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État du Koweït

Koweït

Dawlat al Kuwayt

Capitale: Koweït
Population: 4,9 millions (2025)
Langue officielle: arabe standard moderne (ASM)
Groupe majoritaire:  arabe du Golfe (31,1 %) 
Groupes minoritaires: arabe égyptien, arabe saoudien, philippin, arabe syrien, amhara, ourdou, iranien (farsi), arabe libanais, népalais, etc.
Système politique: émirat parlementaire
Articles constitutionnels (langue):  art. 3, 29 et 82 e la Constitution de 1962 (modifiée en 1992)
Lois linguistiques: Projet de loi sur la protection de la langue arabe (décembre 2019)
Lois scolaires:
Loi n° 11 sur l'enseignement obligatoire et ses amendements (1965-2023); Loi n° 76 sur les universités publiques et son règlement d'application (2019).
Lois à portée linguistique:
Décret n° 5 concernant la Loi sur l'enregistrement foncier (1959); Loi n° 12 relative au Règlement intérieur de l'Assemblée nationale (1963); Loi koweïtienne n° 38 de 1964 sur le travail dans le secteur privé (1964);
Décret-loi n° 38 portant promulgation de la Loi sur les procédures civiles et commerciales (1980); Décret-loi n° 68 sur le Code du commerce (1980); Décret-loi n° 23 sur l'organisation du pouvoir judiciaire (1990); Loi n° 61 sur les médias électroniques (2007); Loi n° 39 sur la protection du consommateur (2014); Règlement d'application de la loi n° 39 sur la protection des consommateurs (2014); Loi n° 11 portant loi sur les sociétés commerciales (2015); Règlement d'application de la loi n° 13 de 2016 réglementant les agences commerciales (2019); ; Loi n° 70 sur l'exercice de la médecine et des professions connexes, aux droits des patients et aux établissements de santé (2002); Résolution n° 127 du ministère du Commerce et de l'Industrie sur la réglementation relative à l'enregistrement des noms commerciaux (2023); Loi n° 120 relative aux membres de l'Assemblée nationale (2023).

1    Situation générale

Le Koweït est un petit État de 17 818 de km² (équivalant à un peu plus de la moitié de la Belgique) situé dans la péninsule Arabique, au fond du golfe Persique.

Les pays voisins sont, au nord et à l’ouest, l’Irak (438 317 km² ) et, au sud, l’Arabie Saoudite (entre 1,7 million  km² et 2,2 millions  km²). Sur sa frontière sud, dans la province d'Al-Ahmadi, le pays comprend aussi un territoire neutre de 5500 km², administré conjointement par l'émirat et l'Arabie Saoudite. Il possède les îles de Bubiyan, Warba et de Faylaka. La capitale du pays est la ville d'Al-Kuwayt. 

Le pays comprend aussi un territoire neutre de 5500 km², administré conjointement par l’émirat et l'Arabie Saoudite, ainsi que les îles de Bubiyan, Warba et de Faylaka. La capitale du pays est la ville de Koweït.

Le pays est découpé en cinq districts administratifs: les gouvernorats de Al Kowayt, Al Jahrah, Hwalli, Al Ahmadi et Al Farwaniya (voir la carte).

Le Koweït est une monarchie constitutionnelle. Il est dirigé par un premier ministre, responsable devant le Parlement composé de 50 députés élus et des ministres en exercice qui ont également le droit de vote. Dans les faits, le Koweït est un cas unique parmi les monarchies arabes du Golfe en raison des élections relativement libres et une législature active qui peut adopter et bloquer toute législation, bien que l'émir ait le dernier mot sur la plupart des questions concernant l'État. La fonction législative est ainsi partagée entre l'émir et l'Assemblée parlementaire. Néanmoins, les partis politiques sont interdits, ce qui rend également difficile de former une opposition. Cela dit, le pays connaît régulièrement des crises politiques sur fond d'affaires de corruption.

2 Données démolinguistiques

Le Koweït est un petit pays dont la prospérité attire les ressortissants de divers pays. Le boom pétrolier et le développement rapide du pays ont entraîné une forte demande de la main-d'œuvre étrangère, une situation comparable avec les Émirats arabes unis. 

2.1 Les groupes ethniques

Au début de 1999, le Koweït comptait environ 2,3 millions d'habitants, contre 4,9 millions en 2025. On compte environ 1,5 million de Koweïtiens et 3,9 millions d'étrangers. Ainsi, les citoyens koweïtiens sont une minorité dans leur propre pays, puisqu'ils ne représentent qu'environ 31, % de la population, ce qui inclut plus de 300 000 bidounes (travailleurs sans-papiers ou «résidants non autorisés»).

Groupe ethnique Nombre Pourcentage Langue principale Filiation linguistique Religion principale
Arabe du Golfe 1 543 000 31,1 %

arabe du Golfe

famille afro-asiatique (sémitique)

islam
Indien sud-asiatique 730 000 14,7 % hindi

langue indo-iranienne

hindouisme
Arabe égyptien 474 000 9,5 % arabe égyptien

famille afro-asiatique (sémitique)

islam
Bengali 350 000 7,0 % bengali

langue indo-iranienne

islam
Malayali 319 000 6,4 % malayalam

famille dravidienne

hindouisme
Arabe saoudien 300 000 6,0 % arabe saoudien (najdi)

famille afro-asiatique (sémitique)

islam
Philippin 211 000 4,2 % philippin (tagalog)

famille austronésienne

christianisme
Arabe syrien 194 000 3,9 % arabe syrien (levantin)

famille afro-asiatique (sémitique)

islam
Amhara éthiopien 110 000 2,2 % amharique famille afro-asiatique (sémitique) christianisme
Akhdam 77 000 1,5 % arabe du Golfe famille afro-asiatique (sémitique) islam
Ourdou 71 000 1,4 % ourdou

langue indo-iranienne

islam
Iranien 64 000 1,2 % iranien (farsi)

langue indo-iranienne

islam
Arabe libanais 62 000 1,2 % arabe libanais (leventin) famille afro-asiatique (sémitique) islam
Népalais 62 000 1,2 % népalais

langue indo-iranienne

hindouisme
Arabe soudanais 49 000 0,9 % arabe soudanais famille afro-asiatique (sémitique) islam
Arabe palestinien 40 000 0,8 % arabe palestinien (levantin) famille afro-asiatique (sémitique) islam
Arabe jordanien 39 000 0,7 % arabe jordanien (levantin) famille afro-asiatique (sémitique) islam
Mahra 31 000 0,6 % arabe mehri famille afro-asiatique (sémitique) islam
Indonésien 28 000 0,5 % indonésien famille austronésienne islam
Arabe omanais 24 000 0,4 % arabe omanais famille afro-asiatique (sémitique) islam
Arabe irakien 22 000  0,4 % arabe irakien (mésopotamien) famille afro-asiatique (sémitique) islam
Pendjabi 22 000 0,4 % pendjabi oriental

langue indo-iranienne

islam
Américains 19 000 0,3 % anglais langue germanique christianisme
Arabe yéménite 16 000 0,3 % arabe yéménite famille afro-asiatique (sémitique) islam
Britannique 12 000 0,2 % anglais langue germanique christianisme
Autres 78 000 1,5 %

-

-  
Total 2025 4 947 000

100,00 %

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-

-

Évidemment, parmi les étrangers, on trouve un grand nombre d'arabophones venant des pays suivants: l'Égypte (474 000), l'Arabie Saoudite (300 000), la Syrie (194 000), le Liban (62 000), le Soudan (49 000), Palestine (40 000); la Jordanie (39 000), Oman (24 000), l'Irak (22 000) et le Yémen (16 000), pour un total de 1,0 million, soit 21,1 % de la population totale.

Les autres groupes ethniques les plus fortement représentés sont les Indiens hindiphones (14,7%), les Bengalis (7%), les Indiens dravidophones (6,4%), les Philippins (4,2%), les Éthiopiens  (1,5%), les Iraniens (1,2%) et les Népalais (1,2%). Les Européens et les Américains résidant au Koweït sont au nombre d'environ 30 000; ils travaillent généralement dans la construction et le génie civil, comme enseignants au service d'écoles privées, dans le secteur pétrolier ainsi que dans les services et le commerce.

1.2 Les langues

La langue maternelle la plus répandue est l'arabe du Golfe, parlé comme langue maternelle par 31,1% de la population, mais plus ou moins appris par 85 % de la population. C'est une variété d'arabe appelée aussi arabe koweïtien dans lequel on trouve des caractéristiques empruntées à l'arabe irakien et l'arabe saoudien, les puissants voisins du Koweït. Il existe une langue autochtone appartenant à la famille afro-asiatique et parlée par moins de 31 000 locuteurs: le mehri (parfois «mahri»). Cette langue est également parlée en Arabie Saoudite et au Yémen. Voir l'article sur la Langue arabe et ses variétés.

Les autres locuteurs parlent des langues immigrantes peuvent parler des langues indo-iraniennes, des langues dravidiennes et des langues austronésiennes.

La population est majoritairement de religion musulmane de rite sunnite, mais un tiers des Koweïtiens sont d’obédience chiite. Les Européens sont généralement chrétiens. Une loi de 1981 a limité la citoyenneté aux seuls musulmans. L’arabe est la langue officielle du Koweït, mais l’anglais est fréquemment employé, même par le gouvernement.

