République de Roumanie

Roumanie

(România)

Capitale: Bucarest 
Population: 24,2 millions (2003)
Langue officielle: roumain
Groupe majoritaire: roumain (83,8 %)
Groupes minoritaires: hongrois (6,7 %),  tsigane (1,1 %), ukrainien (0,3 %), allemand (0,2 %), russe (0,1 %), turc (0,1 %), serbe (0,1 %), tatar (0,1 %), slovaque (0,0 %), bulgare, yiddish, croate, tchèque, polonais, grec, arménien, etc.
Système politique: république parlementaire
Articles constitutionnels (langue): art. 6, 13, 32, 59, 127 et 148 de la Constitution de 1991; la Convention-cadre des langues minoritaires de 1995 (Conseil de l’Europe), la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992 (Conseil de l’Europe)
Lois linguistiques: la Déclaration sur les minorités nationales (4 décembre 1991); la loi no 69 du 26 novembre 1991 relative à l’administration publique locale; l'arrêté du gouvernement roumain no 136 du 6 avril 1993; l'arrêté no 136 du 6 avril 1993 instituant le Conseil pour les minorités nationales; la Loi sur l'éducation no 84/1995; la Loi sur l’éducation du 29 décembre 1995; la Loi sur les partis politiques (no 27/1996) du 26 avril 1996; la loi no 24 du 12 avril 1996 relative à l’administration publique locale; l'ordonnance no 36/1997 portant modification de la loi no 84/1995 sur l'éducation; le décret no 17 du gouvernement sur la création, l'organisation et le fonctionnement du Département pour la protection des minorités nationales (1997); Décision no 14/1999 concernant la traduction en roumain d'émissions diffusées en d'autres langues; Loi no 215 du 23 avril 2001 sur l'administration publique locale; Loi sur l'usage du roumain dans les institutions, relations et lieux publics (2004); Loi relative au statut des minorités nationales en Roumanie (2005).

1 Situation géographique

Cet ancien pays de l’Est qu’est la Roumanie (ou România) est limité au nord par l’Ukraine, à l’est par la Moldavie et la mer Noire, au sud par la Bulgarie et à l’ouest par la Serbie et la Hongrie.

Afin d’aider à comprendre la partie historique qui suit, on peut consulter une carte représentant les huit provinces historiques de la Roumanie: la Bucovine, la Moldavie, la Dobroudja, la Munténie, l’Olténie, la Transylvanie, le Banat et le Crisana-Maramures.

Aujourd’hui, il est plus pertinent de ne retenir que trois grandes divisions territoriales: la Moldavie occidentale (avec la Bucovine), la Valachie (avec l’Olténie et la Dobroudja) et la Transylvanie-Banat (avec le Crisana-Maramures). La Moldavie, la Munténie et la Transylvanie existent depuis le Moyen Âge, alors que l’Olténie, le Banat et la Bucovine sont issus des grands bouleversements qui ont eu lieu au XVIIIe siècle; le territoire de la Crisana-Maramures correspond actuellement à une délimitation administrative. Le territoire de la Roumanie est partagé présentement en 40 départements (ou judeţe), excluant la ville de Bucarest (voir la carte des département).

2 Données démolinguistiques

La population est multiethnique, même si les Roumains d’origine représentent plus de 90 % des habitants et parlent le roumain, une langue romane. Les locuteurs du roumain sont majoritaires à Bucarest et dans 39 départements sur 41. Ils ne sont majoritaires entre 50 % et 80 % que dans les départements suivants: Bihor, Cluj, Mureş, Satu Mare et Sălaj. Les roumanophones ne représentent moins de 50 % de la population que dans deux départements: Harghita (14,1 %) et Covasna (23,2 %). 

2.1 Les variétés roumaines

Aujourd'hui, toutes les langues roumaines (roumain, moldave, aroumain ou macédo-roumain, istro-roumain, mégléno-roumain, transylvanien, etc.) sont parlées dans une aire linguistique (voir la carte spécifique et les explications à ce sujet) située plus ou moins autour de la Roumanie. Il faut retenir que le roumain a été très tôt influencé par les langues slaves et par la proximité des cultures byzantine et orthodoxe. Ainsi, le roumain revêt une apparence conservatrice par rapport au latin, mais avec des innovations et des originalités importantes. 

Cela dit, on distingue les variétés suivantes:

1) Les dialectes du Nord: le daco-roumain (qui est devenu le roumain officiel et le moldave officiel) ainsi que l'istro-roumain (considéré comme éteint†). Il s'agissait d'une langue intermédiaire entre le romanche, le ladin et le frioulan des Alpes, et les langues latines orientales telles le daco-roumain, l'aroumain et le mégléno-roumain.

Le daco-roumain constitue la variété la plus importante parmi les langues roumaines. Il est localisé dans l'actuelle Roumanie, en Moldavie et dans les zones limitrophes de la Serbie, de la Bulgarie, de la Hongrie et de l'Ukraine. Le daco-roumain est généralement fragmenté en trois variétés dialectales: le moldave (à l'est et dans quelques enclaves en Ukraine), le valaque (base de la langue littéraire au sud) et le transylvain (à l'ouest). Toutefois, d'autres découpages sont possibles où les dialectes empruntent leurs noms à diverses régions de la Roumanie: Maramures, Crişana, Banat, Monténie, Olténie. Les différences linguistiques sont peu importantes et tous les locuteurs se comprennent aisément. Un mot sur le transylvanien; parmi les quelque 7,7 millions de Transylvaniens, plus de 5,6 millions (72,7 %) parlent le transylvanien; ce dialecte est parlé quasiment par tous les roumanophones transylvaniens, même par les enfants qui n'apprennent le roumain littéraire qu'à l'école. Il n'y a que les gens d'origine moldave ou valaque qui ne parlent pas le dialecte transylvanien.

Quant à l'istro-roumain, il est aujourd'hui disparu, car le dernier locuteur est décédé en 2006. Il a été pratiqué au cours de la dernière décennie par un millier de locuteurs dans la région de Učka Gora (Slovénie).

2) Les dialectes du Sud: l'aroumain et le mégléno-roumain, ainsi que le macédo-roumain.

L'aroumain est une langue apparentée au roumain, mais elle n'est intelligible qu’à 20 % tout au plus pour un locuteur du roumain (daco-roumain) et réciproquement. Cette langue est parlée par environ 250 000 locuteurs au nord de la Grèce, au sud de l'Albanie, à l'est de la Serbie, en Bulgarie et en république de Macédoine. L'aroumain est appelé familièrement macédo-roumain en Roumanie, mais il n’est ni officiel ni reconnu par les scientifiques.

Quant au mégléno-roumain, il est parlé par une communauté musulmane d'environ 15 000 locuteurs localisés au nord-est de Salonique (Grèce) et au sud de la Bulgarie.

En daco-roumain, les différences régionales sont faibles et n’empêchent aucunement une totale compréhension mutuelle. Les différences entre ces variétés régionales sont extrêmement mineures: elles consistent essentiellement à quelques dizaines de mots régionaux et quelques différences d'ordre phonétique. On estime qu'environ 4 % du lexique serait différent entre la Transylvanie, la Moldavie (y compris la Moldavie occidentale roumaine) et la Valachie. Voici quelques exemples, fournis par M. Spiridon Manoliu, et préconisés par la république de Moldavie (pour la variété moldave):

Français transylvain valaque moldave
chou Varzä Varzä Curechi
serviette de toilette («débarbouillette», en québécois Stergar Prosop Stergar
dispute Sfadä Ceartä Sfadä
jeune June Tânär Tânär
massue Bâtä Mäciucä Bâtä
melon Pepene Pepene Harbuz
voix, parler (dialecte) Vorbä Cuvânt Grai
neige Omät Zäpadä Nea
perceuse Burghiu Burghiu Sfredel
têtard Ghitälar Mormoloc Mormoloc

Il existe aussi trois accents différents. Les locuteurs du daco-roumain se comprennent tous entre eux, mais ils reconnaissent immédiatement la région d’origine de leur interlocuteur. Cela étant dit, les régionalismes moldaves se retrouvent souvent en Transylvanie et inversement; par exemple, le mot omăt («neige») est même davantage employé en Moldavie plutôt qu’en Transylvanie ou, à tout le moins, la distribution géographique n’est pas si nette qu’on le croit. Quoi qu'il en soit, la correspondance entre les trois grandes régions historiques et les parlers roumains demeure approximative. De plus, les variétés valaques, devenues langues des médias, dominent en fait dans toute l’aire du daco-roumain, surtout chez les jeunes générations, et ce, malgré les efforts des autorités de Chisinau (Moldavie).

On compte des roumanophones non seulement en Roumanie, mais aussi en Moldavie (2,6 millions), au Kazakhstan (20 000), en Azerbaïdjan (1400), au Turkménistan (1900), en Ouzbékistan (4200), en Russie (178 000), en Ukraine (325 000), en Hongrie (8400), aux États Unis (300 000), au Canada (30 000), en Israël (250 000), ainsi qu'en Serbie (16 000), au Monténégro (4400), en Finlande (1000), en Australie (7700), etc. Ces roumanophones y ont une vie à part des Roumains du pays et tentent souvent de conserver leur langue et leur culture, sans pour autant accepter la domination de la Roumanie, comme «mère patrie».

