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5)
La
Communauté flamande
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Vlaamse
Gemeenschap
van
België
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Mise
au point
Ce texte sur la Communauté
flamande de Belgique se veut le reflet des positions flamandes en
matière de langue. Il a été rédigé par l'auteur du site (Jacques
Leclerc) avec la collaboration
exceptionnelle du professeur Stefaan Vermeire
de l'Universiteit van Leuven. Évidemment, les faits
perçus par les Flamands
sur cette délicate question qu'est la langue en Belgique peuvent être interprétés différemment
de la part des francophones (et vice-versa). Il est même probable que certains
faits présentés dans cette page soient considérés comme des faussetés ou des contre-vérités, tant les positions linguistiques sont polarisées en
Belgique, sinon inconciliables. C'est pourquoi l'auteur de ce site a
aussi proposé certaines positions des francophones sur les problèmes
perçus par les Flamands. Quoi qu'il en soit, il est extrêmement
difficile d'évaluer avec précision la situation linguistique en
Belgique, et l'auteur de ces
lignes est bien conscient que la perception flamande,
surtout au sujet des problèmes bruxellois (et périphériques), peut être mal reçue par les
francophones belges. Cependant, il apparaît nécessaire de présenter
cette perception afin
de faire comprendre aux internautes le cas belge qui, à bien des égards,
offre une situation unique au monde. Pour le point de vue francophone,
il vaut mieux lire le chapitre intitulé «La
Communauté française de Belgique».
En même temps, l'aspect critique de cette politique
linguistique présentée ici sur la Belgique flamande résulte d'une
perception «extérieure» à ce pays, dans la mesure où elle est vue à
travers la lunette nord-américaine, en l'occurrence canadienne et
québécoise, ce qui ne signifie pas que la perception soit nulle et non
avenue. Il
ne faut pas oublier que le Canada et le Québec ont aussi une longue expérience du
bilinguisme qu'ils ont hérité de la Conquête britannique de 1760-1763, bien
avant la création de la Belgique (1830).
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Capitale: Bruxelles
Population: 5,9 millions
Langue officielle: néerlandais
Groupe majoritaire: néerlandais (Flamands)
Groupes minoritaires: aucun (juridiquement parlant), sauf dans les communes à
facilités (français)
Système politique: gouvernement communautaire avec base territoriale
en Flandre et à Bruxelles-Capitale (Flamands)
Articles constitutionnels (langue):
art. 2, 4, 30, 43, 54, 67, 68, 99,
115, 118, 121, 123, 127, 128, 129, 130, 135, 136, 137, 138, 139, 175, 176,
178, 189 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994
Lois linguistiques fédérales:
Loi du 15 juin1935 sur
l'emploi des langues en matière judiciaire ;
Loi concernant le régime
linguistique dans l'enseignement du 30 juillet 1963 (avec
modifications de 1982) ;
Loi sur l'emploi des langues en
matière administrative coordonnée le 18 juillet 1966
;
Loi du 30 novembre 1966 (Arrêté
royal fixant les conditions de délivrance des certificats de connaissances
linguistiques) ;
Loi du 2 juillet 1969 sur
l'emploi des langues en matière judiciaire
(1969) ;
Convention entre le royaume
de Belgique et le royaume des Pays-Bas instituant une Union de la langue
néerlandaise
(1980);
Loi spéciale du 8 août 1980
de réformes constitutionnelles ;
Loi du 19 juillet portant réforme de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles
(2012)
;
Loi portant réforme des arrondissements judiciaires et modifiant le
Code judiciaire en vue de renforcer la mobilité des membres de
l'ordre judiciaire (2013)
;
Loi portant modification et coordination de diverses lois en matière
de Justice concernant l'arrondissement judiciaire de Bruxelles et
l'arrondissement du Hainaut (loi du 28 mars 2014);
Arrêté royal du 24 mars portant modification de diverses dispositions
réglementaires en vue de leur mise en concordance avec la réforme
des arrondissements judiciaires (2014).
Lois linguistiques
communautaires:
Décret réglant l'emploi des
langues en matière de relations sociales entre employeurs et
travailleurs, ainsi qu'en matière d'actes et de documents
d'entreprise prescrits par la loi et les règlements (1973)
; Décret portant modification de l'article 9 de
la loi du 30 juillet 1963 concernant le régime linguistique dans
l'enseignement (1975)
;
Décret du 30 juin sur l'emploi des
langues en matière administrative (1981)
;
Décret
du 18 mai 1994 réglant
l'usage des langues lors des élections
(1994) ;
Arrêté du gouvernement
flamand fixant l'orthographe officielle de la langue néerlandaise
(1996) ;
Arrêté du
gouvernement flamand relatif au
règlement du mode de justification
de l'emploi d'une autre langue
d'enseignement que le néerlandais (2004) ;
Décret du 10 février 2006 modifiant la Loi électorale communale,
coordonnée le 4 août 1932, la loi du 19 octobre 1921 organique des
élections provinciales, et le décret du 18 mai 1994 réglant l’usage
des langues lors des élections (2006);
Décret
relatif au droit à l'inscription (2011);
Décret portant organisation
de l'accueil de bébés et de bambins (2012);
Décret
relatif à la politique flamande d'intégration et d'intégration
civique (2013);
Décret modifiant les
articles 1, 2, 4, 5, 12 et 16 du décret du 19 juillet 1973 réglant
l'emploi des langues en matière de relations sociales entre
employeurs et travailleurs, ainsi qu’en matière d’actes et de
documents d’entreprise prescrits par la loi et les règlements
(2014).
Circulaires linguistiques:
Circulaire Van den
Brande (7 octobre 1997);
circulaire Peeters
(16 décembre 1997);
circulaire Martens (3
février 1998);
circulaire Keulen (8 juillet 2005);
circulaire Bourgeois
(7 mai 2010).
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Plan de l'article
1
La base
territoriale de juridiction
1.1 La Flandre
1.2 Une enclave flamande aux Pays-Bas
2
Données
démolinguistiques
2.1 Le flamand et le néerlandais
2.2 Le franskiljon (fransquillon)
2.3 Le brabançon et le limbourgeois
2.4 La région bilingue de Bruxelles-Capitale
2.5 Les Flamands de Wallonie
3
Les
compétences de la Communauté flamande
3.1 Les questions linguistiques
3.2 Les entreprises privées
4
La politique linguistique
flamande
4.1 L’enseignement
4.2 Les six communes «à facilités» de la frontière
linguistique
4.3 Le code linguistique: le néerlandais
4.4 La Région bilingue de Bruxelles-Capitale |
5
Les
conflits linguistiques bruxellois
5.1 La mauvaise qualité des services bilingues
5.2 La Police fédérale
5.3 Les tribunaux
5.4 L'apprentissage du néerlandais chez les francophones
5.5 Les politiques d'intégration
5.6 La richesse nationale
5.7 La famille royale
6
Les communes à
facilités
6.1 La fixation des frontières linguistiques
6.2 Le statut provisoire ou définitif des «facilités»
6.3 L'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV)
6.4 L'implication politique des francophones
6.5 L'affichage et les dérapages
6.6 L’interprétation des lois linguistiques
6.7 Les cinq résolutions du Parlement flamand |
Le champs de juridiction de la Communauté
flamande ne s'applique qu'aux institutions unilingues flamandes et à
l'administration de ces institutions lorsque celles-ci sont situées dans la
Région flamande (Vlaams Gewest) au nord (ou
Flandre:
la région de langue néerlandaise) et à la Région bilingue de Bruxelles-Capitale. La
région linguistique néerlandaise
recouvre 44
% de la superficie du pays et compte cinq provinces (et 308 communes):
Antwerpen, Vlaams Brabant, West-Vlaanderen, Oost-Valanderen (Flandre orientale) et
Limbourg (voir la carte des provinces
belges avec les dénominations françaises). La Flandre est représentée par le
Lion flamand (voir le drapeau ci-dessus). |
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1.1 La Flandre
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En
ce qui concerne le Conseil régional flamand, il est fusionné avec le
Conseil communautaire; cela signifie qu'il n'y a qu'un seul Conseil
flamand, devenu le Parlement
flamand et un
seul Exécutif, devenu le
gouvernement flamand,
lequel exerce à la fois
les compétences communautaires et régionales.
La ville de Bruxelles a été reconnue par la Flandre comme
capitale de la Communauté flamande.
Selon le Conseil d'État fédéral, la Flandre ne pourrait
s'attribuer, au plan juridique, le titre de capitale à Bruxelles, puisque,
selon l'article 194 de la Constitution belge, ce titre serait réservé à la
Belgique. Pour les francophones, la Flandre installerait ainsi, depuis vingt
ans, en toute illégalité, son administration, ses institutions économiques,
sociales et culturelles au cœur de la Région bruxelloise.
On peut
consulter un tableau représentant la structure fédérale de la Belgique
en cliquant ICI, s.v.p. |
La Flandre actuelle comprend la plus grande partie de
l'ancien comté de Flandre, de l'ancien duché de Brabant et une partie de
l'ancien duché de Limbourg. Cependant, l'aire linguistique flamande s'étend dans
l'actuelle Flandre française et l'ouest des Pays-Bas.
1.2 Une enclave flamande aux Pays-Bas
|
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Il existe aussi une petite ville «flamande» située dans la
province du Brabant septentrional des Pays-Bas: Baarle, plus précisément Baerle-Duc
(en néerlandais: Baarle-Hertog). Cette commune, sous la juridiction
de la province d'Anvers, est caractérisée par le fait que plusieurs parties
de son territoire sont enclavées aux Pays-Bas et enchevêtrés en
parcelles discontinues dans la commune néerlandaise de Baarle-Nassau.
Il y a 22 petites enclaves belges en territoire néerlandais et
quelques enclaves néerlandaises à l'intérieur de celles-ci. |
Autrement dit, Baarle est une petite ville partagée entre les
Pays-Bas (Baarle-Nassau) et la Belgique (Baarle-Hertog).
Au 1er janvier 2014, la commune de Baerle-Duc
ou Baarle-Hertog comptait
quelque 2300 habitants pour une superficie totale
de 7,48 kilomètres carrés. Ces enclaves sont antérieures à la séparation de la
Belgique et des Pays-Bas. C'est le traité de Maastricht de 1843 qui
a défini les zones de ces enclaves. Un nouvel accord entre la Belgique et les
Pays-Bas fut conclu en 1974 au sujet du tracé de la frontière
et attribua une nationalité à chacune des parcelles. Si, en principe, la
population est belge, 75,4 % de la population est issue de l'immigration.
La région de langue néerlandaise (Flandre)
compte 5,9 millions d’habitants, soit 57,6 % des Belges. Exception faite des
minorités linguistiques (de langue française) habitant des communes à facilités
et d’autres communes sans facilités, les habitants de cette région parlent
massivement le néerlandais (en néerlandais: Nederlands), une langue germanique, sans
oublier les «dialectes» tels que le
flamand (le Vlaams), le
brabançon (le Brabants),
le limbourgeois (le
Limburgs) et le francique carolingien
(voir la
carte). Un certain nombre de
linguistes flamand affirment que le francique carolingien est issu du
néerlandais; mais cette langue, construite à base d’éléments du hollandais et
d’un peu d’éléments issus du flamand et du brabançon, est en définitive l'une
des langues issues du bas-allemand. Elle ne présente aucune lien de filiation
par rapport à des langues «périphériques» telles que le limbourgeois. En Région
wallonne, on pourrait ajouter également les parlers franciques ripuaire au
nord-est (Raeren), carolingien et mosellan (ou luxembourgeois) dans la province
de Liège Sankt-Vikt; Büllingen,
Butgenbach, Burg-Reuland) et la
province de Luxembourg (Beho/Bocholz
et la région d'Arlon). On peut consulter la carte des langues régionales endogènes.
2.1 Le flamand et le néerlandais
Le terme flamand (en français) ou Vlaams
(en néerlandais) désigne le dialecte, en
principe celui des deux provinces de Flandre occidentale (West Vlaams) et de Flandre orientale
(Oost-Vlaams) et parfois, par extension, l’ensemble des dialectes de la Région flamande, même
si ce n’est pas scientifiquement exact, car on devrait alors parler de
«diets» ou «thiois».
Le flamand occidental est aussi parlé
dans le nord de la France par quelque 20 000 locuteurs; il est désigné par
l'expression flamande West Vlaamsch.
La Délégation générale à la langue française et aux
langues de France considère cette langue comme l'une des «langues
régionales» de la France métropolitaine. Étant donné que la réforme
orthographique de la Taalunie ne s'applique pas en France, l'écriture du
flamand occidental demeure particulière.
Plus précisément, le mot
flamand ne désigne pas
la langue
néerlandaise
(Algemeen
Nederlands). Pour cette raison, les Flamands rejettent le
terme Vlaams pour désigner le néerlandais. Dans un passé assez récent, le
mot flamin ou flamind était parfois utilisé par la bourgeoisie
francophone pour se moquer des Flamands. Encore aujourd’hui, ce mot wallon est
considéré comme une insulte tant par les Wallons que par les Flamands. Il existe
encore un autre mot, flamingant, qui pour les Wallons sert à désigner
négativement le nationalisme flamand, mais le terme a été récupéré par les
Flamands dans un sens élogieux («patriote»).
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Pour ce qui est du flamand (Vlaams) lui-même, on
lui reconnaît trois variétés: le flamand de Zélande
(le Zeeuws-Vlaams), le flamand occidental
(le West-Vlaams) et le flamand oriental
(le Oost-Vlaams), avec une zone de transition avec le brabançon et
appelée le Noord-Oost-Vlaams. Le flamand de Zélande n’est parlé qu’aux
Pays-Bas, mais le flamand occidental est
employé dans la
province de Flandre occidentale, ainsi qu'aux Pays-Bas (une petite région de la province
de Zélande) et dans le nord de la France (une zone frontière de
20 km environ, le long de la Belgique
depuis Dunkerke vers Lille, avec notamment la ville de Bergues (où a été
tourné le film à grand succès Bienvenue chez les Chti). Ainsi, en
Belgique, il n'existe que deux variétés de flamand, mais celles-ci
n'ont aucun statut, puisque c'est le néerlandais qui bénéficie du
statut officiel, avec le français et l'allemand. |
Le
flamand reste le plus
archaïsant de tous les dialectes de l’aire couverte à ce jour par la langue
néerlandaise (y compris ceux parlés aux Pays-Bas).
Cependant, il ne faut pas voir dans ce
terme un quelconque trait péjoratif, car il s’agit simplement de composantes
anciennes. Les parlers flamands sont
utilisés au nord de la province du Hainaut (Comines-Warneton et Mouscron) par
environ 10 % de la population de ces communes.
Précisons que les différences entre le
flamand et le néerlandais sont tout de même assez importantes, notamment
dans la prononciation, la grammaire et le vocabulaire.
Ainsi, cet exemple peut servir à illustrer certaines différences entre le
West-Vlaams (flamand occidental) et le néerlandais officiel (Algemeen
Nederlands):
Français (traduction) |
Flamand occidental (West-Vlaams) |
Néerlandais officiel |
Vous
êtes (originaire) de la région de Flandre occidentale?
Oui, j'habite
à
Ramkapel, dans la rue du Village. |
Gij
zijt uit de West-vlaamse streek?
Ja 'k weunen noar Ramskapel in de
Dorpstroate. |
Je bent uit de
West-vlaamse streek?
Ja ik woon in de Dorpstraat te Ramskapel. |
L’intercompréhension
peut être difficile pour un locuteur du néerlandais par rapport aux
dialectes flamands, notamment le flamand occidental. En effet, les
différences entre le flamand occidental et le néerlandais vont plus loin que quelques
différences d'ordre phonétique: il existe aussi des différences grammaticales
issues du Moyen Âge en flamand (déclinaison, pronoms, négation, etc.) et
lexicales (influences du français et du picard).
Par comparaison, on pourrait dire que les différences
entre le flamand et le néerlandais sont beaucoup plus importantes qu’entre le
français du Québec et celui de France, ou encore davantage entre l’espagnol
du Mexique et celui de l’Espagne. Mais les différences les plus marquantes
sont évidemment à remarquer entre le néerlandais et les langues
périphériques qui n’ont pu fournir aucun apport au néerlandais, comme le
limbourgeois.
Les différences entre le néerlandais parlé en
Flandre et celui parlé aux Pays-Bas sont relativement minimes, mais néanmoins
perceptibles dans la prononciation et le vocabulaire. À l'écrit, une commission
mixte néerlando-flamande travaille depuis 1835 à la standardisation de
l'orthographe entre les deux pays. Il ne faut pas oublier que les variations
dialectales du néerlandais sont dans une aire linguistique de continuité
géographique entre les Pays-Bas et la Flandre (voir
la carte linguistique à cet effet).
De façon générale, le néerlandais de la Flandre et celui
des Pays-Bas sont identiques, mais il subsiste des différences dans la
prononciation, le vocabulaire et quelque peu dans la grammaire. La séparation
politique de la Flandre et des Pays-Bas de 1585 a eu pour effet d'entraîner une
différenciation des deux idiomes et d'isoler le néerlandais de la Flandre durant
quelques siècles, en plus de favoriser la fragmentation dialectale. Durant
longtemps, le néerlandais du Nord fut perçu par les Flamands comme une «langue
étrangère». Mais l'urbanisation, la scolarisation et l'influence des
médias électronique ont rapproché le le néerlandais de la Flandre de celui des
Pays-Bas.
En Flandre, surtout dans les campagnes, une
partie importante de la population parle ce qu'on appelle «le dialecte» ("het
dialekt") à la maison et avec des
ami(e)s, mais le néerlandais est réservé pour les communications plus formelles.
En fait, il existe pour la plupart des Flamands de la région linguistique
néerlandaise une sorte de diglossie permanente: d’une part, le dialecte, d’autre
part, le néerlandais (la langue culturelle). L’usage du dialecte et du
néerlandais n’est pas accidentel, mais réglé par un certain nombre de
conventions non écrites relevant de la tradition et de la culture flamandes.
Bref, les dialectes néerlandais en Flandre sont restés assez vivants, alors
qu’aux Pays-Bas ils sont en voie de régression, sauf de manière très notoire
pour le limbourgeois qui se défend même nettement mieux que les dialectes en
Flandre et le saxon.
2.2 Le
franskiljon (fransquillon)
Les Flamands ont
inventé un autre mot, franskiljon
(en orthographe française:
fransquillon) pour désigner négativement
un Flamand francisé (comprendre «assimilé») ou francophile.
Il y a lieu ici d’examiner de plus près cette
réalité flamande caractéristique. Les «fransquillons» — en langage «poli»,
on dit les «francophones de Flandre» — constituent une minorité non reconnue et
qui ne demandent plus à l’être, mais qui est très significative dans une
certaine élite de la population en Flandre. Ses caractéristiques sont les
suivantes:
- une présence
essentiellement urbaine (Anvers, Gand, Bruges, Louvain, voire même de plus
petites villes comme Saint-Trond, Tongres, Courtrai, etc.);
- une catégorie issue de l’ancienne bourgeoisie francophone jusqu’au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale et généralement assez aisée;
- une classe aujourd’hui parfaitement bilingue: quand une personne parle
parfaitement le néerlandais sans aucun accent et tout aussi parfaitement le
français sans aucun accent, on est quasi certain d’avoir affaire à un
«fransquillon», car c’est devenu leur caractéristique la plus marquante;
- une discrétion caractéristique en matière linguistique avec des positions rarement
extrémistes ou revanchardes, mais ce sont des «Belgicains» garantis;
- une classe politiquement de moins en moins engagée, se sachant rejetée d’avance
par les partis flamands qui les jugent suspects;
- une minorité en voie d’assimilation superficielle, car, en privé, elle
parle couramment le français, mais se cache à ce sujet en Flandre;
- une classe qui fréquente néanmoins un certain nombre d’associations discrètes où les
francophones de Flandre se retrouvent entre eux;
- une groupe professionnellement toujours privilégié par les entreprises qui
recherchent des cadres ou des porte-paroles parfaitement bilingues dont on ne
puisse pas deviner l’origine flamande ou francophone, et qui apprécient
surtout leur expression sans accent.
Héritière d’une culture francophone mise à
l’index en Flandre, cette population a perdu sa presse particulière (journaux La
Flandre libérale, La Métropole, etc.), ses activités culturelles extérieures
(théâtre en français, conférences, etc.), mais elle reste très cultivée en général
(se rend en fait à Bruxelles pour ses besoins culturels). Il est très malaisé
d’en évaluer l’importance numérique, tellement elle s’est fondue, voire
assimilée superficiellement au reste de la population, mais on l’évalue
généralement à une bonne centaine de milliers d’individus.
2.3
Le brabançon et le limbourgeois
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Le brabançon (en néerlandais : Brabants,
en brabançon : Braobans) est l'une des deux
grandes variétés dialectales du néerlandais, avec le
hollandais. Le brabançon est parlé dans une grande
partie des provinces belges du Brabant flamand et
d'Anvers), ainsi que dans les Pays-Bas (province du
Brabant du Nord (ou Noord-Brabant).
Le brabançon est une langue régionale fragmentée : la
variante parlée aux Pays-Bas (Brabant du Nord), dans la
province d'Anvers et dans le Brabant flamand est
différente d'une région à l'autre, voire d'un village à
l'autre, mais l'intercompréhension est relativement
aisée. En général, les variétés septentrionales sont
plus proches du néerlandais que les variétés
méridionales. Cependant, le brabançon n'est
reconnu ni aux Pays-Bas ni en Flandre, mais
paradoxalement il est reconnu par la Communauté
française comme «langue endogène», alors qu'il n'est
parlé qu'à
Enghien au nord du Hainaut.
|
Le limbourgeois (au
nord-est dans la province de Liège: Aubel, Plombières, Welkenraedt, Baelen;
Kelmis, Lontzen, Eupen), pour sa part, est en fait une langue francique transitoire entre
le néerlandais et l’allemand: les locuteurs du limbourgeois peuvent facilement
comprendre le néerlandais et l’allemand, surtout le néerlandais (Nederlands
en néerlandais) ainsi que différents dialectes néerlandais (flamand ou Vlaams,
brabançon ou Brabants, limbourgeois ou Limburgs).
|
Rappelons aussi que, dans les
Fourons (en
néerlandais: Voeren), ce petit territoire de 50 km², situé au nord-est de
la
province
de Liège jouxtant les Pays-Bas mais
rattaché administrativement à la province flamande de Limbourg, compte une
population de quelque 4300 habitants (voir la carte plus détaillée des Fourons).