3 Données historiques

Les fouilles archéologiques ont révélé que les premiers êtres humains ont habité la région il y a environ 10 000 ans: le pays n'était alors pas désertique, mais marécageux et très fertile. L'île de Faylaka aurait été occupée par la prospère civilisation de Dilmun qui, entre 2200 et 1800 avant notre ère, contrôlait les routes marchandes du Golfe, entre la Mésopotamie et la vallée de l'Indus (aujourd'hui le Pakistan). Alexandre Le Grand parcourut la région en 326 avant notre ère. Les Grecs s'implantèrent à l'île de Faylaka où l'on a découvert plusieurs monuments de valeur, dont la stèle dite d'«Ekarousse» sur laquelle sont enregistrés quelques écrits grecs. Les Arabes de la région vénéraient alors le dieu de la Lune Houbal et les trois déesses Al-Lat («amour»), Uzza  («force») et Manat («destinée»), mais les religions zoroastrienne perse, israélite mizrahie et chrétienne nestorienne sont également attestées avant d'être toutes effacées par l'islamisation.

3.1 L'islamisation et l'arabisation 

La première confrontation armée entre les musulmans et les Perses eut lieu à Kazima sur les rives du Golfe en 633 de notre ère sous le califat de Abû Bakr As-Siddîq. Ce lieu, également baptisé «Dhât As-Salâsil» est le Koweït actuel. Il fut maintes fois mentionné dans les récits des anciens poètes arabes. Toute la région s'islamisa et s'arabisa. Vers la fin du IXe siècle, une grande partie de l'Arabie Saoudite, dont la région du Koweït, tomba sous le pourvoir des Qarmates, une influente dynastie qui menaçait le règne des Abbassides à Bagdad. 

Mais le Koweït moderne n'est apparu que dans la seconde moitié du XVIIe siècle. La tribu des Bani Khaled, qui passait pour les plus puissants parmi les tribus arabes, régnait alors en maître absolu dans l'est de l'Arabie et leur domaine s'étendait du Koweït jusqu'au Qatar. L'émirat du Koweït fut fondé en 1613 sur le nord-ouest du golfe Persique. Vers 1672, Ghurair , l'émir de la tribu des Bani Khaled construisit son kut («citadelle» ou «fortin») près d'un point d'eau à Grane, une bourgade de pêcheurs connue aujourd'hui sous le nom de Wattiya. Le nom du pays, le Koweït, proviendrait de kut dont il est le diminutif.

En 1710, des travailleurs immigrés, membres de la tribu des Anizah, venus du centre de la péninsule Arabique, construisirent la ville de Koweït. Puis la famille Al-Sabah, qui deviendra la dynastie régnante (encore aujourd'hui), s’établit à Koweït en 1756 pour constituer un émirat sur ce territoire faisant alors partie de l'Irak et placé sous l’autorité de l’Empire ottoman (voir la carte de l'Empire ottoman). Le Koweït devint un important centre commercial entre la Perse et La Mecque; repaire de contrebandiers, l'émirat était aussi un relais la route des Indes. Comme dans les autres émirats du golfe Arabo-Persique, une dynastie sunnite règne sur une population à moitié chiite, ce qui crée des tensions internes et des crises politiques sur fond d'affaires de corruption.

3.2 Le protectorat britannique

Vers la fin du XVIIIe siècle, la Compagnie des Indes britanniques installa un comptoir commercial dans l’émirat. C'est alors que l'émir du Koweït se plaça en 1899 sous la protection des Britanniques afin de s’affranchir de la puissance ottomane; il signa, sans en référer à l'Empire ottoman dont il dépendait, un traité de protectorat avec la Grande-Bretagne. Pour sa part, celle-ci consolidait ainsi son influence dans la région au détriment des Allemands. Une convention anglo-turque signée en 1913, mais jamais ratifiée reconnut la tutelle britannique sur la «province» du Koweït. Peu de temps après, les Britanniques obtinrent l'exclusivité des concessions pétrolières. C'est à partir de cette époque que s'introduisit l'anglais dans les affaires, la langue du colonisateur.

- Les accords Sykes-Picot

Lors de la Première Guerre mondiale, les Britanniques promirent l'indépendance aux Arabes du Golfe s'ils se soulevaient contre les Turcs (alliés à l'Allemagne). Cependant, le 16 mai 1916, la Grande-Bretagne et la France conclurent des accords secrets, les accords Sykes-Picot, par lesquels elles se partageaient les terres arabes sous domination ottomane. Cet accord résulte d'un long échange de lettres entre Paul Cambon, ambassadeur de France à Londres, et sir Edward Grey, secrétaire d'État au Foreign Office; par la suite, un accord ultra-secret fut conclu à Downing Street entre sir Mark Sykes pour la Grande-Bretagne et François Georges-Picot pour la France. Il équivaut à un véritable dépeçage de l'espace compris entre la mer Noire, la Méditerranée, la mer Rouge, l'océan Indien et la mer Caspienne. La région fut découpée ainsi:

1) Une zone bleue française, d'administration directe (Liban et Cicilie);
2) Une zone arabe A, d'influence française (Syrie du Nord et province de Mossoul);
3) Une zone rouge anglaise, d'administration directe (Koweït et Mésopotamie);
4) Une zone arabe B, d'influence anglaise (Syrie du Sud, Jordanie et Palestine);
5) Une zone brune, d'administration internationale comprenant Saint-Jean-d'Acre, Haiffa et Jérusalem.

La Syrie et le Liban actuels revirent à la France; la Palestine, l’Irak et le Koweït furent attribués au Royaume-Uni. Les wahhabites d’Arabie Saoudite, conduits par Ibn Séoud, sultan de Nedjd, tentèrent de prendre possession du Koweït dont les frontières n’avaient jamais été formellement définies. En 1922, une zone neutre fut créée, toujours sous la protection britannique, entre le Koweït et l’Arabie Saoudite, tandis que l’année suivante la frontière nord avec l'Irak était fixée. En réalité, la frontière entre l'Irak et le Koweït demeura arbitraire. La paix ne fut restaurée, en 1921, qu’après une intervention militaire britannique. En 1990, le président irakien, Saddam Hussein, affirmera non sans quelque raison que «le Koweït est une création des services secrets britanniques dont l'objet est de priver l'Irak d'un accès à la mer». En fait, le British War Office avait délibérément choisi de refuser à l'Irak un accès à la mer afin de limiter son influence dans le Golfe et de le maintenir sous la dépendance de la Grande-Bretagne. Du point de vue arabe, les accords Sykes-Picot constituaient une «trahison des promesses faites pendant la Première Guerre mondiale», et sous le régime de Saddam Hussein l'Irak s'est mis à considérer le Koweït comme une province irakienne indûment détachée, et à le revendiquer. N'obtenant pas gain de cause  par la négociation et la corruption, Saddam décida de l'envahir ce qui provoqua la première guerre du Golfe en 1990-1991.

- Les hydrocarbures

Toutefois, pour l'Irak qui revendiquait l’héritage de l’Empire ottoman, le Koweït devait faire partie intégrante de son territoire. L'Irak afficha clairement ses prétentions lorsque, en 1938, les premiers gisements de pétrole furent découverts dans le sous-sol de l’émirat. La Kuwait Oil Company, une société pétrolière anglo-américaine, commença l’exploitation à grande échelle du pétrole en 1946. Une partie des profits de la compagnie revint à l’émir; ces revenus permirent de développer l’infrastructure et les services sociaux du pays. «Éponge imbibée de pétrole», l'émirat détient près de 10 % des réserves mondiales. Cette situation n'est certes pas étrangère au fait que la Grande-Bretagne, en 1958, fut tentée de rendre le Koweït à l'Irak monarchique, mais se ressaisit et décida d'en faire un État à part entière après la chute, cette même année, de la monarchie irakienne. On comprendra aussi que la langue anglaise imprégna plus profondément l'émirat koweïtien.

3.3 Le Koweït indépendant

En 1961, la Grande-Bretagne accorda son indépendance au Koweït. En réaction, le régime irakien, alors dirigé par le général Kassem, massa des troupes à la frontière et en déclarant le Koweït «la 19e province irakienne». Des mouvements de troupes appartenant à l’armée britannique et aux pays de la
Ligue arabe à laquelle l’émirat avait adhéré empêchèrent l’annexion, mais l’Irak ne reconnut pas davantage sa frontière avec le nouvel État. Les frontières modernes de l'Irak, de l'Arabie Saoudite et du Koweït furent établies par décret impérial britannique.

Bref, sans l'intervention britannique de 1961, le Koweït n'existerait pas aujourd'hui. Le but de l'intervention britannique avait été très clair: s'assurer le contrôle du pétrole. En 1963, le Koweït devint membre des Nations unies. Trois ans plus tard, le litige frontalier avec l’Arabie Saoudite fut réglé par un accord prévoyant le partage des ressources pétrolières de la zone neutre séparant les deux pays.

