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Belgique 2) Données démolinguistiques |
Belgique - België - Belgien |
Nous remercions M. Albert Stassen d'avoir accepté d'assurer une relecture commentée des différents chapitres consacrés à la Belgique et à ses composantes. |
Plan de l'article
1
La population par province
2
Les recensements
linguistiques |
4
La population
bruxelloise 4.1 Les communes bruxelloises 4.2 La ville de Bruxelles 4.3 La répartition des langues dans Bruxelles-Capitale
5
Les langues régionales |
La Belgique compte dix provinces administratives, dont cinq en Flandre (Anvers, Brabant flamand, Flandre occidentale, Flandre orientale et Limbourg) et cinq en Wallonie (Brabant wallon, Hainaut, Liège, Luxembourg et Namur).
Les provinces flamandes comptent 6,3 millions d'habitants contre 3,5 en Wallonie pour un total de 11,1 millions incluant Bruxelles-Capitale. La plus faible démographie francophone de la Wallonie est quelque peu compensée par la population de Bruxelles (1,1 million d'habitants). Les provinces les plus populeuses sont Anvers (1,7 million), Flandre orientale (1,4 million), Hainaut (1,3 million), Flandre occidentale (1,1 million), Liège 1 million). |
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2 Les recensements linguistiques
En Belgique, toutes les données linguistiques se rapportant sur le nombre des locuteurs parlant une langue particulière demeurent approximatives, sans exception, car ces données reposent sur des bases non scientifiques. Les recensements linguistiques sont abolis dans ce pays. Il faut se rabattre, par exemple, sur des données électorales ou scolaires, ou sur la carte d’identité, le permis de conduire, les actes d’état civil (mariages, naissances, décès), les annuaires téléphoniques (pour les communes à facilités), et ainsi extrapoler sur les langues parlées, avec comme conséquence que personne n'arrive au même résultat.
2.1 L'abolition des recensements linguistiques
Selon les lois en vigueur en Belgique, les recensements linguistiques sont abolis — comprendre «interdits» — depuis la loi du 24 juin 1961, ce qui peut paraître assez inusité pour un État démocratique. C’est que les résultats des recensements ont eu, depuis la loi du 28 juin 1932, des conséquences au plan du fonctionnement des communes et de la langue d’enseignement. Par exemple, quand un groupe linguistique minoritaire atteignait 30 %, les avis et communications d'une commune devaient être affichés dans les deux langues, les fonctionnaires devaient être bilingues et le citoyen était libre de choisir la langue dans laquelle il voulait recevoir ses services. En plus, l’administration et le fonctionnement interne de la commune devaient être dorénavant dans la langue de la majorité (50 %). À partir de 1932, les communes à la frontière linguistique ne furent plus considérées comme un «territoire bilingue», mais furent désormais partie soit de la région de langue néerlandaise soit de la région de langue française (selon les résultats du recensement).
Il faut ajouter aussi que lors du recensement de 1930 on avait relevé un grand nombre d’infractions, de falsifications et d’intimidations, ce qui avait fait dire au député De Schijver:
[...] Le premier ministre a bien voulu reconnaître que les résultats du dernier recensement ne sont pas, dans certaines communes de la frontière linguistique, conformes à la réalité, puisque les contrôleurs sont venus faire rapport sur la question dans un sens défavorable quant aux renseignements donnés par les agents recenseurs. (Actes parlementaires de 1931-1932, séance du 18 février 1932, p. 861). |
Or, les résultats du recensement de 1947 furent encore pires. Évidemment, les deux groupes linguistiques se sont accusés mutuellement des mêmes actes répréhensibles, mais le résultat fut d'en arriver à l'abolition des recensements linguistiques officiels.
Quoi qu'il en soit, pour en arriver à un résultat fiable, il faudrait un recensement linguistique établi sur une base scientifique. Dans ce pays, la seule manière d'en arriver à un résultat fiable serait d’organiser une vaste étude scientifique faite par des universitaires non impliqués dans les partis politiques. Tout autre moyen serait «infecté» dès le commencement par des pressions politiques et communautaires. Dans ces conditions, il vaut mieux continuer de s'abstenir!
2.2 La répartition des langues
Selon les renseignements recueillis, les présentes données numériques proviennent soit de source wallonne, soit de source flamande, soit de source fédérale (lorsqu'elles ne concernent pas les langues elles-mêmes, mais la démographie). De plus, les données numériques ne sont jamais très fiables, surtout à Bruxelles, car il est possible, par exemple pour un non-francophone (néerlandophone, turcophone, arabophone, etc.), de déclarer le français comme «langue administrative», mais le néerlandais comme «langue de l'éducation», puis à nouveau le français comme «langue utilisée pour les élections» (et il y a des listes francophones et des listes néerlandophones).
Avec une population de plus de 11,1 millions d’habitants, la Belgique compterait 56 % de Flamands, 41 % de Wallons, 1,5 % de germanophones. Le pays comprend aussi quelques petites minorités issues de l'immigration maghrébine, turque, italienne, portugaise, etc. Selon le quotidien néerlandophone De Standaard, seulement 16,5 % des Flamands considèrent qu’ils connaissent bien le français, mais dans les faits plus de la moitié de la population est capable de le comprendre et de le parler. À Bruxelles, les locuteurs aptes à parler et à comprendre le français atteindrait les proportions de 95 % (Jannssens 2008). En Wallonie, il n’y aurait que 6 % à 7 % d’usagers du néerlandais chez les francophones.
3 La population selon les régions linguistiques
Conformément à l’article 4 de la Constitution (1994) et la loi du 8 novembre 1962, la Belgique compte quatre régions linguistiques. La population peut être répartie de la façon suivante:
Nord Sud Est Bruxelles |
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3.1 La région de langue néerlandaise
Dans la région de langue néerlandaise, on compte des locuteurs du néerlandais, du flamand, du brabançon, du francique limbourgeois et du francique carolingien (rhéno-mosan).