Celle-ci parle le limbourgeois central dans le village de Moelingen / Mouland
et le limbourgeois de l’Est dans celui de 's-Gravenvoeren / Fouron-le-Comte,
alors que les autres villages parlent le francique carolingien (ou rhéno-mosan).
En fait, la plupart des Fouronnais peuvent s'exprimer en limbourgeois ou en
francique carolingien ainsi qu'en néerlandais, en français et en allemand.
|
2.4 La région bilingue de Bruxelles-Capitale
En ce qui a trait à la population bruxelloise, elle
compterait, d'après les Flamands, environ 70 % de francophones, 10 % de néerlandophones et
au moins 20 % d'allophones (Marocains, Italiens, Turcs, Portugais, Grecs,
Congolais, Allemands, etc.) pour 163 nationalités en 2014. Soulignons que tous les néerlandophones sont
généralement des Flamands, alors que les francophones ne sont pas nécessairement
des Wallons (ils peuvent être des Flamands ou des immigrants francisés, ou
encore des «eurocrates», souvent plus francophiles que francophones). Le tableau qui suit présente la population de l'agglomération
bruxelloise, soit la ville et ses 19 communes (voir
aussi la carte):
Communes bruxelloises |
Population (2014) |
Pourcentage |
Superficie |
Bruxelles-Ville |
170 407 |
14,6 % |
32,6 km² |
Schaerbeek |
131 604 |
11,3 % |
8,1 km² |
Anderlecht |
115
178 |
9,8
% |
17,7 km² |
Molenbeek St-Jean |
94 854 |
8,1 % |
5,8 km² |
Ixelles |
83 332 |
7,1 % |
6,3 km² |
Uccle |
81 089 |
6,9 % |
22,9 km² |
Forest |
54 524 |
4,6 % |
6,2 km² |
Woluwé St-Lambert |
53
318 |
4,5 % |
7,2 km² |
St-Gilles |
50 460 |
4,3 % |
2,5 km² |
Jette |
50 237 |
4,3 % |
5,0 km² |
Etterbeek |
46 427 |
3,9 % |
3,1 km² |
Woluwé St-Pierre |
40
841 |
3,5 % |
8,8 km² |
Evere |
37 959 |
3,2 % |
5,0 km² |
Auderghem |
32
560 |
2,7 % |
9,0 km² |
St-Josse-ten-Noode |
27 447 |
2,3 % |
1,1 km² |
Watermael-Boitsfort |
24 408 |
2,0 % |
12,9 km² |
Ganshoren |
23 836 |
2,0 % |
2,6 km² |
Berchem Ste-Agathe |
23
690 |
2,0 % |
2,9 km² |
Koekelberg |
21 317 |
1,8 % |
1,1 km² |
Total
Région de Bruxelles-Capitale |
1
163 486 |
100 % |
61,3 km² |
Source: Institut national des statistiques
(Belgique), 2014
|
Pour ce qui est des proportions réelles de francophones,
de néerlandophones et d’allophones, il est très difficile d’en avoir une
idée juste d’autant plus que, selon leurs provenances, les chiffres ne
concordent jamais, surtout lorsqu’il s’agit de sources francophones par
rapport à des sources flamandes (et inversement). Selon les lois en vigueur en
Belgique, les recensements linguistiques sont abolis — interdits — depuis
la loi du 24 juin 1961, ce qui peut paraître assez inusité pour un État démocratique.
C’est que les résultats des recensements avaient depuis la loi du 28 juin
1932 des conséquences sur le plan du fonctionnement des communes et de la
langue d’enseignement.
Par exemple, quand un groupe linguistique minoritaire
atteignait 30 %, les annonces et communications de la commune devraient être
affichés dans les deux langues, les fonctionnaires devraient être bilingues
et le citoyen était libre de choisir la langue dans laquelle il voulait
recevoir ses services. De plus, l’administration et le fonctionnement interne de la commune
devaient être alors dans la langue de la majorité (50 %). À partir de
1932, les communes à la frontière linguistique ne furent plus considérées
comme un «territoire bilingue», mais firent désormais partie soit de la région
linguistique néerlandaise soit de la région linguistique française (selon
les résultats du recensement). |
Il faut ajouter aussi que, lors du recensement de 1930, on
avait relevé un grand nombre d’infractions, de falsifications et
d’intimidations, ce qui avait fait dire au député Auguste De Schijver
(1898-1991):
Le premier ministre
a bien voulu reconnaître que les résultats du dernier recensement ne
sont pas, dans certaines communes de la frontière linguistique,
conformes à la réalité, puisque les contrôleurs sont venus faire
rapport sur la question dans un sens défavorable quant aux
renseignements donnés par les agents recenseurs. (Actes Parlementaires 1931-1932,
séance du 18 février 1932, p. 861) |
Les résultats du recensement de 1947 furent encore pires. Compte
tenu du climat anti-flamand de l'époque et
de la pression exercée sur les Flamands pour se faire passer pour des
francophones, les résultats de ce recensement linguistique furent
décevants pour la présence flamande à Bruxelles et
dans les communes de la frontière linguistique. C'est pourquoi, à la
demande des Flamands, la publication des résultats
fut reportée jusqu'en 1954. En raison de leur «prétendue» majorité
francophone, les communes d'Evere,
de Ganshoren et de Berchem-Sainte-Agathe furent annexées à
l'agglomération bruxelloise.
- La fiabilité des recensements
La question de la fiabilité des recensements linguistiques est évidemment
controversée en Belgique, car si les Flamands affirmaient que certains
politiciens francisés incitaient les habitants à mentionner le français, les
curés et vicaires flamands n’étaient pas en reste de leur côté et agissaient de
même. Le problème venait en fait de la négation de la réalité dialectale par les
recensements. Pour les Flamands, tout locuteur qui parlait un dialecte
germanique devait se déclarer néerlandophone, alors que bon nombre d’habitants
concernés n’étaient pas en mesure de parler le néerlandais, mais auraient sans
problème mentionné leur dialecte si celui-ci avait eu droit de cité. Le fait de
coupler des conséquences administratives au recensement faussait par ailleurs
d’avance les résultats, car dans certaines communes la population à dialecte
germanique aspirait à plus d’enseignement en français sans même y avoir été
incitée, et ce, au nom de sa liberté.
La carte illustrant le
pourcentage des francophones en périphérie de Bruxelles
traduit de simples estimations (de sources
francophones, en l'occurrence) réalisées sans enquête scientifique.
Néanmoins, il semble que ces chiffres soient plus ou moins près de la
réalité. En général, ce sont les partis politiques et les communes qui, en
l’absence de recensements officiels, produisent des recensements sur
la base des résultats électoraux, ce qui est assez facile aux élections
communales dans les communes «à facilités» où une seule liste flamande est
opposée à une seule liste francophone. Ces résultats sont par ailleurs
corroborés avec ceux de la langue de la carte d’identité ou de la feuille
d’impôt. Cela étant dit, les relevés indiquent que les francophones seraient
majoritaires dans plusieurs communes flamandes dites «à facilités» (à statut
spécial, soit avec des «facilités» en français): Drogenbos (75 %), Linkebeek
(80 %), Rhode-Saint-Genèse (56 %), Crainhem (76 %), Wezembeek-Oppem (75 %)
et Wemmel (50 %). Les Flamands reconnaissent généralement ces chiffres, en
autant qu’ils représentent des votes, des cartes d’identités, mais non pas
le résultat d’un recensement officiel.
- Les immigrants
Les autorités flamandes estiment, pour leur part, que la proportion des immigrants —
massivement d’origine marocaine, turque et congolaise — pourrait s’élever
à quelque 30 %. Or, la plupart d’entre eux n’auraient qu’une connaissance
très approximative du français, alors que la majorité de ces «nouveaux Belges»
travaillent dans les petits commerces ethniques (serveurs dans les cafés,
vendeurs dans les magasins, coiffeurs, etc.) et n’ont besoin bien souvent
que de l’arabe ou du turc. L'ex-parti flamand Vlaams Blok (ou «Bloc
flamand»), condamné pour incitation à la haine raciale, puis devenu, suite à une
décision judiciaire, le Vlaams Belang
(«Intérêt flamand») évaluait
même à 362 694 la présence d’origine étrangère à Bruxelles, soit 37 % de
la population. Ce pourcentage est
évidemment contesté par les partis francophones, car les francophones
comptabilisent évidemment comme «francophones» les arabophones francisés, ne
fût-ce que par le passage à l’école, et qui continuent à parler arabe avec leurs
parents.
En novembre 2008, le parti flamand Open VLD (en
néerlandais: Open Vlaamse Liberalen en Democraten; en français : libéraux
et démocrates flamands) proposait l'anglais comme langue officielle à Bruxelles,
afin que l'anglais devienne une langue administrative dans la capitale. Les
libéraux flamands bruxellois plaidaient pour la création d'une communauté
urbaine bruxelloise allant au delà des limites de la région. Ils souhaitaient
que l'anglais soit utilisé dans le domaine de la communication et de l'offre de
services, sans que cette langue soit sur un pied d'égalité avec le français ou
le néerlandais. L'anglais aurait plutôt un statut de «langue d'accueil».
L'Open VLD motivait cette proposition en raison du statut international de
Bruxelles et le nombre important de personnes qui parlent une autre langue que
le français ou le néerlandais. Pour les francophones, c'était encore un moyen
pour réduire l'importance du français à Bruxelles. Pour les Flamands, l'anglais
pourrait aussi être une passerelle entre francophones et néerlandophones.
2.5 Les Flamands de Wallonie
De source flamande, on estime qu’il y aurait environ un million de
néerlandophones qui vivent en Wallonie – ceux-ci, plus ou moins
francisés, ne s’exprimeraient pas tous en néerlandais à la maison – et que
environ 100 000 d'entre eux habiteraient dans la périphérie bruxelloise et peut-être 15 000
autres à la frontière linguistique en territoire wallon, dans les quatre
communes disposant de «facilités en néerlandais»: Comines/Komen, Mouscron/Moeskroen,
Flobecq/Vloesberg et Enghien/Edingen. Il est actuellement impossible de savoir
combien les communes de la périphérie bruxelloise et celles de la frontière
linguistique comptent exactement de néerlandophones, les recensements
linguistiques demeurant interdits depuis la loi du 24 juin 1961. Il n’en
demeure pas moins que tous les néerlandophones résidant en Wallonie
dépendent, au plan des questions linguistiques, du seul bon vouloir des
autorités francophones (et l'inverse serait tout aussi vrai pour les
francophones vivant en Flandre).
Ces chiffres de un million de Flamands en
Wallonie sont une estimation invérifiable dans la mesure où ce nombre est basé
essentiellement sur le caractère francophone ou néerlandophone des noms de
famille dans l’annuaire téléphonique. Or, rien que par l’exemple des hommes
politiques connus, on doit bien constater que cela ne répond pas à un critère
sérieux, puisque si Laurette Onckelinx, vice-première ministre née dans la
région liégeoise d’un père ancien échevin de Seraing et lui-même d’origine
limbourgeoise a une filiation d’origine flamande (mais doit suivre des cours
accélérés pour pouvoir s’exprimer plus ou moins correctement en néerlandais dans
sa fonction), il en est d’autres qui portent des noms francophones en étant de
vrais Flamands, à commencer par le premier ministre Yves Leterme, dont l'un des
ascendants est francophone. mais qui est un authentique Flamand. Quant à Bert
Anciaux, flamingant convaincu, ce n’est pas son nom de famille qui l’indique…
Il n’empêche qu’au XIXe
siècle et même jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, nombreux
étaient les Flamands qui se sont implantés en Wallonie pour trouver du travail
dans une région qui était alors prospère. Ils y ont fait souche et sont à ce
jour quasiment tous assimilés. Cela provient surtout du fait qu’ils ne
constituaient nulle part une minorité significative, mais étaient disséminés
partout.
Par contre, actuellement, on assiste en
Ardenne à une néerlandisation du secteur touristique dont les activités sont
essentiellement prises en charge par des Néerlandais qui, eux ne s’assimilent
pas et n’hésitent pas à afficher uniquement en néerlandais toutes leurs
enseignes, sans que cela ne heurte la population autochtone wallonne.
Conformément à la Constitution belge, la Communauté flamande
constitue l’un des États fédérés disposant de pouvoirs pratiquement
souverains. Le Parlement communautaire de la Communauté flamande siège à
Bruxelles; il est composé de l'ensemble des députés du groupe néerlandais du
Parlement national ainsi que des sénateurs élus du groupe flamand. Plus
précisément, ce parlement est l’assemblée représentative de la population
de la Région flamande, ainsi que des néerlandophones de la région bilingue de
Bruxelles-Capitale; le Parlement flamand (Vlaamse Raad) est composé des
124 membres élus. L'Exécutif de la Communauté flamande — ou gouvernement
flamand — est composé de quatre membres dont au moins un de la Région de
Bruxelles-Capitale.
3.1 Les questions linguistiques
Pour les questions d'ordre linguistique, le gouvernement flamand dispose de six grands
domaines de compétences exclusives:
1) la culture, notamment la sauvegarde du patrimoine
culturel, le tourisme et
les médias;
2)
l’emploi des langues, notamment l’usage des langues dans l’enseignement,
l’administration et les relations entre les patrons et le personnel dans la
région de langue néerlandaise, à l’exception des
communes à facilités;
3) les «matières personnalisables», notamment tout ce qui a trait à la
protection de la jeunesse, la famille et l'accueil des enfants, les personnes
handicapées et les retraités, l’égalité des chances et l’intégration
des immigrés;
4) l’enseignement, notamment presque tous les aspects de la politique de
l’enseignement; cependant, la fixation du début et de la fin de la
scolarité obligatoire, les exigences minimales pour l'attribution des
diplômes et le régime de retraite des enseignants relèvent du gouvernement
fédéral;
5) la politique scientifique;
6) les affaires extérieures et la coopération; la Communauté flamande
peut conclure à sa guise des traités internationaux avec d’autres États
pour toutes les matières relevant de ses compétences.
En vertu de l’article 129 de la Constitution, la Communauté flamande
règle par décret l'emploi des langues pour les matières
administratives, l'enseignement dans les établissements créés, subventionnés
ou reconnus par les pouvoirs publics, et les relations sociales entre les
employeurs et leur personnel, ainsi que les actes et documents des entreprises
imposés par la loi et les règlements. Cependant, les décrets de la
Communauté flamande NE PEUVENT PAS S'APPLIQUER aux trois cas suivants:
1) les
communes contiguës à une autre région linguistique (communes de la région
linguistique néerlandaise, de la région bilingue de Bruxelles-Capitale et
les communes germanophones) et où la loi permet l’emploi d’une autre
langue que celle de la région linguistique française dans laquelle ces
communes sont situés (communes wallonnes à facilités néerlandaises ou
allemandes;
2) dans
la Région de Bruxelles-Capitale, sauf pour les institutions de la
Communauté française (par exemple, les écoles francophones), du fait que la
législation linguistique de cette région demeure sous juridiction fédérale;
les communes de Bruxelles restent entièrement sous la tutelle de la Région
bruxelloise et, par conséquent, les décrets de la Communauté n’y ont
aucune force de loi;
3) dans les six
communes flamandes avec des «facilités» en français pour les francophones
(Mesen/Messines,
Spiere-Helkijn/Espierres-Helchin, Ronse/Renaix, Bever/Biévène, Herstappe et
Voeren/Fourons), l’autorité fédérale demeurant entièrement responsable
de la législation linguistique dans ces communes;
toutefois, la tutelle sur ces communes est
passée aux mains de la Flandre et c’est ce qui fait en sorte que les
bourgmestres francophones qui préfèrent respecter les décisions de la Cour
constitutionnelles plutôt que celles, contradictoires du Conseil d’État,
section néerlandaise, ou de la tutelle flamande, ne sont toujours pas
nommés;
4) les institutions
fédérales et internationales désignées par la loi dont l'activité est
commune à plus d'une communauté.
3.2 Les entreprises
privées
En ce qui concerne les entreprises privées,
les prescriptions linguistiques sont simples. Même les entreprises
commerciales de la région bruxelloise, conformément à l'article 28 de la
Loi constitutionnelle (17 et 29 juillet 1980 et 23 janvier 1981), ne
sont pas soumises à la loi du bilinguisme institutionnel. En réalité, il
existe trois réglementations distinctes organisant l'emploi des langues en
matière de relations sociales entre les employeurs et leur personnel. Il
s'agit plus particulièrement du décret du 19 juillet 1973 du Conseil culturel
de la Communauté néerlandaise, du décret du 30 juin 1982 du Conseil culturel
de la Communauté française et les lois coordonnées sur l'emploi des langues
du 18 juillet 1966. Selon l’article 19 de la
Loi du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en
matière administrative coordonnée du 18 juillet 1966, tout service local de la région
de langue néerlandaise doit être assuré dans la langue de la commune:
Article 19
Toutefois, à une entreprise privée,
établie dans une commune sans régime spécial de la région de langue française
ou de langue néerlandaise, il est répondu dans la langue de cette commune.
|
L'usage du néerlandais est imposé aux
employeurs ayant leur siège d'exploitation dans le région de langue
néerlandaise, dans le cadre de leurs relations sociales avec leurs
travailleurs (les provinces d’Anvers, du Brabant flamand,
de la Flandre occidentale, de la Flandre orientale et du Limbourg). Tous
les actes et documents destinés au personnel ou qui sont prescrits par la loi
et les règlements doivent être rédigés en français. Le décret autorise néanmoins,
au choix des parties, l'usage complémentaire d'une autre langue, mais aucune
traduction obligatoire n'est cependant prévue. Comme en Wallonie, les actes et
documents établis en méconnaissance des dispositions du décret sont nuls et
doivent être remplacés. Ne sont donc pas visées par le décret wallon les régions
de langue néerlandaise, de langue allemande, de Bruxelles-Capitale et les
communes à facilités linguistiques.
L'unilinguisme néerlandais demeure obligatoire pour toute la Flandre, non
seulement pour les organismes relevant de la Communauté flamande, sa région,
ses provinces et ses communes, mais également pour les institutions fédérales
et les affaires judiciaires. Et cette règle ne souffre pas d'exceptions, si ce
n'est pour les quelques communes à facilités linguistiques dans le domaine de
l’administration, de l'enseignement et de la justice. Cela signifie que le
Parlement, l’Exécutif (gouvernement), la justice, l’Administration, l’affichage
public et la toponymie ainsi que l’odonymie (rues) sont exclusivement en néerlandais
dans toute la Flandre, sauf dans les communes à facilités où l’odonymie
(rues) est officiellement bilingue. La politique linguistique consiste, en résumé, à
imposer la langue néerlandaise partout, sauf pour les exceptions prescrites par
la législation belge dans les communes à facilités (au nombre de six).
4.1 L’enseignement
La langue de l’enseignement doit être celle de la région où est située
une commune. En Flandre, c’est le néerlandais. Cependant, il est obligatoire
d’enseigner le français comme «première langue seconde» dans les écoles
de la Flandre. Donc, l’enseignement des langues secondes va plus loin que ce
qui est prescrit à l’article 9 de la
Loi concernant le régime
linguistique dans l'enseignement du 30 juillet 1963:
Article 9
L'enseignement de la seconde langue peut être organisé dans
l'enseignement primaire à partir de la 5e année d'études, à
raison de trois heures par semaine au maximum [quatre heures depuis 1980].
Toutefois, dans les communes visées à l'article 3, 2o, cet
enseignement peut être organisé à partir de la première année d'études.
La seconde langue sera:
- dans la région de langue néerlandaise, le français;
- dans la région de langue française, le néerlandais; elle peut
être l'allemand dans les arrondissements de Verviers, Bastogne et Arlon;
- dans la région allemande, le français dans les écoles de langue
allemande et l'allemand dans les écoles de langue française.
|
En Flandre, les élèves des écoles secondaires suivent tous
obligatoirement des cours de français comme seconde langue à partir de 10
ans;
puis des cours d’anglais (troisième langue) à partir de 12 ans
et d’allemand
(quatrième langue) à partir de 16 ans. Le programme prévoit généralement de
quatre à cinq heures de français par semaine, quatre heures d’anglais et
deux à trois heures d’allemand. Un grand nombre d’élèves choisissent le
module appelé «langues modernes», qui leur donne une formation en quatre langues
(néerlandais, français, anglais et allemand). Le degré de connaissance atteint après six
années d’études (12-18 ans) doit correspondre aux trois savoirs pratiques des
quatre langues: savoir lire, savoir écrire et savoir parler. D’autres élèves choisissent
le module appelé «culture ancienne», lequel comprend, outre le néerlandais, le
français ainsi que le latin (combiné ou non avec le grec) et l’anglais.
Bref, le gouvernement flamand a accordé une part importante de l’enseignement
à l’apprentissage des langues. Pour les Flamands, il s’agit d’un multilinguisme
de promotion. Dans les écoles wallonnes, on se contente bien souvent de l’anglais
comme «deuxième langue» et/ou du néerlandais comme «troisième langue», d’où
une connaissance insuffisante de l’autre langue officielle.
4.2 Les six communes «à facilités» de la frontière
linguistique
Les communes à facilités, qu'elles soient en Flandre ou
en Wallonie, soulèvent généralement des difficultés, chacune des communautés
tentant d'interpréter souvent à son profit les règles juridiques.
|
En Flandre, les six communes avec
facilités en français sont, de gauche à droite en
jaune sur la carte, Mesen
/ Messines, puis
Spiere-Helkijn / Espierres-Helchin, Ronse
/ Renaix,
Bever / Biévène,
Herstappe et à l'est Voeren
/ Fourons (voir la
carte détaillée).
