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3. Histoire de la Chine et ses conséquences linguistiques |
Plan de l'article
1. La Chine ancienne 1.1 Les premières dynasties 1.2 L'âge du fer 2 L'empire du Milieu 2.1 La dynastie des Hans 2.2 Les dynasties ultérieures 3 Les Mongols et la dynastie Ming chinoise 3.1 La conquête de la Chine 3.2 Une période de renaissance culturelle et économique 3.3 L'intervention des Occidentaux
4 La
dynastie mandchoue des Qing (1644-1912) |
5 La république
de Chine (1912-1949) 5.1 Les travaux linguistiques 5.2 Le Parti communiste chinois 6 La République populaire de Chine 6.1 Le socialisme maoïste 6.2 Les successeurs de Mao
7 Le renouveau
politique et économique
8 Le Grand
Bond en arrière avec Xi Jinping? |
La Chine fut vraisemblablement peuplée il y a plus d'un million d'années par l'Homo erectus. Puis les hommes modernes, les sapiens, atteignirent la région il y a environ 75 000 ans pour développer, vers 7500 avant notre ère, une économie agricole basée sur le millet, le riz, le porc, le chien et le poulet. L'agriculture a commencé à cette époque en Chine, soit peu après son apparition au Proche-Orient (région du Croissant fertile) en raison des changements climatiques. Cette nouvelle activité humaine eut pour effet de faire augmenter la population et de favoriser la création d'artisans et d'administrateurs. C’est par étapes que les peuples de langue et de culture chinoises se fixèrent sur le territoire de l’actuelle Chine. Au néolithique, la riziculture et la domestication du buffle semblaient acquises. Au nord, dans l’actuelle province du Henan, des communautés agraires existaient entre 6500 et 5000 avant notre ère. Quelque cinq siècles plus tard, de nouvelles sociétés agricoles se développèrent dans le bassin du fleuve Jaune au nord de la Chine, alors que les premiers villages apparurent.
1.1 Les premières dynasties
Les historiographes chinois ont traditionnellement commencé leurs récits de l'histoire chinoise avec la fondation de la dynastie Xia (environ 2100-1600 avant notre ère), suivie de la dynastie des Shang environ 500 ans plus tard. La Chine de
la dynastie Shang (voir la carte),
limitée à l'est de la Chine actuelle, possédait une culture avancée, quelque peu différente de la civilisation chinoise postérieure, avec une écriture, le travail du bronze et des chars, ce dernier suggérant l'influence possible des immigrants occidentaux apparentés aux Hittites et Indo-Aryens contemporains. À cette époque, l’écriture, élaborée par les religieux, se composait alors de quelque 3000 signes idéographiques.
Au IIe millénaire, une seconde culture commença à apparaître dans la vallée du fleuve Jaune (Huang he) et envahi le territoire des Shang. L'existence de la dynastie des Zhou, fondée au XIe siècle, fut la première pour laquelle il existe une tradition historique fiable. La dynastie Zhou semble avoir commencé à gouverner par un système de bureaucratie centralisée. Le pouvoir se fragmenta au cours du règne des Zhou, époque que les annales nomment «période des Printemps et des Automnes». Les conflits militaires firent naître de grands États qui absorbaient les plus petits. L'éclosion de la philosophie et de la culture chinoise, avec le confucianisme, le taoïsme, le légisme et le mohisme (ou motisme), donna une importance toute particulière à cette période. |
1.2 L'âge du fer
La Chine entra ensuite dans l’âge du fer (en -513). La charrue de fer tirée par un bœuf ainsi que l’amélioration des techniques d’irrigation permirent de meilleurs rendements agricoles et, par voie de conséquence, un accroissement de la population. La croissance démographique s’accompagna d’une production accrue de richesses et donna naissance à une nouvelle classe de négociants et de commerçants. Les découvertes scientifiques se multiplièrent, telles que les tables de multiplication, l'astronomie, etc. Les premiers tronçons de la Grande Muraille furent construits sous l'ordre des souverains du Chunqiu-Zhanguo (800-400 avant notre ère). Cette immense fortification leur permit de se protéger des peuples du Nord, en particulier des Xiongnu, tribus apparentées aux Huns.
Vers 220 avant notre ère, le prince Zheng (plus tard l'empereur Shi Huangdi) parvint à conquérir les autres États et se proclama lui-même premier empereur — sous le titre de «premier auguste souverain» — de la dynastie Qin (221-206), l'une des plus brèves, mais néanmoins l'une des plus importantes dynasties chinoises. Son règne correspond en effet à la mise en place de l'ordre impérial et ouvrit la voie à la puissante dynastie des Hans. C'est aussi la dynastie Qin qui va donner son nom à la Chine: le nom de Qin, déformé, arrivera en Occident sous la forme de Sin(o)-, Chine ou Shina pour désigner «l'empire du Milieu». La majeure partie de la Grande Muraille fut érigée sous le règne de Shi Huangdi (221-210) qui redoutait les expéditions menées par les peuples nomades des steppes du Nord. C'est sous son règne que l’écriture chinoise fut normalisée et son usage rendu obligatoire dans tout le pays. Bien que son règne n'ait duré que onze ans, il réussit à soumettre de grandes régions de ce qui constitue le territoire actuel des Hans et à l'unifier sous un gouvernement étroitement centralisé. Cependant, ses successeurs ne réussirent pas aussi bien; peu après, la dynastie des Qin s'éteignit et la dynastie des Hans lui succéda.
2.1 La dynastie des Hans
Les souverains de la dynastie des Hans (de -206 à 220 de notre ère) favorisèrent la renaissance du taoïsme et adoptèrent le confucianisme en tant qu’idéologie officielle. Néanmoins, désireux de le rendre universel, les Hans y incorporèrent des idées empruntées à d’autres écoles de pensée, afin de compléter l’enseignement laissé par Confucius et ses disciples. Ils choisirent les fonctionnaires sur la base du mérite plutôt que sur la naissance, selon un principe bien confucéen. La sélection et la qualification des candidats reposèrent sur des examens écrits en chinois mandarin. Le territoire contrôlé par la dynastie des Hans fut divisé entre les Hans occidentaux ou Hans antérieurs (de -206 à - 9), avec Chang'an comme capitale, et les Hans orientaux ou Hans postérieurs (de 25 à 220), avec Luoyang comme capitale.
À la fin du IIe siècle, une université impériale fut créée pour enseigner aux futurs fonctionnaires les cinq classiques de l’école confucéenne. Le grand penseur confucéen Xunzi (env. 300 - env. 237) compila dans un ouvrage intitulé Erya («Approche du sens correct») la terminologie de différentes branches du savoir. On y trouve quelque 1400 entrées dont beaucoup offrent une définition. Il s'agit en quelque sorte d'une sorte de dictionnaire terminologique chinois de l'époque ancienne. La dynastie des Han connut son apogée sous le règne de Wudi (140-87). |
La quasi-totalité de ce qu'est la Chine actuelle fut soumise à l’ordre impérial, même si de nombreuses régions, notamment au sud du Yang-tseu-kiang, ne furent pas encore complètement soumises. L’autorité chinoise s'étendit du sud de la Mandchourie jusqu'au nord de la Corée; complètement au sud, les Han conquirent l’île du Hainan. Mais l'expansionnisme territorial, ayant épuisé les ressources financières, entraîna des hausses d'impôt, tandis que les révoltes paysannes se multipliaient et le banditisme se développait. Au Ier siècle de notre ère, la Chine poursuivit son expansion vers l’ouest. Les Chinois, qui contrôlaient la route de la Soie développèrent un commerce actif avec les peuples «barbares» d’Occident.
