusieurs versets qui exaltent les vertus de tolérance, de respect, de gentillesse et de charité envers les non‑musulmans. La société libyenne ne connaissant pas la discrimination raciale, il n’a pas semblé nécessaire d’adopter une législation spécifique pour combattre ce phénomène. Toutefois, puisque la Convention a été ratifiée par la Jamahiriya, elle fait maintenant partie intégrante du droit interne et a par conséquent force obligatoire pour toutes les institutions nationales. En outre, la législation interne contient de nombreuses dispositions interdisant tout type de propagande et d’organisations fondées sur l’idée d’une supériorité d’une race ou d’un groupe de personnes d’une couleur ou d’une origine ethnique donnée.

Comme nous le verrons, ces dispositions ne s'appliquent pas aux Berbères, l'une des deux communautés indigènes du pays.

4.1 La langue de l'État

Ce n'est pas très compliqué. L'arabe classique est la langue officielle de l'État. La langue arabe jouit d’une grande puissance culturelle, car c'est aussi la langue de la religion qui est elle-même religion officielle. C'est l'unique langue obligatoire de l’école publique et des tribunaux, de la radio et de la télévision, ainsi que de l'Administration. Bref, l’arabe occupe tous les espaces de la vie sociale et officielle.

Les lois sont rédigées et promulguées sen arabe. Les débats parlementaires ont en arabe.  L'Administration n'utilise que l'arabe classique dans les écrits, mais l'arabe libyen est courant dans la langue parlée. En fait, c'est la diglossie qui fonctionne: tout le monde n'utilise oralement que l'arabe libyen, mais seul l'arabe classique prévaut à l'écrit. Même dans les régions berbères, seul l'arabe est admis. Il est interdit d’utiliser la langue berbère dans de la part de l'Administration et de tout service public, car elle est non arabe. De toute façon, les fonctionnaires berbérophones ont tous été affectés dans des régions arabophones. L’État libyen a aussi procédé à la mutation de fonctionnaires arabophones dans les régions berbérophones afin de n'utiliser que la seule langue arabe. Dans ces conditions, il n'existe pas de service dans la langue des minorités, ni dans les bureaux gouvernementaux ni dans les cours de justice.

Comme l’illustre une circulaire du Bureau de liaison des Comités révolutionnaires, datée du 18 juin 1995, il est précisé qu’il est «interdit d’utiliser une langue autre que la langue arabe dans les diverses relations administratives locales». La circulaire exige des Comités révolutionnaires et des groupes de travail révolutionnaires régionaux de surveiller la réglementation (l'usage de la seule langue arabe) et de prendre les mesures appropriées de sorte à obtenir des «résultats concrets». Cette même circulaire précise que les langues utilisées dans «les relations extérieures ou avec les partenaires étrangers» ne sont pas touchées. En fait, ce genre de mesures répressives ne sont destinées qu’aux langues locales différentes de la langue arabe, donc les langues berbères et nilo-saharienne. Selon des témoignages recueillis auprès de berbérophones libyens en exil en Europe, tout un arsenal de directives, de circulaires, de lois, etc., officielles et officieuses, a pour objectif l’usage unique de la langue arabe et l'interdiction implicite et explicite de la langue berbère. Cette politique n'a pas empêché le gouvernement libyen de publier à l'occasion certains documents statistiques à usage interne dans un format bilingue anglais-arabe.

Voici ce qu'on pouvait lire dans le fameux Livre vert du colonel Kadhafi sur la question des minorités:

Les minorités

Qu'est-ce qu'une minorité ? Quels sont ses droits et ses devoirs ? Comment le problème des minorités peut-il se résoudre en partant des principes généraux de la Troisième Théorie universelle ?

Il n'y a que deux types de minorités.

Celles qui appartiennent à une nation qui leur fournit un cadre social, et celle qui, n'appartenant pas à une nation, forment elles-mêmes leur propre cadre. Ces dernières accumulent les traditions historiques qui doivent permettre, à terme, par le jeu de l'appartenance et de la communauté de destin, de former des nations.

Il est clair que ces minorités ont des droits sociaux qui leur sont propres. Toute altération de ces droits par une majorité constitue une injustice. Les caractéristiques sociales sont inhérentes et ne peuvent être ni octroyées, ni confisquées. Quant à leurs problèmes politiques et économiques, ils ne peuvent être résolus qu'au sein d'une société populaire dans laquelle les masses détiennent le pouvoir, la richesse et les armes.

Considérer les minorités comme étant politiquement et économiquement minoritaires relève de la dictature et de l'injustice.