Bien qu’on ne puisse savoir combien il y a effectivement de
francophones au sein de ces six communes — d’après les Wallons, il y en
aurait 45 000 —, ces derniers ont droit à des services en français.
|
La langue officielle demeure toujours le néerlandais, mais
en vertu de la législation fédérale la Communauté
flamande doit offrir, dans ces communes «à facilités», des services en français dans l’administration, les
écoles et les tribunaux. Si le citoyen en fait la demande, il peut
recevoir des documents officiels de la région en français, recourir au
français dans un tribunal et exiger que ses enfants reçoivent leur instruction
en français. Les Flamands affirment avoir toujours respecté l’esprit et la
lettre de la législation linguistique dans ces communes flamandes disposant de
«facilités» en français.
Cependant, devant ce qu’elle considère comme
de l’«abus du bilinguisme systématique» exigé de la part des francophones,
l’Administration flamande a décidé de ne plus répondre d’abord en
français. Cela signifie que ceux qui ne comprennent pas le néerlandais n’ont
qu’à demander ensuite leurs documents en français, et ce, pour chaque document
et chaque année, s’il s’agit d’un document répétitif. Ce système a abouti à la
célèbre épisode de la «circulaire Peeters»,
qui est demeurée en vigueur. De toute façon, selon les
Flamands, les Wallons ont recours aux mêmes pratiques en Wallonie à l’égard des
Flamands habitant des communes francophones avec facilités en néerlandais.
Mais selon les
Wallons, ce ne serait pas exact pour différentes raisons. Il n’existe pas dans la
Communauté française ou dans la Région wallonne de réglementation ou de
circulaire du même ordre et, par ailleurs, dans les quatre communes à facilité
en Wallonie, le nombre de demandes de formulaires en néerlandais est
pratiquement anecdotique, et ce, même de la part d’authentiques Flamands qui y
habitent, ce qui fait «bondir» d’autant plus les autorités flamandes qui
estiment que les francophones en Flandre n’ont qu’à s’adapter de la même
manière, ce que ceux-ci refusent farouchement.
4.3 Le code linguistique: le néerlandais
Il existe en Flandre une réelle politique linguistique, et ce, bien que les services d'information du gouvernement flamand
affirment que
celui-ci n’a
pas de politique linguistique, car la langue relève soit du
gouvernement fédéral belge soit de la Nederlandse Taalunie (voir
le texte complet de l'Union de
la langue néerlandaise), une organisation intergouvernementale créée par le
royaume de Belgique (pour la
Flandre) et les Pays-Bas. À l’exception de quelques dispositions continues
dans le traité de Taalunie, les lois linguistiques en Belgique sont en
réalité des lois fédérales.
Selon les lois
en vigueur, tout changement en la matière ne peut se faire que par l’entremise
du gouvernement fédéral. Le gouvernement flamand, comme le gouvernement
wallon, ne fait qu'appliquer les lois belges, réglementant l'usage des langues
au plan local. Cependant, il existe un décret de la Communauté flamande en
date du 6 décembre 1972 (Moniteur belge 09/01/73) qui règle
l'usage des langues dans les administrations communales et provinciales,
les conseils des agglomérations, les organisations intercommunales, ainsi que les organismes relevant de ces mêmes institutions. L'article 1 du décret du 6 décembre
1972 affirme clairement que, sur le territoire flamand, le néerlandais est la
langue administrative sous sa forme écrite et sous sa forme orale. Dans le cas
contraire (articles 2 et 3), les décisions et les textes de toutes les
institutions mentionnées seront annulés ipso facto. En effet, tout
document administratif contraire aux lois en vigueur peut être annulé par les
instances supérieures, notamment par le gouverneur de la province (un fonctionnaire
fédéral) dans le cas des communes.
Contrairement à certaines décisions de la Communauté française (par
exemple, sur la promotion du français en territoire flamand), les
décrets flamands, dit-on, sont considérés comme conformes aux lois linguistiques
fédérales et doivent être appliqués également dans les communes à
facilités. Le gouvernement flamand a rappelé ces dispositions juridiques dans
une circulaire du 23 décembre 1978 publiée le 4 février 1988 dans le Moniteur
belge.
Pour ce qui est du traité de Taalunie (ou
Traité sur l’union linguistique), ratifié par le Vlaamse Raad (Parlement flamand) et les Staten-Generaal
(États généraux ou Parlement néerlandais), il lie la Flandre et les Pays-Bas
(mais une disposition permet d'y inclure le Surinam et les
Antilles néerlandaises). La Taalunie a instauré la Commission
interparlementaire, la Nederlandse Taalunie (Union de la langue
néerlandaise), qui constitue une assemblée distincte. Elle compte 11 membres
du Parlement flamand et autant de membres des Staten-Generaal
(États généraux ou Parlement des
Pays-Bas). Créée le 9 septembre 1980 à Bruxelles, la Taalunie coordonne les politiques flamande et
néerlandaise en vue de l'illustration et la promotion de la langue et de la littérature
néerlandaises. C'est cette commission qui a statué sur la nouvelle
orthographe.
À l’article 1er du
traité, rédigé en néerlandais, il est stipulé que l’Union linguistique a comme objectif
l'intégration du royaume des Pays-Bas et du royaume de Belgique (Communauté néerlandaise) en ce
qui a trait à la langue néerlandaise dans sa plus
grande étendue:
Artikel 1
Het Koninkrijk
België en het Koninkrijk der Nederlanden stellen bij dit Verdrag de
Nederlandse Taalunie in (hierna te noemen de Taalunie) |
Article 1
[traduction]
Le royaume de Belgique et le royaume des Pays-Bas, par la
présente Convention, créent l'Union de la langue néerlandaise (Taalunie)
ci-après dénommée l'Union linguistique. |
L’article 2 du
traité de Taalunie précise que ces dispositions
comprennent la langue des sciences, la langue en tant qu’objet littéraire et
artistique, l'enseignement de la langue et de la littérature néerlandaise,
ainsi que la langue comme véhicule des relations sociales:
Artikel 2
1) De Taalunie heeft tot doel de integratie van Nederland en de
Nederlandse gemeenschap in België op het gebied van de Nederlandse taal en
letteren in de ruimste zin.
2) Tot dit gebied behoren: de taal en letteren als onderwerp van
wetenschap, de letteren als vorm van kunst, de taal als communicatiemiddel
van de wetenschappen, de taal als medium van de letteren, het onderwijs
van de taal en van de letteren en, meer in het algemeen, de taal als
instrument van maatschappelijk verkeer. |
Article 2
[traduction]
1) L'Union linguistique a pour but d'intégrer, au sens le
plus large du terme les Pays-Bas et la Communauté néerlandaise de Belgique
dans le domaine de la langue et des lettres.
2) Ce domaine comprend la langue et les lettres comme
objets d'étude scientifique, les lettres en tant qu'art, la langue en tant que
moyen d'expression des sciences, la langue en tant que support des lettres,
l'enseignement de la langue et des lettres, et plus généralement, la langue en
tant que véhicule des relations sociales.
|
En vertu de l’article 4 du
traité de Taalunie, les domaines concernés sont
l'orthographe, la néologie et la normalisation des mots nouveaux, notamment dans
l'industrie et la justice, la codification de grammaires, de dictionnaires et de
répertoires de mots, les champs d’études scientifiques d’ordre linguistique,
ainsi que l’adoption de stratégies communes dans l’éventualité où la langue
néerlandaise serait menacée par d'autres organisations ou d’autres États:
Artikel 4
De Hoge
Verdragsluitende Partijen besluiten tot:
A. de oprichting en de instandhouding van gemeenschappelijke instellingen
voor de verwezenlijking van doelstellingen en maatregelen die in dit
Verdrag zijn overeengekomen;
B. het
gemeenschappelijk bepalen van de officiële spelling en spraakkunst van de
Nederlandse taal;
C. het
gemeenschappelijk bepalen van een gelijke terminologie ten behoeve van
wetgeving en officiële publikaties;
D. het voeren
van een gemeenschappelijk beleid met betrekking tot particuliere
initiatieven op het gebied van woordenboeken, woordenlijsten en
grammatica's;
E. het
gemeenschappelijk bepalen van de toetsstenen voor het behalen van het 'Getuigschrift
Nederlands als Vreemde Taal' en het gezamenlijk toekennen van het
Getuigschrift;
F. het voeren
van een gemeenschappelijk beleid met betrekking tot de Nederlandse taal
en letteren in internationaal verband, in het bijzonder in de Europese
Gemeenschappen;
G. het plegen
van overleg, wanneer in hun betrekkingen tot derde landen of tot
internationale instellingen of bijeenkomsten de belangen van de
Nederlandse taal of de doelstellingen van dit Verdrag in het geding zijn. |
Article 4
[traduction]
Les Hautes Parties contractantes décident:
A. De créer et maintenir des institutions communes en
vue de la réalisation des objectifs et des mesures arrêtées dans la
présente convention;
B. De fixer en commun l'orthographe et la grammaire
officielles de la langue néerlandaise;
C. De fixer en commun une terminologie uniforme pour
la législation et les publications officielles;
D. De mener une politique commune à l'égard des
initiatives privées dans le domaine des dictionnaires, glossaires et
grammaires;
E. De fixer en commun les critères d'obtention du
certificat attestant de la connaissance du néerlandais, intitulé «Getuigschrift
Nederlands als Vreemde Taal», et d'octroyer en commun ledit certificat;
F. De mener une politique commune à l'égard de la
langue et des lettres néerlandaises dans le contexte international et en
particulier dans le cadre des Communautés européennes;
G. De se consulter lorsque l'intérêt de la langue
néerlandaise ou les objectifs de la présente Convention seront mis en jeu,
soit dans leurs rapports avec des pays tiers, soit dans le cadre
d'institutions ou de réunions internationales.
|
L'article 5 du
traité prescrit une stratégie commune des deux pays (Flandre et
Pays-Bas) pour l'étude scientifique de la langue, la promotion du néerlandais
et de sa littérature, l’utilisation plus pédagogique du néerlandais dans
l'enseignement, l’emploi de la langue dans l’administration gouvernementale,
l’élaboration d’une culture et d’une langue communes entre les deux pays,
la promotion de la langue néerlandaise à l'étranger et le développement de
la traduction:
Artikel 5
De Hoge
Verdragsluitende Partijen zullen bovendien, waar zij dit nodig achten,
gezamenlijk:
A. het wetenschappelijk onderzoek op het gebied van de Nederlandse taal
en letteren alsmede de ontwikkeling van de Nederlandse letteren
aanmoedigen, daarbij inbegrepen het uitgeven en het verspreiden van
boeken;
B. het
onderwijs in de Nederlandse taal en letteren bevorderen en ernaar streven
dat daarbij wordt uitgegaan van de eenheid van de taal en de
gemeenschappelijkheid van de letteren;
C. streven
naar een verantwoord gebruik van de Nederlandse taal, in het bijzonder in
het onderwijs en in het ambtelijk verkeer;
D. op het
gebied van de massamedia initiatieven aanmoedigen die de verwezenlijking
van de doelstellingen van de Taalunie beogen;
E. de instelling van databanken op het gebied van de terminologie en het
opstellen van woordenlijsten bevorderen;
F. het
onderwijs in de Nederlandse taal, letteren en cultuurgeschiedenis in het
buitenland bevorderen of organiseren;
G. de verspreiding in het buitenland van de Nederlandse letteren, al of niet in
vertaling, aanmoedigen;
H. particuliere initiatieven die tot de verwezenlijking van de
doelstellingen van de Taalunie kunnen bijdragen, aanmoedigen. |
Article 5
[traduction]
En outre, les Hautes Parties contractantes, lorsqu'elles
le jugeront nécessaires, agiront en commun:
A. Pour encourager la recherche scientifique dans le
domaine de la langue et des lettres néerlandaises, ainsi que
l'épanouissement des lettres néerlandaises, y compris la publication et la
diffusion de livres;
B. Pour promouvoir l'enseignement de la langue et des
lettres néerlandaises et faire en sorte que cet effort s'appuie sur
l'unité de langue et sur la communauté des lettres;
C. Pour prôner un emploi judicieux de la langue
néerlandaise, en particulier dans l'enseignement et dans l'administration;
D. Pour encourager, au niveau des média, les
initiatives qui visent à la réalisation des objectifs de l'Union
linguistique;
E. Pour encourager, dans le domaine de la
terminologie, la mise sur pied de banques de données et la création de
glossaires;
F. Pour encourager ou organiser la diffusion à
l'étranger l'enseignement de la langue, des lettres et de l'histoire de la
culture néerlandaise;
G. Pour encourager la diffusion à l'étranger des
Lettres néerlandaises, même sous forme de traductions;
H. Pour encourager les initiatives privées pouvant
contribuer à la réalisation des objectifs de l'Union linguistique.
|
Aujourd’hui, la promotion du néerlandais passe également
par sa présence dans l’industrie de l’informatique, le développement du
multilinguisme au sein de l’Union européenne, sans oublier les études concernant
la traduction automatique et l’intelligence artificielle. Le traité de Taalunie
(voir le texte complet) veut enfin
promouvoir une langue de qualité auprès des organismes gouvernementaux.
Par ailleurs, la Convention culturelle entre les Pays-Bas et la Flandre
(Culturel Verdrag Nederland-Vlaanderen) est entrée en vigueur le
1er mars 1997. L’objectif de cette convention consiste à favoriser une
collaboration structurelle entre la Flandre et les Pays-Bas dans les domaines de
la culture, de l'enseignement, des sciences et du bien-être social. La
convention néerlandaise vise également une représentation commune (Flandre et
Pays-Bas) dans les institutions européennes, quand il s’agit de la langue et
de la culture néerlandaises ainsi que de leur promotion. La Commission mixte
(Flandre et Pays-Bas) a été instituée afin que la Flandre et les Pays-Bas
puissent fonctionner «en qualité d'une seule et même région» sur le plan de
la culture. Outre un certain nombre de fonctionnaires, cette Commission mixte
comprend également différents experts spécialisés dans les domaines des
médias, de la culture, de l'enseignement et des sciences. Le premier avis
donné en 1998 par la Commission mixte concernait des émissions de télévision
communes par satellite.
Enfin, on peut citer une autre organisation «semi-officielle»: l'Algemeen
Nederlands Verbond ("Alliance pan-néerlandaise"). C'est une association néerlando-flamande pour la langue, la culture et la société. L'ANV a été
fondée en 1985, mais elle a fusionné, le 1er janvier 1997, avec l'Algemeen-Nederlands
Congres. Les principaux objectifs de l'Alliance pan-néerlandaise ont trait
à la défense et à la promotion de la langue et de la communauté culturelle
néerlandaise, ainsi que l'intégration culturelle flamande et néerlandaise. L’ANV
dispose d’un secrétariat ainsi qu'à deux bureaux dont l'un à La Haye et l’autre
à Bruxelles.
Cette politique relative à la langue néerlandaise est conforme à la toute
première mission de la Communauté flamande proclamée par décret en 1973,
soit «la défense et le lustre de la langue». Pour un ancien président du Vlaame
Raad: la langue néerlandaise doit «mobiliser en permanence l’attention
de la Communauté flamande tout entière».
4.4 La Région
bilingue de Bruxelles-Capitale
La région bilingue de Bruxelles-Capitale, nous le
savons, constitue un cas à part dans les politiques linguistiques belges.
La ville elle-même forme au centre du pays une enclave dans la province
du Brabant flamand avec, en 2007,
plus d'un million d'habitants (soit quelque 1 031 000),
dont 65 % à 70 % de francophones, 10 % de néerlandophones et de 20 % à
25 % d'allophones (Maghrébins, Turcs, Italiens, Espagnols, etc.), tous en voie de
francisation.
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- Statut juridique à parité
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Même si les Flamands y sont très minoritaires, ils ont
acquis un statut juridique à parité avec les francophones. Le rapport Harmel
de 1958 avait prévu que, même si la Wallonie et la Flandre devaient restées
unilingues de façon à respecter le caractère homogène des deux principales
communautés linguistiques du pays, Wallons et Flamands devaient au contraire
cohabiter à Bruxelles et pouvoir conserver leurs caractères propres: «La
communauté wallonne et la communauté flamande doivent conserver les enfants nés
respectivement en Wallonie et en Flandre et émigrés à Bruxelles, de même
que ceux qui sont nés à Bruxelles de parents originaires de Wallonie et de
Flandre. Dans la capitale, l’élément personnel doit l’emporter sur l’élément
territorial.»
Aujourd’hui, le bilinguisme institutionnel est
obligatoire et s'applique à tous les organismes du gouvernement fédéral et
celui de la Région de Bruxelles-Capitale, mais non à ceux relevant de la
Communauté française ou de la Communauté flamande (nécessairement
unilingues): l'administration, les tribunaux, l'enseignement, l'affichage
institutionnel, les noms de rues (l'odonymie), les moyens de transport public,
etc. Bref, les Bruxellois choisissent leur «langue administrative»,
leur «langue de l’éducation», etc. |
Par exemple, un Bruxellois peut déclarer le turc comme
langue maternelle, le français comme «langue administrative», le néerlandais
comme «langue de l'éducation», et à nouveau le français comme «langue utilisée
pour les élections» (il y a des listes francophones et des listes
néerlandophones) et l’anglais pour les affaires commerciales. Bref, le bilinguisme
institutionnel à Bruxelles demeure obligatoire dans quatre domaines :
1) les organismes de l'administration fédérale;
2) les organismes de l'administration de la Région de Bruxelles-Capitale;
3) les organismes des 19 administrations communales;
4) les organismes des institutions et associations bi-communautaires.
Ainsi, à l’intérieur des limites de
Bruxelles-Capitale, les organismes de la Communauté flamande ne sont
pas tenus d’offrir des services dans les deux langues officielles. Ils
demeurent unilingues néerlandais, car ils ne s’adressent en principe qu'aux
seuls 100 000 néerlandophones, plus précisément ceux qui ont déclaré le
néerlandais comme «langue administrative» ou comme «langue de
l'éducation». Les décrets de la Communauté flamande n’ont force de loi
dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qu’à l’égard des
institutions qui dépendent de la Communauté flamande. La loi belge ne laisse
aucune doute sur ce point: le pouvoir des gouvernements communautaires à
Bruxelles n'est pas personnel, mais lié aux institutions des communautés.
Ainsi, la Communauté flamande règle l'emploi des
langues dans l'enseignement néerlandophone, l'administration communautaire, les
associations culturelles, etc. Comprenons bien : les citoyens bruxellois ne
sont pas tenus de déclarer leur langue maternelle, mais l’Administration,
tant fédérale que régionale et communale, demande à ceux qui font appel à
ses services de déclarer dans quelle langue ils veulent être servis.
Quoi qu’il en soit, les Bruxellois, tant
francophones que néerlandophones, reçoivent les services dans leur langue
maternelle chaque fois qu’ils s’adressent à un organisme relevant de la
juridiction du gouvernement fédéral, du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale ou encore des communes et des institutions bi-communautaires de l’agglomération bruxelloise. Il en est ainsi de la
plupart des entreprises privées.
On doit donc retenir que, si le régime de la
territorialité s’applique partout en Wallonie, c’est le régime de la
personnalité fondé sur les droits personnels qui prime dans la région
bilingue de Bruxelles-Capitale. Tout citoyen habitant la région bilingue de
Bruxelles-Capitale opte librement, et au cas par cas, pour le régime
linguistique de son choix, quelle que soit son origine ou sa commune de
résidence et quel que soit le service administratif auquel il s’adresse.
- Instruction et écoles
bruxelloises
En vertu de la loi du 30 juillet 1963 relative au régime
linguistique de l’enseignement (art. 5, § 1), la langue de l'enseignement
dans l'agglomération de Bruxelles-Capitale est le néerlandais ou le français,
selon la langue maternelle ou usuelle de l'enfant (c'est-à-dire langue
familiale). Ceci se faisait sur la base d’une déclaration linguistique du père
ou du tuteur, ce qui éventuellement pouvait faire l'objet d'un contrôle de la
part d’une commission linguistique. Désormais, les parents francophones
devraient envoyer leurs enfants aux écoles francophones, tandis que les
enfants des parents flamands devraient fréquenter les écoles flamandes.
Article 5
1) Dans l'arrondissement de Bruxelles-Capitale, la langue de
l'enseignement est le français ou le néerlandais selon le choix du chef de
famille lorsque celui-ci réside dans cet arrondissement.
2) Les sections dans lesquelles la langue de l'enseignement est le
français et les sections dans lesquelles la langue d'enseignement est le
néerlandais, ainsi que les sections de régime linguistique différent des
crèches, pouponnières et sections prégardiennes, ne peuvent être placées
sous une même direction et relèvent de l'inspection de leur régime
linguistique.
3) Dans le même arrondissement, l'État organise et subventionne aux
conditions fixées par le roi, les crèches, pouponnières et sections prégardiennes, ainsi que l'enseignement gardien et primaire, nécessaires
pour que les chefs de famille puissent exercer leur droit d'envoyer leurs
enfants, à une distance raisonnable, dans un établissement de leur choix,
où selon le cas, la langue véhiculaire ou la langue de l'enseignement est
le français ou le néerlandais.
|
L'article 17 (§ 4) de la
Loi concernant le régime
linguistique dans l'enseignement du 30 juillet 1963
prescrit, pour sa part, que les enfants habitant en dehors de l'agglomération
bruxelloise pourraient fréquenter les écoles de Bruxelles ou suivre les cours
dans la langue de la région de résidence. Ainsi, selon la loi, les enfants
habitant en Région wallonne ont l’obligation de s’inscrire dans les écoles
francophones, les enfants habitant en Flandre, dans les écoles flamandes de
Bruxelles. Mais ce même article 17 mentionne aussi qu'on peut déroger à
cette prescription par une «déclaration linguistique spéciale du père de
famille ou tuteur» (déclaration qui devrait être contrôlée et approuvée
par une commission linguistique). Ainsi, un enfant francophone de Flandre
pouvait suivre des cours dans une école francophone à Bruxelles ou en
Wallonie; la situation est semblable pour un enfant flamand de Wallonie qui peut être
inscrit à une école flamande à Bruxelles ou en Flandre.
Article 17
1) Chaque chef d'école est responsable de l'inscription d'un
élève dans un régime linguistique déterminé, conformément aux dispositions
des articles 6 et 7 et du présent article.
