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Somalie
Jamhuuriyadda Federaalka Soomaaliya |
Capitale:
Muqdisho (Mogadiscio) Population: 18 millions (2023) Langues officielles: somali et arabe Groupe majoritaire: somali (94,4 %) Groupes minoritaires: maï-maï (17,6 %), swahili (1,7 %), arabe (1%), mushungulu (0,2 %), amharique (0,2 %), etc. Langues coloniales: anglais et italien Système politique: république fédérale dite démocratique Articles constitutionnels (langue): art. 5, 11, 31 et 35 de la Constitution provisoire de 2012 Lois à portée linguistique: Loi sur la citoyenneté somalienne (1962); Code de procédure pénale (1963); Code du travail (1972); Code de procédure civile somalien (1974); Loi sur les marchés publics (2015); Loi sur les institutions financières (2012); Politique nationale de l'éducation (2012). |
Cet État d'Afrique est limité à l'ouest par
le Djibouti, l'Éthiopie et le Kenya; il est baigné au nord par le
golfe d'Aden et à l'est par l'océan Indien. Situé dans la
Corne de
l'Afrique, c'est un pays géographiquement isolé, compte tenu de sa
localisation en périphérie. Lorsque la Somalie était unifiée, sa superficie totale était de 637 700 km², c'est-à-dire un pays plus grand que la France (547 030 km²). Entourée par le golfe d'Aden, l'océan Indien et l'Éthiopie, la Somalie possédait 3025 km de côtes et 2366 km de frontière, dont plus de la moitié, avec l'Éthiopie. La capitale de la Somalie unifiée était Mogadiscio (nom italien; en somali: Muqdisho) et le pays était divisé en 18 provinces. |
Toutefois, cette Somalie n'existe plus de facto, car le Somaliland (au nord-ouest) et le Punland (au nord-est) ont fait sécession, mais ces États ne sont pas reconnus officiellement. Il ne semble pas y avoir de solution à court terme
à ce morcellement politique. La communauté internationale semble avoir oublié les problèmes de la Somalie,
y compris le Somaliland et le Puntland, deux territoires considérés comme parmi les plus pauvres du monde.
Pour le moment, la Somalie est dirigée par un gouvernement fédéral de transition (GFT) depuis le 22 août 2012. En date du 19 octobre 2023, la Somalie reste une sorte de fédération formée de sept États membres, dont le Somaliland est revendiqué, mais encore incontrôlé; il fait ajouter aussi la capitale Mogadiscio avec 2 120 000 habitants.
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Contrairement aux Arabes qui sont d'origine sémitique, les Somaliens (groupe ethnique majoritaire à 95 %) appartiennent au groupe couchitique comme les Afars et les Issas de Djibouti, ainsi que les Gallas d'Éthiopie. L'isolement géographique du pays est accentué par le facteur linguistique: la Somalie se distingue en effet des autres États africains par sa langue officielle, le somali, une langue couchitique de la famille afro-asiatique. Le somali est l'une des rares langues de la famille afro-asiatique à être écrite en alphabet latin et non en alphabet arabe.
Les Somaliens sont donc relativement homogènes au point de vue ethnique dans la mesure où ils appartiennent au groupe couchitique dans une proportion de 95 %. Cela dit, il existe de petites communautés minoritaires (couchitiques) telles que les Digil-Rahawiin (parlant le maay), les Garré (garré), les Dabarré (dabarré), les Jiiddu (jiiddu) et les Tunni (tunni), des variétés d'afar. On compte aussi des Gosha, des Swahilis et des Juba parlant le swahili, une langue bantoue. Il existe aussi une minorité d'Arabes yéménites et une minorité nigéro-congolaise (les Mushungulu), sans oublier une petite minorité italophone.
2.1 Les langues du pays
La Somalie comptait en 2023 quelque 18 millions d'habitants, dont 94,4 % parlent le somali (incluant le maï-maï, le bénadir et le digil. Mais les estimations sont très difficiles en raison du nombre important de nomades et de réfugiés qui ont tenté de fuir la famine et les guerres claniques.
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Bien que les Arabes aient envahi la Somalie au IXe siècle et y ont islamisé la population, ils n'ont pas réussi à l'arabiser. L'usage du somali s'étend partiellement dans les pays voisins à Djibouti (181 420), en Éthiopie (888 000), au Kenya (277 827), au Yémen (229 280) et dans les Émirats arabes unis (25 000).
Les langues minoritaires en Somalie sont l'oromo, le mushungulu, le jiiddu, le swahili et le boon (pratiquement éteint).
2.2 La langue somalie
Cette langue somalienne est loin d'être uniforme, car elle est fragmentée en plusieurs variétés. On distingue principalement
les variétés suivantes:
Le somali du Nord constitue la base du somali standard; il est parlé par la majorité de la population somalienne et sa zone linguistique s’étend de Djibouti et de la région somalie de l’Éthiopie jusqu’au district frontalier du Nord, bref dans les États de Somaliland, du Puntland et du Galmudug, mais également dans le Jubaland. Toutefois, cette classification traditionnelle cache en réalité d'innombrables autres variétés locales. Le somali du Nord sert de norme à la langue officielle. Il est aisément intelligible aux locuteurs du somali côtier (bénadir), mais difficilement intelligible pour les locuteurs du somali central, c'est-à-dire les groupes du maï-maï et du digil (tunni, garré, dabarré, etc.). |
2.3 Les emprunts linguistiques en somali
La langue somalie avec toutes ses variétés
est parlée dans une portion du Djibouti (552 000), dans toute la
Somalie (17,0 millions), dans l'est de l'Éthiopie (8,0 millions) et
dans l'est du Kenya (2,5 millions) pour un total d'environ 28
millions de locuteurs.
- L'arabe Au cours de son histoire, cette langue a subi
diverses influences, notamment dans le lexique. Les principaux emprunts lexicaux du somali proviennent de l’arabe et constituent environ 20 % du vocabulaire de la langue. Cet apport provient d’un héritage des liens sociaux, culturels, commerciaux et religieux étendus du peuple somalien, et de ses contacts avec les populations voisines de la péninsule arabique. Les mots empruntés à l’arabe sont le plus souvent utilisés dans le discours religieux, administratif et scolaire. Le somali contient des termes issus du persan, de l’ourdou et de l’hindi, mots qui ont été acquis par le commerce historique avec des communautés du Proche-Orient et de l’Asie du Sud. D’autres mots d’emprunt ont également remplacé leurs synonymes originaires dans certaines variétés dialectales. Certains de ces mots ont également été empruntés indirectement au moyen de l’arabe. |
- Les langues européennes
La langue somalie contient également des mots d’emprunt aux groupes germaniques et romanes des langues indo-européennes, qui ont été conservées de la période coloniale. La plupart de ces emprunts proviennent de l’anglais et de l’italien; ils sont employés pour décrire de nouveaux objets ou des concepts modernes: par exemple telefishen-ka («télévision»), raadia-ha («radio»). On compte environ 300 mots directement empruntés à l'italien (p. ex., garawati pour «cravate», de l’italien cravatta). Les mots empruntés le plus souvent à l’italien sont "ciao" comme salut amical, "dimuqraadi" («democratico»: démocratique), "mikroskoob" («microscopio»: microscope), "Jalaato" («gelato» : glace à l'italienne), "baasto" («pasta» : pâtes), "bataate" («patata» : pomme de terre), "bistoolad" («pistol» : pistolet), etc.