2.2 Les dynasties ultérieures
Par la suite, une période d'instabilité s'installa au cours de laquelle trois États tentèrent de prendre le pouvoir pendant la période dite des «Trois Royaumes». Bien que ces royaumes aient été réunis temporairement en 280 par l'empereur Wu Di de la dynastie Jin, les barbares Wu Hu ravagèrent le pays, provoquant un vaste exode des Chinois au sud du Yangtze. Avec les immigrants et les habitants du Sud, l'empereur Yuandi de la dynastie Jin mit en place la première des cinq «dynasties du Sud» qui résidèrent à Jiangkang (près de l'actuelle Nanjing). Les barbares du Nord furent unis en 376 une fois par Fu Jian de l'ancien empire Qin, puis en 439 par Tai Wu Di, troisième empereur de la dynastie Wei du Nord. La Chine fut dirigée par deux dynasties indépendantes, l'une au nord et l'autre au sud. La courte dynastie Sui réussit à réunir le pays en 589 après presque 300 ans de séparation. C'est à cette époque qu'une grande partie du vocabulaire scientifique et technique chinois fut créé grâce à des ouvrages marquants.
En 618, la dynastie Tang prit le pouvoir et une nouvelle ère de prospérité commença. Le bouddhisme, qui s'était lentement introduit en Chine au premier siècle, devint la religion dominante et fut largement adopté par la famille impériale. Mais les Tang finirent aussi par régresser et une autre période de chaos politique suivit: la période des Cinq Dynasties et celle des Dix Royaumes. La traduction de soutras bouddhiques entraîna l'emprunt d'un grand nombre de mots sanskrits. Un moine bouddhiste de l'époque Tang établit des standards de traduction selon le principe des «cinq intraduisibles»: le mystère, la polysémie, l'incomparable, l'antique et le vénérable pour lesquels, lors d'une traduction du sanskrit en chinois, il prônait le choix pour la simple transcription phonétique.
En 960, la dynastie Song exerça le pouvoir sur une grande partie de la Chine et établit sa capitale au nord, à Bianjing, l'actuelle Kaifeng, alors que la dynastie Liao gouvernait la Mandchourie actuelle et une partie de la Mongolie. L'empire Song s'étendit sur la plus grande partie de la Chine historique jusqu'en 1279. |
En 1115, la dynastie Jin prit le dessus sur la dynastie Liao, tandis que la dynastie Song déclinait. Dans les années qui suivirent, la Chine fut divisée entre la dynastie Song, la dynastie Jin et le Xia occidental, gouverné par les Tanguts. Cette période permit de grandes avancées technologiques en Chine du Sud, en partie à cause de la pression militaire du Nord. Le Mengxi bitan («Essais au fil du pinceau composés au Torrent des rêves») de Shen Gua (1031-1095) établit de nombreux termes spécialisés en mathématiques, physique et géosciences.
La dynastie des Song ne finit par tomber que sous les assauts répétés d’une armée mongole nettement supérieure en nombre et après des années de combats. En 1206, une assemblée de toutes les tribus mongoles se réunit à Karakorom, en Mongolie, pour confirmer la création de l’unité mongole sous l’autorité de Gengis Khan, l’«empereur suprême». Les Mongols entamèrent rapidement une série de conquêtes qui aboutirent à la formation du plus grand empire du monde de l’époque.
En Chine, Gengis Khan s’empara d’abord de Pékin, la capitale des Jin, en 1215, avant de se rendre maître de tout le nord de la Chine après la reddition de Kaifeng (1233). Le 18 août 1227, l’Empire mongol (avec Karakoroum comme capitale), qui s'étendait de Pékin jusqu'aux portes de Moscou en passant par la mer Caspienne, fut divisé entre ses quatre fils et leur descendance. 3.1 La conquête de la Chine En 1279, Kūbilaï Khān, petit-fils de Gengis Khān, acheva la conquête de la Chine. Au lieu de chercher à agrandir davantage le royaume, il s'efforça de l'unifier. Ce fut la pax mongolica, l'âge d'or de l'Empire mongol, l'un des plus vastes de tous les temps. À la mort de Kūbilaï Khān en 1294, des factions rivales se formèrent, tandis que les Chinois commencèrent à s'opposer aux Mongols. Ceux-ci furent chassés de Pékin en 1368 par le premier empereur de la dynastie Ming (1368-1644). |
Il s'ensuivit une longue période de déclin et de lutte entre les Mongols orientaux (héritiers de Gengis Khān) et les Mongols occidentaux (soumis aux Ming), qui dura près de trois siècles.
Le règne de Kubilaï Khan constitue l’apogée du pouvoir mongol. Les communications furent considérablement améliorées et les routes commerciales de l’Asie centrale, entièrement sous contrôle mongol, devinrent plus sûres que jamais. Pour cette raison, les échanges entre l’Est et l’Ouest s’intensifièrent, notamment avec les missionnaires (franciscains) et les commerçants étrangers (Florence, Gênes, Venise), dans le domaine tant intellectuel et culturel que technique et scientifique. Le plus connu des voyageurs européens demeure sans doute le négociant vénitien Marco Polo qui séjourna à Cambaluc (Pékin) et à la cour de Kubilaï Khan de 1275 à 1292. C'est dans le Livre des merveilles du monde (écrit en français) qu'il décrivit les splendeurs de l’Empire mongol.
Pendant ce temps, le mécontentement grandit dans l'Empire: les Chinois soumis étaient brimés par le pouvoir en place. La classe des mandarins lettrés s’irrita de l’interdiction faite aux Chinois de détenir des postes importants. Le ressentiment de la population se traduisit finalement par une révolte qui marqua le début de la dynastie Ming en 1368. Sous les Mongols, la population avait baissé de 40 %, pour atteindre environ 60 millions d'habitants.
3.2 Une période de renaissance culturelle et économique
Avec la dynastie Ming (1368-1644), débuta une période de renaissance culturelle et économique. Sous l’empereur Yongle (1403-1424), la Grande Muraille fut consolidée et agrandie. Les tribus de Mongolie ayant été définitivement vaincues, la capitale de l’Empire fut transférée en 1421 à Pékin, où commença la construction de la Cité interdite. L'armée régulière comptait alors un million d'hommes. Plusieurs expéditions navales, conduites par l’amiral Zheng He, révèlent le pouvoir des Ming dans toute l’Asie du Sud-Est, dans les États indiens et jusqu’à Madagascar. Grâce au développement de l’irrigation, la famine diminua, l’agriculture prospéra et la population augmenta. Vers 1600, la Chine comptait près de 150 millions d’habitants. De nombreux livres furent imprimés grâce à l'apparition des caractères mobiles. Le Nongzheng Quanshu («Traité complet d'agronomie») de Xu Guangqi (1562-1633) fixa une terminologie dans le domaine de l'agriculture et des travaux hydrauliques et agraires. Le Tiangong Kaiwu («Exploitation des œuvres de la nature») de Song Yingxing (1587-1662) est considéré par les spécialistes occidentaux comme une véritable encyclopédie chinoise des sciences et des techniques.