2) Dans tous les cas où la langue maternelle ou usuelle de l'enfant
détermine le régime linguistique de son enseignement, le chef d'école ne
peut procéder à son inscription dans un régime déterminé que sur
production :
a) soit d'un certificat du chef de l'école que l'élève vient de
quitter, attestant qu'il a fait ses études antérieures dans la langue de
ce régime;
b) soit d'une déclaration linguistique du chef de famille, visée par
l'inspection linguistique dans tous les cas où celle-ci ne met pas en
doute l'exactitude de cette déclaration;
c) soit d'une décision de la commission ou du jury mentionné à l'article
18.
3) Toutefois, lorsque l'enfant est inscrit pour la première fois
dans une école gardienne, le chef d'école peut inscrire l'enfant sur
production de la déclaration linguistique qui sera envoyée dans le mois à
l'inspection linguistique pour vérification.
4) Pour les élèves qui s'inscrivent dans une école de l'arrondissement de Bruxelles-Capitale et dont les parents résident en dehors de cet
arrondissement, la langue de l'enseignement sera la langue de la région de
la résidence des parents, sauf déclaration contraire du chef de famille et
approuvée par l'inspection linguistique.
|
Toutefois, par la loi du 26 juillet 1971 (Loi sur l'organisation des
agglomérations et fédérations communales), la
prescription de l'article 5 (§1) a été abrogée. Elle n'est donc plus en
vigueur, ainsi que l'obligation de la «déclaration linguistique». L'article 88 (§
1) de la loi du 26 juillet 1971 donne désormais la liberté aux parents résidant
dans l'agglomération bruxelloise d'envoyer leurs enfants dans les écoles de
leur choix. L’article 17 (§ 4) de la loi de 1963 demeure en vigueur selon
les termes utilisés par la loi, tout en respectant la possibilité de déroger
au principe. Donc, les parents néerlandophones habitant dans des communes «sans
facilités» peuvent, d’une part, envoyer leurs enfants dans les écoles
néerlandophones de Bruxelles à la condition de respecter les démarches
administratives prévues par la loi, d’autre, part, de leur faire fréquenter
une école en Flandre. Les mêmes règles s'appliquent aux enfants
francophones.
La loi prescrit explicitement que l’accès des écoles
est limité aux enfants néerlandophones dont les parents ont leur domicile
dans les communes à facilités. Ainsi, des parents néerlandophones résidant
dans une commune sans facilités ne peuvent pas envoyer leurs enfants à ces écoles,
mais ils peuvent les inscrire selon la loi dans les écoles de Flandre; cette réglementation
s’applique aussi pour les francophones. De même, les Flamands habitant dans
des communes wallonnes sans facilités n’ont pas le droit d’envoyer leurs
enfants à l’école flamande de Comines, mais ceux-ci peuvent suivre leurs
cours dans des écoles de Flandre. Si un francophone habite une commune
flamande «sans facilités», il ne pourra envoyer ses enfants à l'école en
français, mais il peut avoir recours aux écoles privées. Celles-ci peuvent
choisir leur langue d’enseignement: si elles ne sont pas supervisées par
l’État (ou les communautés), les programmes et diplômes ne sont pas
reconnus, sauf dans le cas des écoles qui accueillent les enfants des
fonctionnaires européens (en anglais, en allemand, en suédois, etc.). Il
n’y a pas d’écoles privées dans les communes à facilités.
Les diplômes des écoles étrangères établies en
territoire belge ne sont pas automatiquement validés et reconnus par
l’État belge, car ils sont reconnus sur demande, et ce, au cas par cas
(jamais collectivement). Ces écoles étrangères sont toutes des écoles
organisées par un État étranger. Ainsi, la Deutsche Schule (école
allemande) et le Goethe Institut de Bruxelles sont organisés et contrôlés
par la République fédérale d’Allemagne, le Lycée français Jean-Monnet par
la France, la Scandinavian School Queen Astridde Waterloo par la Norvège
et la Suède, la British Junior Academy of Brussels par le Royaume-Uni,
etc. Ces écoles respectent les programmes scolaires de leur pays d’origine,
les cours y sont donnés dans la langue officielle et les diplômes sont
reconnus par chacun de ces États. En vertu des règles établies par l’Union
européenne, l’État belge peut reconnaître de tels diplômes.
Au sujet de l’enseignement des langues secondes,
dans toutes les écoles de Bruxelles, l’enseignement du français est
obligatoire pour les néerlandophones (art. 10-11-12 de la
loi du 30 juillet 1963),
alors que le néerlandais est obligatoire pour les francophones:
Article 10
L'enseignement de la seconde langue est
obligatoire dans les écoles primaires de l'arrondissement Bruxelles-Capitale
et des communes visées à l'article 3, à raison de trois heures par semaine
au deuxième degré et de cinq heures par semaine aux troisième et quatrième
degrés. Toutefois, dans les écoles primaires créées par application de
l'article 6 dans les communes visées à l'article 3, 1o, le nombre
d'heures est porté respectivement à quatre et à huit.
La seconde langue sera le français ou le néerlandais.
Elle peut être l'allemand dans les arrondissements de Verviers, Bastogne et
Arlon.
Cet enseignement peut comprendre des exercices de
récapitulation des autres matières du programme.
Dans les communes visées à l'article 3, par. 1o,
un certain nombre de matières peuvent être enseignées dans la seconde
langue, dans l'enseignement secondaire. Le roi fixe ces matières ainsi que
leur nombre par chacune de ces communes.
Article 11
Dans les établissements d'enseignement
secondaire de l'arrondissement de Bruxelles-Capitale où une seconde langue
figure au programme, cette seconde langue sera le français ou le néerlandais.
Article 12
À la requête du chef de famille, sont dispensés
de l'étude de la seconde langue les enfants de nationalité étrangère,
lorsque le chef de famille fait partie d'une organisation de droit des gens,
d'une ambassade, d'une légation ou d'un consulat ou lorsque le chef de
famille ne réside pas en Belgique.
|
Quoi qu’il en soit, les Bruxellois, qu’ils soient francophones ou
néerlandophones, reçoivent en principe des services dans leur langue
maternelle chaque fois qu’ils s’adressent à un organisme relevant de la
juridiction du gouvernement fédéral ou du gouvernement de la Région de
Bruxelles-Capitale. Il en est ainsi de la plupart des entreprises privées.
Cependant, bien des néerlandophones se disent insatisfaits des services unilingues
français de la part de certains professionnels de la santé (personnel cadre,
personnel infirmier, personnel de soutien, etc.) dans les hôpitaux bruxellois;
on note aussi la même piètre qualité des services dans les casernes de
pompiers. Par contre, les entreprises néerlandophones recrutent généralement
du personnel bilingue, d’origine flamande il faut l’avouer, parce que
beaucoup de francophones ne savent pas parler convenablement le néerlandais.
Rappelons-le, on doit donc retenir que, si le régime de la territorialité s’applique
partout en Flandre, c’est le régime de la personnalité fondé sur les droits
personnels qui prime dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale. Tout
citoyen habitant la région bilingue de Bruxelles-Capitale opte librement, et au
cas par cas, pour le régime linguistique de son choix, quelle que soit son
origine ou sa commune de domicile et quel que soit le service administratif
auquel il s’adresse.
On peut affirmer que la politique linguistique de la Communauté flamande est
à la fois limitée et étendue. Compte tenu du fait que toutes les lois linguistiques
importantes ont été élaborées alors que la Belgique constituait encore un
État unitaire, la Communauté flamande (comme la Communauté française) est
limitée dans une sorte de carcan législatif dont elle ne peut aisément sortir. Par
exemple, le fait qu’elle ne puisse intervenir auprès des néerlandophones
dans les communes à facilités constitue une anomalie dans la mesure où elle
peut intervenir dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale.
En ce sens, son interventionnisme demeurent
limité d’autant plus que le gouvernement flamand ne peut élaborer une véritable
politique à l’égard de ses minorités, du fait qu’il doit tenir compte des
politiques du gouvernement de la Communauté française ou réagir constamment à
celles-ci, c’est-à-dire fonctionner dans un système politique complètement
polarisé.
Cependant, le gouvernement de la Communauté flamande reste souverain dans le
cadre de ses compétences et peut même conclure des traités internationaux.
Pour cette raison, la Communauté flamande jouit des mêmes prérogatives qu’un
État souverain. On trouve peu d’exemples du genre dans le monde.
|
Que l’on soit francophone ou néerlandophone, il n'est pas toujours
aisé d'être bruxellois, car la capitale est restée le théâtre des
affrontements entre les deux grandes communautés. La ville de Bruxelles, officiellement
bilingue mais majoritairement francophone, est enclavée dans le territoire
flamand. Dans ces conditions, les représentants des deux communautés ont
parfois tendance à simplifier les choses en fonction de leurs propres intérêts. On
peut citer quelques exemples significatifs, dont l'interprétation se veut, pour
cette page, le reflet des positions flamandes. De façon générale, il faut souligner que les
Flamands peuvent beaucoup plus s'opposer aux francophones de Bruxelles qu'aux
Wallons de Wallonie. |
5.1 La mauvaise qualité des services
bilingues
Du point de vue des néerlandophones, le plus grave problème proviendrait de la piètre
qualité des services publics en matière de bilinguisme officiel. On sait
que l’attribution des emplois gouvernementaux doit toujours également
être répartie entre Flamands bilingues (50 %) et francophones bilingues
(50 %). Beaucoup de francophones employés par le gouvernement fédéral ou
celui de la Région de Bruxelles-Capitale refuseraient carrément de parler le
néerlandais, l’autre langue officielle. Dans les hôpitaux, il y aurait une
grave pénurie de médecins et surtout de personnel infirmier pouvant s’exprimer
en néerlandais. Dans les services gouvernementaux, les cadres supérieurs à
Bruxelles sont souvent des francophones qui auraient tendance à avantager ceux
qui parlent français aux dépens des néerlandophones. Par exemple, certains
services auraient délibérément fait abstraction des lois linguistiques et
auraient décidé d'embaucher des francophones qui ne connaissent pas le
néerlandais ou le connaissent de façon très limitée. Le gouvernement
flamand affirme avoir particulièrement observé cette pratique à la SNCB (Société
nationale des chemins de fer belges), à la STIB (Société des transports intercommunaux de Bruxelles: bus, tram
et métro), ainsi que dans les hôpitaux publics de la région
bruxelloise.
La Commission permanente de protection linguistique a reçu un grand
nombre de plaintes contre ces services de piètre qualité; on a même constaté une politique
anti-flamande et un refus manifeste de parler néerlandais ou de servir les citoyens
dans cette langue. Les Flamands disent n'exiger que l'application des lois
linguistiques, mais ce serait les francophones qui créeraient des problèmes en
raison de leur refus systématique de parler le néerlandais ou de l’apprendre, le signe, dit-on, d’une vieille habitude francophone héritée d’une époque révolue.
En fait, ce qui se passe dans la plupart des
cas précités, (hôpitaux, SNCB, STIB, etc.), c’est que les employeurs éprouvent
les pires difficultés à recruter du personnel bilingue. Pour le demandeur
d’emploi flamand habitant loin de Bruxelles, y travailler représente une sorte
d’exil et il n’est pas demandeur, car il trouve généralement un emploi très
proche de chez lui. Par conséquent, comme à Bruxelles même, il n’y a guère de
néerlandophones, bon nombre d’emplois restent ainsi vacants et, pour parer au
plus pressé, les employeurs publics finissent par recruter (sans nomination
possible) du personnel francophone bruxellois auquel il est alors demandé, s’il
veut bénéficier de la sécurité d’emploi, d’apprendre le néerlandais, ce qu’il ne
fait quasiment jamais, étant convaincu qu’il sera recalé à l’examen linguistique
au SELOR (nom provenant de SELection et
ORientation pour désigner un organisme fédéral chargé des examens linguistiques officiels, lesquels
ont la réputation d’être difficiles).
5.2 La Police fédérale
La Police fédérale est exemptée de la loi concernant la
répartition égale des postes (la gendarmerie belge
faisait partie de l’armée jusqu'à il y a quelques années). Comme les Flamands sont généralement bilingues,
on constate un nombre plus élevé de Flamands dans la Police fédérale à Bruxelles.
C’est pourquoi certains politiciens francophones, notamment les membres des
partis dits «extrémistes» comme le FDF (Front démocratique des francophones),
répètent inlassablement (surtout à l'étranger) que la ville de Bruxelles est
occupée par des «boches», car dans certains cercles francophones on
considèrerait les Flamands comme des «demi-Allemands» et des «collaborateurs des
nazis».
Du côté flamand, on
estime que, si les francophones étaient capables de parler
le néerlandais en plus grand nombre, Bruxelles ne serait pas dans une situation aussi problématique.
5.3 Les tribunaux
Les carences en fait de bilinguisme institutionnel semblent particulièrement
criantes dans les cours de justice. Tout Bruxellois peut constater facilement le
nombre nettement insuffisant de magistrats francophones bilingues, lesquels sont
devenus une denrée rare, alors que les magistrats flamands bilingues sont en
nombre suffisant; et la situation semble s'aggraver au lieu de s’améliorer.
Dans ces conditions, il n’est pas surprenant de constater que les services
administratifs qui violent les lois relatives au bilinguisme ont tous été
condamnés par les tribunaux. En 1998, le gouverneur-adjoint de Bruxelles (un fonctionnaire
fédéral) constatait que 92,8 % des nominations dans les services de la
sécurité sociale transgressaient la loi, les francophones ne sachant pas parler le
néerlandais. Au sein de l’administration des communes bruxelloises, on a
compté 26 % de francophones nommés illégalement à des postes pour lesquels
le bilinguisme est exigé. Toutes ces nominations ont été cassées par les
tribunaux compétents. Ces faits ont pourtant été contestés par les francophones.
Or, ce sont
justement ces irrégularités dans l'application des lois linguistiques
qui
constitueraient, pour les Flamands, l’essentiel des débats linguistiques au Parlement fédéral
et au Parlement flamand! Il faut souligner que la plupart des Flamands qui postulent un
emploi dans la fonction publique à Bruxelles réussissent les tests
linguistiques de français, alors que fort peu de francophones les passent avec
succès. D'après les Flamands, les francophones auraient enfin trouvé une solution au problème:
au lieu de former davantage les candidats, on aurait simplifié les tests
linguistiques afin de les rendre plus faciles, ce que nient les francophones.
5.4 L'apprentissage du néerlandais chez
les francophones
Pour les Flamands, il faut le répéter, une grande partie des
frustrations des Flamands provient du
fait que
trop de
francophones refusent de parler ou d’apprendre le néerlandais. Le phénomène
de rejet dont parlent les francophones au sujet des écoles et de l’apprentissage
du néerlandais en serait un de refus systématique du fait flamand, non un
problème d’incompétence linguistique inhérent aux francophones (ce qui
paraît ridicule!). Il n’est pas
normal que les élèves apprennent mieux l'anglais en 250 heures que le
néerlandais en 1000 heures — mais c'est un phénomène qu'on retrouve dans
certains cantons suisses-romands à l'égard de l'allemand et au Canada à l'égard de
l'anglais ou du français. D’ailleurs, beaucoup de francophones bruxellois préfèreraient
parler anglais pour éviter de recourir au néerlandais. Il est vrai que de
nombreuses entreprises, tant francophones que néerlandophones, utilisent l’anglais,
parfois comme «langue d’évitement», mais aussi parce que «c’est la
mode»: raisons sociales, noms de cafés, d’établissements commerciaux, d’hôtels, de
restaurants, etc. Ce refus du néerlandais constitue sûrement pour les Flamands
l'un des plus importants reproches adressés aux francophones, ainsi que leur
condescendance flagrante à l'égard du groupe linguistique flamand.
Par ailleurs, beaucoup de francophones font de réels
efforts pour apprendre le néerlandais ou en assimiler les rudiments. Certains ont même mis leurs enfants dans une école flamande, à tel point que des
responsables flamands ont pu affirmer: «Notre enseignement est le meilleur, mais nous ne
pouvons pas prendre plus de francophones, cela fait baisser la moyenne et ce
sont tous les Flamands qui paient pour cela, donc il faut avoir moins de
francophones dans nos écoles.» De nombreux eurocrates bruxellois ont qualifié de «forme non
violente de fascisme» ce curieux mélange de fierté nationale, de politique de
droite, de pureté linguistique et d'opposition à l'immigration. Le
gouvernement flamand s'en défend bien, mais le mal est fait et il doit tenter de
réajuster le tir.
5.5 Les politiques d'intégration
Afin de favoriser l'intégration des francophones et des
étrangers, l'ancien ministre Frank
Vandenbroucke, chargé de
la «préservation du caractère flamand de la périphérie bruxelloise», avait fait
approuver par le gouvernement flamand, le 24 octobre 2004, une note de politique
générale 2004/2009, qui actualisait et renforçait la «circulaire Van den Brande» de
1996, en rappelant la «nécessité de garantir l’identité flamande de la Région».
Cette politique se voulait avant tout une politique d'intégration. L’objectif
était
de faire en sorte que chaque Flamand puisse participer activement à la vie
civique. Cette intégration civique était perçue comme une manière adéquate de donner
cette possibilité aux «nouveaux Flamands». La politique
d’intégration civique est destinée aux étrangers de 18 ans et plus, qui viennent
s’installer à long terme en Flandre ou à Bruxelles.
Cette politique est conforme au décret du 28
février 2003 relatif à la politique flamande d'intégration civique.
D’après le décret du 28 février 2003, l’intégration civique,
dont la formation linguistique fait partie, a un double objectif : permettre aux
étrangers de «se familiariser avec leur nouvel environnement social» et
faciliter «leur reconnaissance, par la société, en tant que citoyens à part
entière, dans le but d’arriver à une pleine participation [...] à la société».
- L'intégration civique
En septembre 2007, le même ministre Marino Keulen
annonçait un nouveau «parcours d'accès à la citoyenneté» (Inburgering),
ce qu'on peut appeler l'«intégration civique». La personne
assujettie à l’obligation d’intégration civique doit remplir les
deux conditions suivantes :
1) se présenter à temps au bureau
d’accueil «Intégration civique»;
2) suivre régulièrement les cours (au moins 80 %) dans le cadre
du parcours d’intégration civique primaire.
Les cours de néerlandais comme langue seconde
sont dispensés par les centres d’éducation de base, les centres
d'éducation des adultes et les centres universitaires de langues.
Ces cours ont une durée de 120 à 180 heures, selon la formation des
intéressés. Une attestation est remise aux étrangers qui ont atteint
les objectifs de la convention d’intégration.
Il existe aussi un «parcours d’orientation»
pour les nouveaux arrivants mineurs qui ne parlent pas le
néerlandais. Ce parcours plus particulier implique que le bureau
d'accueil Inburgering les accompagne lors de l’inscription
dans une école ou dans l’enseignement d’accueil. Ces nouveaux
arrivants mineurs ont ainsi l’occasion d’apprendre le néerlandais
plus rapidement et de rattraper leur éventuel retard.
Les citoyens qui ne remplissent pas
l’obligation d’intégration civique peuvent encourir une amende.
Jusqu'ici, il existait une amende de 125 € (190 $ US) pour les
personnes trop récalcitrantes à apprendre le néerlandais. Cependant,
ces amendes n'étaient jamais appliquées parce qu'elles étaient
inadaptées (trop
peu élevées). Par la voix du journal De Morgen («Le Matin»),
le ministre Keulen précisait que dorénavant ces amendes pourront
s'élever jusqu'à 5000 € (7800 $US), tout en pouvant s'échelonner
entre 50 € (78 $US) et le maximum de 5000 € (7800 $US).
Souvent décriée par les francophones, la politique flamande oblige
les immigrants à suivre des cours de néerlandais, d’instruction
civique et d’orientation dans la société flamande. La Flandre a créé
à cet effet une dizaine de
«Maisons du néerlandais» (''Huis van het Nederlands'').
Celles-ci servent de lieu d’accueil des immigrants et l’on y
dispense des cours et des stages en néerlandais et en anglais selon
quatre niveaux: 1) grands débutants, 2) faux débutants, 3)
intermédiaire / conversation, 4) avancé / conversation.
Selon Claire Foblets, professeur de droit et d'anthropologie à la
Katholieke Universiteit Leuven, la Katholieke Universiteit Brussel
et l'Universiteit Antwerpen:
La Flandre invite les nouveaux arrivants à s’inscrire
dans une trajectoire qui leur permettra de participer
pleinement à la société. D’ailleurs, nous avons
découvert que les immigrants étaient très demandeurs. |
Ainsi, dans certains
cantons suisses, les autorités vérifient les connaissances
linguistiques des candidats à l'immigration par un test oral, mais
dans d'autres le candidat est aussi soumis à une épreuve écrite. En
Allemagne, certains Länder administrent des test linguistiques. En
principe, les citoyens de l'Union européenne sont exemptés de ce
genre d'obligation, mais la Flandre se réserve le droit d'être plus
restrictive avant d'accepter de nouveaux citoyens. Par exemple, le
décret flamand oblige les arrivants établis en Flandre à étudier le
néerlandais s’ils bénéficient d’allocations de chômage ou d’attente;
ceux qui refuseraient d’obtempérer pourrait voir leurs allocations
supprimées. Pour Marie-Claire Foblets: «C’est une politique qui vise
d’abord l’intégration et non pas l’exclusion. Il faudrait même en
faire plus.» De fait, le décret du 28 février 2003 ne semble
pas avoir eu les effets attendus. De nombreux étrangers ne
se sont pas fait enregistrer auprès des bureaux d'accueil et les
sanctions prévues pour ceux et celles qui ne respectent pas leurs
obligations n'ont pas été appliquées (d'où la hausse des amendes). De plus, l'offre de
cours paraît insuffisante pour répondre aux besoins de tous les
étrangers.
Pour les autorités flamandes, toutes ces mesures visent des objectifs
d'ouverture, de tolérance, d’intégration et
d’émancipation. C'est pourquoi les Flamands n'acceptent
pas «d’être diabolisés en tant que racistes ou égoïstes à
l’étranger». Pour les francophones, ces propos ne paraissent
guère attendrissants, car ils estiment qu'ils ne seraient
acceptés que s'ils s'assimilaient dans une Flandre «ethniquement
pure».