2.2 Le roumain et le moldave

Le roumain et le moldave sont deux termes pour désigner la même langue daco-roumaine, dont l'une est parlée en république de Roumanie, l'autre en république de Moldavie. Voici à ce sujet un petit texte de M. Spiridon Manoliu permettant de comparer brièvement le roumain et le moldave:

Français Roumain Moldave
Ce dictionnaire est celui de Vasile Stati, qui d’un glossaire de mots peu connus de Moldavie, a fait un dictionnaire roumain-roumain, non pas lexicologique comme ceux auxquels nous sommes habitués, mais pour ces Moldaves qui ne connaissent pas bien la différence entre la langue roumaine littéraire que l’on apprend à l’école, et la langue familière parlée à la maison par les parents. Acest dictionar este cel al lui Vasile Stati, care dintr-un glosar de cuvinte mai putin cunoscute din Moldova, a fäcut un dictionar român-român, dar nu lexicologic ca toate cele cu care este obisnuita lumea, ci pentru acei moldoveni care nu cunosc bine ambele limbi, limba românä literarä ce se învatä la scoalä, si limba de casa învätatä de la pärinti. Acest dictionar este acela al lui Vasile Stati, care dintr-un glosar de cuvinte mai putin cunoscute din Moldova, a fäcut un dictionar moldovean-român, însä nu lexicologic ca celelalte cu care este învätatä lumea, ci pentru acei moldoveni care nu cunosc bine ambele limbi, limba românä literarä ce se înväta la scoala româneascä, si limba moldoveneascä gräitä în casä la pärinti.

Il existe de très légères différences entre le roumain et le moldave, mais en général les Roumains ne distinguent le moldave que lorsque ses locuteurs emploient un mot russe là où eux-mêmes auraient employé un mot anglais ou français (par exemple, parahod au lieu de pachebot pour un «paquebot», ou samaliot au lieu d’avion). Il convient de savoir aussi que le roumain est davantage influencé par l'anglais que le moldave au point où certains linguistes n'hésitent pas à affirmer que le roumain actuel (le daco-roumain) s'apparenterait à un «anglo-valaque». Par exemple, le mot licenta (fr. «licence») désigne maintenant une «autorisation d'utilisation» (comme en anglais); le mot privata (fr. «toilette») a acquis le sens de «privée»; le mot ordinator (fr. «ordinateur») est devenu computer. Un atelier mecanic est devenu un car-service. On écrit maintenant match au lieu de meci et tramway pour tramvai, etc. Pour les autorités moldaves, tous ceux qui sont opposés à la «langue moldave» sont perçus comme des «agents de l'impérialisme culturel roumain». Compte tenu des tensions politiques, il paraît impossible d'en arriver à un consensus entre la Moldavie et la Roumanie. Chaque fois que le problème linguistique est discuté en Roumanie, le problème de la «bonne définition» ressurgit, d’autant plus que l’Académie de Bucarest (Roumanie) et l'Académie de Chisinau (Moldavie) sont en complet désaccord. Le gouvernement de la Moldavie encourage l'identité moldave et considèrent même l'identité roumaine comme étant l'expression de l'«expansionnisme roumain». Tant que ces tensions existeront, il ne sera pas possible d'en arriver à un compromis entre les deux pays.

2.3 Les minorités

Les principales minorités nationales de la Roumanie sont d'abord les Tsiganes. De tous les groupes minoritaires, c’est la population la plus difficile à évaluer : lors du recensement roumain de 2002, seulement 1,1 % de la population s’est déclarée tsigane, soit 241 617 personnes (chiffres officiels du gouvernement), alors que les sociologues roumains estiment la population à un million et les associations tsiganes élèvent leur nombre à 2,5 millions, voire à trois millions, soit 10 % de la population totale. Ces divergences d’estimations proviennent du fait que de nombreux Tsiganes se seraient, lors du recensement, déclarés roumains, hongrois ou turcs et que plusieurs d’entre eux ne possèderaient aucun papier d’identité.

Origine ethnique (recensement 2002) Langue maternelle Groupe linguistique Population  
Roumains roumain langue romane

19 741 356

91 %
Hongrois hongrois langue ouralienne   1 447 544   6,7 %
Tsiganes tsigane (romani) langue indo-iranienne     241 617   1,1 %
Ukrainiens ukrainien langue slave      57 593   0,3 %
Allemands allemand langue germanique      45 129   0,2 %
Russes lipovènes russe langue slave       29 890   0,1 %
Turcs turc langue altaïque (turcique)       26 714   0,1 %
Serbes serbe langue slave      20 377   0,1 %
Tatars tatar langue altaïque (turcique)      21 482   0,1 %
Slovaques slovaque langue slave      16 108   0,0 %
Bulgares bulgare langue slave        6 747   0,0 %
Croates croate langue slave       6 355   0,0 %
Grecs grec langue grecque       4 146   0,0 %
Tchèques  tchèque langue slave       3 339   0,0 %
Juifs roumain langue romane       1 100   0,0 %
Polonais polonais langue slave       2 755   0,0 %
Italien italien langue romane       2 563  0,0 %
Chinois mandarin langue sino-tibétaine       2 300  0,0 %
Arméniens arménien isolat indo-européen          762   0,0 %
Macédoniens macédonien langue slave          588  0,0 %
Albanais albanais isolat indo-européen         484  0,0 %
Krasovaniens krasovanien langue slave         269  0,0 %
Ruthènes ruthène langue slave         169  0,0 %
Slovènes slovène langue slave            71  0,0 %
Gagaouzes gagaouze langue turcique           30  0,0 %
Autres nationalités ------------- -------------      11 348   0,1 %
Origine non déclarée ------------- -------------        5 345   0,0 %
Total = 24 258 810

Parmi les autres minorités, les Hongrois (6,7 %) parlent une langue langue ouralienne (le hongrois); les Allemands (0,2 %), une langue germanique; les Ukrainiens (0,3 %), les Russes lipovènes (0,1 %), les Serbes (0,1 %), les Slovaques (0,0 %), les Bulgares (0,0 %), les Tchèques (0,0 %), les Croates (0,0 %) et les Polonais (0,0 %), une langue slave; les Turcs (0,1 %) et les Tatars (0,1 %), une langue altaïque (turcique); les Grecs et les Arméniens appartenant à un isolat indo-européen. Les Juifs parlent, pour leur part, le roumain.

On remarquera que la plupart des minorités (à l'exception des Tsiganes et des Turcs) habitent principalement la Transylvanie (voir la carte de gauche), une région du centre de la Roumanie, qui fut rattachée au royaume de Hongrie en 1003. En 1765, la région devint une grande principauté autrichienne et, en 1849, un territoire de la couronne d'Autriche. Cependant, la Transylvanie retourna au royaume de Hongrie en 1866, à la suite de la formation de l'Empire austro-hongrois. La région fut rattachée à la Roumanie en décembre 1918, après la Première Guerre mondiale. En août 1940, lors de la Seconde Guerre mondiale, le nord de la Transylvanie ( 44 030 km² avec ses 2,7 millions d'habitants) fut restitué à la Hongrie par l'Italie et l'Allemagne, puis retourna à la Roumanie à la fin de la guerre.

Parmi les Russes, il conviendrait de distinguer un groupe distinct: les Lipovènes. Ce sont des Russes, appelés «vieux-croyants», persécutés par le tsar Pierre le Grand au XVIIe siècle. Ils ont quitté la Russie pour trouver refuge en Roumanie auprès des Roumains et des Grecs; ils se sont mélangés à la population, d’où est née cette communauté particulière appelée Lipovènes (en roumain : Lipoveni du nom du village de Lipoveni en Bucovine). Le recensement de 2002 dénombrait 29 890 Lipovènes, dont 90 % parlaient le russe. La majorité des Lipovènes habitent les départements de Tulcea (6,4 %), Brăila (1 %), Constanţa (0,8 %), Iaşi (0,4 %) and Suceava (0,4 %).

Les Hongrois, qui représentent 6,7 % de la population totale, forment la plus importante minorité linguistique de la Roumanie. Plus de la moitié des Hongrois (52,9 %) habite dans des villes. Les Hongrois ne sont majoritaires que dans les départements de Harghita (84,6 %) et de Covasna (73,8 %), mais ils constituent une présence significative dans les départements de Mureş (39,3 %), Satu Mare (35,2 %), Bihor (25,9 %) and Sălaj (23,1 %). Consulter la carte des départements, s.v.p.

Il existe une autre minorité assez particulière de «Hongrois»: les Czángós ou Csangos (en roumain: Ceangai). Les quelque 60 000 membres de cette communauté de catholiques romains parlent une forme archaïque de hongrois. Ceux qui parlent le csango comme leur langue maternelle représentent une proportion de plus en plus restreinte de la population d'origine. Aujourd'hui, les écoles et les églises emploient le roumain dans leurs activités. L'enseignement leur est généralement dispensé en roumain ou en russe, en polonais, voire en tsigane. Rares sont les Czángós qui savent encore écrire leur langue maternelle.