2.4 L'alphabet somali
Un certain nombre de systèmes d’écriture ont été utilisés pour transcrire la langue somalienne. Parmi ceux-ci, l’alphabet latin somali, officiellement adopté en 1972, est le plus largement employé et reconnu comme l'orthographe officielle de l’État. Cet alphabet utilise toutes les lettres de l’alphabet latin anglais à l’exception du p, du v et du z. Il n’y a pas de signes diacritiques ou d’autres caractères spéciaux, à l’exception de l’usage de l’apostrophe.
Cela dit, l'alphabet arabe continue d'être employé puisque l'arabe demeure co-officiel avec le somali. |
2.5 L'arabe
Malgré le statut officiel du somali, l'arabe revêt également une importance en Somalie puisqu'il est co-officiel avec le somali. L'arabe est largement parlé et utilisé à des fins religieuses, car la grande majorité de la population somalienne est musulmane. De nombreux Somaliens apprennent l'arabe pour lire le Coran et participer à des activités religieuses. En ce cas, il s'agit de l'arabe coranique que personne ne parle, un peu comme le latin chez les catholiques il y a plusieurs décennies. C'est une langue restée relativement figée depuis le XIIIe siècle.
Mais l'arabe le plus utile est celui enseigné dans les établissements d'enseignement, l'arabe littéral, un arabe que personne ne parle, mais qu'on écrit dans les médias et dans les administrations. En Somalie, il n'existe pas d'arabe somalien, comme il existe un arabe yéménite, un arabe marocain, un arabe libanais, un arabe omanais, etc., puisque toute la population parle le somali et non un arabe local.
En fait, l'importance de l'arabe en Somalie peut être attribuée aux liens historiques et culturels avec les nations arabo-islamiques, notamment dans les textes religieux islamiques. De nombreux Somaliens apprennent l'arabe par le biais d'études religieuses ou comme langue seconde, ce qui leur permet de communiquer avec les communautés arabophones dans le monde arabe.
2.6 L'anglais
L'anglais n'est la langue maternelle de personne en Somalie. C'est la langue de l'ancien colonisateur britannique qui a été employée dans le Somaliland et le Jubaland (près du Kenya). Aujourd'hui, la maîtrise de l'anglais est très appréciée et considérée comme essentielle pour les personnes recherchant des possibilités d'études supérieures, un emploi dans des organisations internationales ou une carrière dans l'industrie du tourisme. En fait, c'est une langue étrangère qui prend de plus en plus de place dans l'administration, les écoles et les médias. Finalement, l'anglais exerce une forte concurrence sur la langue nationale.
2.7 La religion
Presque toute la population pratique l'islam sunnite qui occupe une grande partie du pays. La religion joue un rôle beaucoup plus vaste dans la vie que ce qui est courant en Amérique ou en Europe. Pour les Somaliens, l'islam est un système de croyances, une culture, une structure de gouvernement et un mode de vie. Ainsi, en Somalie, les attitudes, les coutumes sociales et les rôles de genre reposent principalement sur la tradition islamique. Par exemple, le calendrier islamique est basé sur le mois lunaire et commence à compter l’année d’arrivée de Mahomet à Médine ; ce calendrier ainsi que le calendrier julien sont officiellement reconnus et employés. |
La culture somalienne est bien différente, par exemple, de la culture américaine et de toute autre culture, car l'islam fait intégralement partie de la culture. C'est la religion qui influence les vêtements et la nourriture. En ce qui concerne les vêtements, la plupart des Somaliens s'habillent conformément aux principes islamiques. Les hommes portent des vêtements qui doivent couvrir du cou aux genoux, et les femmes doivent être couvertes du cou aux chevilles avec des vêtements non ajustés. Les femmes mariées peuvent en outre porter un foulard ou un châle. Les Somaliens parlent la langue somalie dans la vie quotidienne, tandis que l'arabe coranique sert aux activités religieuses. Étant donné que le Coran est écrit en arabe, ils doivent apprendre à le lire et à l'écrire, mais ils ne le parlent pas.
L’histoire du territoire actuel de la Somalie remonte à la plus haute Antiquité, alors que la région était connue des anciens Égyptiens. Mais entre les IIe et VIIe siècles de notre ère, plusieurs parties du territoire furent rattachées au royaume éthiopien d’Aksoum. Peu de temps après, des tribus arabes s’installèrent au VIIe siècle le long de la côte du golfe d’Aden et fondèrent un sultanat sur la côte, centré sur le port de Zeila.
L'islam est arrivé en Somalie à une époque où les compagnons du prophète Mahomet cherchaient refuge de l'autre côté de la mer Rouge, dans la Corne de l'Afrique, pour échapper aux poursuites auxquelles ils faisaient face en raison de leur appartenance musulmane. On pense que les Somaliens ont adopté et accepté les enseignements de l’islam bien avant tout autre pays arabo-musulman. Toutefois, les habitants, rappelons-le, ne s'arabisèrent pas et conservèrent leurs langues couchitiques ancestrales. |
À partir du XIIIe siècle, des Somaliens, des pasteurs nomades installés dans le nord de la Corne de l’Afrique, commencèrent à migrer vers la région de l'actuelle Somalie; auparavant, les Oromos, des pasteurs-agriculteurs, avaient déjà entamé une lente montée vers l’Ogaden et le plateau abyssin. Tous ces peuples couchitiques s'installèrent définitivement sur le territoire de ce qui est aujourd'hui la Somalie. Des peuples arabes tentèrent de s'approprier le territoire et beaucoup de Somaliens furent repoussés à l'extérieur, notamment en Éthiopie.
3.1 La colonisation européenne
La Grande-Bretagne fut la première puissance européenne dans la région. En 1839, elle prit possession de l’Aden (aujourd’hui le Yémen), étape sur
la route des Indes. Après l’ouverture du canal de Suez en 1869, l’importance stratégique de la Corne de l’Afrique et de la Somalie s’accrut. Au milieu des années 1870, les Turco-Égyptiens occupèrent certaines villes de la côte somalienne et une partie de la région intérieure adjacente. Lorsque les troupes égyptiennes quittèrent la région en 1882, la Grande-Bretagne occupa ce territoire, afin d’endiguer la «révolte du Mahdi» au Soudan plus à l'ouest. Un religieux appelé Muhammad Ahmad promettait le renouveau de l'islam et la libération du Soudan anglo-égyptien; il se proclamait le «mahdi», c'est-à-dire le rédempteur de l'islam, et rejetait les autorités anglo-égyptiennes du Soudan.En 1887, un protectorat britannique fut proclamé sur la
Somalie britannique ("British Somaliland"). Ce protectorat fut administré par l'Empire britannique des Indes, puis par les Affaires étrangères ("Foreign Office") et enfin par les Affaires coloniales ("Colonial Office"). L'un des objectifs britanniques était d'assurer le ravitaillement en bétail de sa colonie du port d'Aden (aujourd'hui au Yémen).