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Les Flamands constituent le premier groupe linguistique statutaire (majoritaire) en Belgique et parlent massivement le néerlandais (en néerlandais: Nederlands), une langue germanique. Mais d'autres parlent aussi le flamand (le Vlaams), le brabançon (le Brabant) et le francique limbourgeois (le Limburgs), tous issus du néerlandais. Le flamand reste le plus archaïsant de tous les dialectes néerlandais (y compris ceux parlés aux Pays-Bas). Quant au brabançon, cette langue de l'ancien duché de Brabant, il demeure très proche du néerlandais et possède une orthographe standardisée; il présente différentes variétés dans les provinces de Flandre-Orientale, d'Anvers et du Brabant flamand. |
En Flandre, presque tout le monde parle le «dialecte» à la maison et avec des ami(e)s, mais le néerlandais est réservé pour les communications plus formelles. En fait, il existe pour la plupart des Flamands de la région linguistique néerlandaise une sorte de diglossie permanente: d’une part, le dialecte, d’autre part, le néerlandais (la langue culturelle).
L’usage du dialecte et du néerlandais n’est pas accidentel, mais réglé par un certain nombre de conventions non écrites relevant de la tradition et de la culture flamandes. Bref, les dialectes néerlandais en Flandre sont restés bien vivants, alors qu’aux Pays-Bas ils sont en voie de régression, sauf pour le limbourgeois et le saxon.
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Pour ce qui est du flamand (Vlaams) lui-même, on lui reconnaît trois variétés: le flamand de Zélande (le Zeeuws-Vlaams), le flamand occidental (le West-Vlaams) et le flamand oriental (le Oost-Vlaams), avec une zone de transition avec le brabançon et appelée le Noord-Oost-Vlaams. Le flamand de Zélande n’est parlé qu’aux Pays-Bas; le flamand occidental, en Flandre, aux Pays-Bas et dans le nord de la France; le flamand oriental, en Flandre et aux Pays-Bas. Précisons que les différences entre le flamand et le néerlandais sont tout de même assez importantes, notamment dans la prononciation, la grammaire et le vocabulaire. L’intercompréhension peut être difficile pour un locuteur du néerlandais par rapport aux dialectes flamands. Par comparaison, on pourrait dire que les différences entre le flamand et le néerlandais sont plus importantes qu’entre le français du Québec et celui de France, ou encore davantage entre l’espagnol du Mexique et celui de l’Espagne. |
Pour ce qui est du flamand (Vlaams) lui-même, on lui reconnaît trois variétés: le flamand de Zélande (le Zeeuws-Vlaams), le flamand occidental (le West-Vlaams) et le flamand oriental (le Oost-Vlaams). Le flamand de Zélande ou Noord-Oost-Vlaams n’est parlé qu’aux Pays-Bas; le flamand occidental, en Flandre, aux Pays-Bas et dans le nord de la France; le flamand oriental, en Flandre et aux Pays-Bas. Précisons que les différences entre le flamand et le néerlandais sont tout de même assez importantes, notamment dans la prononciation, la grammaire et le vocabulaire. L’intercompréhension peut être difficile pour un locuteur du néerlandais par rapport aux dialectes flamands. Par comparaison, on pourrait dire que les différences entre le flamand et le néerlandais sont plus importantes qu’entre le français du Québec et celui de France, ou encore davantage entre l’espagnol du Mexique et celui de l’Espagne.
Le terme flamand (fr.) ou Vlaams (néerl.) désigne le dialecte, non la langue néerlandaise (Nederlands). Pour cette raison, les Flamands rejettent le terme Vlaams pour désigner le néerlandais. Dans un passé assez récent, le mot flamin ou flamind était parfois utilisé par la bourgeoisie francophone pour se moquer des Flamands. Encore aujourd’hui, ce mot wallon est considéré comme une insulte tant par les Wallons que par les Flamands. Il existe encore un autre mot, flamingant, qui pour les Wallons sert à désigner négativement le nationaliste flamand, mais le terme a été récupéré par les Flamands dans son sens élogieux de «patriote». Enfin, les Flamands ont créé un autre mot: franskiljon (en orthographe française: fransquillon), ce qui pour eux désigne «très négativement» un Flamand francisé (assimilé) ou même francophile.
Pour sa part, le limbourgeois, est une variété du francique parlé principalement dans la province du Limbourg. C'est un état de langue transitoire entre le néerlandais et l’allemand: les locuteurs du limbourgeois peuvent en principe comprendre le néerlandais et l’allemand, sans difficultés majeures.
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Rappelons aussi que, dans les Fourons (en néerlandais: Voeren), ce petit territoire de 50 km², situé au nord-est de la province de Liège jouxtant les Pays-Bas mais rattaché administrativement à la province flamande de Limbourg, compte une population de quelque 4300 habitants (voir la carte plus détaillée des Fourons). Celle-ci parle le limbourgeois central dans le village de Moelingen / Mouland et le limbourgeois de l’Est dans celui de 's-Gravenvoeren / Fouron-le-Comte, alors que les autres villages parlent le francique carolingien (ou rhéno-mosan). |
En fait, la plupart des Fouronnais peuvent s'exprimer en limbourgeois ou en francique carolingien ainsi qu'en néerlandais, en français et en allemand.
3.2 La région de langue française
Si la Région wallonne exerce ses pouvoirs
tant dans la région de langue française que dans la région de langue allemande,
la Communauté française, pour sa part, n'exerce ses compétences que dans la
seule région de langue française.
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Le second groupe linguistique statutaire en Belgique est constitué des francophones. Dans la région linguistique française (la plus grande partie de la Wallonie), les Wallons sont généralement de langue maternelle française, mais dans la province du Hainaut certains parlent aussi le wallon ou le picard, des idiomes gallo-romans issus du latin. Le wallon est également parlé dans les provinces du Luxembourg, de Namur et de Liège (voir la carte des langues régionales en Wallonie). Néanmoins, certains locuteurs de la province du Luxembourg parlent le lorrain (ou gaumais), d'autres le luxembourgeois, un idiome germanique. |
Tous ceux qui parlent le wallon, le lorrain, le champenois ou le picard ne sont pas considérés comme des minorités en Wallonie, car ces idiomes — rappelons-le, tous issus du latin à l’exemple du français — constituent leur langue maternelle (surtout à la maison ou entre parents et amis) et, de toute façon, ils connaissent tous le français utilisé au travail, à l’école et dans les actes de la vie publique.
Par contre, ceux qui parlent des langues germaniques, telles que l’allemand standard au nord-est et le francique luxembourgeois (le Lëtzerbuerguesch) au sud-est (appelé le luxembourgeois d’Arelerland) sont considérés comme appartenant à des minorités linguistiques (même si, dans le cas des locuteurs du luxembourgeois, leurs droits linguistiques sont inexistants). On peut consulter la carte linguistique des langues régionales endogènes où sont parlées les langues régionales telles le wallon, le lorrain, le picard, le champenois, l’allemand et le luxembourgeois (Lëtzerbuerguesch).