Les personnes qui se sont déclarées Tsiganes (ou Roms) représentent 1,1 % de la population. La plupart résident en Valachie et à Bucarest (1,4 % de la municipalité). Ils résident surtout dans els départements comme Mure (7,0 %), Calarasi (5,6 %), Bihor (5,0 %), Dolj (4,3 %), Sibiu (4,2 %) et Arad (3,9 %).  Consulter la carte des départements, s.v.p. Les représentants du groupe ethnique des tsiganes contestent la valeur du recensement gouvernemental; ils affirment que beaucoup de Tsiganes se sont déclarés «Roumains», voire «hongrois». L'Institut de recherches sur la qualité de vie (Institutul de Cercetare a Calitatii Vietii) a publié il y a quelques années une étude sur les Tziganes roumains afin de retracer leurs origines ethniques. Les résultats donnent trois catégories de Tziganes en Roumanie : les «assimilés», les  «non-assimilés et les «plus ou moins assimilés». Les trois catégories seraient de poids très comparable, suivant une tendance apparue depuis un siècle et demi. Évidemment, lors des recensements, les Tziganes assimilés et bon nombre de ceux en cours d’assimilation se déclarent des Roumains, des Hongrois, etc., selon leur langue maternelle, ce qui est légitime. Mais l’assimilation ne semble pas aller de pair avec l'ascension sociale : il existe des Tsiganes riches et non assimilés ainsi que des assimilés restés marginaux. Le nombre total des personnes estimées par la recherche de l’ICCV être tziganes ou avoir des racines tziganes (même éloignées) ne dépassait pas un million et demi. Logiquement, un tiers de ces personnes se déclarent tziganes aux recensements, dont la moitié déclare avoir le tzigane comme lange maternelle.

La plupart des Ukrainiens et des Ruthènes résident dans trois départements: Maramures (6,7 %, Suceava (1,2 %) et Timis (1,1 %). Les Allemands, pour leur part, sont concentrés dans six départements de la Transylvanie, soit Timis (2,1 %), Caras-Severin (1,8 %), Satu Mare (1,7 %), Sibiu (1,6 %), Arad (1,1 %) et Brasov (0,8 %). Quant aux Turcs, ils sont surtout concentrés dans les deux départements de Constanta (3,4 %) et de Tulcea (1,3 %). Depuis une bonne décennie, les Serbes ont vu leur population diminuer : 20 377 personnes (0,1 %) habitant les départements de Timis et de Caras-Severin.  Consulter la carte des départements, s.v.p.

3 Données historiques

La Roumanie, comme la Moldavie, tire son origine de l'ancienne Dacie habitée par les Daces ou Gètes, un peuple indo-européen apparenté aux Thraces. La Dacie ne correspondait pas tout à fait à la Roumanie actuelle: elle englobait l’Olténie, la Transylvanie (voir la carte) et à une partie de la Hongrie, et s’étendait des Carpates au nord jusqu'au Danube au sud, et du Dniestr à l'est jusqu'à la Tisza à l'ouest. Le royaume de Dacie est attesté dès le IIe siècle avant notre ère. La région fut soumise par l’empereur Trajan après deux campagnes appelée guerres daciques (101-102 et 105-107) et fut érigée en province romaine. Même si la domination romaine ne dura qu’un siècle et demi — les Goths chassèrent les Romains en 256, qui abandonnèrent totalement la province en 275 —, son implantation eut néanmoins des conséquences linguistiques permanentes. En effet, les habitants de cette province de Dacie se romanisèrent et se christianisèrent. Devenus chrétiens et romains, ils parlèrent le latin. La thèse la plus vraisemblable laisse croire qu'on devrait le roumain aux colons romanisés qui auraient trouvé refuge dans les Carpates du Sud, pour revenir ensuite dans la plaine danubienne.

3.1 La formation de la langue roumaine

Pendant près de mille ans, la Dacie romanisée fut envahie par les vagues successives des Goths (III-IVes siècles), des Gépides (IV-Ves siècles), des Huns (IV-Ves siècles), des Avars (VI-VIIes siècles), des Slaves ou encore des Bulgares (VII-IXes siècles). La dernière des grandes invasions fut celle des Mongols (1241). La population dace se réfugia dans les montagnes des Carpates ainsi qu’en Transylvanie, où elle conserva ses traditions et la langue néo-latine, enrichie cependant d'un important apport lexical d’origine slave, surtout entre les VIIe et Xe siècles. Ces Daces contribuèrent à la formation de quelques variétés néo-latines dont le daco-roumain, l'istro-roumain, le mégléno-roumain et le valaque (ou aroumain). Plus précisément, le roumain est surtout basé sur le daco-roumain parlé dans la région historique de la Valachie, mais cette langue s’est également implantée en Moldavie et jusqu’en Transylvanie. C'est à cette époque que le roumain (issue du daco-roumain) commença à acquérir sa forme actuelle. Au XIe siècle, la religion chrétienne orthodoxe fut introduite par les Bulgares. La plus grande partie des habitants se convertirent et adoptèrent la religion orthodoxe.

Entre le Xe siècle et le XIIIe siècle, des principautés telles que la Valachie et la Moldavie se constituèrent avec comme religion le christianisme orthodoxe et comme langue le daco-roumain; l’Église orthodoxe introduisit le slavon écrit en alphabet cyrillique comme langue liturgique, tout en essayant avec un succès très relatif de l’implanter dans la population comme langue maternelle. Durant tout le Moyen Âge, la langue officielle adoptée par les principautés roumaines était le slavon, mais la population continuait de parler le daco-roumain qui deviendra plus tard le roumain officiel. 

En 1003, les Hongrois conquirent la Transylvanie, qui devint une principauté autonome, et firent refluer les populations locales vers les plaines danubiennes, soit vers la Valachie au sud-est (qui comprenant l’Olténie et la Munténie) et vers la Moldavie au nord-ouest. Dès le XIVe siècle, les trois grandes provinces de la Roumanie contemporaine — Moldavie, Valachie et Transylvanie — prirent leur visage historique. La Moldavie et la Valachie connurent à cette époque un exceptionnel développement culturel et économique. Puis les deux provinces furent conquises par les Ottomans et les habitants vécurent sous leur joug jusqu'à la fin du XVIIe siècle. À la fin du XVIe siècle, Michel le Brave de Valachie (1563-1601) parvint à chasser les Turcs (1594-1597), fit la conquête de la Transylvanie en 1599 et annexa la Moldavie en 1600. Après la mort de Michel le Brave, assassiné en 1601, les Ottomans rétablirent progressivement leur autorité en Moldavie et en Valachie, tandis que les Autrichiens s’emparèrent de la Transylvanie annexée à l’Empire. Sous la férule des Ottomans, la Moldavie et la Valachie furent gouvernées, entre 1711 et 1821, par les Grecs phanariotes — du mot Phanar, un quartier de Constantinople où résidait le patriarche orthodoxe entouré de Grecs fortunés —, ce qui eut pour effet de permettre la pénétration de la culture occidentale, surtout française.

3.2 Les mouvements nationalistes

Par la suite, le slavon fut graduellement abandonné au profit du roumain qui s'écrivait à ce moment-là avec l’alphabet cyrillique. Les Autrichiens et les Russes conquirent la Bucovine (1775) et la partie est de la Moldavie appelée la Bessarabie (1845) — aujourd'hui la république de Moldavie — aux dépens des Ottomans. La Moldavie et la Valachie obtinrent alors d'être gouvernées par des princes roumains. En 1848, un mouvement autonomiste éclata dans les deux provinces, ce qui entraîna la répression tant des Russes que des Turcs. Les deux principautés (Moldavie et Valachie) passèrent sous la domination des Russes jusqu’en 1851, puis des Autrichiens (1854-1857). 

Suite à l'intervention de Napoléon III lors du traité de Paris de 1858, la Moldavie et la Valachie obtinrent la reconnaissance de leur union en un État unique: la Roumanie. Le nouvel État fut officiellement reconnu comme indépendant en 1861 par les puissances européennes et les Ottomans.

3.3 La Roumanie moderne

À partir ce cette époque, les dirigeants roumains, dans un esprit de nationalisme préoccupé par un retour aux sources latines, remplacèrent l'alphabet cyrillique du roumain écrit par l’alphabet latin. Se développa aussi une vague de francophilie, tandis que la langue roumaine s’enrichit en empruntant au français. Le congrès de Berlin de 1878 confirma l’indépendance totale de la Roumanie, qui devint un royaume en 1881. Après être entrée en guerre contre la Bulgarie, la Roumanie reçut le nord de la Dobroudja en guise de compensation, mais le sud de la Dobroudja fut annexé par la Bulgarie lors du traité de Bucarest (7 mai 1918).