- Le logement social
Le nouveau programme (Wooncode ou
Code flamand du logement) contient certaines dispositions concernant l’emploi du
néerlandais en ce qui a trait à l'accès au logement social. Pour bénéficier de ce type de
logement, il faut dorénavant faire preuve d’une «bonne intégration flamande» ou
s'engager «à apprendre le néerlandais». Il faut aussi réussir ces examens,
sinon le bien immobilier sera vendu malgré les titres de propriété, et ce, aux
frais de l'ex-propriétaire. Les Flamands estiment qu'ils offrent
à tout candidat à l'obtention d'un logement social, qui ne parle pas le
néerlandais, de le diriger vers un centre où il sera invité à passer des tests
et, le cas échéant, à suivre jusqu'à 240 heures de cours gratuits de
néerlandais.
Cependant, en 2006, un comité des Nations unies chargé de lutter
contre la discrimination raciale a accusé le gouvernement flamand d'avoir voulu
limiter l'attribution de logements sociaux aux seules personnes parlant le
néerlandais. Le rapport du comité soulignait:
Le comité est préoccupé par
l'adoption par le gouvernement flamand en décembre 2006 d'un décret
restreignant l'accès aux logements sociaux aux personnes qui parlent ou
qui ont pris l'engagement d'apprendre le néerlandais. [...] Le comité est
en outre préoccupé par le fait que la municipalité de Zaventem, près de
Bruxelles, a adopté un règlement restreignant la vente de terrains à
bâtir communaux aux seules personnes parlant le néerlandais ou qui
s'engagent à l'apprendre. |
Il faut comprendre que les autorités flamandes désirent
avant tout préserver «le
caractère néerlandophone» de la périphérie bruxelloise en raison de l'arrivée de
nombreux habitants francophones. Pour leur part, les francophones y voient une
façon détournée de les dissuader d'habiter «en Flandre», mais pour les Flamands
ces décisions ont uniquement pour but de faciliter l'intégration des citoyens
qui s'installent dans la région néerlandophone. Selon le ministre flamand des
Affaires intérieures, de la Politique urbaine, du Logement et de
l’Intégration civique, M. Marino Keulen : «Il n'y a pas d'examen, pas d'obligation de
résultat, mais seulement une obligation de faire des efforts pour apprendre le
néerlandais.» En juin 2008, Marino Keulen déclarait au
journal francophone Le Soir :
La disposition
imposant d’apprendre la langue, dans le Code flamand
du logement, n’a jusqu’à présent empêché aucun Belge
francophone à louer un logement social en Flandre.
Il implique que les candidats locataires d’un
logement social ne disposant pas d’assez de
connaissances de base du néerlandais, sont tenus de
suivre gratuitement des cours élémentaires de
néerlandais, sans devoir ensuite présenter ou
réussir un quelconque test. J’ai introduit cette
disposition, d’apprendre le néerlandais, pour
diverses raisons : je souhaite améliorer la
communication entre les bailleurs et les locataires,
je tiens à améliorer la cohésion sociale et la
viabilité dans les quartiers d’habitation, et je
souhaite avant tout offrir davantage la possibilité
aux locataires non néerlandophones de logements
sociaux, qui ne fût-ce que de par leur revenu sont
plus défavorisés et plus incertains de leur
existence, de s’émanciper socialement et d’être plus
autonomes.
Ce faisant, la Flandre rajoute au droit
constitutionnel au logement une chance
d’émancipation sociale supplémentaire qui est unique
au monde.
|
D'autres ministres du gouvernement flamand auraient également
pris des initiatives dans des domaines tels que l’enseignement,
le travail, la culture, le bien-être, l’égalité des chances, la
fiscalité, etc. Dans la même foulée,
certaines communes
flamandes ont également interdit la vente de terrains à bâtir à des non-néerlandophones ainsi que l'affichage
et l'utilisation du français dans les marchés publics, question
de favoriser l'intégration.
Le gouvernement de la Communauté française
a entamé un recours en annulation contre certaines articles du
Code du logement
flamand (Wooncode),
notamment en matière linguistique. Le 10 juillet 2008, la Cour
constitutionnelle a rejeté en grande partie le recours en
annulation de la Communauté française. Cependant, la Cour a
précisé que l’obligation d’avoir la volonté d’apprendre le
néerlandais et les sanctions qui s’y attachent ne s’appliquent
pas aux candidats locataires et locataires d’un logement social
situé dans les six communes à facilités de la périphérie
bruxelloise. Ce faisant, la Cour constitutionnelle établit
une différence entre le statut des six communes à
facilités (où vivent en moyenne plus de 75 % de francophones)
et les autres communes néerlandophones. Or, les
autorités flamandes
désiraient à tout prix intégrer en Flandre les habitants
francophones de ces six communes. Pour les francophones,
cette «ouverture» signifie la possibilité de rattacher les communes
périphériques à la
Région bruxelloise.
- L'école et les activités parascolaires
L'école doit constituer un
instrument d'intégration. C'est pourquoi certaines communes ont restreint
les sorties scolaires (cours de natation, randonnées, etc.) aux enfants qui ne
parlent pas le néerlandais parce qu'ils causeraient bien des
inconvénients aux autres élèves «normaux». Chez certains responsables flamands,
il faut que les sorties scolaires aient un «caractère flamand» (Vlaams
karakter). Par ailleurs, à Zaventem, un
règlement de travail a interdit en 2007 au personnel enseignant d’utiliser une
autre langue que le néerlandais dans leurs contacts avec les parents et élèves;
la commune de Merchtem avait fait de même en
2006.
En même temps,
les autorités flamandes ont annulé de nombreuses nominations d'enseignants
francophones pour raison de méconnaissance du néerlandais. Dans certains
établissements scolaires, le gouvernement flamand a interdit l’usage du français
«aux alentours de
l’école» ("omgeving"). Mais les
autorités scolaires n'ont guère précisé ce qu’elles entendent par «les
alentours de l’école». Certains élèves ont été
punis parce qu'ils parlaient le français entre eux sur la voie publique.
Les francophones comprennent que leur langue est interdite dans l'usage privé,
ce qui est illégal «entre particuliers», selon la législation et la
constitution belges.
- Les terrains de jeux
Toujours dans le but de favoriser l'intégration, dans la
petite commune flamande de Liedekerke (5 % de francophones), un nouveau
règlement sur les «plaines de jeux» (parcs ou terrains de jeux, généralement
clôturés, avec divers équipements tels que des bacs à sable, balançoires, etc.)
prévoyait en mars 2008 que le moniteur principal aurait l'autorisation de
refuser des enfants qui ne parlent pas ou ne comprennent pas le néerlandais. Le
bourgmestre Luc Wynants justifiait ainsi le règlement pour des raisons de
sécurité: «Quand il faut s'occuper d'un groupe d'enfants et les laisser jouer en
toute sécurité, il est important qu'ils comprennent ce que les moniteurs leur
disent. Dans le passé, nous avons eu beaucoup d'enfants qui venaient dans nos
plaines de jeux, même de Bruxelles, et qui ne connaissaient pas le néerlandais.»
L'interdiction est également valable aux enfants qui n’habitent pas la commune
ou qui ne peuvent prouver un lien familial direct avec un habitant de la
commune.
Quelques jours plus tard, Marino Keulen, le ministre
flamand des
Affaires intérieures, de la Politique urbaine, du Logement et de
l’Intégration civique admettait que le règlement relatif aux «plaines de jeux»
de Liedekerke était illégal et que son application pouvait être annulée par le
gouvernement flamand, mais que néanmoins la
réglementation pouvait s’appliquer aux enfants qui n’habitent pas Liedekerke.
Le ministre Marino Keulen a dû admettre: «L’exclusion ne constitue pas une bonne
manière de promouvoir l’intégration.» Mais de nombreux Flamands croient qu'une
telle mesure est un bien pour les jeunes enfants parce qu'il s'agit de leur
sécurité. On imagine un règlement similaire en Californie où, dans les parcs, on
exclurait les enfants hispanophones! Un peu comme lorsqu'il y avait des bus, des
écoles ou des aires de jeux pour les Noirs, d'autres pour les Blancs.
- Les mesures de délation
En mars 2008, le bourgmestre de la commune flamande d'Overijse, Dirk Brankaer, déjà connu pour ses
politiques nationalistes, a décidé d'installer, avec l’aide de quelques volontaires, une «centrale de dénonciation»
où les citoyens pouvaient venir déposer des «plaintes linguistiques», par exemple au
sujet de brochures publicitaires dans une autre langue, ou des panneaux
d’agences immobilières dans une autre langue, même en anglais ou en allemand. L'avis municipal,
paru dans le journal De Overijsenaar,
précisait qu'il est possible de communiquer toute infraction au statut
linguistique néerlandophone de la commune d’Overijse à une adresse de courriel (taalklacht@gmail.com).
Il était écrit ce qui suit:
Décrivez toujours bien les
circonstances précises (lien et moment) et précisez l’information de
la manière suivante: nom et adresse, et des éléments de preuve tels
qu’une photo ou une copie d’une brochure …. La commune d’Overijse
peut ensuite, en fonction de la nature de la plainte, adresser une
requête amicale à l’entreprise ou au commerce. De toute façon, fin
2008, la commune donnera aux entreprises et aux commerces et
sociétés commerciales des conseils pratiques pour développer le
caractère néerlandophone de notre commune. Les plaintes écrites
peuvent être adressées à la commune d’Overijse – Direction flamande,
Place Justus-Lipsius, 9, à 3090 Overijse.
(Traduction) |
Évidemment, les
francophones ont dénoncé la chasse aux sorcières du bourgmestre. Mais celui-ci
s'est bien
défendu d'avoir voulu inciter ses administrés à la délation:
Nous ne voulons rien interdire aux commerçants, mais les inciter à
conserver le caractère flamand à nos rues. Il n'est pas plus
question d'un appel à la délation. Nous avons simplement mis sur
pied un point de contact central où l'on peut adresser des plaintes. |
Après le
ministre flamand des Affaires intérieures (älors Marino Keulen), le premier ministre
belge Yves Leterme (à l'époque) avait dénoncé, lui aussi, l'initiative de la commune d'Overijse :
«Je peux comprendre que la commune d'Overijse soit soucieuse de son statut
culturel et linguistique. Cependant, l'utilisation d'un tel procédé n'est pas
acceptable.» Le premier ministre belge a justement rappelé l'article 30 de la
Constitution
fédérale, qui précise que l'emploi des langues usitées en Belgique est
facultatif et ne peut être réglé par la loi qu'en ce qui concerne les actes de
l'autorité publique et pour les affaires judiciaires. Autrement dit, l'emploi des
langues dans les relations commerciales et privées n'est pas sujet à une
réglementation spécifique.
En décembre 2011, la commune de Grimbergen (env. 35 000
habitants) située dans la province du Brabant flamand, a aussi fait parler
d'elle. En effet, la bourgmestre, Mme Marleen
Mertens, a invité ses habitants à déposer une plainte si un commerçant de la
commune était surpris à parler dans une autre langue que le néerlandais. Au
journal Le Soir (du 7 décembre 2011), la bourgmestre expliquait ainsi une
telle mesure:
On
fait des actions depuis des années pour conserver le caractère
flamand de Grimbergen. Il ne s'agit pas d'une délation. Je vous
donne un exemple : quand vous allez au restaurant, le menu ne peut
plus être bilingue. S'il l'est, vous pouvez déposer une plainte. Il
s'agit d'une mesure normale. Si je vais en Wallonie, j'achète en
parlant le français. C'est la même chose en Flandre. C'est un
exercice de langue, les gens peuvent s'exercer au néerlandais et
ainsi faciliter leur intégration. |
L'objectif principal, selon Marleen Mertens, est d'accepter la langue du
territoire dans toutes les inscriptions et informations commerciales.
Ainsi, on ne doit pas trouver de légumes affichés en français au marché, ni de menu
en néerlandais au restaurant, etc. Pour les francophones, il s'agit là d'un
appel à la délation; pour les Flamands, c'est une question d'intégration.
D'ailleurs, Mme Mertens assure qu'une
conversation entre deux habitants ne peut pas faire l'objet d'une plainte d'une
tierce personne qui l'aurait entendue. Heureusement, la bourgmestre a aussi
déclaré que la commune n'allait pas mettre en place un centre de délation, mais
elle aimerait bien que les personnes qui ont été traitées dans une autre langue
que le néerlandais viennent le signaler à la commune. C'est ce qui explique
qu'un Flamand peut attendre cinq minutes pour obtenir un service dans sa langue et
qu'un ressortissant européen doit attendre plus d'une heure pour obtenir le même
service avec un traducteur.
Ce type de délation ne constitue aucunement un cas isolé en Flandre.
Depuis plusieurs années, les communes de la périphérie de Bruxelles adoptent des
politiques très proches de la délation. Il ne s'agit pas toujours de délations
formelles adressés à la commune, mais une forme plus sournoise d'interdiction
exercée par la pression sociale. Par exemple, comment expliquer qu'une personne de langue allemande
(même pas française) va
chercher ses enfants à l'école (flamande!) et qu'elle leur parle en allemand,
elle se fait jeter des regards désapprobateurs par les autres parents? Bine que
l'article 30 de la Constitution autorise le libre choix de la langue dans les
relations privées, comme c'est le cas d'un parent avec son enfant dans la cour
de l'école, la pression sociale peut faire en sorte que l'emploi de
toute autre langue que le néerlandais est répréhensible, même l'allemand. C'est
un peu
irréel, tout cela à 20 km de Bruxelles, là où toutes les décisions européennes
sont prises.
- Aperçu critique
Lorsqu'on observe de l'extérieur de la
Belgique ce qui se passe en Flandre, on reste songeur devant certaines interventions de la part des diverses autorités flamandes, car on assiste à
de nombreuses formes de «maladresses». Lorsque le gouvernement désire néerlandiser les
nouveaux venus, il ne peut souvent que s’en prendre aux non-Européens, de sorte
que les francophones, qui sont pour la plupart européens, sont protégés par les
mesures de libre circulation interne dans l’Union européenne et échappent dès lors
à la néerlandisation obligatoire. Dans d'autres pays, on ne se poserait pas de
questions sur l'origine ethnique des élèves, car plus il y a d'élèves plus les
subventions sont élevées. Pas en Flandre, on veut des élèves, mais en
néerlandais seulement! Si ce n'est pas de la xénophobie, c'est un repli sur soi,
mais aussi une
très mauvaise façon de vouloir favoriser l'intégration des nouveaux venus,
francophones ou non.
La Flandre aurait intérêt à regarder comment s'y prennent
les Islandais, les Norvégiens, les Danois, pour ne citer que ceux-là, pour
intégrer les immigrants. Les mesures qu'on trouve dans ces pays ne sont jamais
coercitives, mais incitatives tout en étant très efficaces. On peut se demander pourquoi le gouvernement flamand n'a
jamais pensé «attirer» les francophones — après
tout, ce sont des contribuables qui paient des taxes —
en leur proposant des méthodes stimulantes qui avantageraient ceux qui
apprennent le néerlandais, plutôt qu'en leur faisant entrer de force le
néerlandais avec un couteau dans la gorge! Ensuite, les Flamands reprochent aux
francophones de refuser d'apprendre le néerlandais! Malheureusement, les méthodes flamandes ne
sont pas toujours inspirantes ni motivantes! Elles s'apparentent davantage à la répression qu'à la
tolérance ou à l'ouverture! Elles font penser aux méthodes brutales que les
Blancs utilisaient dans les anciennes colonies belges, britanniques, françaises ou
portugaises à l'égard des populations autochtones noires!
Cela étant dit, il faudrait évaluer si des
méthodes stimulantes qui avantageraient ceux qui apprennent le néerlandais
seraient rentables, car le vrai francophone belge (pas les habitants des zones
frontières) éprouve une viscérale aversion pour l’apprentissage tant du
néerlandais que de l’allemand. Mais il s’agit de la même aversion qu’éprouve
l’Allemand pour l’apprentissage du néerlandais ou qu’éprouve le Britannique pour
l’apprentissage de quelque autre langue que ce soit. C’est typiquement la
caractéristique autosuffisante des grandes langues de la planète, qui s’exprime
ici et qui vexe évidemment les locuteurs de la langue numériquement la moins parlée. Quand ce
sont deux grandes langues qui se téléscopent entre elles sans pouvoir faire
valoir une supériorité numérique de l’une par rapport à l’autre comme en Suisse,
cela ne peut que créer de la frustration chez les locuteurs de la «petite» langue.
5.6 La richesse nationale
Signalons un problème qui n’est pas relié spécifiquement à Bruxelles: la
richesse nationale. En effet, les porte-parole des mouvements flamands
rappellent que la Flandre fournit actuellement l’essentiel de la richesse
nationale et qu’elle demeure par conséquent la «mère nourricière» des
deux autres régions: la Wallonie et Bruxelles-Capitale. De fait, la Flandre et
son gouvernement constituent les seuls cas d’organismes gouvernementaux sans
déficit budgétaire en Belgique. C’est pourquoi l'une des demandes des Flamands
concerne la fédéralisation de la sécurité sociale, car celle-ci coûterait à la
Flandre plusieurs centaines de millions, sans compensation financière de la part
de la Wallonie. Les Wallons rétorquent qu’ils en ont fait autant au cours du
XIXe siècle, mais les Flamands ne sont pas d’accord. Une étude
réalisée par l'Universiteit van Leuven (Université de
Louvain) semble démontrer que, au XIXe
siècle, il n’y a jamais eu de retournements de fonds de la Wallonie vers la
Flandre.
Ces chiffres sont cependant contestés. Par
ailleurs les francophones font remarquer que le vieillissement de la population
flamande et donc des pensions à assumer, constitue en quelque sorte une manière
de rééquilibrer la balance.
5.7 La famille royale
Albert II (1993-2013) |
Un dernier fait mérite d’être souligné, sans en faire
un crime de lèse-majesté: il concerne la
famille royale
de Belgique.
Historiquement, la famille royale de Belgique était francophone au
XIXe siècle, comme le reste de la noblesse et de la bourgeoisie.
Néanmoins, elle s'efforce, au nom de ses obligations
constitutionnelles, de refléter le caractère bilingue, sinon
trilingue du pays, tant dans ses manifestations officielles que dans
l'apprentissage des langues chez les princes. Ainsi, l'ex-roi
Albert II commençait toujours ses discours adressés à toute la Belgique en
néerlandais, pour continuer ensuite en français, puis en allemand.
Ce n'est pas par hasard si le défunt roi
Beaudouin plaçait toujours dans ses
discours des messages moralisateurs sur «l’unité de la nation». Ces discours s’adressaient
habilement, bien sûr, aux indépendantistes flamands, lesquels
n’étaient jamais formellement nommés, mais tout le monde savait que les
«extrémistes dangereux» dont parlait Beaudoin étaient les Flamands, jamais les francophones. Le
successeur de Beaudouin, Albert II, était plus prudent, mais lui aussi aimait bien rappeler
la nécessaire «unité belge». Autrement dit, le roi s'efforçait de faire son travail et entendait
bien le
conserver! |
Selon un sondage de 2006, 35 % des Flamands croyaient que la Belgique n'avait
plus besoin de roi et préféreraient une république. Quelque 31% des Flamands
interrogés estimaient même que personne ne devrait succéder au roi Albert II
(qui aurait dû prendre sa retraite). Cette proportion correspond pratiquement à
l’importance numérique additionnée du parti indépendantiste Vlaams Belang (22 %
et de la «Lijst Dedecker» ou LDD (Liste Dedecker), aussi antiroyaliste que le VB
(9 %). Afin de plaire davantage à la Flandre, le prince Philippe, l'héritier du
trône, pourrait au moins travailler davantage son néerlandais (42 %), améliorer
ses rapports avec les médias (48 %) et mieux connaître ses dossiers (30 %).
Pour un certain nombre de Flamands, notamment ceux qui prônent l'indépendance
et qui voient dans la famille royale un obstacle majeur à leurs objectifs, cette
famille est non seulement perçue comme francophone et francophile (aimant la
France, les Français et le français), mais aussi anti-flamande. L'ancienne reine
Paola (d’origine italienne) parlait très mal le néerlandais (ou «assez
sommairement»); les deux princes, Philippe (devenu aujourd'hui roi des Belges)
et Laurent, étaient incapables de soutenir une conversation «décontractée» en
néerlandais, alors que leur sœur Astrid était manifestement plus à l'aise en
néerlandais. Heureusement, l'ex-roi Albert II possédait une meilleure
connaissance de la langue néerlandaise. Mais cette mauvaise connaissance
généralisée du néerlandais de la part des membres de la famille royale est
considérée comme «une véritable honte» aux yeux des extrémistes Flamands.
Sans pouvoir apporter des preuves de ce qu’ils avancent, ces Flamands
évoquent ainsi le cas le plus souvent cité de celui du prince Laurent, fils
cadet d'Albert II, qui avaient tellement connu de difficultés dans
l'apprentissage du néerlandais lors de sa scolarisation en Flandre, qu'il a dû
recommencer jusqu'à trois fois ses études. Bref, les Flamands se méfient de leur
roi dont à leurs yeux la famille n’a pas assez de «caractère flamand» (tout en
ignorant la princesse Astrid qui manie plus volontiers le néerlandais), mais
pour eux la tare essentielle de cette famille est de constituer le «symbole» de
l’État belge unitaire. Pourtant, Philippe, alors prince héritier, a beaucoup
travaillé sa connaissance du néerlandais et, selon certains Flamands, il
commettait «de moins en moins de fautes». En Flandre, des citoyens l'appelaient
"Gus Flater", ce qui signifie «Gaston Lagaffe», même si la fréquence de ses
bévues avait progressivement régressé avec les années.
- Le rejet
de la monarchie francophone et francophile
|
Le 21 juillet 2013, le prince
Philippe, alors duc de Brabant, est devenu le nouveau roi des Belges, juste après
l'abdication de son père Albert II. «Je jure
d’observer la Constitution et les lois du peuple belge, de maintenir
l’indépendance nationale et l’intégrité du territoire», a déclaré Philippe
en néerlandais d'abord, puis en français et en allemand, les trois langues
officielles.