- Un État arabophone

Le Koweït mena ensuite une politique active au Moyen-Orient. Ayant considérablement accru ses revenus par la hausse du prix du pétrole en 1973 et la nationalisation de la Kuwait Oil Company en 1975, le Koweït soutint financièrement les pays arabes en lutte contre Israël. Durant la guerre entre l'Irak et l'Iran, le régime koweïtien choisit d’apporter son aide à l'Irak, considérant que le principal danger venait désormais de l’Iran révolutionnaire chiite. L’émirat subit les représailles de l’Iran contre ses installations pétrolières en 1981. En 1980, 1983 et 1985, des attentats revendiqués par des chiites pro-iraniens provoquèrent l’expulsion de milliers de leurs coreligionnaires. Le cheikh Jaber al-Ahmad al-Sabbah, au pouvoir depuis 1977, suspendit l’Assemblée nationale en juillet 1986 et gouverna par décret. Devant la recrudescence des attaques irakiennes contre les pétroliers koweïtiens, l'émirat obtint la protection de la marine américaine en 1987. La tension s'apaisa après l'accord de cessez-le-feu entre l'Irak et l'Iran en 1988.

Toutefois, la fin de la guerre irano-irakienne raviva les tensions avec l’Irak qui, affaibli par le conflit, se vit refuser par le Koweït l’annulation des dettes accumulées durant huit ans, tant qu’il n’aurait pas reconnu la frontière avec l’émirat. Le dépassement, par le Koweït, des quotas pétroliers fixés par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), provoquant un effondrement des prix et augmentant les difficultés économiques de l’Irak, fut interprété par le régime irakien comme un camouflet supplémentaire. La montée des revendications démocratiques au Koweït, en 1989 et 1990, conduisit l'émir à accepter la restauration d’une assemblée législative aux pouvoirs restreints. 

- La guerre du Golfe

C'est pourquoi, le 2 août 1990, les troupes irakiennes envahirent le territoire koweïtien. La résistance de l’armée de l’émirat, forte de 16 000 hommes, fut faible. Le cheik Al-Jabber du Koweït quitta son pays et se réfugia en Arabie Saoudite où il établit un gouvernement en exil.  Vers la fin de l’après-midi du 2 août 1990, la ville de Koweït tombait aux mains des Irakiens; toute résistance organisée cessa dans le pays. 

L’Irak annexa officiellement le Koweït le 8 août, malgré la condamnation de l’invasion par le Conseil de sécurité des Nations unies et par la Ligue arabe. Le 17 janvier 1991, l’intervention d’une coalition internationale dirigée par les États-Unis marqua le début de la guerre du Golfe. Le Koweït fut libéré à la fin du mois de février 1991. 

Des centaines de puits de pétrole avaient été détruits par les Irakiens battant en retraite. La reconstruction s’accompagna de nombreux procès intentés par les autorités pour «collaboration» avec l’occupant irakien et de l’expulsion de plusieurs centaines de milliers de travailleurs étrangers, principalement des Palestiniens et des Jordaniens. Les conditions dans lesquelles se déroulèrent les procès et les expulsions firent l’objet de nombreuses critiques de la part des gouvernements occidentaux et d’organisations se consacrant à la défense des droits de l’homme. En avril 1992, la frontière avec l’Irak fut redessinée par une commission spéciale de l’ONU au profit du Koweït qui a obtenu une partie du champ pétrolifère de Roumeïla. Afin d'assurer sa protection, le Koweït obtint par une série d’accords l’assistance militaire des États-Unis et de plusieurs pays européens. Avec l'installation de plusieurs bases américaines sur le territoire du Koweït, l'anglais revint en force de façon permanente.

- L'emprise autoritaire

Sur le plan de la politique intérieure, le régime dut faire face à une importante contestation émanant à la fois des organisations favorables à une certaine laïcisation de l’État, des mouvements musulmans sunnites rigoristes et de la minorité chiite. En 1996, les islamistes demandèrent le vote de nouvelles lois fondamentales et l’établissement de la Charia comme source unique du droit, ce qui fut refusé par l’émir Jaber. En février 1997, devant cette opposition, l’émir menaça de dissoudre la nouvelle Assemblée. Au plan économique, le Koweït renoua avec la croissance et bénéficia d'un excédent budgétaire considérable, mais il dut régler la facture du déploiement militaire allié. Le Koweït a aussi amélioré ses relations avec la Jordanie, le Soudan et le Yémen, des pays arabophones. Afin de faire face aux prétentions territoriales de l'Irak, le gouvernement a signé des accords d'assistance militaire avec les principales puissances occidentales.

Le Koweït demeure confronté à une crise politique majeure qui menace sa stabilité. La famille régnante est empêtrée dans une lutte de pouvoir, l'abdication de l'émir en 2006 continuant de façonner la trajectoire de l'État. La récente suspension en 2024 du Parlement élu a entraîné la perte de la nationalité koweïtienne pour environ 42 000 personnes, dont de nombreux étrangers. L'administration de l'émir a également mis en place une politique de révocation de la nationalité pour les personnes jugées de «turpitude morale» ou de «malhonnêteté», ou pour des actions visant à menacer la sécurité de l'État. Cette politique, critiquée par les organisations de défense des droits de la personne, est perçue comme une avancée vers l'autoritarisme. Signe d'un virage autoritaire, le Parlement est régulièrement suspendu depuis le 10 mai 2024. Ce n'est pas tout, les discours xénophobes sont devenus une justification pour supprimer la nationalité de plusieurs dizaines de milliers de ressortissants du Koweït.

Bien que le gouvernement ait désigné l'arabe comme langue officielle, l'anglais occupe une place de plus en plus importante dans l'enseignement supérieur, les affaires et comme marqueur de prestige social. Si les documents officiels sont en arabe, l'anglais demeure grandement employé dans les milieux sociaux et commerciaux, reflétant un paysage linguistique complexe où les politiques officielles et les pratiques réelles peuvent diverger.

4 La politique linguistique

Les autorités du Koweït pratiquent une politique d'arabisation apparemment relativement simple.

4.1 Les dispositions constitutionnelles

Tout statut est défini dans la Constitution du 16 novembre 1962. L'article 1 proclame que «le Koweït est un État arabe indépendant jouissant d'une pleine souveraineté» et que «le peuple du Koweït fait partie de la nation arabe». À l'article 2, il est déclaré que «la religion de l'État est l'islam et la Charia islamique constitue une des principales sources de la législation». En ce qui a trait spécifiquement à la langue, c'est l'article 3 qui demeure fondamental: «La langue officielle de l'État est l'arabe.»

Article 1

Le Koweït est un État arabe indépendant jouissant d'une pleine souveraineté. Sa souveraineté est inaliénable, tout comme aucune partie de son territoire. Le peuple du Koweït fait partie de la nation arabe.

Article 2

La religion de l'État est l'islam, et la Charia islamique constitue la principale source de législation.

Article 3

La langue officielle de l'État est l'arabe.

Si l'islam est la religion officielle de l'État du Koweït, l'arabe, en tant que langue du "Saint Coran" (القرآن الكريم), est la langue officielle de l'État du Koweït. Dans les faits, ce n'est pas dans la langue du Coran que les lois sont rédigées, mais en arabe standard moderne (ASM). Personne n'a ces deux variétés comme langue maternelle, mais on prie dans l'une et on étudie dans l'autre. Cela peut être attribué au fait que les fondateurs de la Constitution koweïtienne de1962 avaient pris conscience de l'importance de la langue arabe en tant que facteur d'unité et de cohérence entre les pays arabes. De plus, cette langue est un moyen d'émergence et de diffusion de la civilisation arabe.

L'article 29 affirme l'égalité sans distinction de race, d'origine, de langue ou de religion:

Article 29

Tous les citoyens sont égaux en dignité humaine et égaux devant la loi en matière de droits et de devoirs publics. Aucune discrimination fondée sur la race, l'origine, la langue ou la religion ne peut être admise.

Ça, c'est la théorie. Parce que les seules langues employées dans les rapports formels sont l'arabe standard moderne et l'anglais. Toutes les autres variétés vernaculaires de l'arabe et toutes les autres langues sont évacuées, c'est-à-dire les langues maternelles de 100% de la population. 

4.2 Le Parlement

Le Koweït est une démocratie non partisane où il n'existe pas de parti politique, ce qui signifie que tous les candidats se présentent en indépendant et forment ensuite des groupes parlementaires informels. L'Assemblée nationale du Koweït, appelée en arabe "Majles Al-Ommah", est le Parlement monocaméral du pays, mais celui-ci a été dissout par l'émir, le 10 mai 2024, et certaines de ses dispositions constitutionnelles ont également été suspendues pour quatre ans. Avant la dissolution, le Parlement était composé de 50 membres élus au vote direct, avec des sièges attribués dans cinq circonscriptions électorales.

Les langues employées par les parlementaires étaient et seront encore l’arabe koweïtien, appelé aussi «arabe du Golfe», dans les débats oraux, mais les lois ne sont rédigées qu’en arabe standard moderne. L'article 82 de la Constitution contient une disposition à cet effet, même si l'on ne mentionne jamais de quel arabe il s'agit :

Article 82

Pour être député à l'Assemblée nationale, il faut :

1. Être citoyen koweïtien de naissance, conformément à la loi ;
2. Avoir la qualité d'électeur, conformément à la loi électorale ;
3. Être âgé d'au moins trente ans le jour du scrutin ;
4.
Maîtriser la lecture et l'écriture de l'arabe.

L'article 2 de la Loi n° 12 relative au Règlement intérieur de l'Assemblée nationale (1963) reprend les mêmes dispositions :

Article 2

Pour être député, il faut :

a. Être citoyen koweïtien de naissance, conformément à la loi ;
b. Être électeur, conformément à la loi électorale ;
c. Être âgé d'au moins 30 ans le jour du scrutin ;
d
. Maîtriser l'arabe, lu et écrit.