En même temps, les Italiens imposèrent en 1887 leur protectorat au sultan de Majeerteen (actuel Puntland). Mais l'expansion italienne fut bloquée au nord par le Somaliland) et au sud (le Kenya) par les colonies britanniques et à l'ouest par l'Éthiopie. Après avoir obtenu plusieurs concessions commerciales, la France put en 1885 imposer un «accord» politique avec les «chefs issas» en plaçant un territoire sous souveraineté française (Somalie française). En 1888, un accord territorial avec la Grande-Bretagne fixa les frontières entre les deux protectorats. La même année, le port de Djibouti devint le chef-lieu de la «Côte française des Somalis» créée en 1896. En réalité, la colonie française de Djibouti n'a jamais fait partie de la Somalie, mais elle abritait des Somaliens de langue somalie. |
- La colonie britannique
Les Britanniques durent faire face dès 1899 à la «révolte des derviches»; celle-ci était dirigée par Mohammed Abdullah Hassan (1856-1920), un chef militaire et aussi un responsable religieux et politique somali que les Britanniques appelèrent «Mad Mullah» (le «Mollah fou»). Il conduisit, à partir de 1899, une guerre dirigée principalement contre l'Empire britannique qui occupait le Somaliland, ainsi que contre l'Empire éthiopien (1899-1903) limitrophe, qui occupait également des territoires peuplés de Somaliens. Malgré cinq lourdes expéditions militaires entre 1901 et 1904, les Britanniques furent contraints d'évacuer l'intérieur du territoire en 1910.
En juin 1912 est créé le "Somaliland Camel Corps", qui reprit le combat; il fut en août 1913, mais parvint à se rétablir en novembre 1914. Ce n'est cependant qu'après la Première Guerre mondiale qu'une offensive britannique, accompagnée d'une épidémie de variole et soutenue par l'aviation, réussit en 1920 à faire reculer les «derviches», les combattants de Mohammed Abdullah Hassan décédé en novembre 1920. Ce n'est qu'à partir de ce moment que les Britanniques puent réellement établir leur «protectorat».
Durant leur protectorat, les Britanniques imposèrent l'anglais dans toute l'administration coloniale. Cette langue devint rapidement dominante dans le système d'éducation, alors que la population parlait le somali et utilisait l'arabe pour leurs activités religieuses. La proportion relativement faible de Somaliens (moins de 10 %) maîtrisant l'anglais avait accès à des postes gouvernementaux et aux quelques emplois de direction ou des emplois techniques dans les entreprises privées. Ces Somaliens privilégiés durent vivre en autarcie par rapport à leurs compatriotes analphabètes de langue somalie. |
Étant donné que les écoles secondaires et la plupart des postes gouvernementaux se trouvaient dans les zones urbaines, la distinction socio-économique et linguistique se transforma en une démarcation entre les zones rurales et urbaines. Ce sont donc les centres urbains qui s'anglicisèrent tandis que les campagnes demeurèrent unilingues somalis.
Durant la campagne de l'Afrique de l'Est de la Seconde Guerre mondiale, la Somalie britannique fut occupée par l'Italie en août 1940, puis reprise par la Grande-Bretagne en mars 1941. Le Somaliland resta britannique jusqu'à l'indépendance.
- L'Afrique italienne
Par des traités adoptés en 1905 avec les sultans somalis et des conventions avec la Grande-Bretagne, l’Éthiopie et le Zanzibar
(Tanzanie), la région bordant la côte de l’océan Indien, au sud du pays, devint italienne:
ce fut la "Somalia italiana". À la suite du traité de Londres de 1915, l’Italie étendit son contrôle sur l’intérieur du pays en acquérant en 1925 une portion de la colonie du Kenya britannique appelée le Jubaland. En 1936, l’Italie réunit
les territoires de la Somalia, de l’Eritrea et de l’Etiopia nouvellement conquise pour constituer l’empire colonial de l’Africa Orientale Italiana
(Afrique orientale italienne). Le 9 mai 1936, le roi d'Italie Victor-Emmanuel III fut proclamé empereur
d'Éthiopie. Puis Mussolini se résolut à envoyer des millions de colons italiens en
Afrique orientale dans le but de rentabiliser les territoires annexés. Depuis 1930, la Somalie italienne comptait plus de 22 000 colons italiens, soit 2 % de la population du territoire, dont 10 000 résidaient dans la capitale Mogadiscio où se trouvaient des industries manufacturières. En 1935, la colonie comptait plus de 50 000 Italo-Somaliens, constituant 5 % de la population du territoire. Parmi eux, 20 000 résidaient à Mogadiscio, ce qui représentait environ 40 % des 50 000 habitants de la ville. Ces données ne tiennent pas compte des 220 000 soldats italiens stationnés dans le pays. |
La colonisation italienne fut dure et brutale pour les populations autochtones. L'Italie ne forma aucun administrateur somalien, de sorte que tous les secteurs importants restèrent aux mains des Italiens. La colonie compta jusqu'à 85 000 Italiens en 1938, surtout des militaires, des colons, des commerçants et des religieux. Les Italiens ne communiquaient que très rarement avec les Somaliens et, lorsque c'était nécessaire, ils le faisaient en italien en recourant à des interprètes. Les enfants italiens fréquentaient des écoles italiennes, tandis que les autochtones n'avaient accès à l'éducation qu'au moyen des médersas, les écoles coraniques. Pendant la période fasciste, entre 1922 et 1941, l'Italie imposa le travail forcé aux autochtones pour construire des routes, des ponts et diverses infrastructures. En matière de religion, les missionnaires et les religieux catholiques ne réussirent que très peu de conversions, la population y voyant une autre forme de colonialisme. Finalement, l'une des rares possibilités d'ascension sociale pour un individu somalien était d'intégrer le corps militaire des Askaris, l'armée coloniale italienne. |
Dans les faits, toute l'administration demeura aux mains des colonisateurs blancs, l'immense majorité de la population n'eut pas accès à l'éducation hormis les écoles coraniques et resta analphabète.
Après l’entrée en guerre de l’Italie aux côtés de l’Allemagne en 1940, les troupes italiennes envahirent provisoirement la Somalie britannique, mais les Britanniques réussirent à reconquérir leur protectorat du Somaliland l'année suivante. Aux termes du traité de paix de 1947 (entre l'Italie et les puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale, mettant officiellement fin aux hostilités), l’Italie renonçait à ses possessions africaines (l'Érythrée et l'Éthiopie), mais conservait la Somalia italiana. Cependant, l'ONU fut incapable d'accorder l'indépendance à la Somalie italienne en raison de l'absence de cadres politiques et d'administrateurs autochtones, au risque de basculer sans fin dans des guerres tribales. L'Italie dut renoncer à son empire colonial, mais l'ONU accordait en 1949 un mandat de dix ans à l'Italie afin de pour former des cadres et de créer éventuellement un futur État somalien viable.
Au cours de cette période, il existait deux langues de gouvernement: l'anglais dans la zone britannique (au nord) et l'italien pour la zone italienne (au sud). Avec le temps, l'anglais devint dominant dans le système scolaire et dans l'administration du gouvernement, même dans l'ex-Somalie italienne, ce qui développa des conflits entre les élites somaliennes entre le Nord et le Sud. Ceux qui connaissaient l'anglais bénéficiaient d'avantages importants dans l'accès aux postes de la fonction publique, et ce, aux dépens de ceux qui pratiquaient l'italien ou le somali. Il n'existait aucune école où l'on enseignait en somali; les Somaliens qui ne fréquentaient pas les écoles britanniques ou italiennes allaient dans les écoles coraniques où l'arabe coranique était la langue d'enseignement.