Contrairement aux Flamands qui vivent la diglossie dans une sorte de «cohabitation paisible», les Wallons parlant le wallon ou le champenois sont plutôt mal considérés socialement. D’ailleurs, ces idiomes sont de plus en plus supplantés par le français au point où ces parlers sont tous en voie de disparition.
Pour les linguistes, le mot wallon sert à désigner un groupe de dialectes apparentés aux langues d’oïl et parlés de Liège à Charleroi (à Tournai et à Mons, on parle le picard). Dans l’usage courant, ce mot s’applique à tous les Belges de langue maternelle française, à l’exclusion des Bruxellois francophones qui ne sont pas considérés comme des Wallons. Étymologiquement, le mot wallon (de walha) vient du nom d’une tribu celtique de la Gaule narbonnaise, les Volcae. Cependant, les Germains utilisaient ce mot francique pour désigner indifféremment les populations non germaniques (ou les étrangers), que celles-ci soient d’origine latine ou celtique. Le mot francique wal(a)h fut transformé en «die Wale» (en vieux néerlandais) et plus tard en «de Waal» (en néerlandais contemporain). Le mot Waal signifie en néerlandais «Wallon» et Waals désigne la langue wallonne, mais en flamand occidental ce mot a toujours conservé son sens initial: «celui qui parle français».
3.3 La région de langue allemande
Les germanophones forment le troisième groupe linguistique statutaire en Belgique. Au total, ils comptent plus de 70 000 locuteurs dans la région linguistique de langue allemande, située dans la province de Liège. Ils habitent neuf communes germanophones: Kelmis, Eupen, Lontzen, Raeren, Bütgenbach, Büllingen, Amel, Sankt-Vith et Burg-Reuland. Ces communes forment ce qu’on appelle «la Nouvelle Belgique» qui comprend le canton d’Eupen au nord et le canton de Saint-Vith au sud. |
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Si une bonne partie des germanophones parlent l'allemand standard, beaucoup d'autres parlent différentes variétés de francique: le francique ripuaire, le francique limbourgeois, le francique carolingien (ou rhéno-mosan) ou le francique mosellan (luxembourgeois). À l’ouest du canton d’Eupen se situe la «région de Welkenraedt»; on y trouve des locuteurs parlant une langue francique intermédiaire entre le francique ripuaire et le francique limbourgeois, le francique carolingien (ou francique rhéno-mosan), un vestige de la langue de Charlemagne. Cette variété de francique est identique à celle du canton d’Eupen (sauf Raeren), à la partie orientale de la région des Fourons, à la partie orientale du Limbourg néerlandais et à une frange de la plaine rhénane de la région allemande de Moenchengladbach-Düsseldorf. On peut visualiser une carte linguistique de toutes les variétés de francique en cliquant ICI, s.v.p. Entre les deux cantons d'Eupen au nord et de Saint-Vith au sud, se trouvent les communes dites malmédiennes, lesquelles sont des communes wallonnes mais «avec facilités limitées en allemand». Ces communes sont au nombre de deux: Malmédy/Malmünd (Malmédy, Belleveaux-Ligneuville et Bevercé) et Waimes/Weismes (Waimes, Faymonville/Aussenborn et Robertville). On y trouve des locuteurs du francique ripuaire et de l'allemand standard. Précisons que toutes les communes germanophones offrent des «facilités en français» pour les Wallons. On peut visualiser une carte détaillée de la région. |
La dénomination de «Bruxelles-Capitale» désigne non seulement la ville de Bruxelles, mais également l'agglomération des 19 communes faisant partie de la Région de Bruxelles-Capitale. Autrement dit, Bruxelles-Ville et Bruxelles-Capitale ne sont pas synonymes.
La Région de Bruxelles-Capitale est la seule à être officiellement bilingue. Formée de 19 communes, elle constitue une enclave (en bourgogne) dans la province du Brabant flamand (Vlaams Brabant), avec un (1,1 million d'habitants, soit 10,1 % de la population nationale. En réalité, les 19 communes bruxelloises (voir aussi la carte) forment le noyau d’une agglomération beaucoup plus vaste: 6 communes avec des facilités linguistiques (en vert), 14 communes sans facilités, comprenant également l'arrondissement de Bruxelles-Capitale et l'arrondissement de Hal-Vilvorde (15 autres communes), pour un total de 54. Les droits linguistiques pour les deux communautés ne concernent que les 19 communes de Bruxelles-Capitale et, pour les francophones, les 6 communes à facilités (Rhode-St-Genèse, Linkebeek, Drogenbos, Wemmel, Crainem et Wezembeek-Oppem). |
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4.1 Les communes bruxelloises
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Les 19 communes de la Région bruxelloise (ou
Bruxelles-Capitale) sont les suivantes, avec entre parenthèses leur
nom en néerlandais lorsque la dénomination est différente du
français :
Toutes ces communes forment une enclave bilingue (français-néerlandais) dans la province du Brabant flamand. |
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Les communes faisant partie de la Région de Bruxelles-Capitale ne sont pas équivalentes ni en terme de population ni en superficie. La ville de Bruxelles est évidemment numériquement la plus importante des communes avec une population de quelque 115 100 citoyens (en 2014). Suivent les communes avec plus de 50 000 habitants: Schaerbeek (131 600), Anderlecht (115 178), Molenbeek St-Jean (94 80), Ixelles (83 332), Uccle (81 100), Forest (54 500), Woluwé-St-Lambert (53 300), St-Giles (50 400) et Jette (50 200). Les autres communes ont une population variant entre 21 000 et 46 000 personnes. Ce sont les communes suivantes: Etterbeek (46 427), Woluwé-St-Pierre (40 800), Auderghem (32 500), St-Josse-ten-Noode (27 447), Watermael-Boitsfort (24 400), Ganshoren (23 800), Berchem Ste-Agathe (23 600) et Koekelberg (21 300). |
Comme on peut le constater, aucune d'entre elles n'est majoritaire, la plus importante étant Bruxelles et ne compte que pour 14,6 % de la population. Mais Bruxelles, Schaerbeek et Anderlecht comptent pour 325,8 % de la population totale. Les communes bruxelloises forment une agglomération qu'on appelle la «Région de Bruxelles-Capitale». Toutes ces communes sont officiellement bilingues (français-néerlandais).