Il en est ainsi à l'article 20 de la Loi n° 120 relative aux membres de l'Assemblée nationale (2023):

Article 20

Tout candidat à l'Assemblée nationale doit remplir les conditions suivantes :

1. Être citoyen koweïtien de naissance, conformément au décret de l'Émir n° (15) de 1959 relatif à la loi sur la nationalité koweïtienne et à ses modifications.
2. Satisfaire aux conditions requises pour voter conformément à cette loi.
3. Être inscrit sur l'une des listes électorales.
4.
Maîtriser la lecture et l'écriture de l'arabe.
5. Être âgé d'au moins trente ans le jour du scrutin.

Le système juridique, codifié en 1960, s’appuie sur le droit islamique (Charia). La Charia n'est cependant pas appliquée de façon intégrale au Koweït, comme c'est, par exemple, le cas de l'Arabie Saoudite. Depuis 1962, une série de lois ont été promulguées (principalement dans le domaine du droit du travail, de la circulation, du code de procédure, etc.) en tenant compte de la législation européenne.

Bien qu'il y ait la présence d'une Assemblée élue, l'émir du pays joue un rôle essentiel, en matière législative comme dans la détermination de la politique générale de l'État. Il ne s'agit pas d'un véritable régime parlementaire. Néanmoins, le système politique koweïtien est unique dans la région, car il permet une certaine liberté d'expression et de critique politique, bien que des limites importantes puissent subsister.

4.3 La justice et l'interprétariat

Le pouvoir judiciaire est dirigé par l'émir, qui nomme tous les juges, et le système est basé sur un droit civil, avec des influences islamiques dans certains domaines. Les tribunaux sont responsables de la résolution des conflits, ce qui comprend les exécutions de peine de mort, qui sont un sujet de préoccupation pour les droits de la personne. Mais tous ces éléments démontrent que le système judiciaire koweïtien est influencé par des normes culturelles et religieuses.

- L'arabe comme langue officielle

L’article 14 du Décret-loi n° 23 sur l'organisation du pouvoir judiciaire (1990) énonce que «l'arabe est la langue officielle des tribunaux», mais le tribunal peut entendre les déclarations des plaideurs ou des témoins qui ignorent la langue arabe par l’intermédiaire d’un interprète après qu’il eut prêté serment:

Article 14

L'arabe est la langue officielle des tribunaux. Toutefois, le tribunal peut entendre les témoignages des parties ou des témoins qui ne parlent pas l'arabe par l'intermédiaire d'un interprète après leur prestation de serment.

- L'interprétariat

Le Décret-loi n° 38 portant promulgation de la Loi sur les procédures civiles et commerciales (1980) prévoit qu'une partie peut employer une langue étrangère, mais dans ce cas il faut une traduction officielle:

Article 74

En cas d'application d'une loi étrangère, le tribunal peut exiger des parties la production des textes sur lesquels ils sont fondés,
accompagnés d'une traduction officielle du ministère de la Justice ou d'une traduction d'une entité désignée par le tribunal.

Si une partie produit des
documents rédigés en langue étrangère, ceux-ci doivent être accompagnés d'une traduction officielle, d'une traduction usuelle non contestée par son adversaire ou d'une traduction d'une entité désignée par le tribunal. Dans tous les cas, le tribunal peut exiger des parties la production d'une traduction officielle.

Article 183

La sentence arbitrale est rendue à la majorité des voix et doit être écrite. Elle doit notamment comprendre un résumé de la convention d'arbitrage, un résumé des déclarations et documents des parties, les motifs de la sentence, son dispositif, la date et le lieu de son prononcé, ainsi que les signatures des arbitres. Si l'un ou plusieurs arbitres refusent de signer la sentence, cela doit être mentionné dans la sentence. Celle-ci est valable si elle est signée par la majorité des arbitres, même si un ou plusieurs d'entre eux se sont retirés ou ont démissionné après que l'affaire a été ajournée pour jugement et que les délibérations ont commencé en leur présence, par dérogation aux dispositions de l'article 175.

La sentence doit être rédigée en arabe, sauf accord contraire des parties. Dans ce cas, une traduction officielle doit y être jointe
lors du dépôt.

La sentence est réputée rendue à compter de la date de sa signature par les arbitres après sa rédaction.

La sentence doit être en arabe, mais un accord entre les parties peut permettre le recours à une autre langue (l'anglais) à la condition d'y joindre une traduction en arabe.

Il existe plusieurs autres lois concernant la Cour de cassation, mais la règle est la même partout : le législateur a considéré la langue arabe comme l’une des caractéristiques essentielles et des éléments de base sur lesquels repose le système judiciaire, ce qui oblige le gouvernement, les procureurs et les justiciables à y adhérer sans aucune autre langue comme moyen d’expression dans toutes les transactions en matière de justice. Plus précisément, la langue arabe est la langue considérée devant les tribunaux à laquelle le justiciable et le juge sont liés en ce qui concerne les procédures de contentieux, de preuve ou de prononcé des jugements. Par conséquent, il est obligatoire de traduire toutes les déclarations en arabe; la règle s’applique également à tous les documents rédigés dans une langue étrangère auxquels les parties ont convenu, de sorte que l’acceptation de ces documents doit être accompagnée d’une traduction arabe.

De plus, la loi du travail stipule que tous les contrats doivent être rédigés en arabe, mais une traduction peut y être jointe si un document est rédigé dans une autre langue. Tel est le libellé de la Loi koweïtienne n° 38 de 1964 sur le travail dans le secteur privé (1964):

Article 14

Tous les contrats, ainsi que la correspondance, les circulaires, les bulletins et les règlements adressés par l'employeur à ses salariés, doivent être rédigés en arabe. Une traduction dans une autre langue peut être jointe, le texte arabe faisant foi en cas de litige.

Bien que tous les documents doivent être rédigés en arabe, ils n’empêchent pas les tribunaux koweïtiens ou d’autres autorités gouvernementales de reconnaître légalement les documents qui sont en d'autres langues.

L’anglais étant la langue de travail jugée quasiment «officielle» dans le monde, les particuliers et les entreprises sont forcés d’employer l’anglais lorsque les parties ayant des intérêts ont des langues locales différentes. Certaines entreprises ont vu leurs accords ne pas être conclus parce que les parties négociantes ne pouvaient pas communiquer en raison d’une barrière linguistique. Au lieu de ne pas conclure d’entente avec des non-arabophones, il vaut mieux conclure un accord en anglais ou en format bilingue en sachant que les autorités gouvernementales compétentes et que les tribunaux koweïtiens approuveront les documents.

Les services de traduction doivent être assurés par un traducteur certifié qui est désigné dans une liste fournie par le ministère de la Justice. Il existe également d’autres exigences d’authentification pour les documents émis à l’extérieur du Koweït et/ou signés par une partie à l’extérieur du Koweït.

Les deux variétés d'arabe sont utilisées dans les tribunaux de première instance, comme dans les tribunaux religieux. Ces derniers, qui ont juridiction sur le statut personnel des Koweïtiens peuvent utiliser une autre langue, généralement l'anglais. Chacune des juridictions communautaires dispose de ses propres règles, de ses textes juridiques, de sa terminologie particulière, de sa jurisprudence, etc. Dans les cours de justice impliquant des étrangers, le recours à un interprète est permis.

4.3 L'administration publique

Dans l’administration publique, la langue employée à l'oral est généralement l’arabe koweïtien (ou arabe du Golfe), mais cet emploi n’interdit pas l’arabe standard moderne à l'écrit, voire l'anglais dans de nombreux cas. En fait, tous les documents administratifs sont normalement en arabe standard moderne et/ou en anglais.

- Les documents publics

Bien que le Koweït soit un pays essentiellement urbanisé, même si la majeure partie de son territoire (près de 75 %) est principalement destinée au pâturage et aux activités récréatives. Au cours des dernières années, le Koweït a réalisé des progrès substantiels dans l’amélioration de ses systèmes d’administration foncière afin d’être plus efficace en termes de procédures, de temps et de coût nécessaires à l’enregistrement d’une propriété. À l'article 17 du Décret n° 5 concernant la Loi sur l'enregistrement foncier (1959), le Service de l'enregistrement foncier exige que tous les documents soient rédigés par les employés du Service en langue arabe, dans une écrite manuscrite claire, exempte d'ajouts, d'interpolations ou de ratures:

Article 17

Les documents doivent être rédigés par les employés du Service
en langue arabe, dans une écrite manuscrite claire, exempte d'ajouts, d'interpolations ou de ratures. Les signatures des parties concernées doivent être authentifiées en présence de deux témoins majeurs et sains d'esprit. Les documents doivent être examinés puis consignés dans les registres prévus à cet effet.

C'est l'un des rares documents qui ne semble pas autoriser la présence d'une autre langue, même avec une traduction officielle.

- Les établissements de santé

Au Koweït, les établissements de santé comprennent un système public et un secteur privé. Les hôpitaux et d'autres établissements publics offrent des soins gratuits aux citoyens, tandis que les immigrants et les étrangers doivent s'acquitter des frais et souscrire à une assurance maladie pour accéder à ces mêmes services. L'article 9 de la Loi n° 70 sur l'exercice de la médecine et des professions connexes aux droits des patients et aux établissements de santé (2002) semble interdire la discrimination fondée sur le sexe, l'origine, la religion, la langue, etc.