Mais certains Flamands ne semblent pas avoir
apprécié l'intronisation du nouveau roi. Le chef du parti
indépendantiste flamand (la Nieuw-Vlaamse
Alliantie) et bourgmestre d'Anvers, Bart De Wever, a décliné l’invitation aux
cérémonies, et plusieurs élus de ce parti républicain n'ont pas applaudi le roi
après sa prestation de serment. Contrairement aux deux prestations de serment
précédentes, celle de son oncle Baudouin en 1951 et celle de son père Albert en
1993, personne n'a cette fois-ci crié, par provocation: «Vive la République!»
Jadis rejeté par les Wallons, Léopold III a conduit la Belgique au bord de la
guerre civile. |
L’accession au trône de Philippe a mis sur la sellette une enfant
qui, un jour, devrait être la reine des Belges : la princesse Élisabeth. Âgée en
2015 de seulement 13 ans, est la première dans l’ordre de succession au trône.
Elle a reçu son instruction primaire en néerlandais au Collège Sint-Jan
Berchmans, à Bruxelles. Il s'agit d'un changement important dans les habitudes
de la famille royale, puisque c'est la première fois qu'un futur souverain belge
effectue le début de ses études en néerlandais plutôt qu'en français.
Néanmoins, beaucoup de Flamands reprochent encore aux
membres de la
famille royale leur mauvaise connaissance du néerlandais, considéré comme la
première langue nationale. Pour un grand nombre de Flamands, la royauté belge
serait devenue, au fil des décennies, une «affaire de francophones». Éric Defoort,
historien et président du Mouvement populaire flamand (Vlaamse Volksbeweging
ou VVB), une organisation flamande œuvrant pour une plus grande autonomie
pour la Flandre et aujourd'hui membre de la Alliance néo-flamande (la Nieuw-Vlaamse
Alliantie) depuis 2010, résume le sentiment des Flamands à l'égard du roi
des Belges :
À
part ça, le roi ne nous fait ni chaud ni froid. Nous ne passons pas
des nuits blanches à broyer du noir. C’est un épiphénomène en marge
de la politique. Les francophones vont être déçus, mais nous avons
d’autres chats à fouetter : la lutte contre le chômage, la réflexion
sur le confédéralisme, etc. |
Si Philippe ne réussit pas à se faire accepter par les Flamands,
on se demande quel rôle le nouveau roi pourra-t-il jouer dans un pays en crise
permanente. Le roi des Belges pourrait bien devenir le «roi des francophones
belges».
En Flandre, on considère que le nouveau roi n'est plus que
le représentant d’une dynastie francophone. Pour la première fois de l'histoire
de la Belgique, le roi Philippe, lui-même francophone, est marié à une
francophone bruxelloise… Les Flamands reprochent à l'ex-roi Albert II de ne pas
avoir favorisé le mariage de son fils avec une Flamande du «peuple», ce qui
aurait conforté les sentiments identitaires et égalitaires du nord du pays et
facilité l’identification à la famille royale. De plus, aucun des trois enfants
d’Albert II n'a épousé un Flamand, ce qui démontrerait aux yeux des Flamands à
quel point la monarchie est ignorante des réalités flamandes. En ce sens, cette
monarchie serait illégitime puisqu'elle ne représenterait pas la majorité de la
Belgique.
Évidemment, les politiciens francophones ont compris les
risques de ce rejet flamand de la monarchie belge aux prises avec des scandales
financiers à répétition. Dans la précipitation, les députés francophones ont dû
accepter une réforme des dotations des membres de la famille royale qu'ils
refusaient jusque-alors aux Flamands. Ils espéraient ainsi pouvoir retarder les
demandes d’une réforme constitutionnelle visant à cantonner la monarchie à un
rôle purement protocolaire, ce que les francophones perçoivent, au risque d'être
déçus, comme le dernier pas avant la dislocation du pays.
- L'avènement d'une république
Effectivement, beaucoup de francophones craignent comme la
peste l'avènement d'une république, de peur que celle-ci pousse au pouvoir un
«Flamand séparatiste», qui prendrait des décisions unilatérales contre les
francophones. À cela certains Flamands proposeraient plutôt une présidence
protocolaire, tenue alternativement par un francophone et un néerlandophone,
bilingue, désigné pour quatre ans. Les deux communautés pourraient accepter ce
système d’alternance entre francophone et néerlandophone pour occuper le poste
protocolaire de chef d’État et aucune des deux communautés ne serait lésée. Il y
a fort à parier que les francophones préféreraient alors un «Royaume de
Belgique» francophone et les Flamands, une «République flamande» néerlandophone.
Enfin, certains flamingants
se méfient aussi des ministres flamands du
gouvernement fédéral, parce qu’ils se comporteraient comme des
«valets» au service des partis politiques francophones. Bref, le «modèle belge»
ne suscite certainement pas l'unanimité, à en juger par les controverses entre
les deux principaux groupes linguistiques.
Nous savons que les communes à facilités constituent aujourd’hui l’une
des plus importantes pommes de discorde entre Wallons et Flamands. Rappelons que,
dans chacune des régions unilingues, des communes dont le territoire est le
plus souvent contigu à une autre région linguistique sont appelées
communes à facilités. Dans celles-ci, la Loi sur 8 novembre 1962 fixant la
frontière linguistique prescrivait ou permettait
l'emploi d'une autre langue que celle de la région linguistique dans laquelle
ces communes sont situées. Ainsi, dans les «communes à régime linguistique
spécial», la législation belge a également instauré des exceptions
partielles au régime de la territorialité en introduisant des droits
personnels.
Les problèmes liés aux communes à facilités viennent du fait que les
interprétations divergent quant au caractère intangible des frontières
linguistiques, ainsi qu’à leur statut provisoire ou définitif, sans oublier
l’implication des politiciens francophones dans les administrations communales
flamandes et la façon dont les responsables politiques comprennent les lois
adoptées il y a trente, quarante ou cinquante ans.
6.1 La fixation des frontières linguistiques
Les francophones estiment que les frontières linguistiques
ont été fixées arbitrairement en 1963, à partir des limites administratives
héritées du recensement des années trente (Rapport Harmel), sans tenir compte des minorités
(francophones) existant en dehors de ces communes. Les Wallons déplorent aussi
que les communes à facilités de la frontière linguistique aient été
couplées à la fixation, pour Bruxelles, d’une «frontière serrée de 19
communes», sans tenir compte des populations
mixtes avoisinantes. Les francophones allèguent aussi qu’un parlement central
(aujourd’hui fédéral), dominé majoritairement par les Flamands, a adopté des
frontières linguistiques inamovibles, «bétonnées» contre toute modification
éventuelle. Bref, les Flamands auraient imposé leur volonté au reste du pays
comme ils l’entendaient, par le simple fait d’un parlement circonstanciel qui
n’existe plus aujourd’hui, c’est-à-dire par suite d'un vote quasi unanime des
parlementaires flamands, qui constituaient la majorité absolue.
Toutefois, d’après les autorités flamandes, c’est un gouvernement dominé par les
francophones — alors le gouvernement Lefèbvre-Spaak — qui a fait adopter la loi
supprimant du recensement les questions relatives à l'usage des langues, qui a
fixé les «frontières linguistiques» et déterminé les communes à régime
spécial. À l’époque, l'opposition wallonne à cette législation avait
été médiocre, car les mouvements wallons désiraient, eux aussi, fixer
définitivement la frontière linguistique. Ils auraient probablement souhaité
que cette opération fût effectuée sur la base de données plus récentes (et non
sur le recensement des années trente), mais ils se sont finalement inclinés. Les deux
groupes linguistiques étaient d’accord sur le fait que, si la majorité d’une
population se déclarait de langue néerlandaise ou française, la commune
faisait partie de la Flandre ou de la Wallonie.
Ainsi, 24 communes
flamandes ont été transférées en Wallonie et 25 communes wallonnes en Flandre,
et certaines d’entre elles avaient des majorités très élevées de francophones ou
de néerlandophones. Il est vrai que le gouvernement et le Parlement belges de
l’époque étaient composés numériquement d'une majorité de Flamands par rapport
aux francophones. Mais il ne faut pas oublier que, sauf en matière linguistique
déjà, les députés flamands (et wallons) votaient alors selon les directives de
leur parti unitaire (et non selon la langue) qui, de façon générale, était
dominé politiquement par les francophones. Par ailleurs, le recensement de 1947 (publié en 1954) avait été
réalisé dans un climat d’après-guerre où on associait «patriote belge»
et «être francophone». Pour prouver leur patriotisme belge, beaucoup de
Flamands indiquèrent sur leur feuille la mention «francophone». C’est pourquoi les
résultats du recensement provoquèrent la consternation chez les Flamands. Du
coup, de nombreuses communes réputées flamandes ont connu des «augmentations
inexplicables» de francophones et plusieurs d’entre elles ont été
déclarées «wallonnes», ce qui a sûrement favorisé les francophones.
Aujourd’hui, ceux-ci renieraient le recensement qui les a jadis avantagés.
Après le vote de la loi fixant la frontière linguistique, le gouvernement
central s'est attaqué à deux autres projets de lois linguistiques: celui concernant le
régime linguistique de l'agglomération bruxelloise et de l'administration de
l'État, ainsi que celui ayant trait à l'enseignement des langues dans les
écoles. La question de la périphérie bruxelloise et des communes à
facilités n'a pas soulevé pas de réelles oppositions en Wallonie et les
parlementaires wallons, quasi indifférents, laissèrent à leurs collègues
bruxellois le soin de défendre les intérêts de Bruxelles. Le sort des
Voeren/Fourons, à l'occasion de la fixation définitive de la frontière
linguistique, souleva davantage de tensions, il est vrai.
Du coté flamand, on trouve volontiers
l’affirmation selon laquelle ce sont les conclusions du Centre Harmel
(consultation d’experts, de démographes, de linguistes et autres universitaires,
qui permirent de proposer pour les Fourons/Voeren, un régime néerlandophone basé
sur l’existence d’un dialecte néerlandais, avec le rattachement des Fourons/
Voeren au Limbourg et donc à la Flandre, moyennant par ailleurs en compensation
le fait que les facilités pour les francophones qu’on y prévoyait comme dans la
périphérie de Bruxelles deviendraient définitives.
En réalité, le projet gouvernemental
concernant les Fourons prévoyait effectivement un régime néerlandais, mais dans
la province de Liège (en raison du fait qu’il s’agit d’une enclave). Un député
socialiste liégeois, M. Gruselin, proposa alors de laisser ces «calotins» aux
Flamands. Tancé par ses pairs, il se ravisa le lendemain, mais son amendement
fut repris par un libéral flamand, M. Vanderpoorten. Jamais il ne fut question à
ce moment de caractère temporaire ou définitif des facilités.
6.2 Le statut provisoire ou définitif des
«facilités»
Un second problème touche la durée accordée au statut des frontières
linguistiques et des communes à régime spécial (à facilités). À l’origine,
ces frontières devaient être définitives, alors que le
statut des communes à
facilités étaient définies, selon les Flamands, comme temporaires. Les
francophones, au
contraire, considèrent que rien dans les lois ne précise le caractère temporaire ou
définitif des frontières et des communes à facilités; ils voudraient
maintenant tout modifier en recourant à des recensements linguistiques.
Certains francophones demandent de passer du statut de «communes à facilités» à celui de
«communes bilingues» ou de «communes sans facilités» à «communes à
facilités». Pourtant, à l’époque, tous les politiciens, wallons comme
flamands, semblaient avoir été d’accord sur cette question. Aujourd'hui, des
francophones bruxellois et des Wallons veulent
en plus modifier les frontières linguistiques!
- Le grignotage du territoire flamand
Or, pour les Flamands, il n’est pas question de laisser «grignoter le territoire
flamand». Au moment de la fixation des frontières linguistiques, les deux
communautés ont adopté un «pacte de courtoisie». Si les Flamands voulaient
habiter dans une commune francophone avec facilités, la loi leur donnait
encore, pendant quelque temps (selon les Flamands), la possibilité de recevoir des documents en
néerlandais. Mais ces facilités étaient d'ordre «expiratoire». Les lois à
facilités étaient conçues pour que les personnes de l'autre groupe puissent
s'intégrer petit à petit, et cela, d'une manière «facile». Les Flamands
habitant les communes francophones ont toujours accepté cette situation et ont
appris à leurs enfants le français, tout en conservant dans beaucoup de cas le
néerlandais comme langue parlée à la maison.
D’ailleurs, c’est exactement ce que recommandait le rapport Harmel, qui est à la base de la structure actuelle des lois à
facilités (p. 310):
1) La communauté wallonne et la communauté flamande
doivent être homogènes. Les Flamands qui s’établissent en Wallonie et les
Wallons qui s’établissent en Flandre doivent être résorbés par le
milieu. L’élément personnel et ainsi sacrifié au profit de l’élément
territorial;
2) par voie de conséquence, tout l’appareil culturel
doit être français en Wallonie et néerlandais en Flandre;
3) la communauté wallonne et la communauté flamande
doivent conserver les enfants nés respectivement en Wallonie et en Flandre et
émigrés à Bruxelles, de même que ceux qui sont nés à Bruxelles de
parents originaires de Wallonie et de Flandre. Dans la capitale, l’élément
personnel doit l’emporter sur l’élément territorial.
|
- Les facilités provisoires
Cependant, rappelons que les conclusions du rapport Harmel
n'ont pas toutes été retenues par le Parlement. Pour les Flamands, répétons-le, les communes à facilités étaient
strictement temporaires (voir la carte détaillée). Il n’est
certainement pas dans les intentions des autorités flamandes de mettre fin aux facilités
d'une manière arbitraire et despotique, mais il
doit être clair pour tous les citoyens que les communes à facilités ne sont
pas là pour favoriser un bilinguisme, ni de facto ni de jure. Dans
ces municipalités dites «à facilités», la langue administrative est le néerlandais (car, au moment de la
fixation des frontières, la majorité de la commune était néerlandophone);
les institutions publiques fonctionnent donc en néerlandais, les documents
administratifs sont en néerlandais, le caractère de la commune est flamand et
de culture néerlandaise. Pour les Flamands, les Wallons sont libres d’acheter des maisons
en Flandre (comme partout en Belgique) et de conserver leur langue, mais ils
doivent comprendre qu’ils habitent une commune flamande. Aujourd'hui,
ce régime d’exception, qui date de la fixation de la frontière linguistique au
début des années soixante, a assez duré, car les francophones ont eu le temps de
s'acclimater: tous les citoyens résidant en Flandre doivent maintenant s’assimiler
ou partir.
Malheureusement, selon
un certain nombre de Flamands, et non seulement les extrémistes, et même selon
des francophones de Wallonie, les francophones des communes à facilités semblent
trouver tout à fait normal d’imposer leur langue dans l'administration et les
écoles de leur commune flamande. Selon le point de vue
flamand, au lieu de considérer
les communes à facilités comme une façon progressive de passer en douce d’une
langue (français) à l’autre (néerlandais), les francophones ont fini par
exiger systématiquement du bilinguisme et ont cru qu’il s’agit d’une
question de droit accordé à leur communauté. Plutôt que de s'adapter, ils
ont décidé de réclamer davantage de droits linguistiques. Les Flamands, quant
à eux, disent avoir toujours compris la situation comme il le fallait; c’est pourquoi ils
acceptent leur sort dans les communes wallonnes à facilités. En somme, les Flamands en ont assez de la
«politique agressive» des francophones et de la «colonisation
francophone du territoire flamand». Ils ne veulent pas que leurs
communes à facilités deviennent une sorte de «Bruxelles en plus
grand». Le mal
belge est suffisamment répandu sans qu’on en fasse une «tache d’huile». D'où
le célèbre slogan flamand Stop de olievlek,
c'est-à-dire «Arrêtons la tache d'huile.»
Pour résumer, on peut affirmer que, d'après les Flamands,
les communes à facilités ont été conçues
comme une mesure transitoire destinée à intégrer progressivement les
francophones. Cependant, pour les francophones des
communes de la périphérie,
les «facilités» constituaient un «premier pas» vers un «élargissement de la
région bilingue de Bruxelles-Capitale». Jamais il ne fut question d'adaptation
pour les francophones. Puisque la proportion des francophones n'a fait
qu'augmenter, le caractère flamand de ces communes apparait sérieusement
compromis.
Devant deux
interprétations opposées sur la durée des communes à facilités, quelle solution
reste-t-il? Étant donné que la Belgique est un État de droit, il faut se
rabattre sur le droit écrit, c'est-à-dire les textes juridiques. Il semble bien
évident que la
Loi du 28 juin 1932 sur l'emploi des langues en matière
administrative (aujourd'hui abrogée)
ne
traitait pas formellement de cette question, car elle prévoyait la possibilité
d'adapter le droit aux faits en fonction de
leur évolution. Un recensement décennal était organisé avec un volet
linguistique. Ainsi, si une minorité de 30 % apparaissait, la commune entrait
dans le régime du «bilinguisme externe» et devenait une «commune à régime
spécial» (à facilités). Par ailleurs, dans l'éventualité où la majorité des
habitants déclarait, lors du recensement, utiliser l'autre langue que celle de
la région, la commune devait changer de régime linguistique, ce qui revenait à
déplacer la fameuse «frontière» linguistique. Mais les recensements ont été
abolis. De plus, il n'existait aucun
moyen de contrôle, ni de sanctions en cas de non-respect des dispositions de la
loi. Il faudrait maintenant trancher le litige
en modifiant la Constitution avec l'approbation des deux tiers des membres du
Parlement fédéral, ce qui paraît impossible, car tous les députés francophones
croient que les communes à facilités sont définitives et tous les députés
néerlandophones croient plutôt qu'elles sont temporaires.
6.3 L'ex-arrondissement de
Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV)
Depuis plusieurs décennies, les politiciens flamands
exigeaint que l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV), alors seule
circonscription bilingue du pays, soit scindé en deux entités distinctes:
Hal/Halle et Vilvoorde/Vilvorde. Cet arrondissement électoral était un reliquat
du bilinguisme tel qu'aménagé autour de Bruxelles jusqu'aux lois sur l'emploi
des langues des années 1962 et 1963. Les Flamands
ont déposé un projet de loi au Parlement en octobre 2007.
|
L'arrondissement de BHV
était situé dans le sud de
la Flandre, dans la province du Brabant flamand, et englobait presque entièrement
la Région de Bruxelles-Capitale. C'était à la fois un
arrondissement judiciaire et
une
circonscription électorale.Le problème, c'est que cet arrondissement se
trouve à cheval sur la Région de Bruxelles-Capitale (en
vert) qui est bilingue, et la Région
flamande, qui est unilingue. De plus, le BHV comprend
six communes périphériques néerlandophones
dites «à
facilités» linguistiques pour les francophones: Rhode-St-Genèse, Linkebeek, Drogenbos, Wemmel,
Crainem et Wezembeek-Oppem.
L'arrondissement BHV comprenait les 19
communes de la
Région de Bruxelles-Capitale ainsi que les 35
communes des six
cantons de Halle-Vilvorde (Asse,
Hal, Lennik,
Meise,
Vilvorde et
Zaventem) pour un total de 54 communes regroupées au sein d'un même
arrondissement judiciaire et d'une même
circonscription électorale. La population est de
670 000 habitants, dont environ 120 000
francophones.
Aujourd'hui, Hal (Halle) et
Vilvoorde (Vilvorde) sont deux communes
flamandes. |
Les citoyens francophones qui résident
dans les «communes à facilités» et dans le reste de
l'arrondissement ont le droit de voter pour un candidat néerlandophone ou francophone
lors des
élections
législatives et
européennes, et de se faire entendre en néerlandais ou en français
par les tribunaux.
- Éviter la tache
d'huile
Pour les Flamands, les francophones veulent simplement éviter
d'être encerclés en prolongeant artificiellement la région
bilingue de Bruxelles, qui fait «tache d'huile», ce que les
Flamands appellent la Verfransing van de Rand («la
francisation de la périphérie»). Or, tout ce bilinguisme
irrite les Flamands qui considèrent que la Région flamande
ne reconnaît qu'une seule langue officielle: le néerlandais.
Par voie de conséquence, les francophones qui habitent le
BHV devraient pouvoir parler le néerlandais. C'est pourquoi
les Flamands veulent réparer «l'entorse au principe de
territorialité» que constitue cet arrondissement hybride.
Pour eux, le
BHV constitue une anomalie dans une Flandre
linguistiquement et politiquement homogène.
Pour les Flamands,
l'arrivée de «riches francophones» dans les communes
néerlandaises contribuerait à faire augmenter les prix de
l’immobilier et à chasser les habitants d’origine
néerlandophone de la périphérie bruxelloise située en
territoire flamand. Si l'évolution s'était poursuivie sans
redécoupage, les Flamands craignaient que l'aire francophone
n'atteigne un jour la Wallonie et que la zone perde son
statut de «territoire néerlandophone».
En raison de cette situation, les
Flamands ont demandé avec insistance une redéfinition de
l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV). Ils ont
demandé une division de l'arrondissement afin que la plus
grande partie de celui-ci demeure à l'abri du risque de
francisation. Après de nombreuses tractations, un accord
intercommunautaire, prévoyant un découpage de
l'arrondissement, a été trouvé à la fin de 2011. Pour le
Flamand Marc Mertens, secrétaire communal de la ville de
Liedekerke, située en banlieue ouest de Bruxelles:
Le
combat sur BHV va être vu comme le début de la
guerre entre les Flamands et les Francophones.
Le peuple flamand devient plus conscient et plus
décidé. Nous avons été dirigés suffisamment
longtemps par les Français et notre heure est
venue. Cela peut prendre dix, vingt ou trente
ans. Mais la Belgique deviendra superflue. |
Ce point de vue revanchard n'est pas partagé par tous les
Flamands, mais il témoigne des blessures profondes laissées
par l'histoire chez beaucoup de Flamands. Les
nationalistes flamands estiment que les francophones
s'établissant dans ces communes à facilités menacent leur
caractère originel. Ils désirent que le droit dont ils
disposent de voter pour des listes francophones et de
recevoir des services juridiques en français soient abolis.