Après la Première Guerre mondiale, la disparition de l’Empire austro-hongrois et la victoire des Alliés, les traités de Saint-Germain-en-Laye (10 septembre 1919) et de Trianon (4 juin 1920) permirent à la Roumanie de réunir la Transylvanie, le Banat, la Bucovine et la Bessarabie. Le pays vit plus que doubler sa superficie et sa population, avec 295 000 km² et 16,3 millions d’habitants contre 138 000 km² et 7,5 millions d’habitants en 1914. Mais cela s’est payé par la mort de 800 000 Roumains. 

De plus, l’élargissement de la Roumanie ne se fit pas sans heurt, car les Hongrois de l'Empire austro-hongrois étaient nombreux à vivre en Transylvanie et dans le Banat. Le pays se trouva confronté avec des problèmes de minorités — 24,6 % de la population totale — qui allèrent en s’accentuant avec la politique centralisatrice de Bucarest. Le pays comptait alors 1,4 million de Hongrois, 748 000 Allemands, 728 000 Juifs, 582 000 Ukrainiens, 409 000 Russes, 366 000 Bulgares, 262 000 Tsiganes, etc. La Roumanie devint ensuite un État centralisé et une démocratie parlementaire qui développa de bons rapports avec la France; dans le but de sauvegarder ses acquis territoriaux, elle signa des accords avec ses voisins dont la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie, la Grèce et la Turquie.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, la Roumanie dut céder en août 1940 le nord-est de la Transylvanie à la Hongrie, puis en septembre la Dobroudja à la Bulgarie. Ces amputations territoriales suscitèrent la colère des Roumains et entraînèrent des émeutes populaires ainsi que l’abdication du roi de Roumanie, tandis que la Bessarabie (Moldavie) et la Bucovine étaient occupées par les forces armées soviétiques. En 1941, la Roumanie occupa la Moldavie, la Bucovine et la Transnistrie (Bessarabie élargie), mais les perdit de nouveau en 1945. Après la guerre, la Roumanie fut soumise à l’influence soviétique et évolua vers la démocratie populaire. En 1947, la Roumanie dut renoncer à ses droits sur la Bessarabie et la Bucovine du Nord, au profit de l’URSS, ainsi que sur la Dobroudja méridionale, au profit de la Bulgarie. La Roumanie récupéra cependant le nord de la Transylvanie.

3.4 La Roumanie communiste

En 1948, les communistes prirent le pouvoir et proclamèrent la République populaire de Roumanie. Jusqu’en 1962, la Roumanie aligna ses politiques sur celles de l’URSS. Lorsque Nicolae Ceausescu devint président de la République en 1974, la Roumanie commença à se démarquer de l’Union soviétique. Ceausescu établit un régime dictatorial et fit respecter avec rigueur l'orthodoxie communiste sur le plan intérieur: la Roumanie demeura l'un des pays les plus retardés et les plus répressifs du bloc de l'Est. 

Sous le règne de Nicolae Ceausescu, la Roumanie pratiqua une politique linguistique ultra-nationaliste et anti-hongroise. C’est ainsi que les centres culturels, les théâtres, l'université et les écoles de langue hongroise furent progressivement fermés, les échanges culturels avec la Hongrie radicalement réduits, et l'emploi des noms hongrois des villages roumains habités par les minorités fut même interdit en avril 1988.

En décembre 1989, Ceausescu fut renversé par une violente insurrection. Il quitta Bucarest, mais fut capturé et exécuté (avec son épouse), le jour de Noël de 1989, après une parodie de procès. Au moment du changement de régime en 1989, le principal parti politique d’alors, le Front du salut national, condamnait la politique des minorités du précédent régime, et déclarait solennellement qu’il réaliserait et garantirait les droits nationaux individuels et collectifs. Depuis son adhésion au Conseil de l’Europe, le 7 octobre 1993, la Roumanie essaie de parvenir à une véritable démocratie et a signé plusieurs traités internationaux dont la Déclaration universelle des droits de l'Homme (de 1966), la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (de 1965), la Convention des Nations unies sur la suppression et la punition du crime d'apartheid (de 1973), la Convention de l'Unesco contre la discrimination dans l'éducation (de 1960) et la Convention-cadre des langues minoritaires de 1995.

4  Les dispositions constitutionnelles

En Roumanie, le gouvernement communiste restait plutôt indifférent à l’égard des minorités, jusqu'à ce que, face à l'afflux des réfugiés lors de l'hiver 1987-1988 et à la dégradation du climat social, il se proclame «responsable» du sort de «ses» minorités.

C’est pourquoi la nouvelle Constitution de 1991 était axée sur deux volets — d’une part, la langue officielle — le roumain —, d’autre part, les langues des minorités en ce qui a trait à leur emploi en Roumanie. Comme le proclame l’article 13, le roumain est la langue officielle en Roumanie:

Article 13

En Roumanie, la langue officielle est la langue roumaine.

Cependant, les articles 6 et 32 de la Constitution de 1991 reconnaissent aux minorités de langue autre que le roumain le droit d'employer librement leur langue:

Article 6

1) L'État reconnaît et garantit aux personnes appartenant aux minorités nationales le droit de conserver, de développer et d'exprimer leur identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse.

2) Les mesures de protection prises par l'État pour la conservation, le développement et l'expression de l'identité des personnes appartenant aux minorités nationales, doivent être conformes aux principes d'égalité et de non-discrimination par rapport aux autres citoyens roumains.

Article 32

1) Le droit à l'instruction est assuré par l'enseignement général obligatoire, par l'enseignement secondaire et par l'enseignement professionnel, par l'enseignement supérieur, ainsi que par d'autres formes d'instruction et de perfectionnement.

2) L'enseignement de tous les degrés est dispensé en roumain. Dans les conditions de la loi, l'enseignement peut être aussi dispensé dans une langue de circulation internationale.

3) Le droit des personnes appartenant aux minorités nationales d'apprendre leur langue maternelle et le droit de pouvoir être instruites dans cette langue sont garantis; les modalités de l'exercice de ces droits sont déterminées par la loi.

4) L’enseignement d’État est gratuit, selon la loi.

5) Les institutions d’enseignement, y compris celles privées, sont constituées et déroulent l’activité dans les conditions de la loi.

6) L’autonomie universitaire est garantie.

7) L’État assure la liberté de l’enseignement religieux, selon les exigences spécifiques de chaque culte. Dans les écoles d’Etat, l’enseignement religieux est organisé et garanti par la loi.

Ce que le texte ne précise pas, c’est que ces droits sont établis sur une base territoriale et concernent surtout le domaine de l'enseignement ainsi que les services administratifs et la justice.

A l’art. 32, après l’alinéa 3, on a introduit un nouvel alinéa ayant le contenu suivant:

3) En outre, par la loi est garantie la constitution des universités multiculturelles, avec des sections et des facultés d’enseignement dans les langues des minorités, ainsi que dans la langue roumaine.

Après l’alinéa 1, on a introduit un nouvel alinéa, ayant le contenu suivant:

1) L’enseignement de tous les degrés se déroule dans les unités de l’État, privées et confessionnelles.

Les dispositions de l’alinéa 2 sont modifiées et se complètent comme suit:

2) L’enseignement de tous les degrés se déroule dans la langue roumaine ou dans les langues des communautés nationales minoritaires. Dans les conditions de la loi, l’enseignement peut se dérouler aussi dans une langue de circulation internationale.

L’article 148 de la Constitution prévoit que les questions concernant la langue officielle ne peuvent faire l’objet de révision constitutionnelle, ce qui a fait craindre à certains représentants des minorités une éventuelle réduction de leurs droits:

Article 148

1) Les dispositions de la présente Constitution portant sur le caractère national, indépendant, unitaire et indivisible de l'État roumain, la forme républicaine de gouvernement, l'intégrité du territoire, l'indépendance de la justice, le pluralisme politique et la langue officielle ne peuvent pas faire l'objet de la révision.

Cependant, le paragraphe 2 du même article précise qu’aucune révision n’aurait pour résultat la suppression des droits fondamentaux et des libertés fondamentaux des citoyens ou de leurs garanties:

Article 148

2) De même, ne peut être réalisée aucune révision qui aurait pour résultat la suppression des droits fondamentaux et des libertés fondamentaux des citoyens ou de leurs garanties.

Le gouvernement roumain a également publié, le 4 décembre 1991, une Déclaration sur les minorités nationales. Cette déclaration rappelle que les droits, obligations et libertés s’appliquent à tous les citoyens, y compris les membres des minorités, et le gouvernement s’engage à garantir les droits constitutionnels des minorités, notamment la préservation de leur identité culturelle et le droit d’étudier dans leur langue maternelle. Le «programme de gouvernement» pour les années 1998-2000, approuvé par le Parlement roumain par la Décision no 6 du 15 avril 1998 concernant l'octroi de sa confiance au gouvernement, contient aussi des dispositions sur la politique de l'État roumain en ce a trait à la protection des minorités nationales. Voici comment peuvent être résumées ces mesures:

A) Pour les principes spécifiques à la protection des minorités nationales:

1) la protection des minorités nationales afin d’assurer leur continuité et d'empêcher toute action de la part des autorités publiques de modification de la structure ethnique dans les zones habitées par les minorités nationales;
2) la création du cadre juridique adéquat pour assurer aux personnes appartenant aux minorités nationales le droit à la préservation, au développement et à l'expression de leur identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse;
3) l’encouragement des actions interculturelles promouvant la coopération interethnique.