Bref, l'État italien devait réussir en dix ans à former une police, une armée, un système d'éducation, un système de santé et d'aide sociale, sans oublier refaire les infrastructures ferroviaires, routières et portuaires. Dans le domaine linguistique, tout restait à faire, car la langue somalie n'avait pas pu être adaptée à la modernisation du pays. Les Italiens, qui devaient mener les Somaliens vers l'indépendance, durent constater leur échec. En juillet 1960, les militaires, formés par les Italiens, renversèrent les institutions civiles et proclamèrent unilatéralement l'indépendance avec l'accord de l'ONU.
3.2 L'indépendance de la Somalie
En accédant à l’indépendance le
1er juillet 1960, la Somalie annexa en même temps l’ancien protectorat britannique du Somaliland, qui était indépendant depuis le 26 juin. Au plan international, les différents dirigeants qui devaient se succéder auront pour objectif plus ou moins avoué de réunir dans une
- Les langues officielles après l'indépendance
Lorsque la Somalie devenue une république accéda à l'indépendance, son gouvernement parlementaire décida d'adopter trois langues officielles : l'anglais, l'italien et l'arabe, donc toutes des langues de contact avec l'étranger. Étant donné que la grande majorité des citoyens du pays parlaient une seule langue, le somali, qui n'avait alors aucune forme écrite, cette décision rendait la gouvernance apparemment plus aisée. Cependant, le choix d’une seule langue était tout aussi problématique, car ceux qui parlaient une langue officielle devenaient automatiquement la classe privilégiée.
En fait, le choix de l'anglais et de l'italien semble normal, car on peut observer que dans les États où se produisaient des rivalités ethniques, les Africains avaient tendance à préférer recourir aux langues de leurs anciennes puissances coloniales comme langues officielles plutôt que les langues africaines s'ils n'appartenaient pas à leur propre groupe ethnique. On peut affirmer qu’une situation similaire peut être observée dans le cas de la Somalie avec l’arabe, l’anglais et l’italien dans le système de communication et d’éducation de l’État.
Les influences étrangères avaient été suffisamment fortes pour maintenir en Somalie dans une nouvelle situation coloniale contradictoire, particulièrement dans les écoles. La langue d'enseignement était l'italien dans le Sud, l'anglais dans le Nord, l'arabe dans les écoles coraniques. Le gouvernement ne pouvait prévoir que l'imposition des langues non autochtones allait produire des inégalités qui devaient éroder la base sociale naturelle dans la démocratie du pays. Les implications du choix d’une langue dans un pays sont très complexes, car changer la langue d’un peuple, c’est aussi changer sa façon de penser et d’agir politiquement.
- L'officialisation de l'unique langue somalie
Le premier président du pays, Aden Abdullah Osman Daar, élu en 1960, fut battu en 1967 par l’ancien premier ministre Ali Shermake, qui fut lui-même assassiné le 15 octobre 1969. Un groupe de militaires conduit par le général Muhammad Siyad Barre prit le pouvoir et proclama la République démocratique de Somalie. Le coup d'État du 21 octobre 1969 marqua le début d'une politique linguistique volontariste et révolutionnaire. En 1970, le général-président Barre, soutenu par l’URSS, choisit la voie socialiste pour son pays et, dans les années qui suivirent, nationalisa la plupart des secteurs économiques modernes du pays.
Douze ans après l'indépendance, le gouvernement militaire décida de mettre fin à cette acrimonieuse controverse au sujet des langues officielles en annonçant que le somali serait l'unique langue officielle et que l'alphabet latin devenait obligatoire. On espérait que ce choix favoriserait l’égalité politique et renforcerait la culture nationale. |
Cette politique linguistique d'officialisation du somali entraîna une réorganisation complète de tout le système d'enseignement et de l'administration publique. Il fallut traduire et refondre l'ensemble des textes juridiques, constituer des commissions de terminologie, former les fonctionnaires au somali moderne, mettre en place une nouvelle presse écrite, implanter une scolarisation massive des enfants (et même des adultes), transformer radicalement les moyens d'information de l'État.
L'objectif était de généraliser l'emploi du somali officiel dans tous les domaines: administratif, judiciaire, scolaire, économique, scientifique, etc. On voulait aussi neutraliser, faire reculer, sinon éliminer complètement l'anglais et l'italien. C'était une tâche gigantesque que seul un gouvernement dictatorial pouvait mener à terme. Par le fait même, de nombreux nouveaux mots furent créés et introduits dans la langue; la plupart des nouveaux termes somaliens furent utilisés pour exprimer des concepts dans les domaines du gouvernement et de l'éducation. Mais cette politique révolutionnaire suscita l'hostilité des États voisins, notamment de la part de l'Éthiopie, qui perçut alors le somali comme une langue africaine rivale de l'amharique (la langue officielle de l'Éthiopie).
La sécheresse survenue en 1974 et en 1975 causa une famine généralisée qui motiva l’adhésion de la Somalie à la Ligue arabe. En même temps, le quotidien italophone Stella d’Ottobre («L’étoile d’octobre») fut nationalisé, rebaptisé Xiddigta Oktoobar, puis recommença à publier en somali.Si la politique d'alphabétisation constituait déjà une politique révolutionnaire pour un pays d'Afrique, la politique de scolarisation qui suivit s'est révélée encore plus radicale. En 1975, le gouvernement imposa la scolarisation
«libre et obligatoire» à tous les enfants somaliens. Le gouvernement ordonna la destruction massive de tous les livres de l'époque coloniale et l'édition accélérée de manuels en langue somalie. Cette mesure radicale priva la plupart des écoles éloignées des grands centres de tout matériel pédagogique, car les livres rédigés en somali ne furent que peu diffusés.Dès l'implantation de l'école obligatoire, la scolarisation augmenta de façon exceptionnelle: de 127 % pour la seule année de 1975, de 200 % jusqu'en 1980-1981. Les enfants de moins de 15 ans furent scolarisés en moyenne dans une proportion de 36 %; si la scolarisation atteignait 76 % dans la région de la capitale, elle tombait cependant à moins de 10 % dans les zones rurales. De plus, la scolarisation accélérée finit par s'essouffler, les effectifs plafonnèrent. Près de la moitié des écoles offraient un cycle primaire incomplet, faute d'élèves. Le taux d'échec fut très élevé: plus des deux tiers des élèves ne terminaient pas leurs études primaires.
Le premier dictionnaire complet de la langue somalienne moderne standardisée fut publié en 1976.- La guerre civile En 1979, le gouvernement avait pu imposer une nouvelle constitution. L'article 3 de la Constitution du 23 septembre 1979 déclarait que 2) Le somali est la langue que parlent tous les
Somaliens et par laquelle ils se reconnaissent; l'arabe est la langue qui unit le peuple de Somalie avec la nation arabe dont il fait partie intégrante, et les deux langues seront les deux langues officielles de la République démocratique de Somalie. Le somali étant considéré comme définitivement implanté en Somalie, l'arabe pouvait être réintroduit. Celui-ci, langue essentiellement religieuse, est cependant une langue minoritaire dans le pays. En d'autres termes, la Somalie reste un État musulman, mais non arabophone.