Article 9

L'exercice de la profession implique les obligations suivantes :

1. Exercer ses fonctions conformément aux principes scientifiques et techniques reconnus dans le domaine de la médecine et à ses règles fondamentales, et d'une manière adaptée à son rang, son niveau, sa spécialisation scientifique et pratique et son expérience professionnelle.
2. Veiller au respect des lois, des règlements et des décisions applicables à l'exercice de sa profession, afin de prodiguer les soins nécessaires aux patients.
3.
Prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver la vie privée et la dignité des patients, sans discrimination ni distinction fondée sur le sexe, l'origine, la religion, la langue ou tout autre critère.

En réalité, la discrimination est fondée sur la citoyenneté : on est koweïtien on non. Par contre, le système de santé s'est adapté en matière linguistique, car près de 70% des gens ne parlent pas l'arabe du Golfe. Des établissements tels le Kuwait Children's Hospital offrent des soins spécialisés, et de nombreux médecins sont capables de parler anglais, ce qui facilite l'accès aux soins, particulièrement dans le secteur privé en plein essor. C'est néanmoins curieux que la langue véhiculaire ne soit pas l'arabe standard moderne.

- Les consommateurs

Au Koweït, les droits des consommateurs sont définis par la Loi n° 39 sur la protection du consommateur, qui garantit aux consommateurs le droit à la sécurité, à la qualité, à l'information et au recours en cas de litige. Les consommateurs peuvent ainsi déposer des plaintes par l'intermédiaire d'associations de consommateurs ou de la société civile, et les poursuites judiciaires sont du ressort du Parquet public. En matière linguistique, la loi oblige les fournisseurs, les producteurs et les importateurs à apposer sur leurs marchandises des informations en arabe (art. 12); le fournisseur est tenu de fournir au consommateur une facture écrite au moins en langue arabe (art. 15). De plus, la publicité des biens et services ainsi que la rédaction des données doivent être au moins en langue arabe, et d'autres langues peuvent être employées en plus.

Article 12

1) Le fournisseur, qu'il soit producteur ou importateur, doit apposer sur les marchandises, en arabe, les informations requises par les spécifications standard approuvées au Koweït ou dans les pays du Conseil de coopération du Golfe, ou toute autre information requise par tout autre loi ou règlement d'application de la présente loi. Ces informations comprennent notamment les spécifications, la date de production, la date de péremption, les composants et les caractéristiques du produit, les dangers potentiels, les avertissements relatifs à son utilisation et les précautions à prendre pour éviter les risques. Ces données doivent être analysées de manière claire et lisible, et leur finalité doit être atteinte, en fonction de la nature de chaque produit et de la manière dont il est annoncé, présenté ou contracté.

[...]

Article 15

Le fournisseur est tenu de fournir au consommateur
une facture écrite au moins en langue arabe, prouvant la transaction ou le contrat avec lui concernant le produit, comprenant notamment la date de la transaction ou du contrat, le prix du produit, ses spécifications, son origine, sa nature, sa qualité et sa quantité, ainsi que toute autre information spécifiée par les règlements d'application de la présente loi.

Article 26

La publicité des biens et services ainsi que la rédaction des données stipulées à l'article 12
doivent être au moins en langue arabe, et d'autres langues peuvent être employées en plus.

Il faut retenir que, dans les faits, l'anglais peut être employé à côté de l'arabe. D'ailleurs, le Règlement d'application de la Loi n° 39 sur la protection des consommateurs (2014) est plus clair à ce sujet:

Article 41

Les commerçants, les entreprises, les établissements commerciaux et toute autre personne sont tenus d'employer l'arabe dans toutes leurs transactions et factures. Ils peuvent utiliser une ou plusieurs autres langues en plus de l'arabe s'ils le souhaitent.

Article 43

Le fabricant et son agent local sont tenus d'annoncer le rappel sur le site Web de l'entreprise ou de son agent local, s'il existe, et dans plusieurs quotidiens locaux à grand tirage, dont un en arabe, à plusieurs reprises dans un délai n'excédant pas dix jours à compter de la date du rappel. L'annonce doit inclure les informations suivantes :

a. Le nom et le logo du fabricant.
b. Le nom et l'adresse complète de l'agent local.
c. Le nom du produit, le pays de fabrication et la marque.
d. Une description du défaut.
c. Le numéro de téléphone et le numéro de fax de l'agent, au minimum, pour permettre à l'utilisateur de le contacter, de se renseigner et de demander de l'aide pour les réparations.
h. Les instructions que l'utilisateur doit suivre pour éviter tout risque jusqu'à la réparation.

- Les sociétés commerciales

Au Koweït, les sociétés commerciales incluent principalement les sociétés par actions, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés en nom collectif. L'économie est dominée par le secteur pétrolier, avec la société d'État Kuwait Petroleum Corporation (KPC) qui gère l'industrie des hydrocarbures. Cependant, d'autres grandes entreprises koweïtiennes opèrent dans les secteurs de la finance, des commerces de détail et des télécommunications.

Comme cela semble la coutume dans le pays, le Décret-loi n° 68 sur le Code du commerce (1980) impose l'arabe, mais accepte aussi une autre langue (art. 405):
 

Article 1

Les dispositions de la présente loi s'appliquent aux commerçants et à toutes les activités commerciales exercées par toute personne, même non commerçante.

Article 91

1)
Si la quantité, la taille, la mesure, la capacité, le poids, la provenance ou les composants d'un produit sont des facteurs qui influent sur sa valeur, le ministre compétent peut, par arrêté, interdire l'importation, la vente ou la mise en vente de ce produit s'il ne porte pas une ou plusieurs de ces mentions.

2) Le ministre compétent détermine, par arrêté, les modalités d'apposition des mentions sur les produits et les procédures de remplacement en cas d'impossibilité.
Ces mentions doivent être rédigées en arabe.

Article 405

Une lettre de change doit comporter les informations suivantes :

1. La mention « lettre de change » inscrite dans le texte de l'instrument, dans la langue dans laquelle il est rédigé.
2. La date et le lieu d'établissement de la lettre de change.
3. Le nom de la personne tenue de payer (le payeur).
4. Le nom de la personne à qui ou à l'ordre de laquelle le paiement est dû.
5. L'ordre inconditionnel de payer une somme d'argent déterminée.
6. La date d'échéance.
7. Le lieu de paiement.
8. La signature de l'émetteur de la lettre de change (l'émetteur).

L'article 6 de la Loi n° 11 portant loi sur les sociétés commerciales (2015) prescrit l'arabe, mais les contrats de société peuvent être accompagnés d'une traduction dans une autre langue; en cas de divergence, la version arabe est privilégiée:

Article 6

1)
À l'exception des sociétés par actions, le contrat de société et
tout avenant doivent être rédigés en arabe et authentifiés; à défaut, le contrat ou l'avenant est nul et non avenu.

2) Les procédures d'authentification des contrats de société sont déterminées par décision de l'autorité compétente, en coordination avec le ministre.

3) Le contrat de société ou tout avenant
peut être accompagné d'une traduction dans une autre langue étrangère. En cas de divergence, la version arabe est privilégiée.

Article 184

Modifié par la loi n° 8 de 2021

« À l'exception des sociétés cotées en bourse, la société doit publier des rapports financiers semestriels dans les quotidiens locaux publiés en arabe et sur son site Web, s'il est disponible, à l'intention des actionnaires. Ces rapports doivent être examinés par le commissaire aux comptes et ne peuvent être publiés qu'avec l'approbation de la direction. »

Au Koweït, les agences commerciales peuvent faire référence à des agences de marketing et de publicité, lesquelles aident les entreprises à accroître leur présence locale notamment leur visibilité numérique. Il peut s'agir aussi de «bureaux commerciaux» liés à des délégations gouvernementales qui soutiennent l'exportation vers le Koweït. Le Règlement d'application de la loi n° 13 de 2016 réglementant les agences commerciales (2019) oblige ces agences à être immatriculées au registre, alors que tous les documents dans une langue étrangère doivent être accompagnés d'une traduction en arabe certifiée:   
 

Article 2

Toutes les agences commerciales qui remplissent les conditions et les dispositions de la loi et du présent règlement doivent être immatriculées au registre. La demande d'immatriculation doit être déposée par l'agent, le distributeur ou son représentant légal, munie d'une procuration officielle, auprès du service compétent, au moyen du formulaire prévu à cet effet, en deux exemplaires originaux accompagnés des documents suivants :

– L'original du contrat d'agence certifié par les autorités officielles compétentes du pays du mandant, l'ambassade du pays dans le pays et le ministère koweïtien des Affaires étrangères, ainsi qu'une copie certifiée conforme. L'original doit être restitué à l'agent après vérification de la copie.

– Un CD contenant le contrat d'agence et les documents connexes.

Une traduction en arabe certifiée conforme du contrat d'agence et de tout autre document rédigé en langue étrangère.

[...]

Article 12

Toute demande de renouvellement d'enregistrement d'une agence commerciale, de modification de ses données ou de remplacement d'un certificat d'enregistrement perdu doit être soumise au service compétent sur le formulaire prévu à cet effet, accompagnée des documents suivants :

— Une lettre de renouvellement ou de modification certifiée par les autorités officielles compétentes du pays du mandant, l'ambassade du pays dans ce pays et le ministère koweïtien des Affaires étrangères ;

Une traduction en arabe certifiée conforme de la lettre de renouvellement ou de modification et de tout autre document rédigé en langue étrangère ;
— Un certificat de la Chambre de commerce et d'industrie ;
— L'original du certificat d'enregistrement ;
— Une copie de la licence commerciale valide de l'agent ;
— Un reçu de paiement des frais exigés.

