Loi de clarification
2000, ch. 26
C-31.8
Ministère de la Justice du Canada
[Sanctionnée le 29 juin 2000]
Loi donnant effet à l’exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec
Préambule
Attendu :
que la Cour suprême du Canada a confirmé que ni l’Assemblée nationale, ni la législature, ni le gouvernement du Québec ne dispose, en droit international ou au titre de la Constitution du Canada, du droit de procéder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada;
que toute proposition relative au démembrement d’un État démocratique constitue une question extrêmement grave et est d’une importance fondamentale pour l’ensemble des citoyens de celui-ci;
que le gouvernement d’une province du Canada est en droit de consulter sa population par référendum sur quelque sujet que ce soit et de décider du texte de la question référendaire;
que la Cour suprême du Canada a déclaré que les résultats d’un référendum sur la sécession d’une province du Canada ne sauraient être considérés comme l’expression d’une volonté démocratique créant l’obligation d’engager des négociations pouvant mener à la sécession que s’ils sont dénués de toute ambiguïté en ce qui concerne tant la question posée que l’appui reçu;
qu’elle a déclaré que le principe de la démocratie signifie davantage que la simple règle de la majorité, qu’une majorité claire en faveur de la sécession serait nécessaire pour que naisse l’obligation de négocier la sécession et que c’est une majorité claire au sens qualitatif, dans les circonstances, dont il faut déterminer l’existence;
qu’elle a confirmé qu’au Canada, la sécession d’une province, pour être légale, requerrait une modification à la Constitution du Canada, qu’une telle modification exigerait forcément des négociations sur la sécession auxquelles participeraient notamment les gouvernements de l’ensemble des provinces et du Canada, et que ces négociations seraient régies par les principes du fédéralisme, de la démocratie, du constitutionnalisme et de la primauté du droit, et de la protection des minorités;
que, compte tenu du fait que la Cour suprême du Canada a conclu qu’il revient aux représentants élus de déterminer en quoi consistent une question et une majorité claires dans le cadre d’un référendum sur la sécession tenu dans une province, la Chambre des communes, seule institution politique élue pour représenter l’ensemble des Canadiens, a un rôle important à jouer pour déterminer en quoi consistent une question et une majorité suffisamment claires pour que le gouvernement du Canada engage des négociations sur la sécession d’une province du Canada;
que le gouvernement du Canada se doit de n’engager aucune négociation pouvant mener à la sécession d’une province du Canada et, par conséquent, au retrait de la citoyenneté et à l’annulation des autres droits dont jouissent, à titre de Canadiens à part entière, les citoyens du Canada qui résident dans la province, à moins que la population de celle-ci n’ait déclaré clairement et de façon démocratique qu’elle veut que la province fasse sécession du Canada,
Sa Majesté, sur l’avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte :
Article 1er
Examen de la question par les Communes
(1) Dans les trente jours suivant le dépôt à l’assemblée législative d’une province, ou toute autre communication officielle, par le gouvernement de cette province, du texte de la question qu’il entend soumettre à ses électeurs dans le cadre d’un référendum sur un projet de sécession de la province du Canada, la Chambre des communes examine la question et détermine, par résolution, si la question est claire.
Prorogation du délai
(2) S’il coïncide, en tout ou en partie, avec la tenue d’une élection générale des députés à la Chambre des communes, le délai mentionné au paragraphe (1) est prorogé de quarante jours.
Facteurs à considérer
(3) Dans le cadre de l’examen de la clarté de la question référendaire, la Chambre des communes détermine si la question permettrait à la population de la province de déclarer clairement si elle veut ou non que celle-ci cesse de faire partie du Canada et devienne un État indépendant.
Absence d’expression claire de la volonté
(4) Pour l’application du paragraphe (3), la question référendaire ne permettrait pas à la population de la province de déclarer clairement qu’elle veut que celle-ci cesse de faire partie du Canada dans les cas suivants :
a) elle porte essentiellement sur un mandat de négocier sans requérir de la population de la province qu’elle déclare sans détour si elle veut que la province cesse de faire partie du Canada;
b) elle offre, en plus de la sécession de la province du Canada, d’autres possibilités, notamment un accord politique ou économique avec le Canada, qui rendent ambiguë l’expression de la volonté de la population de la province quant à savoir si celle-ci devrait cesser de faire partie du Canada.