En 1977, les
Somaliens vivant dans la région de l’Ogaden en Éthiopie s’engagèrent, après la chute de l'empire éthiopien d’Addis Abeba, dans une lutte armée pour leur rattachement à la Somalie. Les rebelles furent soutenus et armés par la Somalie, qui envoya des troupes. Dès la fin de 1977, les
Somaliens contrôlèrent la majeure partie de l’Ogaden. En 1978, l’Éthiopie, aidée par Cuba et l’URSS qui avait opéré un spectaculaire renversement d'alliance, lança une contre-attaque, reprit le contrôle de la région et proposa son soutien aux mouvements dissidents de Somalie, basés principalement dans le nord du pays. Les combats ultérieurs précipitèrent un flux de réfugiés (estimé à près de deux millions en 1981) en Somalie, qui servirent de masse de manœuvres au général Siyad Barre. Les États-Unis apportèrent une aide à la fois humanitaire et militaire, et furent, en échange, autorisés à utiliser les installations navales de Berbera, une ancienne base soviétique. Les hostilités avec l’Éthiopie continuèrent de façon sporadique jusqu’en 1988, date à laquelle un accord de paix fut signé.
Article 3
Malgré la réélection du général Barre en 1986, l’opposition (le Mouvement national somalien), opérant surtout dans l'ancien Somaliland britannique, ne désarma pas et conquit certaines parties du nord de la Somalie. Dans les années 1980, la guerre civile s'intensifia et le général-président Barre dut s'enfuir de la capitale en janvier 1991. Dans le chaos social qui s'ensuivit, les écoles cessèrent d'exister. Pendant les deux ans qui suivirent, quelque 50 000 personnes furent tuées lors de violents combats, menés de façon continue entre les factions rivales (de novembre 1991 à mars 1992). Du fait de la rupture des lignes d’approvisionnement dans ce pays ravagé par la guerre, environ 300 000 personnes moururent de faim.
Comme on peut le constater, la guerre civile en Somalie au cours de ces années a entraîné l'effondrement du gouvernement somalien. Une série de gouvernements régionaux ont surgi au cours de cette période de conflits. Cependant, malgré les troubles de ces années, le somali est resté la langue officielle de facto du pays.
- Les troupes
internationales
En décembre 1992, le président américain G. Bush (père) décida, dans le cadre de l’opération Restore Hope, d’envoyer des troupes américaines. Des marines, relayés par la suite par une force internationale de maintien de la paix des Nations unies (Onusom), débarquèrent à Mogadiscio. Les agences internationales tentèrent de reprendre la distribution de nourriture et fournirent une assistance humanitaire. Cependant, les combats entre clans continuèrent de plus belle. Le comportement particulièrement violent d’une fraction marginale des Casques bleus à l’égard de la population somalie attisa la haine des Somaliens. Les forces de maintien de la paix et les civils furent victimes de ces luttes. Face à l’échec des négociations avec les différentes factions, notamment avec celle du général Aïdid au pouvoir, et face aux importantes pertes humaines tant internationales que somaliennes, les Américains, puis les Français, se retirèrent, et l’ONU restreignit ses actions à la seule aide humanitaire. Les Casques bleus de l’Onusom se retirèrent définitivement de Somalie en mars 1995.
Le 20 février 1995, la Somalie adoptait une constitution provisoire (Constitution de la République démocratique de Somalie). Il n'y avait plus de disposition strictement linguistique, sauf à l'article 3.4.1.3 pour ce qui est des membres du Majlis (Assemblée nationale):
Article 3.4.1.3
Tout représentant au Majlis national doit être citoyen de la République démocratique de Somalie, être âgé d'au moins 25 ans, être capable de lire et écrire le somali et pourvu de réputation honorable. Il n'y a aucune restriction basée sur l'adhésion aux clans, croyances religieuses ou politiques ou au sexe. |
L'article 2.5.2 traitait des minorités, sans qu'il ne soit précisé s'il s'agissait des minorités religieuses ou linguistiques. Comme presque tous les Somaliens étaient musulmans, on peut présumer que cette disposition faisait allusion à la langue:
Article 2.5.2
Le gouvernement a la responsabilité de protéger les droits égaux garantis par cette constitution pour tous ses citoyens, en particulier pour le cas des minorités vivant au sein des plus grands groupes de citoyens. |
- L'éclatement du pays
En 1996, le morcellement politique conduisit à l’éclatement du pays, qui n’eut plus de représentant officiel et qui fut exclu de toutes les instances internationales.
Le Nord-Ouest, l’ancien Somaliland britannique, s'autoproclama république du Somaliland le 23 février 1997, qui comprend les régions administratives suivantes: Awdal, Togdheer, Sanaag, Saaxil, Sool et Woqooyi Galbeed. En 1998, le Puntland se déclara lui aussi autonome. Ces deux provinces demeuraient sous le contrôle de militaires. Le Sud devint le fief d'un autre général, tandis que Mogadiscio fut disputée par d'autres militaires. Le 26 août 2000, on apprenait que le Parlement de transition en exil avait élu un nouveau président en la personne de Abdulkasim Salad Hassan, dans un contexte particulièrement difficile. Non seulement le pays resta aux prises avec de plusieurs rivalités claniques, mais il tomba littéralement dans un état de déliquescence avancée. Formée au milieu des années 2000 dans le cadre de l'Union des tribunaux islamiques, une organisation militaire et politique islamiste sunnite, Al Shabaad, prit de l'importance pendant la guerre de Somalie de 2006 à 2009, au cours de laquelle il s'est présenté comme un véhicule pour mener une résistance armée contre l'armée d'occupation éthiopienne. Une grande partie de la base de soutien somalienne d'Al-Shabaab est farouchement nationaliste et considère comme son objectif principal l'établissement d'un État islamique stable à l'intérieur de la Somalie. En 2012, un semblant d'une Somalie fédéralisée se forma sans pouvoir contrôler l'ensemble du pays. En 2023, Al-Shabaab occupait encore de plusieurs portions du territoire somalien. En octobre 2023, après une période de troubles civils, le gouvernement fédéral de la Somalie reconnut le Khatumo comme une administration autonome intérimaire. |
- La fédéralisation de la Somalie
Le gouvernement fédéral de Somalie est le gouvernement internationalement reconnu de la Somalie et la première tentative de création d'un gouvernement central en Somalie depuis l'effondrement de la République démocratique somalienne. Selon la nouvelle Constitution, la Somalie, désormais officiellement connue sous le nom de République fédérale de Somalie, est une fédération formée de sept États membres, dont le Somaliland est revendiqué, mais demeuré incontrôlé.
Le Parlement fédéral de Somalie élit le président et le premier ministre, et il a le pouvoir d'adopter des lois et d'y opposer son veto. Il est bicaméral et se compose d'une chambre basse de 275 sièges, ainsi que d'une chambre haute, plafonnée à 54 représentants. Selon la loi, au moins 30 % de tous les députés doivent être des femmes.
Les gouvernements locaux des États, officiellement reconnus comme États membres fédéraux, disposent d'une certaine autonomie dans les affaires régionales et maintiennent leurs forces de police et de sécurité. Cependant, ils sont constitutionnellement soumis à l'autorité du gouvernement de la République fédérale de Somalie. Le Parlement fédéral est chargé de choisir le nombre définitif et les limites des États membres fédéraux au sein de la République fédérale de Somalie.
Le gouvernement fédéral de Somalie est internationalement reconnu comme le gouvernement central officiel de la Somalie. Il occupe le siège du pays aux Nations unies, à l'Union africaine et à l'Organisation de la coopération islamique (OCI). Le gouvernement fédéral somalien a un représentant permanent et un représentant permanent adjoint auprès des Nations Unies. Elle possède également des ambassades dans divers pays. Les langues officielles sont le somali et l'arabe.