- Les noms commerciaux

Un nom commercial est le nom sous lequel une entreprise est connue du public et exerce ses activités, que ce soit sur une vitrine ou un site Web. Ce nom peut être identique à la raison sociale d'une ou être différent, alors souvent désigné comme étant «fictif». Par exemple, une «Boutique de guitare» est un nom fictif, mais «Lismar» ou «Boutique de guitares Lismar» est un nom commercial ou une raison sociale. L'enregistrement d'un nom commercial peut être obligatoire pour distinguer son activité de celle des concurrents et est généralement effectué auprès des instances gouvernementales du pays.

La Résolution n° 127 du ministère du Commerce et de l'Industrie sur la réglementation relative à l'enregistrement des noms commerciaux (2023) est remarquable à cet égard. Il faut surtout retenir l'article 2.2 qui stipule que le nom commercial doit être enregistré en arabe ou en anglais, à condition que le nom anglais soit synonyme du nom arabe selon l'Oxford Dictionary (anglais-arabe), ou que le nom arabe soit orthographié avec une prononciation identique au nom anglais :

Article 1er

1) Un nom commercial ne peut être enregistré que s'il est lié à l'activité.

2) Un nom commercial doit être composé du nom du commerçant, de son prénom ou d'un nom arabe ou étranger innovant, ayant une signification réelle et significative. Il peut contenir ou être composé de chiffres et être écrit sous forme alphabétique.

Article 2

L'enregistrement d'un nom commercial doit respecter les points suivants :

1. Le nom commercial ne doit pas porter atteinte aux coutumes, aux traditions, à l'ordre public ou aux bonnes mœurs, ni être trompeur ou porter atteinte à l'intérêt public.

2. Le nom commercial doit être enregistré en arabe ou en anglais, à condition que le nom anglais soit synonyme du nom arabe selon l'Oxford Dictionary (anglais-arabe), ou que le nom arabe soit orthographié avec une prononciation identique au nom anglais (étant entendu que le nom commercial ne peut être enregistré s'il est enregistré avec le même nom en anglais ou en arabe).

3. Le nom commercial ne doit pas avoir été précédemment enregistré au registre du commerce pour le même type d'activité. Il ne peut être dupliqué que si les activités commerciales enregistrées d'une même entreprise diffèrent.

10. Le nom commercial ne doit comporter aucune des interdictions énumérées dans l'annexe jointe à la présente décision.

Il s'ensuit une série d'interdictions telles que l'adjonction d'un mot à une dénomination commerciale est interdite dans les pharmacies et les agences commerciales (art. 3). En annexe, on énonce les interdictions suivantes: 

- les noms contenant le nom de Dieu;
- les noms d'organisations ou d'organismes internationaux;
- les noms des symboles de l'État;
- les noms d'institutions, d'organismes et de ministères de l'État;
- les noms incitant à des tendances sectaires ou tribales;
- les noms à connotation politique ou militaire;
- les noms religieux;
- les noms d'associations d'utilité publique, d'organisations caritatives et de clubs;
- les numéros correspondant à ceux d'agences gouvernementales, d'organismes et d'institutions de l'État;
- les numéros dont le sens communément admis indique une atteinte à la morale publique;
- les moteurs de recherche électroniques et sites de médias sociaux;
- les mots susceptibles d'induire le public en erreur, à savoir : distinctif, original, approuvé, nouveau, ancien, moderne, premier, deuxième, contemporain.

La figure suivante témoigne de l'application relative de la loi concernant les marques commerciales et la publicité:

De façon générale, on peut croire qu'il s'agit d'un pays bilingue, ce qui n'est pas le cas juridiquement (de jure), mais effectivement dans les faits (de facto). Les seules affiches unilingues arabes sont le nom d'une école maternelle et la publicité de McDonald's pour les hamburgers. Toutes les autres affiches sont bilingues ou uniquement en anglais (Marriott, Danger, Mobilgas, Fizza, FH Cafe, No Alcool, Grand Costo, Americana Restaurants, Kuwait Food).  

4.4 La promotion de la langue arabe

Le projet de loi koweïtien sur la protection de la langue arabe de 2019 n'a jamais été adopté, bien que l'arabe soit la langue officielle du pays. Ce projet de loi présenté par cinq députés n'a pu recueillir suffisamment d'appuis sur certaines dispositions du projet de loi; cette absence de consensus politique résulte d'inquiétudes concernant ses modalités d'application et son impact potentiel dans certains domaines, dont l'économie et l'industrie pétrochimique, ce qui aurait nécessité des études et des discussions plus approfondies. En fait, le projet de loi a fait l'objet de désaccords parlementaires et politiques sur plusieurs aspects, notamment concernant l'emploi de la langue arabe dans le secteur privé qui dépend parfois de l'anglais et en éducation. Les points de vue divergent quant à la manière de protéger la langue arabe. Si certains privilégient l'éducation, d'autres estiment nécessaire d'étendre son usage dans la vie publique. Mais cette réticence à réduire le rôle de l'anglais semble liée à la présence des États-Unis dans l'économie koweïtienne et la présence de quelque 20 000 soldats américains assurant la sécurité du pays; il vaut mieux ne pas froisser son protecteur.

Pourtant, le Projet de loi sur la protection de la langue arabe n'avait rien de révolutionnaire. D'autres pays arabes ont adopté ce genre de législation, dont l'Algérie, l'Égypte, l'Irak, la Jordanie, le Qatar, etc. Les trois premiers articles ne font qu'énumérer ce qui en usage actuellement:

Article 1

Toutes les entités gouvernementales et non gouvernementales sont tenues de protéger et de soutenir la langue arabe dans toutes leurs activités, leurs manifestations et leurs transactions.

Article 2

Les ministères, les autres agences gouvernementales, les organismes publics et les institutions sont tenus d'employer la langue arabe lors de leurs réunions et leurs discussions, ainsi que dans toutes leurs décisions, les règlements, les instructions, les documents, les contrats, les correspondances, les désignations, les programmes, les publications, les publicités visuelles, sonores ou écrites, et toute autre transaction. Les dispositions du paragraphe précédent s'appliquent aux sociétés coopératives, aux sociétés d'utilité publique et aux associations sportives.

Article 3

La législation de l'État doit être rédigée en arabe et des traductions peuvent être publiées dans d'autres langues si l'intérêt public l'exige.

Les articles suivants portent sur l'enseignement et la recherche, ce qui est déjà en usage, y compris la recherche avec quelques adaptations:

Article 5

La langue arabe est la langue d’enseignement dans les établissements d’enseignement public, à moins que la nature de certains cours n’exige qu’ils soient donnés dans une autre langue, telle que déterminée par le ministère de l’Éducation et le ministère de l’Enseignement supérieur. Les établissements d’enseignement privés sont tenus d’enseigner l’arabe en tant que matière de base indépendante dans leurs programmes d’études dans tous les cas et conformément aux règles et règlements établis par le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur.

Article 6

Les universités et les établissements d'enseignement supérieur publics sont tenus d'enseigner en arabe, sauf si la nature de certains programmes d'études nécessite un enseignement dans une autre langue, conformément selon les circonstances aux décisions des conseils d'administration des universités, du ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et des conseils pédagogiques concernés.

Article 7

Les recherches scientifiques financées par des entités gouvernementales et non gouvernementales doivent être publiées en arabe. La publication dans d'autres langues est autorisée, à condition que le chercheur fournisse un résumé de ses recherches en arabe.

Comme on l'a vu dans les lignes précédentes, ce genre de dispositions existent déjà:

Article 8

1) Les entreprises et les institutions à vocation commerciale, financière, industrielle, scientifique, celles de divertissement ou tout autre doivent porter des appellations arabes.

2) Les entreprises et les institutions internationales et locales dont le nom étranger ou le nom du produit est reconnu internationalement et constitue une marque déposée peuvent conserver l'appellation étrangère, à condition qu'elles soient écrites en arabe et dans une taille égale ou supérieure à celle de la langue étrangère.

Article 9

Les données et les informations relatives aux produits et manufactures nationaux doivent être rédigées en arabe et peuvent être accompagnées d'une traduction dans une autre langue.

Article 10

Les marques déposées, les noms commerciaux, les pièces de monnaie, les timbres et les médailles doivent être rédigés en arabe. Leurs équivalents peuvent être rédigés dans une autre langue, à condition que l'arabe ait la taille la plus importante.

Cet article 11 aurait été plus ou moins appliqué, bien que beaucoup d'entreprises acceptent d'employer l'arabe en plus de l'anglais:
 

Article 11

Les hôtels, les lieux de tourisme et de loisir, les hôpitaux privés, les bus de transport public, les taxis, les compagnies de billets d'aéroport, les restaurants et toute autre entité ajoutée par décision de la municipalité du Koweït doivent, dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, fournir un personnel d'accueil, des listes de services et de tarifs, ainsi qu'un service clientèle en arabe.