À cette époque,
les Ming contrôlaient
le delta du fleuve Rouge, ainsi que les plaines du Hainan et l'île de Taïwan. À la fin de la dynastie des Ming, les entreprises de traduction devinrent très florissantes. Des érudits unirent leurs efforts pour traduire et rédiger de nombreux ouvrages en astronomie, en mathématique, en physique, en métallurgie, en biologie, en cartographie et en chimie. |
On pouvait affirmer que la Chine était alors le pays le plus en avance sur la planète. D'ailleurs, l'Europe doit largement à la science chinoise. L'imprimerie, la poudre à canon, la boussole et le papier, que les Chinois appellent «les Quatre Inventions», ont réellement modifié la face du monde, comme le notait déjà Francis Bacon il y a quatre siècles.
3.3 L'intervention des Occidentaux
À partir du milieu du XVe siècle, le pouvoir des Ming déclina. Les nomades des steppes s’attaquèrent aux provinces du Nord, alors que la compétence des dirigeants se dégradait. Néanmoins, des relations maritimes et commerciales s’établirent avec le monde occidental. Arrivés les premiers en 1514, les Portugais installèrent un comptoir commercial à Macao en 1557. Après 1570, le commerce se développa entre la Chine et les colonies espagnoles des Philippines. En 1619, les Hollandais s’installèrent à Taiwan et prirent possession des îles Pescadores (Penghu). Des missionnaires jésuites, arrivés du Portugal dans la seconde moitié du XVIe siècle, répandirent les connaissances occidentales et le christianisme; certains missionnaires œuvrèrent à la cour chinoise. Ce sont les Portugais qui qualifièrent les fonctionnaires de la dynastie Ming de «mandarin» (en portugais: mandarim; en chinois: 普通话, putonghua). En réalité, le mot "mandarim» viendrait du malais mantari, qui signifie «conseiller».
La chute des Ming fut provoquée par une rébellion née dans la province du Shaanxi, confrontée à la famine et au chômage. Une armée de 300 000 hommes parvint à prendre Pékin en 1644. Le chef des armées Ming, le général Wu Sangui, fit alors appel aux nomades mandchous pour l’aider à chasser les rebelles de la capitale. Une fois leur mission achevée, les Mandchous refusèrent de quitter Pékin et fondèrent une nouvelle dynastie, la dynastie des Qing.
C’est sous la dynastie mandchoue que le pouvoir de l’Empire chinois connut l’apogée de ses 2000 ans d’histoire, jusqu’à son effondrement, au début du XXe siècle, imputable à la fois à une décadence intérieure et aux pressions extérieures exercées par l’Occident. Devenus maîtres de la Chine, les Mandchous cherchèrent malgré tout à se siniser, tout en brimant les Chinois, contraints, par exemple, à porter la natte comme signe de leur soumission. L’organisation politique des Mandchous fut largement fondée sur celle des Ming, mais elle demeura plus centralisée. L’administration centrale dépendit d’un nouvel organisme gouvernemental, le Grand Conseil, qui traitait les affaires militaires et politiques de l’État, sous les ordres directs de l’empereur. À Pékin, un Chinois et un Mandchou gérèrent chacune des directions administratives.
4.1 L'écriture guānhuà
À cette époque impériale, les fonctionnaires de diverses provinces chinoises éloignées communiquaient entre eux par écrit. Lors de leurs études, ces fonctionnaires utilisaient le même ensemble de caractères chinois parce qu'ils devaient réussir les examens impériaux. Toutefois, en raison de l'existence de nombreuses variétés régionales différentes de chinois parlé, il devenait plus difficile de communiquer. Sous la dynastie des Ming, afin de résoudre ces difficultés, les scribes élaborèrent un système commun que les fonctionnaires pourraient employer pour communiquer entre eux. Cette langue écrite commune fut appelée guānhuà (官话), c'est-à-dire «discours officiel» ou encore «dialecte de cour». À l'origine, le guānhuà était basé sur la variété dialectale chinoise de la région de Nanjing (en français: Nankin, fondée en 229 de notre ère), la capitale de la Chine sous les Ming, à environ 300 km de Shanghai, en remontant le fleuve Yang-Tsé. Mais, en 1420, Pékin est devenue la capitale de la Chine. Néanmoins, les fonctionnaires continuèrent d'employer guānhuà de Nankin durant plusieurs siècles.
De fait, il a fallu plusieurs siècles pour que ce changement de situation géographique se reflète dans la langue commune. En effet, le dialecte de Pékin (方言 fāngyán) n'est devenu la base de la langue de la cour qu'au milieu du XIXe siècle, alors qu'il ne restait que quelques décennies de la dynastie Qing. La bureaucratie traditionnelle et le système des examens impériaux en chinois mandarin, reposant en grande partie sur la connaissance des classiques confucéens, devaient être maintenus.
4.2 L'expansion territoriale
Au cours du demi-siècle suivant, les Manchous étendirent leur pouvoir à des régions auparavant sous contrôle Ming, tels que le Yunnan et Taiwan et au-delà en s'emparant du Xinjiang, du Tibet et de la Mongolie. Le Népal subit à son tour le joug chinois; la Birmanie dut payer un tribut, tout comme les îles Ryukyu; la Corée et le nord du Vietnam reconnurent la suzeraineté de la Chine, tandis que Taiwan fut incorporée à l’Empire. La population connut une forte croissance démographique (313 millions d’habitants en 1794), que ne parvint pas à suivre la production.Les premiers Qing durent ces succès à la combinaison des performances militaires des Mandchous et de l'efficacité de l'administration chinoise. L'empereur Kangxi (1662-1722) fit rédiger le plus complet des dictionnaires de caractères chinois jamais réalisé et, sous l'empereur Qianlong (1736-1796), les érudits compilèrent le catalogue de toutes les œuvres importantes de la culture chinoise. La période Qing vit aussi se continuer le développement de la littérature populaire. La population chinoise passa au cours du XVIIIe siècle à 400 millions d'habitants. Au cours du XIXe siècle, le pouvoir des Qing s'affaiblit et la prospérité diminua.
4.3 Les pressions occidentales
La Chine subit une forte agitation sociale, une stagnation économique, une croissance démographique explosive, et des ingérences de plus en plus marquées des puissances occidentales. La volonté britannique d'ouvrir le commerce et notamment de poursuivre ses exportations d'opium, que des édits impériaux rendaient illégale, aboutit à la première guerre de l'opium, en 1840, et à la défaite chinoise. La Grande-Bretagne obtint la cession de Hong-Kong lors du traité de Nankin en 1842, ainsi que l'ouverture d'autres ports au commerce européen. Par la suite, la Grande-Bretagne et d'autres puissances occidentales, y compris les États-Unis et le Japon, obtinrent des «concessions», autrement dit des petits territoires côtiers sous leur contrôle ainsi que des privilèges commerciaux. Mais les puissances occidentales en trouvèrent rapidement les clauses insuffisantes. La Grande-Bretagne, alliée à la France, ne tarda pas à trouver l’occasion de reprendre les hostilités entamées en 1939 lors de la première guerre de l'Opium. Puis, lors de la décennie de 1850, eut lieu la révolte de Taiping (1851-1864), qui ne fut vaincue qu'avec l'appui des Occidentaux. Suivirent les rébellions des Nian, du Xinjiang et de la Mongolie, qui affaiblirent la Chine. Au cours de la seconde guerre de l’Opium (1856-1860), leurs armées occidentales menacèrent le nord de la Chine. En 1858, de nouveaux traités accrurent les avantages commerciaux consentis aux Occidentaux.