4.2
La ville de Bruxelles
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La ville de Bruxelles ou Bruxelles-Ville (en néerlandais: Stad Brussel) constitue elle-même le noyau historique de la Région de Bruxelles-Capitale. La ville comptait 177 850 habitants en janvier 2015 (contre 170 407 en 2014) et s'étendait sur 32,6 km² ; elle se compose de plusieurs quartiers distincts, dont les suivants:
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Le «Pentagone» délimite le centre historique (avec la Grand-Place) près du quartier européen et du quartier de l'avenue Louise et du bois de La Cambre; au nord, on trouve les anciennes communes de Laeken, de Haren et de Neder-Over-Heembeek (annexées en 1921), ainsi que du quartier de l'Otan. Selon les différents quartiers de la ville, la population se répartissait comme suit en 2015 :
Quartier |
Population |
Pourcentage |
Quartier Laeken |
61 074 |
34,35 % |
Centre-ville (pentagone) |
55 471 |
31,19 % |
Quartier Neder-Over-Heembeek |
19 172 |
10,78 % |
Quartier Otan |
16 824 |
9,46 % |
Quartier Louise |
10 208 |
5,74 % |
Quartier Nord |
10 030 |
5,64 % |
Quartier Haren |
5 050 |
2,84 % |
Total |
177 850 |
100 % |
4.3 La répartition des langues dans la grande agglomération bruxelloise
La grande agglomération bruxelloise comprend les 19 communes de Bruxelles-Capitale, les six communes à facilités dans la Périphérie, ainsi que les autres communes sans facilités.
En l'absence de recensement linguistiques, nous ignorons avec précision la répartition de la population par langue. Il faut se rabattre sur des estimations non officielles dont il est très difficile d’en avoir une idée juste, car selon leurs provenances les résultats ne concordent jamais, surtout lorsqu’il s’agit de sources francophones par rapport à des sources flamandes, et inversement il va sans dire.
De façon générale, les résultats statistiques sur les langues proviennent des listes séparées (francophones ou flamandes) lors des élections régionales. Il est possible aussi de recourir à des statistiques découlant de différents actes administratifs demandés par le citoyen : par exemple, la langue choisie par les couples lors du mariage, la langue dans laquelle l'individu choisit d'établir sa carte d'identité, la langue dans laquelle il rédige sa déclaration d'impôt, la langue dans laquelle il remplit son formulaire de redevance radiotélévision, etc. Or, pour un démographe, cette façon de faire demeure peu fiable, dans la mesure où les personnes qui s'inscrivent dans une liste flamande ou wallonne peuvent très bien ne parler aucune de ces deux langues. Les individus expriment avant tout un choix politique ou administratif, non une appartenance linguistique.
- La situation en 1947
Du point de vue linguistique, la situation dans l'agglomération bruxelloise se présentait de la manière suivante lors du dernier recensement linguistique officiel, celui publié le 31 décembre 1947 :
Francophones |
Néerlandophones |
Bilingues |
70,61 % |
24,24 % |
2,15 % |
Les 3 % restants étaient constitués par les enfants en bas âge (moins de 2 ans) et par les germanophones. Cependant, les Flamands ont contesté à l'époque la valeur des résultats du recensement officiel de 1947.
- La situation en 1958
Plusieurs années plus tard, un dépliant publié en néerlandais, en français, en allemand et en anglais par le Mouvement populaire flamand (Vlaamse Volksbeweging) à l'occasion de l'Exposition universelle de 1958, mentionnait pour Bruxelles une population de quelque 900 000 habitants, qui devait se répartir de la manière suivante : 550 000 Flamands, 300 000 Wallons et 50 000 étrangers.
Néerlandophones |
Francophones |
Étrangers |
61,1 % |
33,3 % |
5,5 % |
Comme il fallait s'y attendre, de leur côté les francophones invoquèrent des affirmations en sens opposé; beaucoup d’entre eux affirmèrent que, depuis 1947, le processus de francisation s’était poursuivi et même amplifié dans l’agglomération bruxelloise et que c'était pour cette raison que les Flamands se seraient opposés à tout nouveau recensement linguistique. D'ailleurs, les recensements linguistiques ont été supprimés par la loi du 24 juillet 1961.
- La
situation en 1963
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La carte de Bruxelles-Capitale (ci-contre) présente la répartition des francophones en date du mois de juin 1963. Cette carte fut publiée par Le Pays de Bruxelles, un journal du Bloc de la liberté linguistique, au moment où les lois linguistiques étaient examinées par le Parlement. Les pourcentages proviennent donc de sources francophones et elles sont sujettes à caution, car l’absence de recensement linguistique rend malaisée toute appréciation équitable en la matière. Les résultats présentés ici auraient été établis en fonction du nombre des élèves des écoles communales et libres dans chaque localité, du choix des régiments flamands ou francophones pour les miliciens, etc. En comparant ces chiffres du dernier recensement linguistique de 1947, ils indiqueraient un processus de francisation relativement poussé dans certaines communes, et ce, non seulement dans l’agglomération bruxelloise (80 %), mais également dans les communes périphériques. Nous pouvons constater que les francophones à l'extérieur de l'agglomération bruxelloise étaient majoritaires dans sept communes: Wemmel (55 %), Koningslo (80 %), Wezembeek-Oppem (60 %), Crainhem ou Kraainem (70 %), Rhode-St-Genèse (50 %), Linkebeek (60 %) et Drogenbos (65 %). |
Aujourd'hui, la commune de Koningslo a été absorbée par la commune de Vilvorde (Vilvoorde) à majorité néerlandophone. Par contre, les communes de Wemmel, de Wezembeek-Oppem, de Crainhem, de Rhode-St-Genèse, de Linkebeek et de Drogenbos sont devenues de communes néerlandaises «à facilités» habitées par des majorités francophones.
- Les études de 1967 et de 1970
Nous pouvons citer aussi le rapport du sociologue flamand Georges Kint (1967): Het nederlandstalig onderwijs in de Brusselse agglomeratie («L'enseignement néerlandophone dans l'agglomération de Bruxelles»), 2 tomes, 313 p.
Sur la base des déclarations dites de «témoins privilégiés», celui-ci estimait que le pourcentage des néerlandophones dans l'agglomération de Bruxelles devait se situer entre un minimum de 26,7 % et un maximum de 31,7 %, les francophones représentant inversement de 68,3 % à 73,3 % de la population. Mais la méthode d'enquête utilisée a fait l’objet de fortes critiques de la part des milieux francophones. Pour sa part, l’European Marketing Research Association (EMRA), chargé par le Rassemblement pour le droit et la liberté de réaliser un sondage d’opinion, soutenait que le corps électoral de l’agglomération comptait 73 % de francophones et 27 % de néerlandophones.