Toutefois, la Somalie continue d’être considérée comme un pays à très haut risque en raison d’une multitude de facteurs, notamment la situation sécuritaire, la faiblesse de l’État et les inégalités économiques. Il existe un risque élevé de terrorisme et de violence dans une grande partie de la Somalie. Ainsi, la Somalie est classée au deuxième rang des États les plus fragiles au monde. L’un des pays les plus pauvres du monde, avec plus de 70 % de sa population vivant avec moins de 1,90 dollar par jour, la Somalie peine à se remettre de décennies de guerre civile.
Le système juridique somalien est mixte et comprend à la fois le droit civil, la Charia et le droit coutumier. La Constitution provisoire de la République fédérale de Somalie définit la hiérarchie des lois en Somalie et confirme le rôle de l'islam sunnite comme religion de l'État. L'article 4 énonce même qu'après la Charia la Constitution de la République fédérale de Somalie est la loi suprême du pays.
Article 4
Suprématie de la Constitution 1) Après la Charia, la Constitution de la République fédérale de Somalie est la loi suprême du pays. Elle lie le gouvernement et guide les initiatives et décisions politiques dans tous les ministères du gouvernement. 2) Toute loi ou tout acte administratif contraire à la Constitution peut être invalidé par la Cour constitutionnelle, qui a le pouvoir de le faire conformément à la présente Constitution. |
Par le fait même, la loi interdit la propagation d'autres religions. Ainsi, les lois qui ne sont pas conformes aux principes de la Charia ne peuvent pas être promulguées, pas plus que les lois contraires à la Constitution. Le Puntland et le Somaliland possèdent également leur propre constitution, qui est assujettie à la Constitution fédérale.
4.1 La langue de la législation
Il est très difficile d'avoir accès aux documents juridiques publiés de 1960 à 1990. De plus, il existe de nombreuses lacunes dans les archives législatives disponibles jusqu'à présent, y compris en langue somalie. Les lois énumérées dans cet article ne peuvent par conséquent être exhaustives et ne constituent qu'une sélection réduite actuellement disponible.
La Somalie est aujourd'hui
une fédération formée de sept États membres. La Constitution provisoire de 2012 contient quelques articles portant sur la langue, mais c'est l'article 3 qui est le plus important:Article 5 Langues officielles La langue officielle de la République fédérale de Somalie est le somali (maay et maxaa-tiri) et l'arabe est la deuxième langue. |
L'article 11 de la Constitution garantit l'égalité de tous les citoyens sans distinction de sexe, de naissance ou de dialecte:
Article 11
Égalité 3) Le gouvernement ne peut discriminer quiconque sur la base de l'âge, de la caste, de la couleur, de la tribu, de la race, de la culture ou du dialecte, du sexe, de la nationalité, du handicap, de la religion, de la politique ou de l'opinion, de la profession ou de la propriété. |
Il convient de relever le terme «dialecte» (en somali: lahjad) employé pour désigner la langue des minorités plutôt que le terme «langue» (en somali: luqadda ou afka). L'article 31 est significatif dans la mesure il s'agit de promouvoir «la culture et les bonnes traditions du peuple somalien» en débarrassant la société «des coutumes résiduelles et émergentes qui nuisent à l'unité»:
Article 31 Langue et culture 1) Le gouvernement doit promouvoir la culture et les bonnes traditions du peuple somalien, en s'efforçant de débarrasser la société des coutumes résiduelles et émergentes qui nuisent à l'unité, à la civilisation et à la santé de la société. |
On peut penser que la Somalie doit s'efforcer de s'éloigner de la culture occidentale
4.2 La langue des tribunaux
Le système judiciaire en place au moment de la Constitution de 1979 comprenait un système à quatre niveaux : la Cour suprême, les cours d'appel, les tribunaux régionaux et les tribunaux de district. Les 84 tribunaux de district constituaient le niveau le plus bas du système judiciaire somalien. Huit tribunaux régionaux constituaient l'échelon suivant du système judiciaire qui a été suivi par les deux cours d'appel. La Cour suprême siégeait à Mogadiscio et détenait l'autorité ultime pour l'interprétation des lois. La Cour suprême entendait les appels des tribunaux inférieurs et réglait les questions de compétence des tribunaux.
Après la guerre civile et à la suite de l'effondrement du gouvernement central, la plupart des provinces de Somalie sont revenues à des formes locales de résolution des conflits. Ce processus judiciaire s'appuie soit sur un arbitrage laïc traditionnel basé sur les clans, soit sur la loi islamique (Charia), avec une possibilité d'appel de toutes les condamnations.
Bien qu’il n’existe actuellement aucune autorité judiciaire définitive, les tribunaux régionaux exercent de larges pouvoirs judiciaires. De façon générale, tout justiciable a la possibilité de se faire entendre s'il ne comprend pas le somali, selon l'article 35 de la Constitution:
Article 35 Les droits de l'accusé 1) L'accusé est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit définitivement établie par un tribunal. 2) Toute personne arrêtée ou détenue a le droit d'être informée dans les meilleurs délais du motif de son arrestation ou de sa détention dans une langue qu'elle comprend. |
La langue du système judiciaire est le somali, mais au besoin on a recours à des interprètes, selon l'article 207 du Code de procédure pénale (1963):
Article 207
Interprètes 1) Le tribunal désigne un interprète, en le choisissant si possible parmi les personnes convenues d'un commun accord entre les parties :
2) L'exercice des fonctions d'interprète est obligatoire et leur coût est à la charge du Trésor public. |
L'article 2 du Code de procédure civile somalien (1974) admettait encore des copies des documents en langue italienne:
Code de procédure civile somalien (1974) Article 2 Une copie du texte en langue italienne signée du président du Conseil révolutionnaire suprême et contresignée par le secrétaire d'État à la justice et aux affaires religieuses fera office d'original et sera déposée au bureau du procureur général de l'État. |
Bien que le système judiciaire somalien fonctionne, il reste faible, en raison de l'ingérence des pouvoirs exécutifs locaux et d'un manque d'expertise en matière de droit statutaire et institutionnel. Dans toute la Somalie, les pouvoirs judiciaires souffrent d’un manque manque de juges compétents, ce qui signifie que les chefs tribaux sont souvent la source des jugements. De plus, la corruption est un problème dominant en Somalie, et en particulier dans le système judiciaire. Les tribunaux sont soumis à des pressions politiques et tribales, tandis que les fonctionnaires tolèrent des activités illégales en échange de pots-de-vin. Compte tenu des niveaux de corruption au sein des appareils sécuritaire et judiciaire, l’impunité est également généralisée et la transparence laisse à désirer.
4.3 L'administration
Le somali est la langue employée dans tout le territoire somalien, y compris dans les zones que l'administration fédérale ne contrôle pas. Cependant, cela n'exclut pas d'autres langues. Au Somaliland et au Puntland, l'anglais est aussi grandement employé, alors que dans certaines régions du centre, l'italien peut encore être admis, car des documents administratifs dans cette langue sont encore en circulation dans le pays. Dans le Jubaland, l'anglais est encore présent à côté du somali.