À partir des années 1860, les Qing, ayant réprimé les rébellions avec des milices organisées par l'aristocratie, entamèrent un processus de modernisation militaire. Cependant, les nouvelles armées furent défaites par la France (guerre franco-chinoise de 1883-1885, pour l'Indochine), puis par le Japon (première guerre sino-japonaise de 1894-1895, pour la Corée). La guerre, qui opposait la France à la Chine en 1884 et 1885, fit entrer le Vietnam dans l’Empire colonial français; l’année suivante, la Grande-Bretagne annexait la Birmanie. En 1860, la Russie obtint les provinces du nord de la Mandchourie. En 1894, les tentatives japonaises pour soustraire la Corée à la suzeraineté chinoise aboutirent à la guerre sino-japonaise. Par le traité de Shimonoseki (1895), la Chine dut reconnaître l’indépendance de la Corée, désormais sous influence japonaise, et céda au Japon l’île de Taiwan et la péninsule du Liaodong, au sud de la Mandchourie. Finalement, la Chine se retrouva morcelée en zones d’influence étrangère.
En matière de langue, un mouvement de réforme de l'écriture chinoise dans le but de la rendre phonétique débuta vers 1892. À ce moment, un dénommé Lu Ganzhang mi au point le Jiexinzi, un nouvel alphabet phonétique calqué sur l'alphabet latin. En 1900, Wang Zhao élabora le Guanhuahesheng, un alphabet destiné au mandarin chinois.
4.4 La fin de l'empire du Milieu
La mort de l’impératrice Cixi en 1908 accéléra la chute de la dynastie Qing et de l'empire du Milieu. Dans la première décennie du XXe siècle, les révolutionnaires formèrent une vaste coalition réunissant les étudiants et les commerçants d’outre-mer, ainsi que les Chinois de l’intérieur mécontents du régime. Au milieu de l’année 1911, des soulèvements se produisirent, tandis que le général des armées mandchoues (Yuan Shikai) avec les rebelles le poste de président du nouveau gouvernement républicain.
Le 14 février 1912, une assemblée révolutionnaire réunie à Nankin élit Yuan Shikai premier président de la république de Chine. La même année, Puyi, dernier empereur de Chine, abdiquait à l’âge de six ans. |
À l'issue de la Première Guerre mondiale, les deux vassaux tibétain et mongol furent partagés entre une partie chinoise dite «intérieure» et une partie dite «extérieure», théoriquement autonome, mais indépendante dans les faits. La République de Chine finit par reconnaître (sous la pression soviétique) l'indépendance de la Mongolie «extérieure» en 1924, mais pas celle du Tibet «extérieur», composé de la partie occidentale de la région autonome, à l'ouest de Lhassa, celle-ci étant incluse et administrée directement par le dalaï-lama.
Les Britanniques auraient bien voulu soutenir le Tibet «extérieur» à l'exemple des Soviétiques qui avaient soutenu la Mongolie «extérieure», mais les lamas tibétains (maîtres spirituels du bouddhisme tibétain), qui avaient fermé leurs frontières et se méfiaient farouchement de toute influence étrangère, s'isolèrent et se retrouvèrent en même temps seuls face à Mao Tsé-toung qui reprendra la contrôle en 1951 au terme d'une guerre inégale et sanglante; Pékin affirmait de son côté que la révolte tibétaine avait été «suscitée et armée par la CIA». C'est ainsi que le Tibet finit par se communiser et que le dalaï-lama dut s'exiler en Inde, suivi par environ 100 000 Tibétains. |
Une constitution fut adoptée et un parlement convoqué en 1912. Mais Yuan Shikai ne laissa pas ces institutions entraver sa mainmise sur le pouvoir et établit une dictature (1912-1916). Lorsque le Guomindang, un parti nationaliste fondé en 1911 par Sun Yat-sen, tenta de limiter ses pouvoirs, d’abord par des tactiques parlementaires, puis par la révolution manquée de 1913, Yuan réagit. Il imposa la dissolution du Parlement, interdit le Guomindang et utilisa son influence personnelle auprès des chefs militaires provinciaux pour gouverner. L’opposition populaire contraint néanmoins Yuan Shikai à abandonner ses ambitions de restaurer l’Empire et de devenir empereur. À sa mort en 1916, plusieurs gouverneurs proclamèrent l’indépendance de leur province. Pendant plus de dix ans, le pouvoir politique passa aux mains de seigneurs de la guerre (dujun), qui régnèrent localement. Le gouvernement central conserva une existence précaire et parfois fictive jusqu’en 1927.
5.1 Les travaux linguistiques
Dans le domaine de la langue, la Chine termina en 1915 le travail de rédaction du dictionnaire étymologique en quatre tomes, le Ciyuan («Source des mots»). En 1913, un comité pour la standardisation de la prononciation du chinois fut élaboré par le ministère de l'Éducation; ce comité proposa un ensemble de 39 symboles phonétiques (le Zhuyin Zimu) afin de pouvoir déterminer la prononciation; mais le Zhuyin Zimu ne fut promulgué en tant qu'alphabet phonétique national qu'en 1918. Cette année-là, la Société des sciences de Chine rédigea un projet pour la vérification des termes scientifiques. L'année suivante, elle fonda le Comité de vérification et d'approbation de la terminologie scientifique. En 1931, elle avait examiné et approuvé les projets de terminologie pour 14 disciplines.
En 1932, la Maison nationale d'édition et de traduction eut pour mission de coordonner l'examen et l'approbation de la terminologie scientifique et technique à l'échelle du pays. Parallèlement, le ministère de l'Éducation avait rendu public (1928) un plan de romanisation de la langue nationale qui, très rapidement, céda sa place à un second système, appelé le bopomofo.
5.2 Le Parti communiste chinois
Pendant ce temps, de nombreux Chinois furent convaincus qu'il fallait à la fois débarrasser la Chine de l’impérialisme occidental et rétablir l’unité nationale. Ils se tournèrent de plus en plus vers l’Union soviétique et le marxisme-léninisme. Le Parti communiste chinois fut créé à Shanghai en 1921. Parmi ses fondateurs figure Mao Tsé-toung (ou Mao Zedong, en anglais et en chinois, 毛泽东). En 1925, Tchang Kaï Chek prit le contrôle de son parti, le Guomindang et réussit à contrôler l'essentiel de la Chine du Sud et du Centre. Ayant vaincu les seigneurs de la guerre du Sud et du Centre, il obtint l'allégeance formelle de ceux du Nord.