L’enquête effectuée en 1969-1970 par P. Kluft et F. Van der Vorst, tous deux de l’Institut de sociologie de l’Université libre de Bruxelles, concluait que 70 % de la population bruxelloise était francophone, mais que 81,2 % des Bruxellois utilisaient le français dans leurs communications quotidiennes:
Question |
Français |
Néerlandais |
Autres |
Langue maternelle |
69,9 % |
27,1 % |
3,3 % |
Fréquences d'utilisation |
81,2 % |
13,1 % |
5,7 % |
Calculs mentaux |
79,8 % |
16,6 % |
3,6 % |
Langue d'appartenance |
78,9 % |
17,6 % |
3,5 % |
Cette répartition fut obtenue par une combinaison des réponses à des questions différentes, telles la langue maternelle, la langue la plus fréquemment utilisée, la langue des calculs mentaux, la langue d'appartenance personnelle à une communauté linguistique.
- L'étude de André Lambert et Louis Lohlé-Tart (2010)
Deux anciens démographes de l’Université catholique de Louvain, André Lambert et Louis Lohlé-Tart, ont réalisé une étude exploratoire en 210 pour l'Association pour le développement de la recherche appliquée en sciences sociales (ADRASS). L'étude de L'ADRASS (20 pages)donne 66,5% de Belges francophones, 28,1% d’étrangers et seulement 5,3% de Flamands:
Français |
Néerlandais |
Étrangers |
66,5 % |
5,3 % |
28,1 % |
Cette fourchette est bien inférieure aux 10 % à 15 % de Flamands à Bruxelles que les estimations livrent habituellement. L'étude met donc en évidence la francisation, voire la «déflamandisation», de Bruxelles-Capitale, si l'on tient compte des locuteurs parlant d’autres langues que les trois langues officielles, telles l'anglais, l'arabe ou le turc. Ce que les Flamands appellent la «tache d'huile», c'est-à-dire la francisation continue de la périphérie bruxelloise, semble un fait accompli.
En effet, le pourcentage de francophones en périphérie de Bruxelles ne cesse d’augmenter en raison des migrations de francophones de Bruxelles vers la banlieue. De nombreux déplacements se font entre Bruxelles et la Flandre; il semble exister même davantage de migrations de Bruxellois francophones vers la Flandre que de Bruxellois néerlandophones. Ainsi, le nombre de personnes ayant le français comme langue maternelle est en constante augmentation dans la périphérie bruxelloise et s’étend même au-delà. Chaque année, plus de 10 000 Bruxellois sinstallent en périphérie, tandis que 12 000 autres prennent la direction de la Wallonie, la plupart à la recherche de maisons unifamiliales moins chères.
Comme les grandes villes internationales, Bruxelles se transforme progressivement. «La capitale se remplit d’étrangers», de dire les deux démographes, «avec 19 668 étrangers nets en plus chaque année». La capitale se vide des Belges, avec 12 247 Belges nets en moins chaque année. De fait, chaque année, Bruxelles-Capitale enregistre un solde positif avec l’arrivée de quelque 20 000 ressortissants étrangers, soit la taille de la population d’une commune comme celle de Koekelberg.
- L'étude de Didier Willaert (2010)
À la demande du gouvernement flamand, Didier Willaert, démographe à la Vrije Universiteit Brussel (Université libre de Bruxelles), a réalisé en mai 2009 une étude sur «le caractère flamand de la Périphérie». Par «périphérie flamande», l'auteur de l'étude désigne les 19 communes néerlandophones situées autour de Bruxelles-Capitale, dites «périphériques», qui représenteraient ensembles quelque 400 000 personnes.
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- Les communes bruxelloises bilingues
Les communes bruxelloises (bilingues) seraient à plus de 85 % francophones, mais nous savons aussi que les allophones sont plus nombreux que les néerlandophones. Quant aux communes dites «périphériques», il faut distinguer les communes à «facilités linguistiques» et les communes «sans facilités».
- Les communes à facilités linguistiques
Parmi les communes périphériques néerlandophones, six sont dites «à facilités», donc toutes aussi unilingues mais avec des «accommodements» pour les francophones : Wemmel, Kraainem (Crainem), Wezembeek-Oppem, Sint-Genesius-Rode (Rhode-Saint-Genèse), Linkebeek et Drogenbos. Les communes à facilités sont devenues francophones dans des proportions variant entre 50 % et 84 %.
- Les communes sans facilités
Au total, treize communes périphériques sont «sans facilités linguistiques», donc unilingues néerlandaises. En dépit de ce fait, quatre communes seraient francophones dans des proportions variant entre 30 % à 49 %: Dilbeek, Beersel, Leeuw-St-Pierre et Overrijse.
Dans la commune de Dilbeek, trois quartiers seraient francophones; à Beersel, il y aurait également trois quartiers. Il n'y aurait pas de quartiers francophones à Leeuw-St-Pierre, mais plutôt de fortes minorités. Quant à la commune d'Overrijse, elle possèderait deux quartiers francophones.
Quelques autres communes de la périphérie abritent des francophones entre 10 % et 29 %. Les communes abritant des quartiers francophones sont les suivantes : Grimbergen (un seul), Zaventem (2), Tervuren (un seul) et Hoeilaart (un seul). Les autres communes n'ont aucun quartier francophone.
- Les tendances démographiques
Les résultats de l’analyse permettent de tirer un constat évident: la périphérie bruxelloise est de moins en moins flamande, car les communes à facilités sont devenues majoritairement francophones, alors que la population de francophones de certaines autres communes (Dilbeek, Leeuw-St-Pierre, Beersel et Overijse) approche les 50 %.
Pour Didier Willaert, deux facteurs seraient à l’origine de ce constat :
1) l’arrivée massive, depuis les années 1950, de Bruxellois francophones;
2) le départ de nombreux Flamands vers le reste de la Flandre, voire la Wallonie.