- La citoyenneté
Une vieille loi encore en vigueur dans le centre du pays, la Loi sur la citoyenneté somalienne (1962)
Loi sur la citoyenneté somalienne (1962)
Article 3 Définition du "Somalien" Aux fins de la présente loi, toute personne qui, par son origine, sa langue ou sa tradition,appartient à la nation somalienne sera considérée comme un « Somalien ». |
Ainsi, toute personne qui, par son origine, sa langue ou sa tradition, appartient à la nation somalienne sera considérée comme un Somalien.
- Le Code du travail
Le Code du travail (1972) compte une disposition de non-discrimination relativement à la langue:
Article 3 |
Cet article 3 semble plus ou moins utile dans un pays où 94% de la population parle le somali. S'il s'agit des quelques minorités autochtones, les gouvernements ne s'en sont jamais occupés. Par contre, il est possible qu'on ait voulu admettre l'anglais.
- L'anglais
Les quelques lois disponibles démontrent que l'anglais occupe une place importante en Somalie. La Loi sur les marchés publics (2015) prévoit l'emploi obligatoire de l'anglais et l'emploi facultatif du somali:
Article 14
Langue Primauté du texte anglais |
L'article 19 de la Loi sur les institutions financières (2012) autorise l'anglais ou toute autre langue approuvée par le gouvernement:
Article 19
Comptes 2) Les livres de comptes seront tenus au siège social de la banque et dans les succursales de chaque banque en langue anglaise ou dans toute autre langue approuvée par le gouvernement. |
Malheureusement, la corruption est monnaie courante dans tous les secteurs, y compris dans les marchés publics et les institutions financières. Les abus de pouvoir et le détournement de fonds publics sont également courants.
Le cœur du droit civil et commercial en Somalie fédérale et dans les régions unionistes est le Code civil de 1973. Le Code régit et définit les contrats, leurs obligations, leur résolution et leur annulation.
En Somalie, la plupart des inscriptions dans l'affichage sont en anglais, rarement en arabe, exceptionnellement en somali. En principe, les inscriptions en somali ne concernent que les Somaliens.
- L'Académie régionale de la langue somalienne
Le somali est la langue de toutes les administrations fédérales, bien qu'au Somaliland l'anglais le soit également. Certains d La langue somalienne est réglementée par l’Académie régionale de la langue somalienne ( en somali: "Akadeemiye-Goboleedka Af Soomaaliga"; en anglais: "Intergovernmental Academy of Somali Language"), une institution intergouvernementale créée en juin 2013 dans la ville de Djibouti par les gouvernements de Djibouti, de la Somalie et de l’Éthiopie. Cet institut est officiellement chargé de préserver la langue somalienne. |
4.4 La politique de scolarisation
Après plus de deux décennies de guerre civile, le gouvernement fédéral somalien formé en 2012 tente de reconstruire le système d'éducation. Divers ministères de l’Éducation ont été créés dans tous les États fédéraux, ainsi que des bureaux décentralisés au niveau régional et des districts. Toutefois, l'éducation accuse une pénurie d’instruments politiques, de structures réglementaires et de capacités de mise en œuvre, ce qui limite considérablement les solutions durables aux défis persistants d'accès aux écoles. En 2022, le taux brut de scolarisation au primaire n'était que de 31 %.
Plusieurs facteurs expliquent cet échec de la politique de scolarisation. L'état de guerre larvée et continuelle avec l'Éthiopie ainsi que l'anarchie généralisée au plan politique ne sont certes pas étrangers au manque d'intérêt pour l'école. Mais le système scolaire somalien est lui-même en cause: l'année scolaire ne dure que six mois (de décembre à juin) avec des enfants laissés à eux-mêmes durant la moitié de l'année; la formation des maîtres laisse à désirer avec des salaires peu élevés; les enseignants sont ainsi obligés de trouve un emploi supplémentaire la moitié de l'année pour survivre financièrement. Les deux tiers des enseignants abandonnent la profession au cours de leur vie.
Dans ce pays, plus de trois millions d'enfants ne sont pas scolarisés. Dans de nombreuses régions, les parents ne sont pas en mesure de financer l'éducation de leurs enfants. En plus de la grande pauvreté, les longues distances jusqu'à l'école, les problèmes de sécurité, les normes sociales favorisant l'éducation des garçons, le manque d'enseignants, en particulier d'enseignantes, et la faible disponibilité d'installations sanitaires, empêchent les parents d'inscrire leurs enfants`à l'école, en particulier les filles. Comme si ce n'était pas suffisant, les enfants qui finissent par être admis se heurtent à salles de classe trop souvent surpeuplées, à des installations sanitaires inadéquates et à l'absence de manuels scolaires et d'enseignants qualifiés. La mauvaise qualité de l'éducation se reflète nécessairement dans les résultats des étudiants.
En Somalie, trois enfants sur cinq ne sont pas scolarisés, des décennies de conflit ayant détruit le système scolaire. Même si la faible scolarisation des enfants touche tous les enfants, les adolescentes sont particulièrement touchées et celles qui souffrent d’un handicap encore davantage. Elles sont confrontées à de nombreux défis pour recevoir une éducation, comme le mariage des enfants, les grossesses et le fait d'être retirées de l'école pour aider à la maison.
La Politique nationale de l'éducation (2012) déclare dans son article 13.33. ce qui suit à propos des langues d'enseignement:
13.1.1.
Apprentissage d'une langue |
Il reste à voir ce qu'il en est dans les faits.
- L'enseignement primaire
L'enseignement primaire comprend neuf matières obligatoires : l'arabe, les études islamiques, le somali, les mathématiques, les sciences (santé, éducation environnementale et agriculture), les études sociales (y compris l'histoire, la géographie et l'éducation civique ), l'anglais, l'éducation physique et les arts. Les élèves du primaire (premier cycle et second cycle) reçoivent un enseignement pendant 36 et 42 périodes de cours, chacune durant respectivement 35 et 40 minutes par semaine. La langue d'enseignement est le somali dans les matières autres que l'arabe et l'islam; l'anglais est enseigné comme matière de la 2e à la 8e année.
Les possibilités de recevoir son instruction limitées en dehors des grandes zones urbaines. Les écoles sont normalement financées à moitié par les parents, ce qui rend encore plus difficile l’entrée d’un enfant pauvre dans le système scolaire.
- L'enseignement secondaire
L'enseignement secondaire est proposé pendant quatre ans aux élèves âgés de 15 à 18 ans; il mène à un examen de certificat d'études secondaires. Dix matières sont enseignées dans les écoles secondaires : les mathématiques, la physique, la chimie, la biologie, le somali, l'arabe, les études islamiques, l'anglais, l'éducation physique, la géographie et l'histoire. Toutes les matières, à l'exception de l'éducation physique, sont obligatoires. L'anglais est la langue d'enseignement dans les écoles secondaires, sauf dans les cours de somali, d'arabe et d'islam. Chaque semaine scolaire est composée de 40 périodes de 45 minutes chacune. Les enfants pauvres ne peuvent pas avoir accès à l'enseignement secondaire.
Depuis l'instauration de la «somalisation» accélérée de l'enseignement, les livres sont demeurés en quantité insuffisante. Comme on n'enseigne à peu près plus les langues étrangères, les élèves du secondaire n'ont qu'un accès limité au matériel pédagogique publié à l'étranger (en anglais ou en italien). Enfin, le budget de l'État affecté pour l'éducation demeure inférieur aux besoins d'un pays en voie de développement. Évidemment, les droits des minorités linguistiques ont été ignorés, la valorisation du somali a pris toute la place.