À partir de 1927, il se retourna contre les communistes, s'attaquant à leurs chefs comme à leurs troupes dans leurs bases du Sud et de l'Est. En 1934, défaits et chassés de leurs bases dans les montagnes, les communistes entreprirent la Longue Marche à travers les régions les plus désolées du pays, vers le nord- ouest. Ils établirent leur nouvelle base de guérilla à Yanan, dans la province du Shaanxi. La lutte entre les communistes et nationalistes chinois se poursuivit durant de longues années. En 1949, les communistes occupaient l'essentiel du pays. C'est alors que Tchang Kaï Chek se réfugia dans l'île de Taiwan avec les restes du gouvernement et des forces armées du Guomindang, et proclama Taipeï comme capitale provisoire, déclarant vouloir reconquérir le continent. |
Depuis, deux gouvernements rivaux sont d'accord que le continent et l'île ne forment qu'une seule Chine, mais la République populaire (la Chine actuelle) affirme vouloir conquérir de gré ou de force l'île de Taïwan pour réaliser l'unité du pays sous l'égide du communisme, alors que la République nationaliste (Taïwan) entend défendre l'île pour y sauvegarder la démocratie libérale; une minorité de Taïwanais est même prête, pour échapper au communisme, à faire sécession en déclarant l'indépendance.
Avec la proclamation de la République populaire de Chine à Pékin, le 1er octobre 1949, la Chine se retrouva avec deux gouvernements, la République populaire de Chine sur le continent et la république de Chine à Taiwan, chacun se considérant comme le gouvernement chinois légitime. Le nouveau régime communiste sur le continent adopta le modèle de développement soviétique.
6.1 Le socialisme maoïste
Afin d’étendre la révolution et de généraliser son pouvoir, le Parti communiste chinois (PCC) entreprit, entre 1949 et 1952, plusieurs grandes campagnes de réformes et de propagande: réforme agraire en 1950, épurations politiques, plans quinquennaux en matière économique, alliance avec l'URSS, luttes anticoloniales et politique de non-alignement. Le socialisme maoïste toucha tous les domaines de la vie de centaines de millions de Chinois, car toutes les sphères, politique, économique, culturelle, publique, privée et même intime, furent soumises à un strict contrôle du Parti unique et de sa police politique, le Gonggangbu : des milliers d'enfants furent arrachés à leur famille pour recevoir une éducation marxiste-léniniste. En même temps, la Chine, qui entendait récupérer ce qu’elle considérait être historiquement son territoire, développa son projet de «Grande Chine».
Ce fut d'abord l'occupation du Tibet en 1950 par les troupes chinoises, ce qui ne suscita que des protestations formelles de la part de la communauté internationale. En août 1954, Zhou Enlai déclara officiellement que la libération de Taiwan était l’un de ses principaux objectifs pendant que Tchang Kaï Chek, de son côté, réaffirmait régulièrement son intention de reconquérir le continent. Les combats entre nationalistes et communistes reprirent sur l’île de Quemoy (Jinmen), puis au large de la côte chinoise. Mais, à partir de 1958, le cessez-le-feu fut généralement observé de chaque côté du détroit.
Après le soulèvement du Tibet en 1959, la Chine institua une dictature militaire chinoise à la région afin d'imposer le «modèle chinois de socialisme» et diluer la société tibétaine traditionnelle, notamment le clergé et la noblesse, en confisquant toute propriété privée et en détruisant les monastères. Les Chinois procédèrent à des castrations et à des stérilisations massives sur des paysans et des nomades afin de «régénérer la race tibétaine». |
Des milliers d'enfants furent arrachés à leur famille pour recevoir en Chine une éducation marxiste-léniniste. On construisit des routes nationales afin de pouvoir éventuellement acheminer, dans toute région éloignée, des «secours» militaires en cas d'urgence.
- La réforme linguistique
Dès l'arrivée des communistes au pouvoir en 1949, le gouvernement prôna la modernisation de la langue chinoise. Ayant pris la cause en main, le président Mao Tsé-toung convoqua une conférence, à laquelle assistaient quelque 400 philologues, professeurs, éducateurs, etc., venus de toutes les provinces chinoises.
1) l'unification de la langue parlée: les différentes variétés dialectales du chinois devront être alignées sur la variété pékinoise, c'est-à-dire le chinois tel qu'on le parle à Pékin; cette prononciation officielle devait désormais être enseignée dans les écoles et employée à la radio; cette première réforme fut généralement assez bien acceptée par la population en général;
2) la simplification de l'écriture: déjà en 1940, Mao Tsé-toung avait publié un essai intitulé De la Nouvelle Démocratie, dans lequel il lançait un appel pour que la langue écrite chinoise soit réformée et simplifiée; à cette époque, on appelait la langue chinoise guóyǔ (国语), ce qui désignait le mandarin.
Les difficultés créées par l'ancienne écriture chinoise étaient innombrables; il s'agissait d'une première étape portant sur 500 à 600 cent caractères (sur un total de 4000 à 5000); cette réforme de la langue chinoise était destinée à adapter cette dernière à l'évolution des connaissances et à faciliter le développement de l'instruction dans le but de supprimer l'analphabétisme; étant donné que l'apprentissage des milliers de caractères de base nécessitait de nombreuses années, la simplification de ces derniers ne pouvait que favoriser l'acquisition de la lecture et de l'écriture;
3) la diffusion du putonghua (la «langue commune») comme langue officielle; cette intervention politique dans la langue chinoise correspondait à l'idéologie des dirigeants qui voulaient répandre la langue auprès du peuple;
4) l'instauration de l'alphabet pinyin d'après le Système d'alphabet phonétique chinois : pour le président Mao, la simplification des caractères ne devait être que provisoire, l'alphabet pinyin devant remplacer progressivement les caractères en tant que forme d'écriture du chinois.
5) le traitement des minorités : un dernier problème auquel le gouvernement chinois avait à faire face concernait la question des écritures des minorités, dont le nombre total dépassait la cinquantaine; à l'Institut des minorités de Pékin, il a fallu créer plusieurs langues écrites afin de permettre aux minorités les plus analphabètes de rattraper le mouvement général.
Dès le début des années 1950, le putonghua devint obligatoire dans les classes de langue chinoise des écoles primaires et secondaires à travers toute la Chine. Il ne faut pas oublier qu'une bonne partie de la population ignorait la langue officielle, les langues et les dialectes foisonnant à profusion. Pendant ce temps, le Comité pour l'unification du vocabulaire scientifique fut créé le 6 avril 1950. Mais en 1956, le travail d'uniformisation de la terminologie scientifique repassa sous la responsabilité de l'Académie des sciences de Chine. Le nombre des caractères chinois passa de plus de 6000 à 2238 caractères simplifiés. Dès 1951, Mao avait fixé son choix sur l'alphabétisation phonétique du chinois: «Notre langue écrite doit être réformée; la direction à prendre est celle de la phonétisation, ce qui est commun à toutes les langues du monde.» Évidemment, ce n'est pas tout à fait juste, mais il n'était pas loin de la vérité. Dans les écoles primaires, les enfants devaient apprendre le pinyin pour commencer et poursuivre avec l'apprentissage des caractères. Ils devaient aussi apprendre pour chacun des caractères l'équivalent en pinyin. |
- La politique des minorités
La mainmise des communistes allait aussi marquer le début d'une nouvelle ère dans la vie des minorités nationales. Afin de consolider son pouvoir et réaliser l'unité territoriale (nationale), le nouveau régime préconisa des politiques destinées à intégrer les minorités nationales à l'intérieur de la société han. De 1949 à 1955, la politique linguistique fut caractérisée par une attitude de tolérance à l'endroit des langues propres aux minorités nationales. Ainsi, l'article 71 de la première Constitution chinoise stipulait que toutes les régions autonomes avaient la possibilité d'utiliser les langues orales et écrites propres à cette région dans les documents publics, la presse et le système scolaire.