Pour un linguiste, ce genre de texte correspond à ce qu'on pourrait appeler «la langue de bois».  Pas un mot sur la question linguistique! En réalité, le pays ne compte que deux populations indigènes: les Arabes libyens et les Berbères libyens. Le problème, c'est que le régime libyen pratiquait une politique d'arabisation forcée auprès des populations berbères. Si ces dernières refusaient l’assimilation et tenaient à leur langue et à leur culture, elles se trouvaient nécessairement menacées par le régime. Non seulement l'État a affecté tous les fonctionnaires berbérophones dans des régions arabophones, mais il a pratiquement supprimé tous les toponymes berbères, fait disparaître les livres écrits en cette langue, a procédé au regroupement des populations berbérophones au sein de municipalités arabo-berbérophones afin de pouvoir mieux contrôler les berbérophones. Ensuite, des campagnes de propagande ont été organisées pour inciter les Berbères à des mariages mixtes avec les arabophones... dans le but de les arabiser. À une certaine période, les communications téléphoniques en berbère, une fois interceptées, étaient systématiquement interrompues. Bien entendu, les prénoms berbères furent interdits par l’Administration libyenne. Les parents se sont vu imposer une liste de prénoms arabes et ne pouvaient choisir pour les nouveaux nés des prénoms berbères. Un autre exemple: le seul hôpital qui existait dans la région de Zouara, là où résident la plupart des Berbères, a été fermé durant les années quatre-vingt. Au moment où ces ligne sont écrites, il n’existe aucun projet de réouverture ou de construction d’un hôpital dans cette région dont les habitants restent privés de soins de santé pourtant indispensables.

4.2 L'éducation et la langue arabe

Des efforts importants ont été réalisés en Libye pour apprendre à lire et à écrire à une population largement analphabète à la veille de l’indépendance. L’enseignement primaire a été rendu gratuit et obligatoire. En 2001, plus de 96,8 % de la population adulte étaient alphabétisés. Au début des années quatre-vingt-dix, près de 80 % des jeunes de 12 à 17 ans étaient scolarisés. Que dit le Livre vert du «Guide de la Révolution»?

L'éducation

Le savoir, ou l'instruction, ne se limitent pas forcément à des programmes méthodiques et à des matières scolaires que les jeunes sont obligés d'assimiler à partir de manuels et dans le cadre d'horaires précis, assis derrière des rangées de pupitres. Ce genre d'éducation, qui prévaut actuellement sur toute la terre, est une méthode contraire à la liberté.

L'enseignement obligatoire, dont se glorifient tous les pays lorsqu'ils peuvent l'imposer à leur jeunesse, n'est qu'une méthode parmi d'autres pour réprimer la liberté. C'est l'oblitération arbitraire des dons de l'être humain et l'orientation autoritaire de ses choix. Il y a là un acte de tyrannie nuisible à la liberté, car il prive l'homme de sa liberté de choix, de sa créativité et de son talent. Obliger les gens à s'instruire suivant un programme donné, et leur imposer certaines matières est un acte dictatorial.

L'éducation obligatoire et standardisée constitue en fait une entreprise d'abrutissement des masses. Tous les États, qui déterminent officiellement les matières et les connaissances à enseigner et qui organisent ainsi l'éducation, exercent une contrainte sur les citoyens. Toutes les méthodes d'éducation en vigueur dans le monde devraient être abolies par une révolution culturelle mondiale visant à émanciper l'esprit humain de l'enseignement du fanatisme et de l'orientation autoritaire des goûts, du jugement et de l'intelligence de l'être humain.

Cela ne veut pas dire qu'il faille fermer les écoles ou, comme pourrait le supposer un lecteur superficiel, tourner le dos à l'éducation. Cela veut dire, au contraire, que la société devrait fournir toutes sortes d'activités éducatrices, permettant aux jeunes de choisir spontanément et librement les matières qu'ils souhaitent étudier. Cela requiert des écoles en nombre suffisant pour toutes les disciplines. La rareté des écoles a pour effet de restreindre la liberté de choix, elle oblige à accepter ce qu'on vous propose et prive l'homme du droit naturel de choisir. Sont des sociétés réactionnaires, favorisant l'ignorance et hostiles à la liberté, celles qui limitent le savoir et le monopolisent. Ainsi, les sociétés qui interdisent la connaissance de la religion telle qu'elle est, les sociétés qui monopolisent l'enseignement religieux ou celles qui dispensent un enseignement mensonger à propose de la religion, de la civilisation ou des coutumes d'autres peuples, les sociétés qui interdisent et monopolisent les connaissances technologiques, sont des sociétés réactionnaires, favorisant l'ignorance et hostiles à la liberté.

Le savoir est, pour tout être humain, un droit naturel dont personne, sous aucun prétexte, ne peut le priver, sauf si l’intéressé a commis un acte justifiant qu'on le prive de ce droit.

L'ignorance disparaîtra lorsque toute chose sera présentée dans sa réalité et lorsque tout le savoir sera mis à la disposition de chacun, et de la manière qui lui convient le mieux.