B) Pour les mesures institutionnelles et législatives:

1) la continuation des actions spécifiques visant à l'accomplissement des critères d'adhésion à l'Union européenne, contenues dans le Programme national, y compris par le perfectionnement du cadre législatif;
2) la création d'un groupe de travail interministériel pour les problèmes des Tsiganes;
3) la promotion d'un acte normatif réglementant la création d'un Institut de recherche multidisciplinaire dans le domaine des minorités nationales «à financement public»;
4) l’élaboration de la stratégie nationale pour l'intégration sociale des Tsiganes;
5) l’allocation des ressources financières pour soutenir les organisations des minorités nationales, sur la base de projets et programmes.

4.1 La langue de la législation

Le roumain est la seule langue utilisée par les députés et sénateurs au Parlement. Les lois ne sont rédigées et promulguées qu’en roumain. Néanmoins, les diverses minorités nationales sont représentées à la Chambre des députés du Parlement de deux façons: ou bien les membres des minorités s’inscrivent dans un parti politique et se font élire lors des élections, ou bien ils sont représentés d’office en raison de leur trop petit nombre. C’est ainsi que les Hongrois ont droit à plusieurs députés (et sénateurs), soit généralement autour de 25, qui militent au sein de l’Union démocratique des Magyars de Roumanie (UDMR), la formation politique de la minorité hongroise faisant partie de la coalition (comptant deux ou trois ministres hongrois) gouvernant la Roumanie depuis la fin de 1996. En général, l’UDMR compte environ 25 députés et une dizaine de sénateurs. Ces pratiques sont conformes aux dispositions de la Constitution portant sur le droit d’association (article 37):

Article 37

1) Les citoyens peuvent s’associer librement en partis politique, en syndicats et en d’autres formes d’association.

2) Les parties ou les organisations qui, par leurs objectifs ou par leur activité, militent contre le pluralisme politique, les principes de l’État de droit ou la souveraineté, l’intégrité ou l’indépendance de la Roumanie sont inconstitutionnels.

Il en est ainsi dans la Loi sur les partis politiques (no 27/1996) du 26 avril 1996, qui contient des dispositions sur les principes généraux sur lesquels se fondent l'activité des partis, leur organisation et leur financement. L’article 5 (paragraphe 3) est consacré aux minorités:

Article 5

Les membres des organisations des citoyens appartenant aux minorités nationales qui font inscrire leurs candidats aux élections peuvent faire partie d'un parti politique.

Toutefois, il n’y a guère que les Hongrois qui peuvent se prévaloir de ces dispositions, du fait qu’ils constituent 7,1 % de la population. Pour ce qui est des autres minorités, elles doivent se prévaloir des dispositions de l’article 59 de la Constitution, consacré à «l’élection des chambres», et qui prévoit un quota minimum pour les minorités nationales:

Article 59

1) La Chambre des députés et le Sénat sont élus au suffrage universel, égal, direct, secret et librement exprimé, conformément à la loi électorale.

2) Les organisations des citoyens appartenant aux minorités nationales, qui se réunissent pas aux élections le nombre de voix nécessaire pour être représentées au Parlement, ont droit chacune à un siège de député, dans les conditions fixées par la loi électorale. Les citoyens d'une minorité nationale ne peuvent être représentés que par une seule organisation.

3) Le nombre des députés et des sénateurs est établi par la loi électorale, proportionnellement à la population du pays.

On compte présentement une quinzaine de petites minorités nationales ayant droit d’office à un député chacune: ce sont les Ukrainiens, les Russes, les Serbes, les Croates, les Slovènes, les Turcs, les Tatars, les Slovaques, les Tchèques, les Bulgares, les Grecs, les Arméniens, les Polonais, les Lipovènes (Communauté des Russes lipovènes). Il en résulte que l’ensemble des minorités nationales est représenté par une quarantaine de sièges à la Chambre des députés et plus ou moins une dizaine au Sénat, ce qui correspond à ce que les minorités représentent proportionnellement dans la population (11 %).

Par ailleurs, les membres des minorités nationales ont le droit de se faire élire lors des élections locales à des postes de maires, de conseillers municipaux ou de conseillers de comté. De nombreuses personnes ont été élues à ces postes, notamment parmi les Hongrois, les Allemands, les Tsiganes, les Lipovènes, les Ukrainiens, les Serbes, les Slovaques, les Tchèques et les Tatars. Jusqu’à présent, le ministre chargé des minorités nationales auprès du premier ministre est toujours un Hongrois; il dirige le Département de la protection des minorités nationales créé en 1997, en vertu de l’ordonnance no 17/1997. Les principales attributions de ce département (ministère) sont les suivantes:

- Rédiger des projets de loi et d'autres instruments juridiques se rapportant à son domaine d'activité;
- Approuver les projets de loi et les instruments juridiques se rapportant aux minorités nationales que le Conseil des minorités nationales lui recommande d'adopter;
- Surveiller l'application des instruments nationaux et internationaux relatifs à la protection des minorités nationales;
- Veiller à ce que les dispositions juridiques relatives à la protection des minorités nationales soient appliquées de manière uniforme par les pouvoirs publics;
- Recevoir et examiner des plaintes émanant d'institutions, d'organisations et d'entités touchant des décisions prises par l'administration locale qui lèsent les droits des minorités nationales et rendre un avis juridique;
- Établir et développer les contacts avec des organisations gouvernementales ou non gouvernementales du pays ou de l'étranger ainsi qu'avec les organisations internationales qui s'occupent des minorités nationales;
- Prévoir et organiser des programmes ayant trait à la conservation, l'expression et le développement de l'identité ethnique, culturelle, religieuse et linguistique des minorités nationales;
- Exécuter toutes autres tâches qui lui sont confiées par le gouvernement ou le premier ministre.

4.2 Les langues et la justice

Les tribunaux et les instances juridiques n’utilisent en principe que le roumain, mais certaines facilités, notamment des services gratuits de la part d’un interprète, sont prévues dans les territoires où les minorités sont concentrées. Voici comment est libellé l’article 127 de la Constitution de la Roumanie à ce sujet:

Article 127

1) La procédure judiciaire se déroule en langue roumaine.

2) Les citoyens appartenant aux minorités nationales ainsi que les personnes ne comprenant pas ou ne parlant pas la langue roumaine ont le droit de prendre connaissance de tous les actes et les documents du dossier, de parler en instance et de déposer des conclusions, par l'intermédiaire d'un interprète; dans les causes pénales, ce droit est assuré gratuitement.

Cette disposition constitutionnelle ne permet pas de procès en une autre langue que le roumain, elle autorise seulement à un membre d’une minorité nationale qu'il utilise éventuellement sa langue devant un juge grâce aux services d’un interprète. Ce droit n’oblige donc pas le juge à comprendre l’accusé ou les témoins. Cependant, un procès en hongrois est possible pour la minorité hongroise de Transylvanie si toutes les parties, y compris le juge, sont d’accord. À part les services d’un interprète si cela est nécessaire, il n’y a jamais de services prévus pour les petites minorités telles que les Bulgares (0,4 %), les Polonais (0,4 %), les Tatars (0,1 %), les Turcs, etc.

Cependant, la Loi relative au statut des minorités nationales en Roumanie de 2005 garantit aux membres appartenant à une minorité nationale le droit de s'exprimer dans leur langue maternelle devant les tribunaux reconnus:

Article 33

1) L'État garantit aux membres appartenant à une minorité nationale le droit de s'exprimer dans leur langue maternelle devant les tribunaux reconnus, conformément à la loi.

2) L'État garantit aux membres appartenant à une minorité nationale le droit de célébrer leur mariage devant un responsable du statut civil dans leur langue maternelle.

4.3 L’Administration publique

L’administration gouvernementale n’emploie que le roumain, mais dans les territoires où les minorités sont concentrées, il leur est possible d’utiliser leur langue maternelle. Cette mesure est présente, implicitement, à l’article 6 de la Constitution:

Article 6

1) L'État reconnaît et garantit aux personnes appartenant aux minorités nationales le droit de conserver, de développer et d'exprimer leur identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse.

2) Les mesures de protection prises par l'État pour la conservation, le développement et l'expression de l'identité des personnes appartenant aux minorités nationales, doivent être conformes aux principes d'égalité et de non-discrimination par rapport aux autres citoyens roumains.

Cependant, la législation permet aux membres des minorités nationales de s’adresser aux autorités publiques locales dans leur langue maternelle, oralement ou par écrit, dans certaines conditions. La loi no 69 du 26 novembre 1991 relative à l’administration publique locale a été modifiée et complétée par la loi no 24 du 12 avril 1996. Celle-ci précise en son article 29 (alinéa 4):

Article 29

4) Dans les unités administratives territoriales où les minorités nationales détiennent un poids important, les décisions du Conseil local seront portées à la connaissance des citoyens également dans leur langue.