Au tout début des années 1950, la politique chinoise en matière de construction et d'organisation des infrastructures éducatives à l'intention des minorités nationales fut appliquée de façon déterminée, mais prudente.
Entre 1952 et 1955, plusieurs réalisations, telles que la publication d'un nombre significatif d'ouvrages dans les langues mongole, tibétaine et ouïghoure, ainsi que la mise sur pied d'une maison d'édition à l'intention des minorités nationales en 1953, démontrent que des étapes importantes ont été franchies dans le domaine culturel. Le gouvernement chinois dota de plusieurs langues minoritaires d'un alphabet (dérivé du latin), d'écoles où l'on enseignait la langue locale et de cadres formés pour administrer les régions autonomes. C'était l'époque bénie des politiques nationalitaires axées sur la tolérance et le développement des langues minoritaires, mais en même temps une lutte intense eut lieu contre ce que le Parti appelait «les superstitions archaïques», vocable qui incluait toutes les religions, les coutumes, les traditions populaires et les fêtes; cette lutte se traduisit par de nombreuses destructions de pagodes, de monastères et d'effigies du Bouddha, de dragons ou de Confucius dont l'enseignement fut jugé «réactionnaire» et «contre-révolutionnaire». |
Par la suite, la langue nationale commune a continué à être appelée 国语 (Guóyǔ) jusqu'en 1955, date à laquelle son nom a été changé en putonghua (普通话 = pǔtōnghuà). Tout de suite après, en 1956, le putonghua est officiellement devenu la langue standard de la République populaire. Bien que le Parti communiste chinois ait toujours conservé le contrôle ultime, Mao Tsé-toung mit en place un système de régions autonomes, de préfectures et de cantons, qui accordaient aux minorités des postes importants dans les administrations locales. Beaucoup ont bénéficié d'investissements de l'État à cette époque. Les membres des groupes minoritaires ont également obtenu des exemptions de la politique chinoise de l'enfant unique et des points supplémentaires à l'important examen d'entrée à l'université du pays.
- Le «Grand Bond en avant» (1958-1962)
Les bons résultats du premier plan quinquennal encouragèrent Mao Tsé-toung, en 1958, à développer un nouveau programme économique, social et politique, connu sous le nom de «Grand Bond en avant». Préconisant un développement de la collectivisation dans tous les domaines de la vie quotidienne, des contrôles plus rigides furent imposés pour accroître la production agricole, réduire la consommation et accélérer l’industrialisation.
L'Europe vivait alors une époque de la haute croissance économique, mais la
Chine voulait croître encore plus vite puisqu’elle prétendait rattraper les
Européens en quelques années. Toutefois, le Grand Bond en avant, fondé sur une
foi absolue dans le progrès et le volontarisme du Parti communiste chinois, se
révéla une catastrophe totale. Ayant confisqué les biens et les terres des
paysans, l'État chinois instaura des méthodes d'agriculture bidon, ce qui décima
les régions et entraîna dans le mort plus de 30 millions de Chinois (peut-être
même 50 millions).
Le bilan catastrophique du Grand Bond en avant affaiblit Mao Tsé-toung, critiqué par de nombreux dirigeants, et mit en avant Liu Shaoqi et Deng Xiaoping, qui s’attachèrent à redresser le pays. De 1962 à 1965, une lutte sourde oppose, au sein du régime, les modérés aux extrémistes. Afin de renverser ces tendances pour le moins néfastes, les autorités chinoises décidèrent de réajuster leurs politiques dans divers domaines. Les politiques nationalitaires allaient figurer au nombre des domaines visés par les autorités communistes. |
Mao transforma les jeunes Chinois en terribles machines de guerre lancées contre ses contemporains et tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, détenaient une parcelle de pouvoir. La politique du «Grand Bond en avant» fut étendue aux minorités nationales. Ce fut la période de «l'unité par l'uniformisation en marche» où toute revendication à la différence impliquait nécessairement «un frein à la collectivisation». Toutes les politiques linguistiques précédentes à l'égard des minorités furent non seulement critiquées, mais totalement remises en question. On assista à un revirement complet de la politique gouvernementale par la suppression des coutumes locales, des religions et des langues minoritaires au nom de l'unité nationale qui devait passer par l'uniformisation.
Le Parti communiste chinois occulte toujours cette période de son histoire dans le but de protéger l'image de Mao Tsé-toung et du Parti; l'accès aux archives et l'enseignement de cette période dans les universités sont strictement interdits.
- Les directives en faveur du putonghua
C'est pourquoi l'apprentissage de la langue han, le putonghua, fut rendu obligatoire, tandis que les langues minoritaires, furent «standardisées» en fonction de l'alphabet pinyin, lui-même développé sur la base du parler chinois de Pékin (Beijing). Évidemment, le travail d'enquête linguistique effectué auprès des minorités nationales fut considérablement réduit, puis carrément interrompu. On publia, le 6 février 1956, des Directives du Conseil d'État concernant la promotion de la langue commune.
国务院关于推广普通话的指示(1956年2月6日) 总理 周恩来 汉语是我国的主要语言,也是世界上使用人数最多的语言,并且是世界上最发展的语言之一。语言是交际的工具,也是社会斗争和发展的工具。目前,汉语正在为我国人民所进行的伟大的社会主义建设事业服务。学好汉语,对于我国的社会主义事业的发展具有重大的意义。 |
Directives du Conseil d'État sur la promotion de putonghua (6 février 1956) Le chinois est la langue principale de notre pays, la langue la plus parlée au monde et l'une des langues les plus développées au monde. La langue est un outil de communication et un outil de lutte sociale et de développement. Actuellement, les Chinois servent la grande cause de l'édification socialiste menée par notre peuple. Bien apprendre le chinois est d'une grande importance pour le développement de la cause socialiste de la Chine. Pour des raisons historiques, le développement du chinois n'a pas encore atteint le niveau d'unité complète. De nombreux dialectes très divergents entravent la conversation des habitants de différentes régions, causant de nombreux inconvénients à la cause de la construction socialiste. Certaines incohérences et grammaticalités dans la langue existent non seulement à l'oral, mais aussi à l'écrit. Dans la langue écrite, et même dans les publications, la confusion lexicale et grammaticale est assez grave. Ces phénomènes doivent être efficacement éliminés dans l'intérêt du développement ultérieur de la politique, de l'économie, de la culture et de la défense nationale de notre pays. |
Dès la rentrée scolaire de 1956, l'enseignement du putonghua devait être étendu partout. Au nombre de 12, les directives portèrent sur les éléments suivants:
1) Enseigner le putonghua dans toutes les écoles primaires et secondaires; être capable de parler le putonghua dès la 3e année.
2) Usage et enseignement du putonghua dans les écoles militaires.
3) Obligation de promouvoir le putonghua de la part des branches locales de la Ligue de la jeunesse et des organisations syndicales locales.
4) Inclure des émissions en putonghua dans les stations de radiodiffusion.
