Traité d'amitié protectrice
Le président de la République française et Son Altesse
Sérénissime le prince de Monaco, désireux de confirmer par un
acte formel de mutuelle confiance l'Amitié protectrice que,
suivant une heureuse tradition, la Principauté a toujours
rencontrée auprès du Gouvernement français,
Considérant que les intérêts de la Principauté de Monaco sont
nécessairement liés, par suite de sa situation géographique, à
ceux de la France,
Ont résolu de conclure à cet effet un traité et ont nommé
pour leurs plénipotentiaires respectifs, savoir :
Le président de la République française : M. Stephen Pichon,
sénateur, ministre des affaires étrangères de la République
française ;
Et Son Altesse sérénissime, le prince de Monaco : M. le comte
Bany d'Avricourt, son envoyé extraordinaire et ministre
plénipotentiaire près le président de la République française ;
Lesquels, dûment autorisés, sont convenus des dispositions
suivantes :
Article premier
Le Gouvernement de la République française assure à la
Principauté de Monaco la défense de son indépendance et de sa
souveraineté et garantit l'intégrité de son territoire comme si
ce territoire faisait partie de la France.
De son côté, le Gouvernement de son Altesse sérénissime le
prince de Monaco s'engage a exercer ses droits de souveraineté
en parfaite conformité avec les intérêts politiques militaires,
navals et économiques de la France.
Article 2
Les mesures concernant les relations internationales de la
Principauté devront toujours faire l'objet d'une entente
préalable entre le Gouvernement princier et le Gouvernement
français.
Il en est de même des mesures concernant directement ou
indirectement l'exercice d'une régence ou la succession à la
couronne qui, soit par l'effet d'un mariage, d'une doption au
autrement, ne pourra être dévolue qu'à une personne ayant la
nationalité française ou monégasque et agréée par le
Gouvernement français.
Article 3
Son Altesse sérénissime le prince de Monaco, conformément aux
articles additionnels du traité du 2 février 1861, confirme,
tant pour lui que pour ses successeurs, l'engagement pris par le
Gouvernement français de ne point aliéner la Principauté, soit
en totalité, soit en partie, en faveur d'aucune autre puissance
que la France.
En cas de vacance de la couronne, notamment faute d'héritier
direct ou adoptif, le Gouvernement monégasque formera, sous le
protectorat de la France, un État autonome sous le nom d'État de
Monaco. En pareil cas, les biens privés immobiliers non affectés
à un usage public, qui, de ce chef, pourraient faire l'objet
d'une revendication particulière des ayants droit, seront
rachetés par l'État de Monaco avec l'assistance, s'il y a lieu,
de l'État français.
Article 4
Le Gouvernement français pourra, soit de sa propre
initiative, avec l'agrément du prince, ou en cas d'urgence
après notification, soit sur la demande de son Altesse
sérénissime, faire pénétrer et séjourner sur le territoire
et dans les eaux territoriales de la Principauté les forces
militaires ou navales nécessaires au maintien de la sécurité
des deux pays.
Article 5
Le Gouvernement français prêtera au Gouvernement princier ses
bons offices pour lui faciliter l'accès à ses côtés des
conférences et institutions internationales, notamment de celles
ayant pour objet l'organisation de la Société des Nations.
Article 6
Des conventions particulières fixeront les dispositions
concernant notamment : les conséquences économiques de l'union
douanière stipulée par le traité du 2 février 1861, la poursuite
et la répression des fraudes fiscales, des contraventions, des
délits et des crimes de toute nature, l'organisation des
services publics communs, l'enseignement, le recrutement des
fonctionnaires publics, le régime des étrangers principalement
au point de vue de leur naturalisation et de leur sujétion aux
impôts, la coordination des mesures de police, la surveillance
des frontières, étant bien entendu qu'il appartient au seul
Gouvernement princier d'édicter, avec l'assentiment du
Gouvernement français, s'il y a lieu, les dispositions
concernant l'ordre public interne de la Principauté.
Article 7
Le présent traité sera, dès que les circonstances le
permettront, porté par les soins du Gouvernement français à la
connaissance des puissances.
En foi de quoi, les plénipotentiaires respectifs ont
signé le présent traité et y ont apposé leurs cachets.
Fait en double.
S. Pichon. Balny d'Avricourt.