De plus, le projet de loi prévoyait à l'article 12 des amendes n'excédant pas 1000 dinars koweïtiens en cas de violation de la législation, un article qui a dû effrayer les partisans de l'anglais. Évidemment, le problème est de faire appliquer ce genre de loi. Comme dans plusieurs pays arabes, on hésite à «trop» protéger l'arabe afin d'éviter de «faire peur» aux entreprises étrangères en limitant la visibilité de l'anglais. C'est ce qui explique en partie que le projet de loi soit resté en suspens, sans oublier le manque d'engagement de la part des politiciens et de la société civile koweïtienne minoritaire, qui a pu entraîner un blocage législatif.

4.4 Les langues en éducation

Le gouvernement de l'émirat a mis sur pied un système scolaire très au point où l'arabe standard moderne est la seule langue d'enseignement à tous les niveaux. La Loi n° 11 sur l'enseignement obligatoire et ses amendements (1965-2023) est un cadre législatif qui garantit le droit à une éducation obligatoire et gratuite dès le plus jeune âge, le tout déjà prévu dans la Constitution aux articles 13 et 40:

المادة 13

التعليم ركن أساسي لتقدم المجتمع ، تكفله الدولة وترعاه .

المادة 40

التعليم حق للكويتيين، تكفله الدولة وفقا للقانون وفي حدود النظام العام والآداب . والتعليم إلزامي مجاني في مراحله الأولى وفقاً للقانون . ويضع القانون الخطة اللازمة للقضاء على الأمية . وتهتم الدولة خاصة بنمو الشباب البدني والخلقي والعقلي .
Article 13

L'éducation est une condition requise fondamentale pour le progrès de la société, qui est assurée et soutenue par l'État.

Article 40

1)
L'éducation est un droit pour les Koweïtiens, garanti par l'État conformément à la loi et dans les limites de l'ordre public et des bonnes mœurs.

2) L'enseignement est obligatoire et gratuit dans les premières années, conformément à la loi.

3) La loi établit les programmes nécessaires à l'éradication de l'analphabétisme.

4) L'État accorde une attention particulière au développement physique, moral et mental de la jeunesse.

La Constitution ne mentionne aucune disposition d'ordre linguistique pour l'éducation. Même la Loi n° 11 sur l'enseignement obligatoire et ses amendements ne traite pas davantage de la langue. Cependant, elle régit l'organisation du système d'éducation de la maternelle au secondaire, et définit les droits et obligations de l'État, des enseignants et des élèves dans le cadre des valeurs islamiques et des lois en vigueur.

- Les écoles primaires et secondaires

Le Koweït dispose d’un système d'éducation complet. La maternelle est obligatoire dès l'âge de quatre ans et constitue une introduction au système d'éducation. Le programme d’enseignement primaire obligatoire commence à l’âge de six ans et dure six ans. À ce stade préparatoire, les élèves peuvent s’inscrire dans les écoles publiques, religieuses ou privées, selon le choix des parents ou des tuteurs. S’ensuivent trois années d’école préparatoire, à l’issue desquelles l’élève reçoit un certificat de fin d’études fondamentales. Au cours de cette période, les capacités de l’élève sont analysées afin de déterminer pour lui la meilleure voie d’accès à l’enseignement secondaire.

L’enseignement secondaire dure normalement trois ans et comprend les classes de la 10e à la 12e année; il compte trois sections, à savoir l’enseignement secondaire général (trois ans), l’enseignement technique (cinq ans) et l’enseignement professionnel. Les écoles secondaires techniques sont organisées dans des disciplines industrielles, commerciales ou agricoles. L’enseignement technique et l’enseignement général sont des voies d’accès à l’enseignement supérieur.

La plupart des écoles du Koweït sont publiques et l'arabe moderne constitue la langue d'enseignement. Les élèves doivent suivre douze années de scolarité avant d'accéder éventuellement à l'université. Cependant, l'anglais, et plus particulièrement l'anglais britannique, y est enseigné comme matière d'enseignement primaire et/ou secondaire. Les écoles consacrent quatre à sept périodes de 45 minutes par semaine à l'enseignement de l'anglais.

Les écoles privées du Koweït se répartissent presque également entre les écoles arabophones, suivant le programme national koweïtien, et les écoles de langues étrangères, suivant d'autres programmes (Bureau central de l'enseignement secondaire, systèmes britannique, américain et français). Ces écoles internationales privées, destinées à la communauté internationale du Koweït, proposent un enseignement multilingue. Cependant, conformément à la réglementation nationale, l'arabe est obligatoire pour tous les élèves de ces écoles, que ce soit comme langue seconde. Par conséquent, la plupart de ces établissements proposent des cours différents, tant pour les locuteurs natifs que pour les étudiants en arabe, en langue étrangère.

Les enfants étrangers parlant l'arabe ne peuvent être admis dans les écoles publiques du pays qu'après cinq ans de séjour. Pour les arabophones non koweïtiens, la situation paraît acceptable, mais pour les enfants parlant le farsi, l'hindi, le kurde, le bengali, le baloutchi, le philippin, l'ourdou, etc., leur intégration dans le système scolaire est pour ainsi dire quasi nulle. Pour les Européens, il existe un lycée français et de nombreuses écoles privées anglophones. Ces établissements, très coûteux pour les parents, offrent une bonne instruction et comptent une communauté d'élèves très mixée. 

- L'enseignement supérieur

La mixité à l'université au Koweït a suscité une vaste controverse après que les islamistes eurent pris un certain pouvoir au Parlement en 1996. En 2015, les lois sur la ségrégation entre les sexes dans les universités ont été abrogées sur la base d’une mauvaise application, car la loi originale stipulait que «l’habillement, le comportement et les activités des étudiants doivent être conformes aux valeurs islamiques».

L'université est destinée uniquement aux étudiants koweïtiens. La English School, la New English School et l'American School offrent la possibilité de suivre tous les degrés, du jardin d'enfants à la fin du secondaire (18 ans). Le Lycée français instruit les enfants jusqu'au baccalauréat (via l'Académie de Grenoble). 

Loi n° 76 sur les universités publiques et son règlement d'application (2019)

Article 3

Les universités publiques adhèrent aux valeurs issues des civilisations arabe, islamique et humaine. Elles encouragent la liberté d'opinion, la recherche scientifique, l'enseignement universitaire et technique, ainsi que le développement du sentiment d'appartenance nationale et l'épanouissement intellectuel, moral et physique des étudiants. Elles s'intègrent à leur environnement social et économique afin de répondre aux besoins du marché du travail par les actions suivantes :

1. Délivrance de diplômes de licence, de master, de doctorat et autres diplômes d'études supérieures ;
2. Suivi du développement cognitif mondial, offre de programmes universitaires de pointe et amélioration des méthodes d'enseignement et d'apprentissage ;
3. Suivi du progrès scientifique et du savoir, et utilisation optimale des technologies ;
4. Soutien à la recherche scientifique et stimulation de l'innovation.
5. Offrir un environnement académique propice à l'esprit de compétition et d'initiative, soutenir l'excellence et le travail d'équipe, et promouvoir le développement humain.
6.
Valoriser et promouvoir la langue arabe, et encourager l'acquisition et l'apprentissage de langues étrangères.
7- Promouvoir la culture et les arts, développer les talents et maintenir un mode de vie sain et sportif.
[...]

Dans les établissements d'enseignement supérieur de la région du Golfe, l'anglais est généralement la langue d'enseignement, même s'il n'est utilisé que dans certains départements. Dans cette région, les matières culturelles spécifiques telles que la Charia, les études islamiques, les arts, les lettres, les sciences sociales et l'éducation sont généralement enseignés en arabe. L'anglais est souvent la langue d'enseignement pour les matières à vocation dite «universelle», telles que les métiers commerciaux et les sciences appliquées. Même à l'Université du Koweït, l'ingénierie, la médecine, les sciences paramédicales et les sciences sont enseignées en anglais.  À l'exception des établissements publics comme l'Université du Koweït, où l'arabe est la langue d'enseignement principale, les établissements d'enseignement supérieur privés utilisent généralement l'anglais comme langue d'enseignement.

Depuis les années 1990, le Koweït a mis en place une politique d'enseignement de l'anglais dans ses universités et collèges publics. Cette politique exige que les étudiants utilisent des manuels scolaires importés en anglais et effectuent leurs examens et travaux en anglais. Cette étude explore le point de vue des étudiants sur les effets possibles de l'enseignement de l'anglais sur la langue arabe. Une approche progressive à méthodes mixtes a été mise en œuvre, en commençant par un questionnaire et en menant à des entretiens semi-structurés. Les données ont révélé que les étudiants considèrent l'anglais comme la langue des sciences et du monde universitaire, car elle présente davantage d'avantages pour leur avenir professionnel et leur employabilité. Ainsi, compte tenu de l'importance accordée à l'anglais pour les perspectives d'emploi, l'arabe a été relégué au rang de langue réservée à un usage social.

Par ailleurs, la majorité des étudiants ont exprimé leur inquiétude quant aux effets négatifs de l'enseignement de l'anglais sur le statut de l'arabe comme langue des sciences et du monde universitaire. Ils ont également exprimé leur inquiétude quant à la baisse de leurs compétences en arabe, car ils se concentraient davantage sur l'amélioration de leurs compétences en anglais. Les résultats montrent également que les participants préféreraient intégrer davantage l'arabe dans leur parcours d'apprentissage, soit en adoptant une politique d'enseignement entièrement arabe comme langue maternelle (AMI), soit en intégrant l'arabe parallèlement à l'anglais. Les décideurs politiques et les autorités devraient être plus ouverts à l'idée d'adopter au moins des programmes bilingues, car l'éducation bilingue, outre ses avantages, pourrait contribuer à préserver le statut de l'arabe.