L’article 58 de la loi no 24 du 12 avril 1996 est beaucoup plus explicite:

Article 58

1) Dans les relations entre les citoyens et les autorités de l’administration publique locale la langue utilisée est le roumain.

2) Dans leurs relations avec les autorités de l’administration publique locale et leur personnel, les citoyens appartenant aux minorités nationales peuvent également s’adresser par voie orale et par écrit en langue maternelle.

3) Aux requêtes présentées par écrit sera jointe la traduction authentifiée en langue roumaine.

4) Au cas où le représentant de l’autorité publique ou le fonctionnaire de celle-ci ne connaît pas la langue de la minorité respective, il sera fait appel à un interprète.

L'article 30 de la Loi relative au statut des minorités nationales en Roumanie de 2005 prévoit que les citoyens appartenant à une minorité nationale, qui ont un pourcentage signification de la population, sont assurés de l'usage de leur langue maternelle, à l'écrit et à l'oral, dans les relations avec les autorités de l'administration publique locale, ainsi qu'avec les services publics décentralisés:

Article 30

Dans les unités administratives territoriales où les citoyens appartenant à une minorité nationale ont un pourcentage significatif, ils seront assurés, en conformité avec la loi, de:

a) l'usage de leur langue maternelle à l'écrit et à l'oral dans les relations avec les autorités de l'administration publique locale, ainsi qu'avec les services publics décentralisés;

b) l'inscription de la dénomination des lieux, ainsi que la dénomination des établissements publics dans la langue de la minorité nationale concernée;

c) la publication des documents administratifs officiels, ainsi que dans la langue de la minorité nationale concernée;

d) la communication, sur demande, des documents administratifs individuels, ainsi que dans la langue de la minorité nationale concernée;

e) l'organisation des cours pour la qualification professionnelle, ainsi que dans la langue de la minorité nationale concernée;

f) L'organisation de cours et des examens pour obtenir un permis de conduire, ainsi que dans la langue de la minorité nationale concernée.

Depuis les dernières décennies, seule la minorité hongroise, principalement concentrée en Transylvanie, bénéficiaient de services plus ou moins adéquats en hongrois, notamment de la part des municipalités et des conseils de comté. De façon générale, l’offre en hongrois ne précédait jamais la demande, les services en hongrois demeurant assez limités et la documentation écrite n’était souvent disponible qu’en roumain. À l’exclusion des zones territoriales comme la Transylvanie, il n’existait guère de service en une autre langue que le roumain.

Ce n’est pas pour rien que le Parlement a élaboré la Loi relative au statut des minorités nationales en Roumanie. Cette loi contient un certain nombre de dispositions concernant les minorités nationales: Albanais, Arméniens, Bulgares, Tchèques, Croates, Grecs, Juifs, Allemands, Italiens, Macédoniens, Hongrois, Polonais, Russes-Lipovènes, Roms, Ruthènes, Serbes, Slovaques, Tatars, Turcs et Ukrainiens (art. 3, alinéa 2). Il est prévu que, dans les unités territoriales dont la population est composée à plus de 20 % de personnes appartenant à une minorité nationale, ces dernières pourront utiliser leur langue maternelle dans leurs rapports avec les représentants de l'administration locale. Les noms des localités faisant partie de ces unités territoriales et ceux des institutions publiques placées sous leur juridiction pourront également être traduits dans la langue maternelle de la minorité concernée.

4.4 Les droits à l’éducation dans sa langue maternelle

En ce qui a trait à l’éducation, l’enseignement est officiellement dispensé en roumain, et ce, à tous les degrés (maternelle, primaire, secondaire et université). Cependant, conformément à l'article 32 de la Constitution et aux dispositions de la Loi sur l'éducation no 84/1995, l'enseignement en Roumanie peut être aussi dispensé dans «une langue de communication internationale». Ainsi, la loi no 84/1995 prévoit qu'il appartient au ministère de l'Enseignement d'approuver l'organisation d'unités et d'institutions à cet effet.

Article 118

Les membres appartenant aux minorités nationales ont le droit d'étudier et de recevoir leur instruction dans leur langue maternelle, à tous les niveaux et dans toutes les formes d'enseignement, si la demande est appropriée, en conformité avec la présente loi. 

Dans ces écoles, la langue et la littérature roumaine, l'histoire des Roumains et la géographie de la Roumanie sont enseignées seulement en langue roumaine. En application de ces dispositions, le ministère de l'Enseignement a adopté un Règlement sur l'organisation et le fonctionnement des classes à programme bilingue et intensif. Ce programme commence à partir de la troisième année du primaire. L’enseignement y est dispensé en roumain et en une langue de communication internationale pour certaines disciplines d'étude.

Soulignons que l’enseignement des langues «de circulation internationale» est obligatoire pour tous les élèves de Roumanie fréquentant une école publique. En Roumanie, pays de langue romane, le français est la première langue étrangère enseignée dès le primaire en raison de deux heures/semaine. Dans les écoles publiques, plus d’un million et demi d’élèves apprennent ainsi le français au primaire et au secondaire. Lors de l’année scolaire 1998-1999, on comptait 70 lycées et collèges à sections bilingues françaises avec 5200 élèves. Bref, au moins 40 % des Roumains qui terminent le secondaire ont appris le français. Mais, en Roumanie, on enseigne à partir de la troisième année du primaire plusieurs autres langues modernes. Outre le français, les élève sont le choix entre l’anglais, l’allemand, l’espagnol, l’italien, le russe et le japonais.

De plus, l'enseignement peut être aussi dispensé dans une langue appartenant aux minorités nationales de Roumanie. Cette mesure est conforme aux dispositions de l’article 32 de la Constitution:

Article 32

1) Le droit à l'instruction est assuré par l'enseignement général obligatoire, par l'enseignement secondaire et par l'enseignement professionnel, par l'enseignement supérieur, ainsi que par d'autres formes d'instruction et de perfectionnement.

2) L'enseignement de tous les degrés est dispensé en roumain. Dans les conditions de la loi, l'enseignement peut être aussi dispensé dans une langue de circulation internationale.

3) Le droit des personnes appartenant aux minorités nationales d'apprendre leur langue maternelle et le droit de pouvoir être instruites dans cette langue sont garantis; les modalités de l'exercice de ces droits sont déterminées par la loi.

Conformément à l’article 32 de la Constitution et aux dispositions contenues dans la Loi sur l’éducation du 24 juillet 1995, no 84/1995, l’enseignement en Roumanie peut aussi être dispensé dans une langue minoritaire. La loi scolaire du 24 juillet l995 a été modifiée et complétée par la loi no 131 du 29 décembre 1995. L’article 8 de cette loi prévoit un enseignement à la fois en langue roumaine et dans l’une des langues minoritaires:

Article 8

1) L'enseignement de tous les degrés est dispensé en roumain. Dans chaque localité, il sera organisé et mis en fonction des classes où l'enseignement est dispensé en langue roumaine.

2) Le droit des personnes appartenant aux minorités nationales d'apprendre leur langue maternelle et le droit de pouvoir être instruites dans cette langue sont garantis dans les conditions de la présente loi.

3) L'étude et l'assimilation de la langue roumaine à l’école, en tant que langue officielle de l’État, sont obligatoires pour tous les citoyens, sans distinction de leur origine ethnique.

4) Les documents scolaires officiels sont rédigés en roumain tant dans l'enseignement public que dans celui du privé.

Mais c’est le chapitre XII de la Loi sur l’éducation du 29 décembre 1995 qui présente le plus de précision. L’article 118 prévoit que les personnes appartenant aux minorités nationales ont le droit d'étudier et de s'instruire dans leur langue maternelle, à tous les niveaux et dans toutes les formes d'enseignement, selon les conditions établies par la loi. L’article 119 précise qu’«en fonction des nécessités locales, il est possible d'organiser, sur demande et dans les conditions fixées par la loi, des groupes, des classes, des sections ou des écoles où l'enseignement soit dispensé dans les langues des minorités nationales.

L'ordonnance no 36/1997 portant modification de la loi no 84/1995 sur l'éducation a introduit de nouvelles dispositions concernant le droit des minorités nationales à recevoir un enseignement dans leur langue maternelle. Voici ce qu’il en est pour les écoles primaires (art. 46):

Article 46

1) Dans les écoles primaires, les programmes et les manuels d'enseignement de la langue et de la littérature roumaine sont spécialement conçus pour les minorités respectives: dans le second cycle, les programmes et les manuels d'enseignement de la langue et de la littérature roumaine sont les mêmes que pour les classes où l'enseignement est dispensé en roumain.

2) Dans les écoles primaires, l'histoire et la géographie de la Roumanie sont enseignées dans les langues maternelles en suivant les mêmes programmes et les mêmes manuels que dans les classes où l'enseignement est dispensé en roumain, étant entendu que les noms propres roumains doivent être transposés dans ces langues mais assimilés également en langue roumaine.