5) Inciter les rédacteurs en chef des journaux, des agences de presse, des magazines et des maisons d'édition à apprendre le mandarin et le bon sens de la grammaire et de la rhétorique, et renforcer l'édition de texte des manuscrits.
6) Élaborer des programmes spécifiques pour le personnel de service des chemins de fer nationaux, des transports, des postes et télécommunications, des entreprises commerciales des grandes villes, des services de santé, etc.
7) Obligation de tous les traducteurs étrangers à traduire en mandarin, sauf pour des besoins particuliers.
8) Mettre en pratique la méthode de transcription hanyu pinyin, laquelle utilise l'alphabet.
9) Élaborer un dictionnaire d'orthophonie en mandarin afin de déterminer les normes phonétiques et un dictionnaire du chinois moderne de taille moyenne afin de déterminer les normes de vocabulaire.
10) Organiser des cours de formation de courte durée à la prononciation du putonghua pour former les enseignants de langue dans les écoles primaires et secondaires et les écoles normales.
11) Créer un comité de réforme des caractères chinois pour la promotion du putonghua, ainsi que la promotion des normes de prononciation, du vocabulaire et de la grammaire.
12) Promouvoir le putonghua parmi le peuple han dans toutes les régions des minorités ethniques, sur la base du chinois mandarin; y compris dans les écoles et les stations de radio.
Pour soutenir cette politique, un centre de formation des maîtres fut ouvert à Pékin, tandis que la presse et la radio diffusaient des informations sur la langue chinoise (putonghua) afin d'aider le corps enseignant à se perfectionner. Les minorités ne pouvaient pas comprendre à ce moment-là que le programme de promotion du putonghua devait entraîner une concurrence inégale contre leurs langues locales. En 1964, le Conseil d'État publiait les Règles générales de normalisation pour la simplification des caractères chinois, lesquelles sont entrées en vigueur à l'échelle nationale, ce qui entraîna la réglementation graduelle du chinois écrit et l'implication de l'État dans la langue.
- La prétendue supériorité du peuple han
À cette époque, les déclarations du gouvernement chinois portaient constamment sur la «supériorité des Hans», la «mission civilisatrice des Hans», le «devoir moral» pour les non-Hans d'accéder au niveau des Hans. Pour le gouvernement, les Hans, perçus comme «plus avancés», constituaient «le guide des peuples». La tâche du Parti communiste et du gouvernement était donc d'«aider les peuples minoritaires à rattraper le peuple han dans la grande marche vers le socialisme». Pour leur part, les Hans considéraient les groupes minoritaires comme des arriérés ou des barbares, voire des chiens, des requins ou des bons à rien qu'il fallait tirer de leur infériorité.
En revanche, les minorités percevaient les Hans comme «de la racaille qui vole les autochtones», sinon des «bandits». En définitive, ce qui comptait, c'était de démontrer ou de faire croire que les Hans étaient supérieurs et que les minorités avaient tout intérêt à s'assimiler à leur «culture supérieure».
- La politique de minorisation démographique
Par la suite, le gouvernement chinois s'est mis à pratiquer une politique favorisant l'immigration massive des Hans dans les régions minoritaires. Cette politique entraîna progressivement la minorisation des non-Hans sur leur propre territoire. Ainsi, dans la région autonome du Xinjiang (Ouïghours), les Hans, qui constituaient 5,5 % de la population en 1949, atteignaient 50% en 1980. En Mongolie intérieure, les Hans devinrent majoritaires. Dans la Région autonome zhuang du Guangxi, les Zhuang ne comptèrent que pour 36,9% de la population malgré leur nombre élevé à l'époque (13 millions); les Tibétains furent soumis au même traitement, mais les Hans retournèrent à Pékin, car ils n'appréciaient guère vivre à quelque 4000 mètres d'altitude. L'objectif du gouvernement chinois était d'envoyer au moins 10 millions de Hans au Tibet.
Enfin, une autre forme de la politique d'immigration consistait à déporter de jeunes enfants issus des minorités nationales vers la région de Pékin en vue de les initier à la culture han. Cette dernière mesure fut inégalement appliquée parce qu'elle provoquait la révolte chez les minoritaires, notamment les Tibétains, qui ne semblaient pas comprendre les
«bienfaits» de l'éducation han.Comme si ce n'était pas suffisant, le Parti communiste s'organisa pour fragmenter à outrance les régions autonomes en plusieurs territoires administratifs dans le but de mieux les contrôler. Ainsi, la Région autonome du Tibet fut divisée en cinq districts contrôlés par du personnel han. Dans toutes les provinces et dans toutes les régions autonomes, la plupart des postes officiels furent pourvus par des Hans sous prétexte que les minorités manquaient de cadres et ne connaissaient pas suffisamment le putonghua pour communiquer avec le gouvernement central. En fait, une grande partie du personnel administratif et gouvernemental dans les régions autonomes utilisait exclusivement le chinois.
Ces mesures antiminoritaires déclenchèrent une profonde hostilité chez toutes les minorités nationales. Elles entraînèrent également une déstabilisation complète de l'économie chinoise, de telle sorte que des mesures d'urgence furent prises. Les fameuses «communes populaires» furent dissoutes et ce fut le retour des cadres locaux.
- La Révolution culturelle (1966-1969)
Mao et ses partisans organisèrent la grande Révolution culturelle, destinée à raviver l’esprit révolutionnaire, afin de récupérer le pouvoir qui leur échappait. Le président Mao voulait l'édification d'une Chine révolutionnaire dans laquelle la lutte des classes devait se poursuivre.
Cette révolution commença d'abord à l’automne 1965 par une critique des milieux intellectuels et universitaires dans les organes de presse. Les premières organisations de Gardes rouges rassemblant de jeunes Chinois âgés de quinze à vingt ans qui, à l’appel de Mao, surnommé «le Grand Timonier», se livrèrent à des manifestations de masse. Le mouvement fut ensuite savamment entretenu par Mao, dont les pensées furent résumées dans le célèbre Petit Livre rouge, publié en octobre 1966. La Révolution culturelle attaqua les intellectuels, les artistes, les universitaires, les cadres du Parti et les anciens bourgeois, avant de s’étendre au monde du travail. De nombreux dirigeants furent destitués et exclus du Parti.
Le combat se poursuivit sur le terrain de l'enseignement. Des étudiants déclarèrent que l'enseignement, tel qu'il était pratiqué jusqu'alors, était coupé de la réalité, que les étudiants étaient sans contact avec la pratique politique et scientifique, que le système encourageait une émulation de type individualiste et une sélection de type bourgeois. Les établissements d'enseignement formèrent les avant-postes de la Révolution culturelle, du moins à ses débuts. |
C'est en effet parmi la jeunesse estudiantine que se fit d'abord la prise de conscience, ainsi que dans divers milieux intellectuels. La Révolution culturelle mit en cause le rôle et la fonction des «sommités académiques» et des «experts» éloignés du peuple, bref tous les intellectuels considérés désormais comme nécessairement «loin du peuple». Les écoles furent fermées et l’économie complètement désorganisée. Entre 1967 et 1968, des combats sanglants opposèrent maoïstes et anti-maoïstes, ainsi que les diverses factions des Gardes rouges chinois. Plusieurs milliers de Chinois périrent au cours de ces affrontements. Dans le domaine linguistique, tout le travail d'élaboration des terminologies spécialisés fut totalement interrompu.