Et d’après M. Willaert, ces deux tendances se seraient renforcées depuis 2003. De plus, un autre constat ressort de l’étude: l'accélération rapide de l’internationalisation ou de l'immigration. De fait, si la périphérie devient de moins en moins flamande, elle abrite devient dans certaines communes proches de la capitale de plus en plus d'étrangers. C'est pourquoi certains Flamands ne parlent maintenant non pads de «francisation» de la périphérie, mais de «déflamandisation» ("ontnederlandsing"). La conclusion de Didier Williaert est celle-ci: «L’ampleur des flux migratoires au départ de la Région de Bruxelles-Capitale continue à faire peser une lourde hypothèque sur les initiatives politiques visant à promouvoir le caractère néerlandophone de la périphérie.»
- L'étude de Rudi Janssens
Une dernière étude, celle de Rudi Janssens, sociologue, linguistique et professeur à la faculté de philosophie et lettres de la Vrije Universiteit Brussel (VUB), une université de langue néerlandaise, est venue bouleverser certaines croyances. La Région de Bruxelles-Capitale ne deviendrait pas de plus en plus francophone ni néerlandophone, mais de plus en plus cosmopolite. Selon cette étude publiée en 2008, le français resterait la langue véhiculaire de la capitale, tandis que l'anglais, bien que devenu deuxième langue la plus connue, demeurerait une langue scolaire (qui n'est pas parlé à la maison).
Selon le professeur Janssens, les cinq
langues les plus parlées en 2006 à Bruxelles-Capitale étaient le
français (95,5%), l'anglais (35,4%), le néerlandais
(28,2%), l'espagnol (7,3%) et l'arabe (6,3%). Il
s'agit bien ici de «langues véhiculaires», c'est-à-dire des langues
utilisées en société pour communiquer entre deux ou plusieurs
individus.
Mais l'étude est intéressante à plus d'un titre, car elle révèle quelles seraient les langues parlées à la maison: 83,7 % utiliseraient l'une des deux langues officielles de la région en 2006, soit les deux : le français (56,8%), le néerlandais et le français (8,6%), le néerlandais (7,0%), le français avec une autre langue que le néerlandais (11,3%), ou toute autre langue étrangère (16%). |
Cette étude démontre que, si 95 % des locuteurs emploient le français comme langue véhiculaire, seulement 57% l'utiliseraient comme langue d'usage à la maison (éventuellement comme langue maternelle). Dès lors, le néerlandais serait déclassé par l'anglais comme langue véhiculaire. Comme langue employée à la maison, le néerlandais (7%) est encore déclassé par les langues étrangères (16 %). Une chose est certaine, c'est que la plupart des immigrants et des fonctionnaires européens, qui s'installent à Bruxelles, tendent généralement à apprendre le français, voire l'anglais, plutôt que le néerlandais.
Le développement démographique de Bruxelles et de son agglomération a toujours été caractérisé par l'immigration. Jusqu’au début des années 1960, celle-ci était essentiellement d’origine flamande et wallonne, mais depuis la seconde moitié du XXe siècle, la dynamique démographique a été remplacé par l’immigration étrangère, ce qui a entraîné une population plus hétérogène, tant selon le statut socio-économique, la nationalité et l’origine géographique. Si Bruxelles fut à l'origine une ville flamande, elle ne le serait plus aujourd'hui.
Précisons que les francophones de Bruxelles ne sont pas nécessairement des Wallons. Ils peuvent être, bien sûr, des francophones descendant des immigrés français lors de la Révolution française ou bien des Wallons, mais aussi des Flamands francisés ou des immigrants francisés, ou encore des «eurocrates», souvent plus francophiles que francophones. C’est pour cette raison qu’un Bruxellois francophone ne se dit pas souvent wallon, alors que les néerlandophones sont généralement tous des Flamands.
Selon l'Association pour le développement de la science appliquée en sciences sociales, une étude de 2010 donnerait une répartition se situant entre 70 % à 80 % de francophones et entre 5 % et 10 % de néerlandophones, le reste de la population étant constitué d'environ de 15 % à 20 % d'immigrants, dont de nombreux fonctionnaires européens et leurs familles en provenance des pays de l'Union européenne.
Il est vrai qu'en Flandre le néerlandais est la langue officielle et qu'en Wallonie c'est le français. Cependant, dans la vie quotidienne, les dialectes germaniques et romans sont demeurés relativement vivants, surtout au nord de la Belgique. On distingue, d'une part, les parlers germaniques, d'autre part, les parlers romans.
5.1 Les parlers flamands
Les parlers flamands (voir la carte des langues régionales) sont largement utilisés au nord de la province du Hainaut (Comines-Warneton et Mouscron). Quant au dialecte brabançon (au nord du Hainaut: à Enghien), il demeure très proche du néerlandais et possède une orthographe standardisée. Le limbourgeois (au nord-est dans la province de Liège: Aubel, Plombières, Welkenraedt, Baelen; Kelmis, Lontzen, Eupen), pour sa part, est en fait un dialecte transitoire entre le néerlandais et l’allemand: les locuteurs du limbourgeois peuvent facilement comprendre le néerlandais et l’allemand, surtout le néerlandais (Nederlands en néerlandais) ainsi que différents dialectes néerlandais (flamand ou Vlaams, brabançon ou Brabants, limbourgeois ou Limburgs).
Pour les parlers romans (d’est en ouest): |
|
Pour les parlers germaniques (du nord au sud): |
|
5.2 Les parlers romans
Les habitants de la Wallonie parlent généralement le français comme langue maternelle, mais dans la province du Hainaut certains parlent aussi le picard ou le wallon, celui-ci étant peut-être parlé entre 15 % à 30 % des Wallons, est encore utilisé dans les provinces de Luxembourg, de Namur et de Liège, mais aussi à l’est du Hainaut et dans toute la province du Brabant wallon (voir la carte des langues régionales). Le rouchi (ou dialecte picard) est parlé à l’ouest de la province de Hainaut; le champenois, dans quelques communes de Namur et de Luxembourg; le gaumais (ou dialecte lorrain), au sud de la province de Luxembourg.