L'article 15 de la Loi relative au statut des minorités nationales en Roumanie de 2005 garantit aux minorités nationales ont le droit à l'apprentissage dans leur langue maternelle, de profiter de l'éducation et de l'enseignement dans des unités publiques et des établissements avec l'instruction dans leur langue maternelle à tous les niveaux, toutes les formes et tous les types d'éducation: 

Article 15

1) Les membres appartenant aux minorités nationales ont le droit à l'apprentissage dans leur langue maternelle, de profiter de l'éducation et de l'enseignement dans des unités publiques et des établissements avec l'instruction dans leur langue maternelle à tous les niveaux, toutes les formes et tous les types d'éducation.

2) Les personnes physiques, les organismes et les sociétés appartenant aux minorités nationales ont le droit d'établir, d'organiser et d'assurer le fonctionnement d'établissements d'enseignement privés et dans leur langue maternelle, qui bénéficient de bourses provenant du budget national ou des budgets locaux, selon les conditions de la loi.

3) Les groupes religieux ont le droit d'établir, d'organiser et d'assurer le fonctionnement d'établissements d'enseignement confessionnels et des établissements au caractère religieux ou laïc dans leur langue maternelle, qui bénéficient te de bourses provenant du budget national ou des budgets locaux, selon les conditions de la loi.

[...]

Pour ce qui est de l’enseignement au secondaire (même article):

3) Dans le second cycle, l'histoire et la géographie de la Roumanie sont enseignées en roumain en suivant les mêmes programmes et les mêmes manuels que dans les classes où l'enseignement n'est dispensé qu'en roumain. Les examens d'histoire et de géographie roumaines ont lieu dans la langue maternelle.

Enfin, dans l’enseignement universitaire, l’article 123 de la Loi sur l’éducation du 29 décembre 1995 spécifie que cet enseignement est possible pour la formation des enseignants:

Article 123

Dans l'enseignement universitaire d'État, peuvent être organisés, sur demande et dans les conditions établies par la présente loi, des groupes et des sections avec l'enseignement dispensé dans la langue maternelle, pour la formation du personnel nécessaire dans l'enseignement et dans l'activité culturelle artistique.

L’article 125 précise que «le ministère de l’Enseignement assure la formation et le perfectionnement du personnel enseignant pour une langue d'enseignement, ainsi que les manuels scolaires et d'autres documents didactiques». Il existe des groupes de formation pour les éducateurs hongrois, slovaques, russes, ukrainiens, bulgares, tsiganes, allemands, croates, tatars, polonais, etc.

La loi prévoit également que les membres appartenant à des minorités nationales ont le droit d'établir et d'administrer des établissements d'enseignement primaires, secondaires et supérieurs privés.

L'article 16 de la Loi relative au statut des minorités nationales en Roumanie de 2005 apparaît encore plus généreuse, car l'enseignement dans la langue maternelle est garanti à tous les niveaux, préscolaire, primaire, secondaire, professionnel et universitaire:

Article 16

L'État a l'obligation de garantir dans le système d'éducation publique ce qui suit :

a) l'instruction préscolaire avec un enseignement dans langue maternelle dans des jardins d'enfants distincts ou dans des groupes distincts, sur demande;

b) l'instruction primaire, secondaire, professionnel, l'enseignement des arts et métiers, avec la langue maternelle comme langue d'enseignement, sur demande, dans des écoles, sections ou classes distinctes, si nécessaire;

c) l'instruction universitaire avec un enseignement dans la langue maternelle, sur demande, dans les universités, facultés, collèges, cathedras et dans des groupes distincts;

d) l'instruction dans le troisième cycle dans la langue maternelle;

Les écoles primaires en langue minoritaire existent, mais elles ne sont pas très nombreuses en raison du nombre peu élevé des élèves appartenant à certaines communautés linguistiques, à l’exception de la minorité hongroise de Transylvanie.

Dans les écoles secondaires, seule la minorité hongroise peut recevoir un enseignement dans sa langue à la condition de résider dans une agglomération où elle est en nombre suffisant. L’enseignement du roumain demeure, dans tous ces cas, obligatoire pour les élèves, tant au primaire qu’au secondaire. Il faut bien comprendre que l’enseignement en langue minoritaire n’est pas offert dans l’ensemble du pays et que, dans les faits, fort peu d’écoles en offrent à l’extérieur de la Transylvanie. Selon le gouvernement roumain, plus de 200 000 enfants hongrois bénéficieraient d’un enseignement en hongrois (primaire, secondaire, professionnel et post-secondaire réunis), contre quelque 20 000 en allemand, 1300 en slovaque, 800 en ukrainien, 900 en serbe, 270 en tatar, 190 en tchèque, 120 en bulgare, 110 en croate.

En ce qui a trait aux enfants tsiganes, la situation est presque catastrophique, car leur niveau d'éducation est resté très bas. Depuis la révolution de 1989, de plus en plus d’enfants tsiganes ont cessé de fréquenter l'école, et beaucoup d'entre eux ne savent ni lire ni écrire. C’est pourquoi le taux d'analphabétisme des Tsiganes roumains demeure très élevé: 19 % des hommes adultes et 27 % des femmes adultes ne savent ni lire ni écrire. Ce taux d'analphabétisme, qui risque d’augmenter dans les prochaines années, entraîne avec lui la marginalisation des Tsiganes sur le marché du travail (40 % à 50 % de chômage), sans parler de la pauvreté chronique, la délinquance des jeunes, la criminalité chez les hommes, la mendicité des femmes, etc.

Cela dit, la communauté hongroise de Roumanie est tout à fait insatisfaite de son sort à ce qui a trait aux écoles. En 1995, l’Alliance des démocrates hongrois de Roumanie, un parti politique voué aux intérêts de la communauté hongroise, a tenté de faire adopter par le Parlement roumain une loi sur l’éducation jugée acceptable selon eux. Malgré des discussions politiques et des recours portés devant le Conseil de l’Europe, ce fut peine perdue. Depuis plusieurs années, les Hongrois de Roumanie réclament l’autogestion de leur système d’enseignement et une université autonome. Le gouvernement roumain a estimé que les droits collectifs n’existaient pas et a refusé d’acquiescer à ces demandes. En décembre 1997, la Commission éducative du Sénat roumain a fini par approuver la création de départements universitaires bilingues prévoyant un enseignement en roumain et en hongrois. Pour ce qui est de l’enseignement en langue minoritaire, notamment en hongrois, la commission du Sénat a décidé d’autoriser seulement la création «de sections et de groupes au sein des universités multiculturelles», ce qui signifie que cet enseignement unilingue en hongrois n’est autorisé que dans des universités privées. Le gouvernement roumain a rejeté la création d’une université pour les Hongrois sous prétexte que les universités «créées sur des critères ethniques» pourraient accroître les tensions ethniques. La Loi sur l’éducation de décembre 1995 ne reconnaît toujours pas l’autogestion pour les Hongrois qui croient avoir été trompés.

De façon générale, les représentants des minorités estiment que la Roumanie est un «État unitaire» qui pratique un «nettoyage ethnique», même s’il n’y a pas d’effusion de sang. C'est un jugement un peu sévère, d'autant plus que la plupart des minorités ont maintenu leur proportion démographique depuis une vingtaine d'années et, lorsque cette proportion a diminué, c'est en raison du départ de leurs membres, pas de leur décès en masse. Néanmoins, toutes les minorités demandent au gouvernement de modifier la Loi sur l’éducation de façon à ce qu’elle soit compatible avec leurs propres aspirations.

4.5 Les médias

En Roumanie, la liberté d’expression et le droit à l'information sont garantis par la Constitution pour tous les citoyens, sans distinction d'origine ethnique. Les articles 30 et 31 de la Constitution, corroborés avec le principe de la non-discrimination, constituent la base juridique pour garantir aux membres des minorités nationales la liberté d'expression et le droit à l'information:

Article 30

1) La liberté d'expression des pensées, des opinions ou des croyances et la liberté des créations de tout type, par voie orale, par écrit, par images, par sons, ou par d'autres moyens de communication en public, sont inviolables.

2) La censure de tout type est interdite.

3) La liberté de la presse implique aussi la liberté d'éditer des publications.

4) Aucune publication ne peut être supprimée. [...]

Article 31

1) Le droit de la personne à avoir accès à toute information d'intérêt public ne peut pas être limité.

2) Les autorités publiques, conformément aux compétences qui leurs incombent, sont tenues à assurer l'information correcte des citoyens au sujet des affaires publiques et des affaires d'intérêt personnel.

En vertu de ces dispositions constitutionnelles très générales, les membres des minorité nationales ont le droit d’être informées dans leur langue. Selon des sources gouvernementales, le nombre total des périodiques édités dans l’une ou l’autre des langues minoritaires est de 130 titres. On compte un certain nombre de revues culturelles diffusées dans la langue maternelle des personnes appartenant aux minorités nationales:16 en langue hongroise, deux en allemand, une en ukrainien, une yiddish, etc. Soulignons aussi que les quelque 21 000 Valaques de Roumanie sont considérés par le gouvernement roumain comme une «communauté culturelle» plutôt que comme une minorité nationale. Étant donné la grande parenté linguistique entre l’aroumain et le roumain, les Valaques ne bénéficient pas de droits linguistiques particuliers, sauf un magazine mensuel, Desteptarea Aromânilor, publié par le ministère des Affaires cultuelles dont le contenu est à 25 % en aroumain, ainsi que quelques émissions de radio et de très rares émissions de télévision.