Quant aux militants ultranationalistes flamands du parti Vlaams Belang
(«Intérêt flamand»), auparavant le Vlaams Blok («Bloc
flamand»), ils réclament rien de moins que «l'euthanasie» de la
Belgique. L'objectif est d'imposer une confédération, un
préliminaire à l'indépendance.
|
Évidemment, pour les 120 000 francophones de
Bruxelles-Hal-Vilvorde, la scission de la circonscription
électorale et de l'arrondissement judiciaire mettrait fin à leurs droits, ce
qui signifie qu'ils ne pourraient plus voter
pour des candidats bruxellois aux élections législatives et européennes; ils
ne pourraient plus
se faire entendre en français dans les tribunaux. C'est pourquoi les partis
politiques
francophones se sont opposé à tout projet de scission du BHV. C'est pourquoi
les francophones ont longtemps exigé, en
contrepartie, que la région bruxelloise soit
élargie aux communes à facilités. Ils ont actionné
ce qu'on appelle en droit public belge la «sonnette
d'alarme», laquelle permet à un groupe linguistique de
demander une suspension des procédures de vote entre le vote
en commission et le vote en séance plénière.
Pour les Flamands, toute «compensation
territoriale» était inacceptable, car les revendications flamandes sont
toujours basées sur le postulat que
la Région flamande est unilingue et que les francophones qui
décident d'y vivre doivent s'intégrer.
|
Quoi qu'il en soit, les partis
flamands ont voté en novembre 2007 pour la scission de
Bruxelles-Hal-Vilvorde en vue de priver
les francophones de la périphérie de Bruxelles de certains
droits.
- Les nouvelles lois de 2012-2014
|
En conséquence, l'arrondissement
électoral de Hal-Vilvorde a disparu pour faire place
désormais un arrondissement électoral de Bruxelles, alors
que Hal-Vilvorde rejoint l'arrondissement de Louvain.
C'est la
Loi portant réforme de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles
(loi du 19 juillet 2012) qui redécoupait la défunte province du Brabant en trois arrondissements
électoraux: l'arrondissement du Brabant wallon et l'arrondissent du Brabant flamand, dans
leurs
limites territoriales conformes à celles des deux provinces, ainsi que
l'arrondissement de
Bruxelles, limité au territoire des 19 communes qui en font partie.
Dans
l'arrondissement du Brabant flamand, les électeurs des six communes à facilités
linguistiques (Drogenbos, Kraainem ou Crainhem, Linkebeek, Rhode-Saint-Genèse,
Wemmel et Wezembeek-Oppem) sont désormais réunis dans un même «canton électoral»;
ces électeurs
pourront voter soit pour une liste de la circonscription de Bruxelles, soit pour
une liste du Brabant flamand. |
La loi du 1er
décembre 2013 (Loi
portant réforme des arrondissements judiciaires et modifiant le Code judiciaire
en vue de renforcer la mobilité des membres de l'ordre judiciaire), en
particulier les articles 109 à 118, faisait disparaître les 27 arrondissements
judiciaires pour n'en compter plus que douze; tous les tribunaux
de première instance et les tribunaux de police sont incorporés dans l'un de ces
douze arrondissements (voir la
carte de l'arrondissement judiciaire). Les arrondissements judiciaires coïncident désormais avec les
frontières des provinces, avec des arrondissements distincts pour Bruxelles et
Eupen, ainsi que Louvain et Nivelles (devenu «Brabant wallon»).
1. Flandre occidentale (Bruges
- Courtrai - Furnes - Ypres)
2. Flandre orientale (Gand - Termonde - Audenarde)
3. Anvers (Anvers - Turnhout - Malines)
4. Limbourg (Hasselt - Tongres)
5. Brabant wallon
6. Hainaut (Mons - Tournai - Charleroi) |
7. Namur (Namur - Dinant)
8. Luxembourg (Marche – Neufchâteau – Arlon)
9. Bruxelles
10. Louvain
11. Liège (Liège - Verviers - Huy)
12. Eupen |
Si d'aventure la Flandre devait devenir
indépendante, la frontière de l'État flamand serait
dorénavant «bétonnée» et plus difficilement contestable.
C'est là l'objectif des nationalistes flamands qui, de toute
façon, veulent «l'euthanasie de la Belgique».On peut
consulter à ce sujet les lois suivantes:
- 2012 :
Loi portant réforme de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles;
- 2013 :
Loi portant réforme des arrondissements judiciaires et modifiant le Code
judiciaire en vue de renforcer la mobilité des membres de l'ordre judiciaire
;
- 2014:
Loi portant modification et coordination de diverses lois en matière de
Justice concernant l'arrondissement judiciaire de Bruxelles et
l'arrondissement du Hainaut (loi du 28 mars 2014);
- 2014:
Arrêté royal portant modification de diverses dispositions réglementaires en
vue de leur mise en concordance avec la réforme des arrondissements
judiciaires (arrêté du
26 mars 2014).
De plus, des questions comme le
désaccord concernant l'avenir de Bruxelles-Capitale, ville à
majorité francophone, revendiquée par les Flamands, car elle
est incluse dans la Flandre, ou celle du financement de la
sécurité sociale, très déséquilibrée au bénéfice de la
Wallonie, viennent encore envenimer les problèmes. Cette
autre crise contribue encore à fragiliser la Belgique, car
elle constitue pour l'Europe un aveu d'incapacité politique.
6.4 L'implication politique des francophones
N’acceptant pas le caractère intangible des frontières linguistiques, des
francophones habitant des communes flamandes à facilités commencèrent dans les
années soixante-dix à s’impliquer activement dans la
politique communale avec un but bien spécifique: changer les «facilités» pour du
bilinguisme officiel. Des conseillers communaux de langue française ont été
élus grâce à l’appui de la population francophone afin de protester contre
un statut qui, selon eux, leur avait été imposé. En réaction aux Flamands
qui militaient en faveur de la néerlandisation de leur localité, les élus
francophones se radicalisèrent et se mirent à œuvrer ouvertement en faveur d’une
francisation tous azimuts.
|
Pour les Flamands, les politiciens francophones,
par exemple, des Fourons de la province
de Liège n’ont pas
raison de se comporter comme ils le font. En s’engageant dans les conseils
communaux, ils font diminuer le nombre des représentants flamands: il s’agit
donc d’une «francisation agressive» et trop politique en territoire flamand. Le cas le plus
célèbre reste celui du Wallon José Happart
qui, il est vrai, a
symbolisé longtemps le «mal belge». Celui-ci a été conseiller communal de
1982 à 1998, puis bourgmestre en janvier 1984. Les communes wallonnes à facilités
n’ont
en général aucun problème du fait que les Flamands acceptent leur intégration au sein du
groupe majoritaire; pourtant, les autorités wallonnes refuseraient de payer pour la
bonne marche des écoles flamandes et n’enverraient leurs documents
administratifs qu’en français. Et, de plus, elles n’auraient jamais envoyé,
contrairement aux Flamands, leur «circulaire Peeters» pour avertir la
population minoritaire de la «nouvelle façon de faire». Les
francophones signalent toutefois que ceci ne constitue nullement la
réalité. |
Mais, dans les
communes flamandes à facilités, les Wallons n’accepteraient pas leur
situation de minoritaires et c’est pour cette raison que leurs politiciens —
les Walekoppen ou «têtes de Wallon» — auraient manipulé l’opinion
publique, réussi à se faire élire par des manœuvres politiques et commencé
la guerre aux Voeren/Fourons.
Le gouvernement flamand affirme qu'il payait
ce qu’il fallait pour l’entretien et l’enseignement dans les écoles françaises
de la commune, mais l’activiste José Happart aurait déclaré la guerre en
refusant l’argent et les contrôles flamands. Les deux écoles francophones sont
devenues des écoles privées et payées d’une manière déguisée par la Communauté
française, en violation de la loi. M. Happart a été condamné en 1984 par la section
néerlandophone du Conseil d’État, composé exclusivement de néerlandophones, en
raison de sa méconnaissance du néerlandais (pourtant obligatoire dans ses
fonctions).
Depuis qu’il a quitté ses fonctions de bourgmestre (pour devenir ministre
du gouvernement wallon), la vie est revenue «à la normale» dans
les Fourons. Pour les Flamands, ce fait prouverait que les problèmes dans les communes à facilités
proviennent toujours des politiciens wallons, jamais de la population
elle-même. Il semble que les problèmes qu’ont connus les Voeren/Fourons seraient
surtout
liés à des questions politiques et à des intérêts économiques entre les
villages de la commune. Mais les politiciens wallons auraient habilement utilisé ces
différends sous le couvert de rivalités pseudo-linguistiques afin d’ameuter
l’opinion publique européenne et internationale. Les Wallons espèrent ainsi
se poser comme des «victimes» à la face du monde entier et faire croire qu’ils sont
maltraités par des Flamands «fanatisés». Pour les néerlandophones, il ne faut pas
être dupe des politiciens habiles qui essaient de déstabiliser l’État belge
en fonction de leurs seuls «intérêts ethniques».
Rappelons aussi ce qui distingue
nettement le problème fouronnais de celui des communes de la périphérie flamande
de Bruxelles. Aux Fourons/Voeren, ce sont les Belges «de souche» qui ne
voulaient pas être transférés à la Flandre et considéraient que leur dialecte
intermédiaire entre les dialectes proches du néerlandais et ceux proches de
l’Allemand —
le francique limbourgeois et le francique
carolingien — leur permettait de rester
dans la province de Liège. Ce sont en fait des
immigrants néerlandais et flamands qui ont permis le renversement de majorité en
2000. Si J. Happart était lui-même un immigrant wallon aux Fourons, il n’y avait
et il n’y a toujours que très peu d’immigrants wallons aux Fourons, tandis que
dans la périphérie bruxelloise les francophones sont pour la plupart des
émigrants bruxellois.
En 2006, Happart fut président du Parlement
wallon jusqu'en 2009. Il est maintenant conseiller communal (Parti
socialiste) à la Ville de Liège. Pour les Flamands, Happart est
aujourd'hui un politicien populiste dépassé, qui parle encore des Fourons, une
trentaine d'années après les événements.
6.5 L'affichage et les dérapages
En Flandre, la langue officielle est le néerlandais, on le
sait. Il est donc normal que l'affichage public n'apparaisse qu'en néerlandais.
Cependant, il n'existe aucune législation prévoyant la ou les langues de
l'affichage dans le domaine commercial ou privé et, répétons-le, l'usage des
langues dans ce domaine est libre, selon la Constitution (art. 30). La Commission permanente de
contrôle linguistique, un organisme fédéral, a clairement précisé dans son avis
no 26137 du 27 octobre 1994 que «la législation linguistique n’est pas
applicable à l’emploi des langues entre particuliers».
Néanmoins, des sympathisants du Vlaams Belang
(«Intérêt flamand») veillent au grain. Rappelons que le Vlaams Belang est un parti
nationaliste flamand d'extrême-droite, appelé avant le 15 novembre 2004
Vlaams Blok («Bloc flamand»). Or, ces sympathisants, sinon des mandataires,
exercent des pressions sur les commerçants flamands qui osent, même de manière
partielle, laisser un mot de français dans leur publicité. Les élus francophones
rappellent que ces démarches d’intimidation ne reposent sur aucun texte
juridique et qu'elles sont contraires aux principes de la liberté totale de
l’emploi des langues en matière commerciale (voir aussi l'art. 30 de la
Constitution belge ci-dessous). Quant au gouvernement flamand, il
dit «regretter» ces démarches.
La recherche du «caractère flamand» entraîne parfois des
dérapages. Ainsi, le Conseil communal de Leeuw-Saint-Pierre
a adopté un règlement organisant les marchés sur le territoire communal. L'un
des articles de ce règlement imposait l’usage exclusif du néerlandais aux
participants sous peine de sanctions allant jusqu’à l’expulsion du marché, par
la force si nécessaire! Il devenait interdit d'afficher des promotions ou des
slogans en français, et un «surveillant communal» devait vérifier au bon respect
du règlement et, en cas d’infraction, obliger le commerçant à fermer son
échoppe. Ce genre d'intervention demeure fréquent de la
part des «brigades flamandes» qui parcourent la Flandre et qui
détruisent ou détériorent les affiches rédigées en français. Il s'agit
là d'une violation flagrante de l’article 30 de la
Constitution belge:
Article 30
L'emploi des
langues
L'emploi des
langues usitées en Belgique est facultatif; il ne peut être réglé
que par la loi, et seulement pour les actes de l'autorité publique
et pour les affaires judiciaires. |
ll faut croire que ce texte constitutionnel prête à
confusion auprès de certains Flamands! Quoi qu'il en soit, le gouverneur du
Brabant flamand (alors Lodewijk De Witte) a suspendu en décembre
2007 le règlement adopté par les autorités
communales de
Leeuw-Saint-Pierre obligeant les marchands ambulants à ne communiquer
qu’en néerlandais au marché communal. Le
gouverneur a estimé que la réglementation avait été prise en violation de
l’article 30 de la Constitution belge qui garantit un emploi facultatif des
langues. Une pareille disposition adoptée dans la commune de Merchtem avait déjà
été suspendue pour les mêmes motifs. L'intervention du gouverneur De Witte
démontre que les Flamands ne sont pas tous nationalistes à outrance.
|
Un autre incident «linguistique», dont seule la Flandre a le
secret, mérite d'être signalé, car il s'apparente à une
sorte de «fanatisme linguistique». Ainsi, des
représentants flamands ont fait suspendre une séance du Conseil
municipal d'une commune périphérique à facilités parce qu'un élu
francophone avait posé sur la table une bouteille d'eau minérale de
marque Chaudfontaine, une eau
«wallonne» de la commune
liégeoise de Chaudfontaine, appartenant au groupe agro-alimentaire
américain Coca-Cola! C'était apparemment inacceptable pour un Flamand:
une bouteille d'eau avec un nom français sur
une table flamande! Or, il s'agit là d'un fait vérifié. Évidemment, nulle part ailleurs dans le monde
une simple bouteille d'eau ne susciterait une telle controverse, mais
en Flandre... le nationalisme peut prendre des tournures
inattendues.
Évidemment, ce genre de dérapage, et bien d'autres vont continuer encore longtemps, tant que les conflits
entre néerlandophones et francophones vont se perpétuer, surtout
dans la région périphérique de Bruxelles.
|
6.6 L’interprétation des lois linguistiques
En réalité, les lois linguistiques belges adoptées il y a plusieurs
décennies ont suscité d'innombrables interprétations
judiciaires et ont donné lieu à de multiples contestations, et ce, tant de la
part des francophones que des néerlandophones. Les nombreuses
lacunes et imprécisions accompagnant la législation ont occasionné
l'élaboration d'une gigantesque jurisprudence. La confusion semble s’être
aggravée du fait que, au cours des dernières années, de nouvelles précisions
juridiques ont été introduites, notamment au sujet de la
commune des Fourons.
Le gouvernement flamand a maintenant défini les connaissances linguistiques
nécessaires de la part des conseillers communaux, des fonctionnaires et des
députés.
Nous avons déjà mentionné les problèmes reliés à la fixation
définitive des frontières linguistiques et à la durée du statut linguistique
décidé à partir d’un recensement datant des années trente. Les frontières
linguistiques sont devenues aujourd’hui de véritables «frontières d’État»
avec ce qu’elles impliquent au plan de l’identité nationale et de l’appartenance
étatique.
Les Flamands en sont arrivés aux conclusions suivantes: les communes à
facilités ne fonctionnent plus, les lois sont respectées par les Flamands,
mais elles sont continuellement transgressées par les Wallons et, enfin, les lois sur la territorialité sont
remises en question par la plupart des francophones.
- Du mauvais fonctionnement des facilités en Flandre
Pour les Flamands, les communes flamandes à facilités (voir
la carte détaillée) ont donné le
résultat inverse de celui prévu initialement par la législation. Les lois avaient
été adoptées pour faciliter l'intégration des minorités linguistiques et
ethniques (cf. le rapport Harmel). Or, au contraire, les francophones refuseraient de s’intégrer,
formeraient des blocs fortement politisés et utiliseraient les communes à facilités pour forcer
le gouvernement flamand à adopter un bilinguisme de facto. Les
problèmes liés à l’immigration et à l’arrivée des eurocrates (plus de
30 00 dans la région de Bruxelles) n’ont fait qu’aggraver la situation.
Par
exemple, à Kraainem/Crainhem, on comptait plus ou moins 1500 immigrants non
belges en 1981; ceux-ci sont passé à plus de 3000 dans une ville de 10 000
habitants, alors que le nombre de Belges a diminué considérablement. Ce sont
surtout des Flamands qui sont partis parce qu’ils n’étaient plus capables
de payer le prix des maisons et de faire face à l’augmentation des taxes communales. Ces
nouveaux immigrants préfèrent en général s'exprimer en français, car le
néerlandais serait perçu comme une «langue compliquée» et «difficile à
apprendre» en raison notamment du vocabulaire réputé
très différent des langues comme l'anglais et le français, d’une
prononciation jugée difficile pour des francophones et des anglophones, etc.
Beau prétexte, selon les Flamands, quand on sait que l’allemand possède les mêmes
caractéristiques, ce qui n’empêche pas les immigrants en Allemagne d’apprendre
la langue officielle.
|
D'où la volonté des
Flamands d'appliquer les lois à facilités de façon très stricte... comme les
Wallons le font dans les communes wallonnes à facilités. Il était prévu que,
dans le rapport Harmel — du nom d’un homme politique liégeois qui présida ce centre d’étude bilingue
—, et les lois à facilités
qui ont suivi, les francophones puissent demander des documents dans leur
langue, s'ils étaient incapables de les lire en néerlandais. Dorénavant, les documents ne seront envoyés uniquement
qu’en néerlandais, et ceux qui ne les comprennent pas peuvent demander une
traduction.
Pour le gouvernement flamand, l'abus du bilinguisme de facto
doit cesser définitivement dans toutes les communes flamandes à facilités
(comme en Wallonie), car ce n’était pas le but visé lors de la création de
ces communes. On doit comprendre l’objectif visé par la «circulaire Peeters»
(en néerlandais : Omzendbrief Peeters):
le respect des lois et du territoire flamand. Selon la circulaire Peeters du
16 décembre 1997 (du nom de Leo Peeters qui a rédigé la
directive), il faut retenir les trois principes suivants: |
1) Que tous les documents provenant des
administrations soient envoyés en néerlandais aux citoyens, y compris aux
francophones, habitant dans les «communes à facilités». Si un administré de
ces communes (et uniquement de ces communes) le désire en français, il doit
en faire la demande pour chacun des documents qu'il reçoit. Les autorités
régionales flamandes considèrent comme fautifs les pouvoirs locaux qui
envoient directement des documents en français aux francophones et en
néerlandais aux néerlandophones.
2) Que les services communaux utilisent en
interne uniquement le néerlandais.
3) Que la langue utilisée au conseil communal
est obligatoirement le néerlandais. Il est donc interdit au bourgmestre ou
aux échevins d'une des communes en Région flamande d'introduire ou de
commenter dans une autre langue que le néerlandais un point de l'ordre du
jour de la séance du conseil communal ou de répondre dans cette langue à des
interventions de conseillers communaux.
Pour le ministre Peeters, cette décision,
entrée en vigueur au 1er
janvier 1998, reposait sur le principe que «les communes
de la périphérie doivent réaliser qu'elles font partie de la
Région flamande». Désormais, la distribution de documents
administratifs dans les six communes à facilités de la
périphérie de Bruxelles devra se faire en néerlandais, sauf si un
citoyen en fait une demande explicite afin de pouvoir recevoir
ses documents en français. D'après le ministre Leon
Peeters, il ne fallait qu'interpréter les règles prescrites. C'est pourquoi le ministre-président Patrick Dewael (en poste en juin 2000) avait fait cette
déclaration:
Il me semble à l'évidence que
«les facilités» étaient en premier lieu une
concession à l'égard des habitants francophones des six communes
périphériques, pour que ceux-ci puissent s'intégrer à moyen terme dans la
communauté néerlandophone dont ils font partie. En aucun cas, «les facilités»
ne peuvent être considérées comme un moyen de poursuivre, voire même de
réclamer un bilinguisme généralisé, dans les communes en question. C'est
pourquoi la communauté flamande considère « les facilités» comme des
exceptions à la règle néerlandophone. Il est donc clair que « les facilités»
ne peuvent être accordées automatiquement ni être généralisées.
Autrement dit, elles ont un caractère non répétitif et ne sont accordées
que sur demande expresse à répéter chaque fois. |
Cependant, le ministre Peeters fut pointé du doigt et
accusé d'«épuration ethnique» par les francophones. Par la suite,
des citoyens francophones ont refusé de payer
leurs taxes tant que leur demande ne leur était pas adressée en français.
Le gouvernement de la Communauté française et celui de la
Région wallonne ont introduit un recours en annulation auprès du Conseil d'État.
Mais celui-ci n'a jamais suspendu la circulaire
Peeters restreignant l'usage des facilités linguistiques en Région flamande; il
a toutefois dispensé les communes d'appliquer le texte litigieux. En principe,
la «circulaire Peeters» est demeurée en vigueur. Quoi qu'il en soit, les circulaires linguistiques de la
Communauté flamande ont été relativement nombreuses:
1. la «circulaire
Van den Brande» (7 octobre 1997), qui consacre, à l'égard des autorités
régionales, l'unilinguisme néerlandais au sein des communes
de la Région flamande;
2. la «circulaire
Peeters» (16 décembre 1997), sur l'emploi des langues au
sein des communes de la Région flamande;
3. la «circulaire
Martens» (3 février 1998), sur l'emploi des langues au
sein des CPAS (Centres publics d'action sociale) de la Région flamande;
4. la «circulaire
Keulen» (8 juillet 2005), sur l'emploi des langues dans les
administrations communales et les CPAS;
5. la «circulaire
Bourgeois» (7 mai 2010), sur l'interdiction stricte
d'enregistrer une éventuelle préférence linguistique des
habitants.
Toutes ces circulaires linguistiques
énonçaient le principe selon lequel les administrations locales et
régionales ne sont pas autorisées à émettre des actes
administratifs et autres documents en français, sans que
l’administré concerné n’ait sollicité spécialement une
traduction au cas par cas.
En d’autres termes, les circulaires interdisent aux
administrations concernées d’enregistrer de manière définitive
l’appartenance linguistique de leurs administrés.