- Le bruxelleer (bruxellois)
La grande majorité des Bruxellois sont des habitants de l’agglomération bruxelloise depuis de nombreuses générations. Comme toutes les populations urbaines de Belgique, tant en Flandre qu’en Wallonie, cette population a abandonné progressivement son dialecte brabançon dès le XIXe siècle, et ce, au profit du français ou d'un mélange de brabançon (issu du flamand) et de français, à savoir le bruxelleer, un parler utilisé par les masses populaires bruxelloises, mais qui tend à disparaître aujourd'hui. On utilise plusieurs synonymes pour désigner cette variété de brabançon: brusseleir, brusselair, brusseleer, brussels ou encore bruxellois. L'appellation la plus usuelle par les Flamands et «brussels», lequel n'est pas uniforme, car il subit des variations au fur et à mesure qu'on s'éloigne du centre de Bruxelles. Si ce parler était très en vogue dans les quartiers populaires de Bruxelles au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle, il ne se maintient plus que partiellement dans le quartier populaire des Marolles et près de la gare du Midi; l'embourgeoisement de Bruxelles a détruit le bruxelleer ailleurs, puis le remplacement des classes populaires dans les quartiers dits populaires par une population marocaine, par exemple, a fait le reste. De toutes les langues régionales belges, le bruxelleer est certainement la plus menacée d'extinction. Voici quelques exemples de termes du bruxelleer:
Ballekes : plus au sud, «boulettes» ou «vitoulets»; sauce
tomate avec des frites qu'on écrase à la fin dans l'assiette. Cocher: «nettoyer»; la femme au foyer deviendra une «echte cochevrâ» (amour de petite femme d'intérieur). Dikke-nek : «vantard», une «grande gueule». Ket : «mec». Ex : «Hé, salut Ket.» Kiekebiche :
«chair de poule»; avoir les kiekebiche. Kus men kluut : «embrasse mes couilles»; injure courante entre hommes. |
Labbekak : «pleutre, trouillard, poltron, peureux».
Plekke :
«coller»; «ça plekke». Sting : «qui
pue»; «ça sting !» |
Ces mots sont en principe utilisés par les seuls Bruxellois, mais ils sont souvent compris par les autres francophones et les néerlandophones du pays.
À écouter certains politiciens, la Belgique, sinon l'Europe entière, serait à la veille d’un bouleversement démographique sans précédent. Le risque d’un raz-de-marée démographique prêt à engloutir la Belgique serait bien réel. Aujourd'hui, en Belgique, il n’y a pas de commune sans population d’origine étrangère, mais les situations peuvent être très diversifiées. Évidemment, la réalité n'a rien à voir avec la vision apocalyptique des représentants de l'extrême-droite. Voici la situation telle qu'elle se présentait en 2014:
Belges | Belges | Étrangers | Étrangers | Belges et étrangers | Belges et étrangers | |
Statistics Belgium 2014 |
Population 1er janv. 2004 |
Population 1er janv. 2014 |
Population 1er janv. 2004 |
Population 1er janv. 2014 |
Population 1er janv. 2004 |
Population 1er janv. 2014 |
Région flamande | 5 727 649 | 5 928 823 | 288 375 (5,0%) | 481 882 (7,5 %) | 6 016 024 | 6 410 705 (+6,2%) |
Région wallonne | 3 072 037 | 3 228 983 | 308 461 (10,0%) | 347 342 (9,7 %) | 3 380 498 | 3 576 325 (+5,4%) |
Région bruxelloise | 736 448 | 778 105 | 263 451 (35,7%) | 385 381 (33,1 %) | 999 899 | 1 163 486 (+14,0%) |
Total Belgique | 9 536 134 | 9 935 911 | 860 287 (9,0%) | 1 214 605 (10,8 %) | 10 396 421 | 11 150 516 (+6,7%) |
Nous pouvons constater que les immigrants (les «étrangers») comptaient pour 10,8 % de la population en Belgique en 2014, et que leur proportion est nettement plus élevée à Bruxelles (33,1 %), soit le tiers de la population bruxelloise, alors qu'elle sous la moyenne nationale en Wallonie (9,7 %) et un peu plus faible en Flandre (7,5 %). Si l'on compare la situation en 2004 et en 2014, soit dix ans, le pourcentage de l'immigration a augmenté en moyenne de 6,7 %.
Il convient maintenant de savoir quelles sont les communautés immigrantes qui choisissent la Belgique et dans laquelle des trois Régions ils désirent s'installer. Depuis le milieu des années 1980, douze nationalités représentant près de 85 % de la population étrangère résident en Belgique (source INS):
Pays d'origine | Langue présumée | Nombre (en 2013) | Pourcentage | |
1 | Italie |
italien |
157 426 | 10,0 % |
2 | France |
français |
153 413 | 9,7 % |
3 | Pays-Bas |
néerlandais |
143 977 |
9,1 % |
4 | Maroc |
arabe (marocain ) |
83 271 | 5,3 % |
5 | Pologne |
polonais |
61 524 | 3,9 % |
6 | Espagne |
espagnol, catalan |
54 406 |
3,4 % |
7 | Roumanie |
turc |
50 906 |
3,2 % |
8 | Allemagne | allemand | 39 745 | 2,5 % |
9 | Portugal | portugais | 38 812 | 2,4 % |
10 | Turquie | turc | 37 989 | 2,4 % |
11 | Royaume-Uni | anglais | 24 543 | 1,5 % |
12 | Bulgarie | bulgare | 23 386 | 1,4 % |
13 | Congo-Kinshasa | lingala | 20 066 | 1,2 % |
14 | Grèce | grec | 15 513 | 0,9 % |
15 | Russie | russe | 13 831 | 0,8 % |
Total des 15 groupes | 918 808 | 58,5 % | ||
Total étrangers | 1 570 475 | 100 % |
Le tableau précédent montre qu'en 2013 les 15 nationalités immigrantes les plus importantes représentaient près de 60 % (58,5 %) de la population étrangère résidant en Belgique. Ces nationalités sont originaires d’Italie (10 %), de la France (9,7 %), des Pays-Bas (9,1 %), du Maroc (5,3 %), de la Pologne (3.9 %), de l'Espagne (3,4 %), de la Roumanie (3,2 %, etc. Ce sont les Marocains, les Turcs et les Congolais, qui constituent les principales communautés non européennes. Il n'en demeure pas moins que, au cours de ces vingt dernières années, la plus grande part de l’immigration est principalement le fait de ressortissants de l’Union européenne. Rappelons qu'en 1974 le gouvernement fédéral a officiellement stoppé l’immigration extra-européenne. Depuis cette date, l’accès au territoire belge n’est autorisé que dans le cadre du regroupement familial et pour les travailleurs hautement qualifiés et pour les demandeurs d’asile. |
6.1 La Région de Bruxelles-Capitale
La Région bruxelloise reçoit la part du lion en matière
d'immigration étrangère avec 35,7 % en 2004 et 33,1 % en 2014. Par comparaison
aux deux autres Régions, dont l'augmentation a été de 6,2 % pour la Flandre et
de 5,4 % pour la Wallonie, la Région bruxelloise a connu une augmentation de 14
%, soit presque trois fois plus que les autres.