Les principes du Livre vert ont été mis en œuvre, et les enfants ont été scolarisés... en arabe.  Dans la réforme éducative de 1974, on pouvait lire ces propos: «Il s’agit de former de futurs citoyens croyant en leur religion islamique et fiers de leur arabité.» (Taoufik Monastiri dans Chronique sociale et culturelle, AAN 1974). En Libye, l’éducation est un droit et une obligation pour tous les citoyens. La scolarité est obligatoire jusqu’à la fin du cycle élémentaire conformément à la loi no 95 de 1975 sur la scolarité obligatoire et garantie par l’État à travers la création d’écoles et d’instituts. L’État garantit également le droit à l’enseignement supérieur gratuit, conformément aux dispositions de la loi no 1 de 1992. Il se préoccupe tout particulièrement du bien‑être physique, mental et moral des jeunes, comme l’exige l’article 14 de la Déclaration constitutionnelle. L’article 23 de la loi sur la promotion de la liberté dispose également que tout citoyen a droit à l’éducation, à l’information et au choix de connaissances appropriées.

Cela étant dit, la seule langue admise dans les écoles publiques libyennes est l'arabe classique. En effet, du primaire jusqu'à l'université, la langue de l'enseignement dans les établissements publics est l'arabe classique. Par ailleurs, il existe des écoles privées dont les cours sont dispensés massivement en anglais, en français ou en italien. Par exemple, l’École de la Communauté française de Tripoli scolarise des élèves d'environ 30 nationalités. Cela signifie que beaucoup de travailleurs étrangers préfèrent que leurs enfants reçoivent leur instruction en anglais, en français ou en italien plutôt qu'en arabe classique.

Toutefois, la langue berbère ne jouit pas des bienfaits de l'enseignement libyen. Il est non seulement interdit d'enseigner le berbère, mais également de traduire quoi que ce soit à l'intention des berbérophones. Les manuels scolaires ignorent totalement le nom et le rôle des Berbères dans l'histoire et la civilisation du pays; lorsqu'il s'agit d'évoquer les premiers habitants de la Libye (les Berbères), on utilise l'expression connue «Arabes anciens», ce qui équivaut à nier toute berbérité. Pourtant, la Grande Charte verte des droits de l'homme à l'ère des masses, promulguée en 1988, énonce de nombreux principes visant à consacrer et à sauvegarder la liberté des personnes et à garantir une vie décente à tous les membres de la société. Le principe 16 proclame ce qui suit:

Principe 16

La société de la Jamahiriya est une société de vertu et de valeurs élevées qui tient les principes et les valeurs humanitaires pour sacrés et aspire à une société humaine sans hostilité, sans guerre, sans exploitation et sans terrorisme, où personne n'est plus ou moins important que les autres, où toutes les nations, tous les peuples et toutes les nationalités ont le droit de vivre librement conformément à leurs choix et de définir leur avenir ainsi que d'établir leur identité nationale et où les minorités ont le droit à la protection de leurs membres et de leur patrimoine, sans qu'on puisse étouffer leurs aspirations légitimes ou recourir à la force pour les absorber dans une quelconque nationalité.

L'attitude du «Guide de la Révolution» à l'égard des minorités berbérophones a toujours été hostile: «La prétention à vouloir utiliser et maintenir le berbère est une prétention réactionnaire, inspirée par le colonialisme.»

Malgré le progrès de l'arabisation des années soixante-dix, l'anglais a occupé une place de plus en plus importante comme langue seconde dans le pays. Il a été enseigné dès l'école primaire et, dans les universités, de nombreux cours de sciences, de techniques et de la médecine ont été dispensée en anglais, non en arabe. En 1986, le colonel Kadhafi a annoncé une nouvelle politique linguistique dont le but était d'éliminer l'enseignement de l'anglais en faveur du russe à tous les niveaux. Mais cette politique n'a jamais été appliquée; on a fait comprendre au «Guide la la Révolution» que l'anglais avait plus de chance dans l'immédiat de connaître une expansion que le russe.

4.3 Les médias

L'organisation Reporters sans frontières a rappelé en octobre 2004 la situation extrêmement grave de la liberté de la presse en Libye. En voici un extrait:

La liberté des médias demeure quasiment inexistante, malgré les efforts du régime libyen pour se doter d'une nouvelle image, plus valorisante en termes de respect des droits de l'homme, a déclaré l'organisation. Les médias écrits ou audiovisuels sont depuis des années inféodés au régime. Aucune critique du président libyen n'étant tolérée, l'ensemble des journalistes pratiquent l'autocensure. Les reporters étrangers qui se rendent dans le pays - lorsqu'ils parviennent à obtenir des visas délivrés au compte-gouttes - sont étroitement surveillés.