Avis à considérer
(5) Dans le cadre de l’examen de la clarté de la question référendaire, la Chambre des communes tient compte de l’avis de tous les partis politiques représentés à l’assemblée législative de la province dont le gouvernement propose la tenue du référendum sur la sécession, des résolutions ou déclarations officielles des gouvernements ou assemblées législatives des provinces et territoires du Canada, des résolutions ou déclarations officielles du Sénat, des résolutions ou déclarations officielles des représentants des peuples autochtones du Canada, en particulier ceux de cette province, et de tout autre avis qu’elle estime pertinent.
Aucune négociation en cas d’ambiguïté de la question
(6) Le gouvernement du Canada n’engage aucune négociation sur les conditions auxquelles une province pourrait cesser de faire partie du Canada si la Chambre des communes conclut, conformément au présent article, que la question référendaire n’est pas claire et, par conséquent, ne permettrait pas à la population de la province de déclarer clairement si elle veut ou non que celle-ci cesse de faire partie du Canada.
Article 2
Volonté claire d’effectuer la sécession : examen par les Communes
(1) Dans le cas où le gouvernement d’une province, après la tenue d’un référendum sur un projet de sécession de celle-ci du Canada, cherche à engager des négociations sur les conditions auxquelles la province pourrait cesser de faire partie du Canada, la Chambre des communes, sauf si elle a conclu conformément à l’article 1 que la question référendaire n’était pas claire, procède à un examen et, par résolution, détermine si, dans les circonstances, une majorité claire de la population de la province a déclaré clairement qu’elle veut que celle-ci cesse de faire partie du Canada.
Facteurs à considérer
(2) Dans le cadre de l’examen en vue de déterminer si une majorité claire de la population de la province a déclaré clairement qu’elle voulait que celle-ci cesse de faire partie du Canada, la Chambre des communes prend en considération :
a) l’importance de la majorité des voix validement exprimées en faveur de la proposition de sécession;
b) le pourcentage des électeurs admissibles ayant voté au référendum;
c) tous autres facteurs ou circonstances qu’elle estime pertinents.
Avis à considérer
(3) Dans le cadre de l’examen en vue de déterminer si une majorité claire de la population de la province a déclaré clairement qu’elle voulait que celle-ci cesse de faire partie du Canada, la Chambre des communes tient compte de l’avis de tous les partis politiques représentés à l’assemblée législative de la province dont le gouvernement a proposé la tenue du référendum sur la sécession, des résolutions ou déclarations officielles des gouvernements ou assemblées législatives des provinces et territoires du Canada, des résolutions ou déclarations officielles du Sénat, des résolutions ou déclarations officielles des représentants des peuples autochtones du Canada, en particulier ceux de cette province, et de tout autre avis qu’elle estime pertinent.
Négociations seulement en cas de volonté claire
(4) Le gouvernement du Canada n’engage aucune négociation sur les conditions auxquelles la province pourrait cesser de faire partie du Canada, à moins que la Chambre des communes ne conclue, conformément au présent article, qu’une majorité claire de la population de cette province a déclaré clairement qu’elle veut que celle-ci cesse de faire partie du Canada.
Article 3
Modification constitutionnelle
(1) Il est entendu qu’il n’existe aucun droit, au titre de la Constitution du Canada, d’effectuer unilatéralement la sécession d’une province du Canada et que, par conséquent, la sécession d’une province du Canada requerrait la modification de la Constitution du Canada, à l’issue de négociations auxquelles participeraient notamment les gouvernements de l’ensemble des provinces et du Canada.
Réserve
(2) Aucun ministre ne peut proposer de modification constitutionnelle portant sécession d’une province du Canada, à moins que le gouvernement du Canada n’ait traité, dans le cadre de négociations, des conditions de sécession applicables dans les circonstances, notamment la répartition de l’actif et du passif, toute modification des frontières de la province, les droits, intérêts et revendications territoriales des peuples autochtones du Canada et la protection des droits des minorités.