Pour ce qui est des médias électroniques, la Société roumaine de radiodiffusion produit et diffuse des émissions dans la langue maternelle des personnes appartenant aux minorités nationales, tant dans les studios centraux que dans les studios locaux. C’est ainsi que la rédaction des émissions pour les personnes appartenant aux minorités nationales transmet, par exemple, 25 heures et 20 minutes chaque semaine en hongrois et 24 heures et 40 minutes en allemand. Il existe aussi des émissions de radio qui s’adressent également à des personnes appartenant à d’autres minorités. Les studios de Cluj-Napoca, Targu Mures, Timisoara et Constanta transmettent des émissions dans la langue maternelle des personnes appartenant à quelque 10 minorités nationales. Ainsi, on émet sur une base hebdomadaire 71 heures en hongrois (magyar), 14 en allemand, 7 en serbe, 30 minutes pour chacune des langues slovaque, thèque, bulgare, grecque, turque, tatare et russe. À l’intention des Tsiganes, la Société nationale de radiodiffusion émet, pour sa part, à Targu Mures, une émission hebdomadaire de 60 minutes et à Craiova une émission hebdomadaire de 15 minutes. Les organisations des personnes appartenant aux minorités nationales qui ont des représentants au Parlement disposent également de temps d’émission distinct mis à leur disposition conformément à la loi, gratuitement et sans aucune ingérence de l’extérieur.

En ce qui a trait à la télévision dans les langues des minorité, on compte surtout des émissions en hongrois (180 minutes par semaine) et en allemand (115 minutes par semaine). Les membres appartenant à d’autres minorités nationales sont visés par le cycle d’émissions telles que Convietuiri et La vie des Tsiganes/Roms.

Enfin, en ce qui concerne la vie économique en général, la situation apparaît relativement simple. Comme on peut le prévoir, c’est l’unilinguisme roumain dans tout le pays. Pourtant, selon une vieille loi de 1945 (jamais abrogée) concernant l'affichage, l'usage d'une langue minoritaire est obligatoire lorsqu'une nationalité ou une minorité atteint la proportion de 30 % de la population d'une commune ou d'un département. Dans les faits, la loi n'a à peu près jamais été appliquée et l'unilinguisme roumain s'impose partout. Malgré la loi (théoriquement encore en vigueur), il n'y a presque pas d'affiche en hongrois, même dans la région de la Transylvanie.

Durant de nombreuses années, la minorité hongroise a même subi une campagne anti-hongroise systématique de la part des autorités roumaines et la situation ne s’est pas beaucoup améliorée depuis l’effondrement du régime communiste. En effet, les journaux dénoncent régulièrement encore aujourd’hui des actes de vandalisme de la part des Roumains sur les rares affiches bilingues (roumain-hongrois); il semble même que ces actes se multiplient au point de susciter des émeutes. Certains directeurs d’écoles interdisent aux professeurs d’enseigner la géographie et l’histoire en hongrois, même si la Loi scolaire de 1995 le permet. Enfin, certains hauts fonctionnaires considèrent que les communautés autres que roumaines ne sont pas vraiment des Roumains, c’est-à-dire des citoyens roumains, parce qu'elles seraient arrivées sur le territoire après les Roumains. Comme on le constate, la Constitution et la loi n’offrent pas nécessairement une protection assurée en matière de droits linguistiques.

5 Les mesures positives de la politique linguistique

Afin de rendre effectives les dispositions prévues dans la Constitution à l’égard des minorités, la Roumanie a tenté de redresser la situation. D’abord, l'arrêté du gouvernement roumain no 136 du 6 avril 1993 a institué le Conseil pour les minorités nationales, un organisme consultatif, composé de représentants des minorités nationales et de certains ministères. Selon l’article 1er du Règlement de fonctionnement, ce conseil a pour but «de se tenir au courant et de résoudre les problèmes spécifiques des personnes appartenant aux minorités nationales». Afin de défendre les droits et les libertés des citoyens, la Constitution (art. 55) prévoit également l'institution d'un «avocat du peuple»:

Article 55

L'avocat du peuple est nommé par le Sénat, pour une durée de quatre ans, afin de défendre les droits et les libertés des citoyens. Il exerce ses fonctions d'office ou sur requête des personnes lésées dans leurs droits ou dans leurs libertés. Son organisation et son fonctionnement sont déterminés par une loi organique.

Par ailleurs, fait assez positif, la Roumanie a signé (au 17 juillet 1997) mais non encore ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992. Rappelons que la Charte énumère toute une série de mesures (cf. la Partie III) à prendre pour favoriser l'emploi des langues régionales ou minoritaires dans la vie publique. Ces mesures couvrent les domaines suivants: l'enseignement (art. 8), la justice (art. 9), les autorités administratives et les services publics, les médias (art. 11), les activités et équipements culturels (art. 12), la vie économique et sociale (art. 13) et les échanges transfrontaliers (art. 14). Or, la Roumanie s’est engagée à assurer à ses minorités des droits linguistiques dans tous ces domaines précités, mais la Charte n’est pas encore entrée en vigueur. Il reste à voir comment seront appliquées dans le futur ces dispositions, mais le processus est en partie engagé. On peut consulter le texte intégral de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe.

De plus, la Roumanie a signé la Déclaration universelle des droits de l'Homme (de 1966), la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (de 1965), la Convention des Nations unies sur la suppression et la punition du crime d'apartheid (de 1973), la Convention de l'Unesco contre la discrimination dans l'éducation (de 1960).  

Enfin, la Roumanie a signé plusieurs engagements bilatéraux imposant une obligation de protection de ses minorités:

- le Traité pour la coopération et le partenariat européen conclu entre l’Allemagne et la Roumanie (1992);

- le Traité de coopération et d’amitié conclu entre le Slovaquie et le Roumanie (1995);

- le Traité de compréhension, de coopération et de bon voisinage conclu entre la Hongrie et la Roumanie (1996);

- le Traité d'entente, de bon voisinage et de coopération conclu entre l'Ukraine et la Roumanie (1997);

- le traité conclu entre la Yougoslavie et la Roumanie (sans titre officiel et sans date de signature);

- le traité conclu entre la Croatie et la Roumanie (sans titre officiel et sans date de signature)

Il semble que, depuis le renversement du régime communiste, les conflits ethniques ne se soient pas encore éteints. De violentes révoltes hongroises ont agité la Transylvanie depuis 1990. Les Tsiganes, la seconde communauté minoritaire du pays, ont été victimes de persécutions et ont fui en grand nombre vers les pays voisins ou vers l'Allemagne; beaucoup d'entre eux ont été refoulés vers la Roumanie. Cette situation politique est le reflet de l’insatisfaction des minorités nationales de Roumanie.

Malheureusement, il reste encore à la Roumanie beaucoup de chemin à parcourir avant que les mesures juridiques se transposent dans la réalité. Selon les représentants de diverses communautés minoritaires en Roumanie, les autorités compétentes de l’État déploieraient des «efforts extraordinaires pour tromper le peuple roumain» en brandissant le «spectre du sécessionnisme hongrois», pour dévaloriser en les qualifiant de préjugés les droits élémentaires des minorités, pour berner le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Certains hauts fonctionnaires considèrent encore que les communautés autres que roumaines ne sont pas vraiment des Roumains, c’est-à-dire des citoyens roumains, parce qu'elles seraient arrivées sur le territoire national après les Roumains. Comme on le constate, la Constitution et la loi n’offrent pas nécessairement une protection assurée en matière de droits linguistiques. Dans l’état actuel des choses, la question des minorités risque, en effet, de constituer en Roumanie un facteur permanent de crispation de la vie politique.

Bien que, il faut le reconnaître, la Roumanie ait déployé des efforts considérables sur le plan juridique à l’égard des minorités nationales, il reste quand même malheureux que le renversement du régime autoritariste de Nicolas Ceausescu n’ait pas été suivi d’un véritable tournant libéral de la politique linguistique roumaine. N’oublions pas que les droits linguistiques, dans la pratique, paraissent encore embryonnaires en ce qui a trait aux tribunaux et dans l’administration publique. La Roumanie a encore du travail à faire, surtout avec l’importante minorité hongroise, mais le pays est parti de loin. Il faudra bien un jour que la majorité roumaine apprennent à se défaire des ses vieux réflexes anti-hongrois. En effet, les Hongrois de Roumanie conservent certes leurs écoles et leur presse, mais ils se heurtent trop souvent à l’hostilité permanente de la population majoritairement non hongroise. Néanmoins, la Roumanie est sur la bonne voie, car il ne lui reste que certaines concessions pour rendre sa politique beaucoup plus acceptable à l'égard de ses minorités nationales. 

Dernière mise à jour: 30 sept. 2008
 

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