- Le Centre linguistique

Le Centre linguistique (مركز اللغات: markaz allughat ou "Language Center") a été créé en 1973 en tant qu’unité d’enseignement de l’anglais, puis il a évolué pour devenir un centre linguistique en 1975 et a élargi son activité pour offrir d’autres langues telles que le français et l’arabe pour les non-arabophones (et l’espagnol); le centre linguistique a continué à fournir ses services dans toutes les facultés de l’université, en particulier l’enseignement de l’anglais.

Le centre dispose de quatre unités de langues qui offrent des cours universitaires :

1. Une unité de langue anglaise – Faculté des lettres.
2. Une unité de langue anglaise – Collège de la charia.
3. Une unité de langue française – Faculté de droit et Faculté de Charia.
4. L’Unité de langue arabe pour les locuteurs non arabophones.

Les objectifs généraux du Centre linguistique sont les suivants:

1. Préparer des élèves pour qu'ils puissent employer correctement une langue et contribuer à leur développement et au développement de la société.
2. Développer des capacités d’analyse et de réflexion linguistique.
3. Utiliser des techniques d’apprentissage modernes en classe.
4. Viser l’accréditation académique pour tous les programmes de langues.
5. Diffuser la langue arabe pour retrouver son universalité souhaitée.
6. Inculquer la fierté de l’élève dans sa langue maternelle tout en appréciant les autres langues dans le développement de la connaissance humaine.
7. Efforcer d’augmenter le nombre d’étudiants qui apprennent la langue arabe.
8. Superviser les cours de langues (arabe et étrangères).
9. Développer le personnel enseignant dans le Centre.
10. Coopérer avec divers ministères et organismes de l’État en fournissant des consultations et en organisant des cours de langues spécialisés.
11. Échanger les expériences avec des centres similaires dans des universités arabes et étrangères en invitant des experts en enseignement des langues à proposer des cours approfondis en tant que professeurs.

4.4 Les médias

Bien que le Koweït soit connu pour sa relative liberté d'expression, les zones d'ombre demeurent importantes. Des progrès sont notables dans la liberté des médias, mais le Koweït reste dominé par des journaux traditionnels peu critiques envers le gouvernement et des restrictions indéniables pour la liberté d'expression. Étant donné que l'information est contrôlée par le gouvernement, la liberté d'expression reste limitée, car les autorités ont fermé plusieurs médias pour propos «antigouvernementaux». Le Koweït a donc présenté un projet de loi visant à resserrer le contrôle sur les médias, ce qui a entraîné des polémiques concernant la liberté d'expression et la censure. Les autorités ont alors suspendu l'Assemblée nationale et les élections pour une période de quatre ans. Rien pour faire oublier les tendances vers l'autoritarisme dans le pays.

Ainsi, l'article 11 de la Loi n° 61 sur les médias électroniques (2007) énonce toute une liste d'interdits, dont aucun ne porte sur la langue, sauf de façon indirecte si l'on porte atteinte à l'essence divine, aux anges, au Saint Coran, aux prophètes, aux épouses du prophète ou à la famille du prophète au moyen de diffamations, de moqueries ou d'insultes, ou encore critiquer l'émir en poste :

Article 11

Il est interdit au titulaire d'une licence de diffuser ou de rediffuser les contenus suivants :

1. Porter atteinte à l'essence divine, aux anges, au Saint Coran, aux prophètes, aux nobles compagnons, aux épouses du prophète (paix et bénédictions d'Allah sur lui) ou à la famille du prophète (paix et bénédictions d'Allah sur lui) par exposition, diffamation, moquerie, insulte ou par tout autre moyen d'expression prévu à l'article 29 de la loi n° 31 de 1970 modifiant certaines dispositions du Code pénal n° 16 de 1960.

2. Inciter au renversement du régime du pays ou appeler à son changement par la force ou par des moyens illégaux, ou appeler au recours à la force pour modifier le système social et économique en vigueur dans le pays, ou à l'adoption de doctrines visant à

3. Critiquer Son Altesse l'émir du pays ou lui attribuer une quelconque déclaration, sauf avec une autorisation spéciale de l'Amiri Diwan.

4. Exprimer du mépris ou de la dérision envers la Constitution ou inciter à violer ses dispositions.

5. Insulter ou dénigrer des membres du pouvoir judiciaire ou du ministère public, ou tout acte constituant une atteinte à l'intégrité et à l'impartialité du pouvoir judiciaire.

6. Attenter à la morale publique ou inciter à la violation de l'ordre public, à la violation des lois ou à la commission de crimes.

7. Divulguer des informations concernant des communications officielles secrètes ou des accords et des traités conclus par le gouvernement koweïtien avant leur publication au Journal officiel, sauf autorisation spéciale du ministère compétent.

8. Influencer la valeur de la monnaie nationale, saper la confiance dans la situation économique du pays ou révéler la faillite de commerçants, de sociétés commerciales, de banques ou de bureaux de change, sans autorisation spéciale du tribunal compétent.

9. Divulguer le contenu de toute réunion officielle ou le contenu de documents, de papiers, de décrets ou d'autres documents ou publications que la Constitution ou la loi stipule comme confidentiels ou non publiables.

10. Porter atteinte à la dignité, à la vie privée ou aux croyances religieuses des individus.

11. Inciter à la haine ou au mépris envers toute partie de la société.

12. Porter atteinte à la vie privée d'un employé ou d'un fonctionnaire, ou lui attribuer de fausses déclarations ou actions constituant une diffamation ou une insulte.

13. Porter atteinte aux relations du Koweït avec d'autres pays arabes ou amis, par le biais de campagnes médiatiques.

14. La chaîne s'écarte de l'objet de la licence qui lui a été accordée.

Dans les médias écrits, l'arabe standard moderne classique demeure la règle, car pratiquement tous les quotidiens et journaux ne paraissent que dans cette langue (Akhbar al-Kuwait, Al-Anba', Al-'Arabi, Al-Nahda, Al-Qabas, Al-Watan, Al-Ra'i al-Aam, Al-Siyasa, Al-Hadath, Al-Rai-Alaam, Mishkat Al-Ray). Néanmoins, le Kuwait Times et l'Arab Times paraissent en anglais.

Pour les médias électroniques, Radio Koweït diffuse en arabe vernaculaire koweïtien et en arabe standard. Deux chaînes de télévision émettent leurs émissions en arabe et en anglais. Un des trois émetteurs radio diffuse de la musique occidentale avec trois bulletins d'information par jour en langue anglaise. Avec des antennes-satellites appropriées et, si cela s'avère nécessaire, des cartes d'accès (SRG-SSR idée suisse), n'importe quelle émission de télévision étrangère peut être captée. 


La politique linguistique de l'émirat du Koweït en est une d’unilinguisme arabe officiel, bien que la diglossie avec l'arabe vernaculaire et l'arabe standard moderne fasse bon ménage, comme dans tous les pays arabes. Du fait que les minorités nationales parlant notamment l'hindi, l'iranien (farsi), le philippin ou le bengali sont en réalité non reconnues, on ne peut parler ni d'assimilation ni de protection linguistique. Quant aux langues immigrantes elles-mêmes, elles demeurent présentes, mais ignorées, comme dans la plupart des pays du monde.

On doit aussi rapporter que le Koweït devrait offrir aux travailleurs étrangers (62 % de la population), en collaboration avec les pays d’origine de cette main-d’œuvre, des cours de conversation en arabe, afin de faciliter la communication sociale et d’éviter les conflits dus aux difficultés linguistiques et culturelles et à l’incompréhension. Soulignons également l'État du Koweït a adhéré à la plupart des traités internationaux relatifs aux droits de la personne. Certains traités demeurent encore à l'étude, par exemple la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles. Cela étant dit, les droits qui sont consacrés dans la Convention sont déjà protégés par la législation et les tribunaux koweïtiens. 

Cela dit, bien que le Koweït ait l'arabe comme unique langue officielle, l'anglais joue le même rôle de façon informelle, ce qui laisse croire que ce pays est techniquement bilingue à défaut de l'être juridiquement. Étant donné que l'arabe s'impose difficilement en dépit d'une législation qui lui est favorable, l'anglais s'arroge un rôle très important dans tous les rouages du pays. Une telle situation pourrait s'expliquer par le fait que le Koweït, entre autres, dépend énormément des États-Unis, autant économiquement qu’au point de vue de sa sécurité. D'ailleurs, plus de 20 000 soldats américains sont présents sur le sol koweïtien, positionnés sur six bases militaires (Ali Al Salem, Ahmad al-Jaber, Arifjan, Buehring, Patriot et Spearhead). Étant la clef de voûte du système de sécurité du Koweït, la langue anglaise est là pour rester. 

Dernière mise à jour: 17 sept. 2025

Bibliographie

CHALIAND, Gérard. Le malheur kurde, Paris, Seuil, 1992, 212 p.

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME. Rapport du Rapporteur spécial (RS) sur le racisme et la discrimination raciale, Genève, Onu, E/CN.4/1997/71/Add.2 

YACOUB, Joseph. «Asie du Sud et du Sud-Est» dans Les minorités dans le monde, Paris, Desclée de Brouwer, 1998, p. 593-637.

 

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