Au niveau des communes (municipalités), dans la décennie 2004-2014, la croissance démographique la plus importante s'est réalisée dans les cinq communes suivantes qui ont acquis plus de 20 % de citoyens : Anderlecht, 24%; Koekelberg, 23%; Molenbeek, 21%, Berchem-Sainte-Agathe, 21%; Bruxelles, 21%. Trois autres communes ont atteint quasiment les 20% : Jette, Schaerbeek et St-Josse-ten-Noode). Au contraire, l'augmentation a été négative dans les communes de Watermael-Boitsfort et d'Ixelles, alors qu'elle a augmenté plus ou moins légèrement dans les autres communes: Ganshoren, Saint-Gilles, Forest, Uccle, etc. Ainsi, sur une période de dix ans, la croissance démographique est la plus élevée dans les communes de l’ouest et du nord de la Région. À l’inverse, ce sont les communes du sud-est de la Région, qui enregistrent les augmentations de population les moins importantes. |
De plus, l’attraction de la capitale belge dépasse de loin le cadre administratif de la stricte Région bruxelloise avec ses 19 communes. De fait, l'immigration internationale s’étend aux communes proches du Brabant flamand et du Brabant wallon, ce qui contribue à faire augmenter la proportion de la population dans les deux Régions, alors que c'est Bruxelles qui agit comme pôle d'attraction. |
Les Européens sont les principaux immigrants internationaux dans la Région
bruxelloise,
comme l’illustre la figure ci-contre. Parmi ceux-ci, ce sont d'abord les Français et les Roumains,
qui se
détachent et regroupent ensemble plus du quart de la population immigrante.
Le nombre de Français augmente très régulièrement depuis
plusieurs années,
pour atteindre en 2014 plus de 58 000 ressortissants et conforter ainsi leur position
au sommet de la hiérarchie des nationalités étrangères. Ces Européens sont
suivis par les Belges eux-mêmes, qui constituent un peu moins de 10 % de l’ensemble des
immigrants.
Parmi les autres nationalités plus pourvoyeuses d’immigrants, citons les peuples méditerranéens (Espagne, Italie, Maroc, Portugal), ceux d’Europe centrale et ceux d'Europe de l'Est (Pologne, Bulgarie). Fait à noter, l'arrivée des Indiens, dont le nombre est en forte augmentation dans la Région depuis une dizaine d'années. Il existe d'autres nationalités qui ont contribué à diversifier l'apport des ressortissants hors de l'Union européenne, notamment des Guinéens, des Brésiliens et des Syriens. |
6.2 La Flandre Depuis une bonne décennie, la Flandre reçoit
son lot d'immigrants dans les mêmes proportions qu'en Wallonie,
bien que le total des ressortissants étrangers soit moindre, soit 5,7 % contre
9,1 % pour l'ensemble de la Belgique. Le tableau qui suit montre la situation
telle qu'elle se présentait en 2014:
La Flandre reçoit moins d'immigrants (5 %) que la moyenne belge (9 %), dont le taux est due en partie à la forte présence d'étrangers dans la Région de Bruxelles-Capitale. C'est d'ailleurs la province du Brabant flamand (région autour de Bruxelles) et la province d'Anvers (région autour d'Anvers) qui constituent nettement les deux pôles d'attraction des immigrants. En plus de ces deux principales agglomérations flamandes, les villes de Gand (Gent en néerlandais) et de Louvain (Leuven en néerlandais) attirent aussi un bon nombre d'immigrants. Parmi les Européens, la Flandre accueille d'abord des Italiens, puis des Français et des Néerlandais (Pays-Bas), mais aussi des Espagnols, des Allemands, des Portugais, des Britanniques, des Grecs et des Polonais. Pour les non-Européens, ce sont surtout des Marocains, des Turcs, des Congolais, des Américains, des Algériens et des Chinois. 6.3 La Wallonie Pour la Wallonie, voici la situation telle qu'elle se présentait en 2014:
La Wallonie reçoit proportionnellement plus d'immigrants (9,7 %) que la Flandre (7,5 %), mais leur nombre est plus élevé en Flandre (481 882) qu'en Wallonie (347 342). C'est dans la province du Brabant wallon (région autour de Bruxelles) et la province de Liège (région autour de Liège) qui constituent nettement les deux pôles d'attraction des immigrants. En plus de ces deux principales agglomérations, Bruxelles et Liège, les villes de Charleroi et de Mons attirent aussi beaucoup d'immigrants. Parmi les Européens, la Wallonie accueille d'abord des Italiens, puis des Français et des Espagnols, mais aussi des Néerlandais, des Allemands, des Portugais, des Britanniques, des Grecs et des Roumains. Pour les non-Européens, ce sont surtout des Marocains, des Turcs, des Congolais, des Algériens et des Américains. Quoi qu'il en soit, la Belgique ne peut plus prétendre qu'elle est peuplée de Wallons et de Flamands. D'une part, les francophones ne sont pas tous des Wallons, d'autre part, ceux qui parlent français ne sont pas nécessairement des francophones. Ils peuvent être des Flamands, des Britanniques, des Espagnols, des Marocains, etc. Ainsi, les allophones prennent une place de plus en plus importante dans le pays. Si le bilinguisme franco-néerlandais demeure une réalité incontournable aux plans politique et juridique, il y a déjà un certain temps que ce n'est plus le cas au plan sociologique. Aujourd'hui, le multilinguisme constitue un atout important non seulement à Bruxelles, mais aussi dans d'autres grandes villes (Anvers, Charleroi, Liège, etc.). Le français peut être une langue scolaire pour beaucoup de Bruxellois d'origine européenne ou africaine, alors que la langue parlée à la maison peut être différente. Le nombre de locuteurs du néerlandais à un point où l'anglais est venu se placer en deuxième place comme langue véhiculaire. Ce portrait démographique de la Belgique actuelle témoigne des changements majeurs qui touchent le pays en le transformant profondément. |
1) La Belgique et l'État belge |
2) Données démolinguistiques |
3) Données historiques |
4) La politique de l'État central |
5) La Communauté flamande |
6) La Communauté française |
7) La Communauté germanophone |
8) La Région bilingue de Bruxelles |
9) Bibliographie |
L'Europe |