- L'éducation religieuse
Les écoles coraniques, appelées "duqsi", restent le système de base de l'enseignement religieux traditionnel en Somalie. Ces écoles offrent une éducation islamique aux enfants, remplissant ainsi un rôle religieux et social dans le pays. Il s'agit d'un système d’enseignement non formel et relativement stable, qui repose sur le soutien des communautés locales et sur l'usage de matériels pédagogiques fabriqués sur place. Cet enseignement coranique, qui enseigne en arabe à un grand nombre d'élèves, est souvent le seul système accessible aux Somaliens dans les zones nomades par rapport aux zones urbaines. Cet enseignement comporte des lacunes dans la mesure où l'enseignement de l'arabe coranique n'est parlé par personne et n'est d'aucune utilité dans la vie sociale puisque cette langue religieuse est forcément supplantée par le somali, l'anglais, voire l'arabe littéral. |
- L'enseignement supérieur
L'enseignement supérieur est aujourd'hui largement privé. Plusieurs universités du pays, dont l'Université de Mogadiscio, ont été classées parmi les 100 meilleures universités d'Afrique, ce qui a été salué comme un triomphe pour les initiatives locales. Cela demeure une exception parmi la vingtaine d'universités somaliennes. Or, l'enseignement universitaire se fait encore exclusivement en italien ou en anglais, ce qui compromet la réussite scolaire; l'enseignement supérieur est dans un état lamentable. L'accès aux études supérieures n'est disponible que pour 7% des Somaliens en général, et à la condition d'habiter dans des zones urbaines.
4.5 Les médias
Au début de la guerre civile, tous les journaux établis se sont effondrés, ainsi que les chaînes de télévision et de radio. Aujourd'hui, les médias en Somalie comprennent principalement la radio, la télévision, la presse écrite et l'Internet. Le gouvernement fédéral gère deux réseaux officiels de radio et de télévision, qui coexistent avec un certain nombre de chaînes privées et étrangères. La presse écrite du pays cède progressivement la place aux stations de radio d’information et aux portails en ligne, à mesure que la connectivité et l’accès à Internet augmentent.
La Somalie ne dispose d'aucune réglementation efficace des médias depuis 1991, jusqu'à ce qu'une loi soit adoptée en 2012, qui a suscité d'énormes protestations de la part des journalistes. La Constitution fédérale provisoire de 2012 garantit les libertés d'expression et de presse. Mais en réalité, la violence dans le pays restreint la capacité du gouvernement somalien à faire respecter sa propre constitution. Une autre loi de 2007 est toujours en vigueur: c'est la Loi sur les médias somaliens (2007) qui prescrit des obligations et des interdictions sur la religion islamique.
- La radio
Radio Mogadiscio est le radiodiffuseur public géré par le gouvernement fédéral. Créée en 1951 dans la Somalie italienne dans le prolongement de la "Radio Mogadiscio", elle diffusait initialement des informations en somali et en italien. Modernisée avec l'aide de la Russie après l'indépendance en 1960, la chaîne a commencé à offrir un service en somali, en amharique et en oromo. Après avoir fermé ses portes au début des années 1990 en raison de la guerre civile, la chaîne a été officiellement rouverte en août 2001 par le gouvernement national de transition.
Les stations de radio sont très nombreuses en Somalie et constituent les sources d'information les plus populaires. La plupart diffusent principalement en somali, elles présentent également des bulletins d'information en amharique, en arabe littéral et anglais.
- La télévision
La Somalie compte une chaîne de télévision officielle gérée par le gouvernement fédéral, en plus d'un certain nombre de réseaux privés. La Télévision nationale somalienne (en somali : Telefishinka Qaranka Soomaaliyeed, basée à Mogadiscio, est la chaîne appartenant au gouvernement central. Les chaînes privées Eastern Television Network et Somali Broadcasting Corporation depuis Bosaso, le centre commercial de la province de Puntland. Dans le Somaliland, depuis Hargeisa c'est le Horn Cable Television ainsi que le Somaliland Space Channel. Deux rediffusions de chaînes privées d' Al-Jazeera et de CNN sont également disponibles. Toutes les chaines diffusent en somali, souvent à la fois en somali et en anglais.
- La presse écrite
Au début des années 2000, la presse écrite somalienne a atteint un pic d’activité. Une cinquantaine de journaux furent publiés rien qu'à Mogadiscio au cours de cette période. En 2003, alors que les nouveaux médias électroniques gratuits commençaient à proliférer, les annonceurs ont progressivement délaissé les publicités imprimées pour se tourner vers la radio et les publicités en ligne afin d'atteindre davantage de clients.
Aujourd'hui, les imprimés papier ont presque tous disparu, mais ils sont présents sur l'Internet. Quelques-uns ne publient qu'en somali, d'autre en anglais, mais la plupart publient à la fois en somali et en anglais; un seul en trois langues (somali, anglais et arabe).
Les médias ne sont plus régis par un ensemble de lois ou de réglementations. Le Parlement a approuvé une nouvelle législation sur les médias, mais la loi n’a jamais été appliquée ni utilisée. Le plus souvent, le Code pénal sert à inculper les journalistes. D'ailleurs, les journalistes arrêtés, détenus ou torturés sont relativement nombreux; certains sont assassinés.
La Somalie est l'un des rares États africains à avoir fait quasi table rase des langues coloniales, à l'exception de l'anglais particulièrement présent au Somaliland, une ancienne colonie britannique. Cette politique linguistique pour le moins radicale a favorisé l'émergence d'une langue nationale commune typiquement africaine, le somali, mais elle a aussi freiné le développement des connaissances en coupant tout contact avec le monde extérieur. D'autres pays, même parmi les plus révolutionnaires, comme l'Algérie, le
Congo-Kinshasa et Madagascar, se sont montrés plus prudents; ils ont maintenu la langue coloniale comme instrument véhiculaire et comme mesure de développement économique. En Afrique, la politique linguistique de la Somalie constitue un cas isolé.Malheureusement, le pays n'est pas au bout de ses peines: la Somalie a été coupée en deux depuis février 1992. Le Nord,
l'ancien territoire britannique, a proclamé son indépendance sous son nom colonial de Somaliland. Quant au Sud, il s'est désarticulé dans la guerre civile et l'anarchie. De nos jours, l'anglais en particulier a acquis un statut prestigieux parmi les membres de la population somalienne, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Certains signes particuliers de cette tendance sont l'usage courant de l'anglais par les représentants de l'administration, l'usage généralisé des noms étrangers ou hybrides pour divers établissements publics et privés tels que les écoles et les hôtels, l'usage fréquent de mots anglais dans le contexte quotidien, etc. Bref, on peut facilement prévoir un renforcement de l'anglais dans tout le Nord et à une régression du somali
vers le sud. Il s'agit donc d'une politique de récupération linguistique inachevée dans la mesure où l'anglais concurrence vivement la langue nationale dans les tribunaux, l'administration, l'enseignement et les médias.
Dans le cas de la Somalie, on peut soutenir qu'il s'agit d'un cas de majorité
fragile. Comment peut-on laisser la langue majoritaire à la hauteur de 95% de la
population, le somali, se faire déclasser par une langue seconde, l'anglais?
Encore ici, c'est une élite qui impose à toute une population une langue
étrangère qui concurrence la langue nationale.
Dernière mise à jour:
18 avr. 2024
Bibliographie |
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