Reporters sans frontières a aussi rappelé que le régime libyen détenait le triste record de la plus longue incarcération du monde pour un journaliste. Quant à la radio et la télévision, ces deux secteurs restent un monopole absolu des pouvoirs publics, ainsi que le lieu privilégié de la propagande de l'État et de la désinformation.

Au point de vue linguistique, on peut affirmer que la plupart des journaux sont de langue arabe: Al-Jamahiria, Al-Fajr Al-Jadeed, Al-Shames, Azzahf Al-Akhdar, Akhbar Libya, Al-Aml, Al-Bait, Al-Fatah, etc. Certains journaux ont une version anglaise (Al Fajr Al Jadeed) ou bilingue anglais-arabe (Al-Mahatta). Seul le magazine Africa News Libya offre une version bilingue français-anglais. Il n'existe aucune presse dans une langue berbère.

Les médias électroniques sont également massivement arabophones. Les stations radiophoniques tells que LJB Benghazi Radio (Benghazi), LJB Jamahiriya Radio (Tripoli), LJB Arabic (Misurata), LJB Arabic (Tripoli), LJB Arabic (Tobruk), LJB Tripoli (Tripoli), LJB Holy Koran (Gharghur), LJB Holy Koran (Tripoli), etc., présentent leurs émissions en arabe. Toutefois, la Libyan Jamahariya Broadcasting Corporation, une entreprise d'État, présente des émissions en anglais et en français.

L'État libyen pratique une politique linguistique axée sur l'arabisation forcée en ignorant les langues des minorités nationales, notamment les langues berbères et nilo-sahariennes. L’affirmation par la Libye qu'il n’existerait pas de minorités ethniques sur son territoire semble faire abstraction des Berbères, des Touaregs, des Africains noirs, des peuples nilotiques, qui, selon certaines informations, seraient victimes d’actes de discrimination en raison de leur origine ethnique. La Libye impose ainsi unilatéralement la langue arabe aux non-arabopones. On sait depuis longtemps que la répression, la torture et les exécutions sommaires sont des pratiques courantes dans ce pays. Toute opposition ou toute voix tentant d’exprimer des points de vue différents de ceux dictés par le régime de Kadhafi sont sévèrement réprimées. Or, les berbérophones semblent l’une des cibles de ce régime qui n’admet pas que l’arabité de la Libye soit remise en cause.

Il faudrait que la politique linguistique de la Libye soit plus conciliante à l'égard des non-arabophones indigènes, particulièrement les berbérophones. On pourrait penser que l'État intégrerait l’enseignement de la langue berbère dans les programmes des écoles publiques, là où les Berbères sont plus massivement représentés. On pourrait permettre aux berbérophones d’utiliser leur langue dans les différents services gouvernementaux, que ce soit les tribunaux ou l'Administration. Enfin, l'État pourrait consacrer une partie de la programmation de ses médias, surtout à la radio et à la télévision, à des émissions en la langue berbère. Mais il ne pouvait pas en être autrement au pays du «Guide de la Révolution», alors que la politique d'arabisation a entraîné une politique d'assimilation. Il est à espérer que les nouveaux dirigeants libyens aient une perception plus égalitaire des droits des minorités, mais il n'est pas facile de tirer un trait sur quarante ans de dictature. Aujourd'hui, ce sont les miliciens armés qui contrôlent le pays.

Dernière mise à jour: 20 avr. 2024
 

Bibliographie

BESSIS, Juliette. La Libye contemporaine, Éditions L’Harmattan, Paris, 1986.

CAMPS, Gabriel. Les Berbères. Mémoire et identité, Éditions Errance, Paris, 1987.
 
CHAKER, Salem. Berbères aujourd’hui, Éditions L’Harmattan, Paris, 1989.
 
CIRET-AVT / CFRR. «Libye: un avenir incertain», compte-rendu de mission d’évaluation auprès des belligérants libyens, Centre international de recherche et d’études sur le terrorisme et d’aide aux victimes du terrorisme & Centre français de
Recherche sur le Renseignement, Paris, mai 2011, 44 p.
 
ENCYCLOPÉDIE MICROSOFT ENCARTA, 2007, art. «Libye» pour la partie historique.
 
JAMAHIRIYA ARABE LIBYENNE. Dix-septièmes rapports périodiques attendus des États parties en 2002, Additif Jamahiriya arabe libyenne, Comité pour l'élimination de la discrimination raciale des Nations unies, CERD/C/431 /Add.5, 18 juin 2003 (français), original en arabe (25 février 2003).
 
TAMAZGHA. Rapport alternatif de Tamazgha au Comité pour l'élimination de la discrimination raciale (CERD), 3 mars 2004, [http://www.tamazgha.fr/article.php3?id_article=541].

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