En somme, les autorités flamandes
s’indignent que les francophones aient eu le mauvais goût de se plaindre à
l’extérieur du pays (Strasbourg et New York) pour les discriminations qu’ils estiment subir. Les
autorités flamandes ne contestent pas que certains abus aient pu être commis,
mais elles croient que les francophones se posent en victimes de façon à faire
oublier leurs propres exactions dans les communes wallonnes à facilités, ce qui
apparaît injuste pour les vraies victimes. Les Flamands estiment que si les
francophones veulent vivre en Flandre, il faut un minimum de loyauté et ne pas
dénigrer leurs compatriotes à l'étranger; cela signifie qu’il faut discuter et
régler les problèmes entre compatriotes.
Le problème, c'est que les francophones
disent qu'ils ne sont jamais écoutés par les autorités flamandes. Devant ces
faits, le gouvernement
flamand a voulu corriger le tir auprès de l'opinion publique internationale en embauchant un porte-parole —
un agent flamand des renseignements — dont la mission
serait de «mieux informer» la presse étrangère. Selon le ministre flamand des
Affaires intérieures, de la Politique urbaine, du Logement et de
l’Intégration civique, M. Marino Keulen, l'auteur de la «circulaire
Martens» (3 février 1998) :
Sur
les 3500 journalistes étrangers, un
pourcent est capable de lire le néerlandais... Nous devrons faire en
sorte de les informer au mieux….dans la mesure où de très nombreux
correspondants ignorent la langue néerlandaise, nous déploierons des
efforts supplémentaires pour traduire les décisions et les dossiers
importants du gouvernement flamand. |
Ces efforts supplémentaires se feront dorénavant en anglais! Pour les francophones, il
s'agit là d'un «délire nationaliste» et «fascisant»; pour les Flamands, il faut arrêter l'«intoxication orchestrée par les francophones».
C'est pourquoi, Kris Peeters, le ministre-président de la Région flamande,
déclarait le 23 mai 2008 au journal flamand De Morgen («Le Matin»): «Les
francophones doivent arrêter de salir la Flandre.» Quoi qu'il en soit, il
n'est pas certain que ce soit ainsi qu'on règle des problèmes de cet ordre. Pour
les francophones, la solution flamande serait d'accepter l'assimilation sans
concession au nom de la Belgique et le faire en silence, sans aller se plaindre
à l'Union européenne ni ailleurs.
- Les facilités dans les communes wallonnes
Selon les Flamands, les Wallons appliqueraient résolument une politique
discriminatoire sur leur territoire et n'hésiteraient pas à violer les lois
linguistiques pour «en finir» avec la minorité flamande. Ainsi, à Mouscron/Moeskroen,
Comines/Komen et Flobecq/Vloesberg (voir la
carte détaillée), les documents administratifs ne sont
envoyés qu'en français; les Flamands peuvent toujours demander une traduction.
En général, ces Flamands qui, contrairement aux Wallons, ont aussi une bonne
connaissance de l’autre langue, ne demanderaient pas souvent de traduction.
Autrement dit, les Wallons appliqueraient depuis longtemps leur propre «circulaire
Peeters» et personne n’en a entendu parler. Parce qu’on applique cette
même directive en Flandre, c’est le branle-bas de combat en Belgique et on hurle à
l’«épuration ethnique»! Mais quand ce sont les Wallons qui pratiquent depuis
fort longtemps la même politique, c’est considéré comme tout à fait
normal!
De plus, dans les communes wallonnes à facilités, le gouvernement de la
Communauté française ne paierait
plus rien pour l'enseignement des Flamands; la
seule école néerlandophone existante (Comines/Komen) est payée intégralement
par le gouvernement flamand, qui n’est pas obligé de le faire, puisque cette
responsabilité échoit légalement au gouvernement wallon. Ce dernier voulait faire fermer l’école de Comines/Komen en 1981,
dont l'existence correspond pourtant à un
droit inscrit dans le statut de la commune. C’est pourquoi les Flamands se
disent déçus: d’une part, ils payent l'enseignement francophone dans les communes
flamandes à facilités, d'autre part, les autorités wallonnes refusent de
payer pour un enseignement similaire pour les Flamands de Wallonie. Les Flamands
ont alors comme réflexe naturel de se radicaliser.
- Le régime de la territorialité remis en
question par les francophones
Les francophones de Bruxelles remettent ouvertement en cause la législation
sur le régime de la territorialité, pourtant l’un des éléments constituant
la pierre angulaire de l’État fédéral belge. Le gouvernement flamand et ses
institutions (ainsi que ses politiciens) disent avoir toujours respecté
l'intégralité du territoire wallon et n’être jamais intervenus auprès des
minorités flamandes qui sont fort nombreuses en Wallonie (près d’un million
de Flamands dans le passé, maintenant plus ou moins francisés). En tout cas, les autorités
flamandes disent vouloir résolument respecter la structure de l’État fédéral
belge et appliquer les lois dûment adoptées par les représentants des deux communautés
au Parlement fédéral.
Pour les francophones cependant, il n’est plus question de respecter ces lois d’une
«autre époque». Le problème, c’est que les Flamands comprennent que les
Wallons veulent conserver pour eux-mêmes le régime de l’unilinguisme territorial en
Wallonie,
mais pas dans les communes flamandes (à facilités) de la frontière
linguistique et de la périphérie bruxelloise. Les Flamands accusent les
francophones de distribuer même en Flandre des magazines de
propagande politique (Le Carrefour), d'accorder des subventions
illégales à des organisations assurant la promotion de la culture française,
et seulement dans les communes à facilités, pas dans les villes flamandes de
Gent (en fr.: Gand), Antwerpen (en fr.: Anvers) ou Brugge (en fr.:
Bruges); de se livrer à du racolage auprès des parents non belges (eurocrates)
en Flandre dans le but de les inscrire dans les écoles françaises. De plus, les
francophones des communes flamandes à facilités refuseraient catégoriquement de
parler le néerlandais. Pendant ce temps, les politiciens wallons déclarent
ouvertement vouloir «casser» la frontière linguistique (vers le nord, pas
vers le sud). Pour eux, la remise en question de la frontière linguistique —
flamande, il va sans dire — est devenue une revendication pour un «nouveau» droit constitutionnel.
Les Flamands admettent que les Wallons interviennent dans les communes
flamandes à facilités d'une manière assez habile et subtilement «déguisée». Il n’en demeure pas moins que tous ces faits forcent
les Flamands à agir et, surtout à réagir, par des mesures
fermes qui peuvent paraître protectionnistes et autoritaires. Or, on reprocherait
aux Flamands de faire comme les Wallons qui protègent le territoire wallon, la
culture wallonne et la langue française dans leur région. Ensuite, les Wallons
se disent persécutés par les Flamands.
Selon les Flamands, tout ceci constitue la vraie source des problèmes, car leur
gouvernement n’est pas plus fasciste, ni anti-francophone,
ni plus impérialiste que le gouvernement wallon. Mais beaucoup de Flamands se
disent maintenant convaincus que les Wallons et les francophones de Bruxelles veulent s'emparer d’une partie du
territoire flamand — toutes les communes à facilités de la frontière
linguistique et surtout celles de la périphérie bruxelloise — et qu’ils
refusent de s'adapter à la société flamande avec laquelle il leur faut
cohabiter.
6.7 Les cinq résolutions du Parlement
flamand
Dans l'espoir de trouver une solution aux problèmes de la
Belgique, le Parlement flamand adoptait, le 3 mars 1999, cinq résolutions
reprenant les grandes lignes d'une future réforme de l'État belge. Ces
résolutions préconisent un fédéralisme dont les institutions, la répartition des
compétences, et le mode de financement s’écartent sensiblement du modèle actuel. Les Flamands
proposaient une nouvelle structure binationale avec deux États fédérés à part
entière, la Flandre et la Wallonie, et deux régions à statut spécial, la Région
de Bruxelles-Capitale et la région de langue allemande.
Dans la première résolution, comme en Flandre, la Belgique francophone pourrait
également procéder à une fusion de la Communauté française et de la Région
wallonne, ce qui permettrait plus de transparence et d’équilibre.
La deuxième
résolution a trait à l’autonomie fiscale et financière des nouveaux États
fédérés, lesquels seraient responsables de leurs propres revenus et de leur
équilibre financier.
La troisième résolution concerne le statut de la Région
bilingue de Bruxelles-Capitale, une région où les États flamand et wallon
devraient exercer pleinement leurs compétences communautaires. Pour ce qui est
des matières communes, par exemple la fonction de capitale nationale et
internationale, elle devrait être cogérée par les deux États.
La quatrième
résolution propose de réaliser des «paquets de compétences homogènes» afin
qu'une politique intégrée soit possible, alliant des mesures réglementaires et
fiscaux. La quatrième résolution demande le transfert des allocations familiales
et de l’assurance-maladie aux Communautés qui sont déjà responsables pour la
politique familiale et des soins de santé.
Enfin, la cinquième résolution exige
le respect du principe de la territorialité et de la non-ingérence dans les
compétences des autres entités fédérales.
En 2004, le Parlement flamand a confirmé à nouveau les résolutions de 1999. Le
nouveau modèle proposé par les Flamands reposerait sur composantes (au lieu de
trois) appelés «États fédérés» et qui correspondent aux actuelles Communautés
flamande et Communauté française. Cette option pour un fédéralisme à deux amène
à faire de Bruxelles une sorte de «condominium» des deux autres Régions. Du
côté flamand, l'adoption de ces résolutions semble aller de soi. Toutefois, les
francophones n'ont pas beaucoup réagi. Par la suite, le gouvernement flamand a
diminué le taux de ces droits fiscaux, ce qui a forcé la Région de
Bruxelles-Capitale et la Région wallonne à prendre des mesures similaires. Pour
les Flamands, c'est la crainte du changement qui empêchent les francophones de
fonctionner et d'évoluer. La Communauté flamande se plaint de se voir arrêter
dans son développement à cause de la peur des francophones. Les Flamands
considèrent qu'ils ne peuvent plus mener à bien leurs politiques en gardant tous
les leviers financiers confinés au niveau fédéral. C'est pourquoi ils proposent
une sorte de confédération d’États souverains.
Le Parlement
de la Flandre formule les priorités suivantes :
1° le principe de territorialité et
le principe de non-immixtion doivent être pleinement réalisés et
garantis ;
2° la Flandre doit recevoir
l’organisation de la tutelle administrative dans les communes de la
périphérie et à Fourons, ainsi que pour le règlement de l’emploi des
langues dans les communes à statut linguistique spécial ;
3° les États fédérés doivent être
associés à la présentation de membres des organes suprêmes de
contrôle : Cour d’arbitrage, Conseil d’État, Cour des Comptes ;
4° les États fédérés doivent
déterminer eux-mêmes les règles en matière de gestion et de contrôle
de leurs finances. La Cour des comptes fédérale, composée d’une
Chambre flamande et d’une Chambre francophone, dépend tant de la
Chambre des représentants que des parlements des États fédérés ;
5° eu égard aux compétences du
Conseil supérieur de la Justice, il est indiqué que les États
fédérés assument une part de responsabilité pour la nomination et la
formation de magistrats. Une solution peut être trouvée à la
problématique de la sauvegarde du droit des États fédérés par le
biais d’un assouplissement des compétences implicites, ou en ayant
davantage recours à la technique des accords de coopération. Les
entités fédérés doivent être associées à la détermination et la
coordination de la politique des poursuites, pour les matières dans
lesquelles elles ont la compétence réglementaire. L’ensemble de la
politique d’aide sociale judiciaire revient aux États fédérés.
|
Au final, de nombreux parlementaires flamands ont fait observer que toute
nouvelle réforme de l’État belge exigerait une révision de la Constitution
fédérale pour laquelle le Parlement flamand n’a aucune juridiction. De plus,
cela nécessiterait une majorité au sein du groupe linguistique francophone de
chacune des deux Chambres. Ainsi, l'une des questions souvent posées a été celle
de la réaction des francophones. Devant cette question, les députés flamands ont
hésité entre la conciliation et la menace.
Le 30 mars 1999, le Parlement de la Communauté française a adopté à
l’unanimité le texte qui suit; le 24 mars, le Parlement wallon avait approuvé,
lui aussi à l’unanimité, une résolution similaire:
Le Parlement
de la Communauté française:
1. Considérant les lois de réformes
institutionnelles et plus particulièrement la loi spéciale de
réformes institutionnelles du 16 juillet 1993 visant à achever la
structure fédérale de l’État ;
2. Considérant l’adoption par une
majorité du Parlement flamand d’une résolution revendiquant une
nouvelle réforme de l’État, le 3 mars 1999 ;
3. À l’instar du Parlement wallon,
rappelle les principes constitutionnels aux termes desquels la
Belgique est un État fédéral qui se compose de trois régions
(Wallonie, Bruxelles et Flandre) et de trois communautés (française,
flamande et germanophone) ;
4. Constate que les réformes
institutionnelles ont abouti à la mise en place de structures
publiques adaptées aux réalités régionales et communautaires ainsi
qu’a leur nécessaire collaboration ;
5. Condamne la remise en cause
systématique des accords antérieurs qui crée le climat d’instabilité
chronique du pays ;
6. Constate que cette instabilité
ne pourra aboutir a terme qu’a la dislocation de la structure
fédérale, ce qui ne correspond manifestement pas aux attentes de la
population ;
7. Réaffirme son attachement aux
solidarités organisées tant au départ de la sécurité sociale que du
financement des entités fédérées et confirme sa volonté de voir
appliquer rapidement le régime de financement définitif tel qu’il
est explicitement prévu par l’article 39, § 2, de la loi spéciale de
financement du 16 janvier 1989 ;
8. Refuse toute remise en cause
des facilités linguistiques consacrées par la Constitution ;
9. Affirme la solidarité de
l’ensemble des populations de Wallonie et de Bruxelles et, sur le
plan institutionnel, la confirmation de la Région bruxelloise comme
Région à part entière. Dans ce cadre, il appuie les considérations
du Parlement bruxellois visant à préserver l’équilibre de la gestion
des institutions bruxelloises ;
10. Dès lors et compte tenu de ces
principes, s’oppose fermement aux résolutions adoptées par le
Parlement flamand le 3 mars 1999. |
Il n'en demeure pas moins que les propositions flamandes
devront être négociées avec les francophones. Il est possible que les
pouvoirs de persuasion de la part des négociateurs flamands soient
suffisamment grands pour concilier deux points de vue apparemment
inconciliables, mais il semble plutôt improbable que ces
propositions puissent trouver le soutien parlementaire nécessaire à leur
adoption.
En somme, pour les Flamands, il est fréquent d'affirmer que «c’est la faute aux
francophones» si ça va mal en Belgique. Après tout, ce sont les francophones qui ne
respecteraient jamais les «règles du jeu», qui ont utilisé tous les moyens
pour «purifier» leur territoire de toute présence flamande, en pratiquant de
basses manœuvres politiques pour intimider et obliger leurs minorités
(flamandes) à s’assimiler. Les actes d'intolérance et de mépris envers les
Flamands sont depuis plusieurs décennies monnaie courante. C’est pourquoi le
gouvernement flamand désire maintenant une sorte de confédération, sinon l’indépendance
de la Flandre, et le respect intégral des différents accords conclus entre
les deux communautés: ce qui signifie respect de la territorialité,
le respect
de la frontière linguistique et le maintien du bilinguisme officiel à
Bruxelles.
Dans le passé, on a souvent parlé du fameux «compromis» belge.
Or, aujourd'hui, lorsqu’on
examine les politiques linguistiques des deux grandes communautés, on doit
admettre que ces politiques sont devenues d’inspiration
très nationaliste et très protectionniste. Elles correspondent avant tout à
des politiques défensives qui ne s’accommodent guère de la liberté, de
la tolérance et des droits des minorités. Pendant que les politiciens se chicanent
depuis cinquante ans sur l’interprétation à donner aux lois linguistiques adoptées
dans un autre contexte, l’État belge se rapetisse au profit des intérêts
régionaux et communautaires.
Quand on observe, par exemple, les droits accordés aux minorités en
Hongrie, on ne peut que rester songeur devant la Belgique, un État
démocratique, qui interdit à la moitié de la population l’usage de sa
langue dans l’autre moitié du territoire. Toutes les politiques linguistiques
de ce pays — celles du gouvernement fédéral, des Flamands, des Wallons et des
germanophones — sont entièrement
axées sur le régime de la territorialité et ne laissent que fort peu de place aux
droits des minorités, chaque groupe constituant en principe une majorité qui
prend toute la place.
Mais, dans les faits, des dizaines de milliers de citoyens, surtout en Wallonie (où
des centaines de milliers de Flamands y
habitent), ont perdu leurs droits fondamentaux en matière de langue. Par comparaison
aux autres pays d’Europe, la Belgique commence à tirer de l’arrière,
tout empêtrée qu'elle est dans le carcan d'un régime territorial à tout crin. La
Belgique n’a jamais pratiqué de déportations massives ni de
génocide, mais le principe qui sous-tend le régime de la territorialité
appliqué dans ce pays pourrait s’apparenter à une forme d’«épuration
ethnique» hautement plus subtile. Cette pratique semble aussi bien s’appliquer
aux Wallons qu’aux Flamands.
Il faut reconnaître que, dans la situation actuelle, les Wallons ont
davantage intérêt
à perpétuer le système en place — la Belgique fédérale — que les
Flamands qui croient toujours y perdre au change. En tout cas, loin de pratiquer
un
fédéralisme de collaboration, la Belgique semble avoir établi plutôt un fédéralisme
de confrontation où ce qui est acquis par l’une des parties est perçu
comme devant se faire au détriment de l’autre. Aussi, pendant que les
Flamands songent sérieusement à former leur République flamande, quelques Wallons
pensent à se rattacher à la France (mouvement minoritaire des «rattachistes»). Le
modèle belge montre que le fédéralisme, loin d’apaiser les revendications
nationalistes, pourrait plutôt les exacerber. Il n'en demeure pas moins que la
Belgique reste un foyer de tensions linguistiques dont on n'a aucune idée dans
d'autres pays comme la France ou le Canada. À comparer le mur qui sépare les
francophones et les néerlandophones de Belgique, les rapports entre
francophones et anglophones au Canada semblent un véritable jardin de roses.
Si en Belgique, il existe une certaine animosité entre francophones bruxellois et Wallons,
au Canada les
francophones sont divisés entre Québécois francophones et
francophones hors-Québec. Mais il y a aussi une différence de taille entre le
Canada et la Belgique. Les francophones de Belgique sont en situation de co-dominance dans la structure étatique du pays, ce
qui n'est pas le cas des
francophones du Canada. En Belgique, les mécanismes régissant le
fonctionnement de l'État fédéral belge visent à supprimer l'infériorité
numérique des francophones en faisant d'eux l'un des deux peuples «co-dominants»
(avec les Flamands). Au plan fédéral, il n'existe pas de
majorité ni de minorité: c'est l'égalité entre les deux communautés au point où
l'on peut parler d'«État bicéphale» ou encore d'«État dualiste», que ce soit au
Conseil des ministres, dans les deux Chambres, la Cour constitutionnelle, etc.
Autrement dit, les francophones sont tellement bien protégés (en position de
co-dominance) qu'ils ne constituent pas une minorité au sens juridique du terme. Mais ils forment tout de même une
minorité numérique au Parlement, ce qui implique qu’ils ont été amenés à
devoir actionner la fameuse «sonnette d’alarme» à propos de BHV (arrondissement
de Bruxelles-Hal-Vilvorde).
C'est pourquoi ce n'est certainement pas pour bientôt que la Belgique fédérale
signera la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ou
encore la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales,
car il faudrait que le Conseil flamand, la Communauté française et la Communauté
germanophone, sans oublier la Chambre des représentants et le Sénat,
ratifient ces deux traités. De plus, il n'existe pas de «minorité» en
Belgique, d'après le droit belge, chacune des communautés étant exclusive
dans son territoire de juridiction. Cet
argument n'a pas toutefois semblé convaincre la Commission européenne pour la démocratie et le
droit, appelée aussi «Commission de Venise» (un organisme indépendant du Conseil
de l'Europe) qui, dans un avis adopté le 9 mars 2002, a reconnu le statut de
minorité aux francophones habitant la région de langue néerlandaise et la région
de langue allemande, de même qu'aux néerlandophones et germanophones vivant dans
la région de langue française.
Or, les Flamands ne sont pas prêts à accorder ce
statut aux francophones de la Région flamande parce qu'ils ne font pas confiance
aux francophones. Ils estiment qu'à ce jeu ils y perdraient : pendant que les Flamands
respecteraient les droits linguistiques des francophones en Flandre, les Wallons n'en
feraient qu'à leur tête en Wallonie, ou feraient semblant de les respecter pour
grignoter encore le territoire flamand. Il est quand même incroyable que
les accords politiques accumulés depuis cinquante ans n'aient jamais réussi à
assurer la sécurité linguistique aux Flamands. Au contraire, les Flamands
ont l'impression de se faire flouer tant par les dispositions juridiques que
par les mouvements démographiques dans la périphérie bruxelloise. Par
réaction, les partis politiques, qui réclament l'indépendance de la Flandre,
sont devenus des partis extrémistes et xénophobes, ce qui les rend
incapables de tenir compte des aspirations de la majorité silencieuse
imprégnée d'un nationalisme moins radical. Par ailleurs, beaucoup de
Flamands sont devenus extrêmement légalistes! Malheureusement, les Flamands sont en train de se créer sur la scène
internationale une épouvantable réputation de «Serbes du Nord», qui n'a plus
aucune crédibilité. L'image que transmet la Flandre au monde apparaît
comme très négative et presque caricaturale. Le nationalisme flamand, contrairement à celui des
Catalans et des Québécois, n'a pas réussi à s'affirmer politiquement de
façon positive. Les Flamands ont tendance à ne pas se définir par ce qu'ils sont, mais
par rapport aux francophones. Tant qu'ils en resteront là, ils demeureront
paralysés dans leur mentalité revancharde et leur trop-plein de rancunes. On
ne refait pas l'histoire. On l'assume. C'est la seule façon de se
réconcilier avec l'Histoire.
DOCUMENT DE CONSULTATION:
Proposition flamande de résolution
relative au démembrement de l'État belge
en vue d'accorder l'indépendance au
peuple flamand et au peuple wallon souverains.
Date de la dernière révision:
09 juin, 2024
Belgique (accès)