Bien que la Révolution culturelle eût un effet négatif sur les relations étrangères, le président Mao sortit victorieux de cette révolution. L'autorité absolue du président Mao Tsé-toung se transforma en une autorité morale. Mais cette révolution finit par susciter un vif ressentiment dans une partie de la jeunesse et dans de nombreuses couches de la population. La lutte pour le pouvoir provoqua en 1971 la disparition du successeur officiel de Mao, Lin Biao, de la scène politique, ce dernier, accusé de complot contre Mao, fut déclaré «mort dans un accident d’avion». L’engagement de Mao en faveur de la mobilisation des masses et sa profonde méfiance à l’égard de la bureaucratie et des intellectuels resurgirent en 1973 et en 1974 dans une nouvelle réforme visant le confucianisme. Au cours de cette période, les relations avec l’étranger s’améliorèrent brusquement. En 1971, la Chine fut admise aux Nations unies.
- La politique de sinisation
Avec l'avènement de la Révolution culturelle, ce fut la politique antinationalitaire qui se poursuivit. Étant donné que le gouvernement chinois ne faisait pas confiance aux minorités, il dépêcha l'armée pour calmer les agitations aux frontières nationales communes avec l'URSS, la Mongolie, la Corée, le Vietnam, le Laos et l'Inde. C'est pourquoi la totalité des officiers et des soldats de l'armée fut composée des Hans. La milice chinoise se comportait en véritable armée d'occupation dans les régions autonomes, ce qui fit augmenter la méfiance des minorités à l'égard des Hans, qui durent contrôler les frontières, tant vers l'intérieur que vers l'extérieur.
La périodique Minzu Yanjiu publia quelques articles qui insistaient sur le fait que l'influence de la langue chinoise sur celles des minorités nationales devait être sérieusement considérée. Selon le premier ministre Zhou Enlai, une autre fonction fut dévolue au pinyin : celle de «servir de base commune aux minorités nationales qui veulent créer ou réformer leurs langues écrites». Dès le début de 1967, la publication des éditions des périodiques en langue zhuang, mongole, tibétaine, ouïghoure, etc., fut suspendue. Par sa suite, les émissions diffusées dans les langues minoritaires furent «momentanément interrompues». Beaucoup de dirigeants appartenant à des minorités furent destitués, arrêtés et emprisonnés. À cette époque, tout ce qui pouvait faire référence aux minorités était assimilé à des pratiques bourgeoises contraires à l'unité du Parti communiste.
La violence et les destructions de lieux de culte de la politique d'assimilation ou de sinisation de la République populaire de Chine finit par rendre les minorités nationales perméables à l'influence étrangère dite «impérialiste», notamment celle de l'Inde, du Vietnam, voire des Britanniques et des Américains, au risque de susciter des problèmes avec les anciennes républiques soviétiques (notamment le Kirghizistan), la Mongolie, la Corée du Nord, l'Inde et le Vietnam. Non seulement la Chine éveilla le mécontentement de quelque 80 millions de personnes près des frontières nationales, mais elle remit ainsi en question le socialisme chinois, avec cette politique qui niait l'égalitarisme socialiste. |
Dans les dernières années de la Révolution culturelle, on assista en 1971 à un certain assouplissement, surtout à la faveur de la chute du politicien Lin Biao. Les médias chinois témoignèrent d'une certaine ouverture en diffusant des émissions, par exemple, en ouïghour et en kazakh. En 1975, la question linguistique refit surface lors de l'adoption d'une nouvelle politique relative aux minorités nationales. Dans la Constitution de 1975, des dispositions relativement restrictives autorisèrent la liberté d'expression linguistique accordée aux minorités nationales. Par la suite, la programmation radiophonique dans les langues minoritaires s'améliora de façon significative. Beaucoup de dirigeants appartenant à des minorités, qui avaient été destitués lors de l'avènement de la Révolution culturelle, furent libérés. Certains entreprirent de pratiquer chez eux une politique de développement national. Plus tard, en 1980, le 5e plenum du XIe Congrès du Parti communiste reconnaîtra les erreurs commises vis-à-vis des minorités pendant la Révolution culturelle et décidera de prendre des mesures compensatoires.
6.2 Les successeurs de Mao
Le premier ministre Zhou Enlai et le président Mao Tsé-toung décèdent tous les deux en 1976. La mort de Zhou Enlai précipita la lutte entre les modérés et les extrémistes, et entraîna la chute de la bande des Quatre — Jiang Qing, Zhang Chunqiao, Yao Wenyuan et Wang Hongwen; ces derniers furent arrêtés et démis de leurs fonctions en 1976, et accusés d'être les instigateurs de la Révolution culturelle, qui a fait de nombreuses victimes et a plongé la Chine dans le chaos de 1966 à 1976. Les dirigeants qui se succédèrent au cours de 1976 manifestèrent leur intention de poursuivre le processus de simplification des caractères chinois, mais ils insistèrent très peu sur la latinisation et l'alphabet pinyin. L'avènement de Hua Guofeng (successeur de Mao) et Deng Xiaoping («le Petit Timonier»), des dirigeants plus pragmatiques, allait permettre pour le pays l'espoir d'un mieux-être matériel et une reprise de la recherche sur les minorités nationales en même temps .
Pendant les années 1980 et le début des années 1990, la politique chinoise fut dominée par Deng Xiaoping qui abandonna progressivement toutes ses fonctions officielles, tout en continuant à régner dans l’ombre. Désireux de développer le commerce et l’industrie en attirant les investissements étrangers, Deng Xiaoping et ses alliés optèrent pour une politique pragmatique de réformes économiques tout en maintenant la dictature politique. La Chine mena au Tibet une politique de colonisation et d'immigration systématique, dont le but semblait être de rendre les Chinois majoritaires dans la région. La politique de répression aurait fait, jusque dans les années 1990, plus d'un million de morts parmi les Tibétains.
- La nouvelle politique de tolérance
La nouvelle Constitution adoptée en 1982 semble avoir fait évoluer le système vers un élargissement des droits linguistiques à l'égard des groupes minoritaires. Ainsi, l'article 4 de la Constitution énonce que «toutes les nationalités sont égales en droits» et que «l'État garantit les droits et les intérêts légitimes des minorités ethniques». Qui plus est, dans le même article, la Constitution reconnaît le droit aux minorités de conserver et d'enrichir leur langue: «Toutes les nationalités jouissent de la liberté d'utiliser et de développer leur langue et leur écriture, de conserver ou de réformer leurs usages et coutumes.»
Article 4
1) Toutes les nationalités sont égales en droits en République populaire de Chine. L'État garantit les droits et les intérêts légitimes des minorités ethniques, il maintient et développe les rapports entre les nationalités selon les principes d'égalité, de solidarité, d'entraide et d'harmonie. Toute discrimination et oppression à l'égard d'une nationalité, tout acte visant à saper l'unité des nationalités et toute activité séparatiste sont à proscrire. 2) L'État aide les régions de minorités nationalités à accélérer leur développement économique et culturel en tenant compte de leurs particularités et de leurs besoins. |
Cette constitution concédait aussi d'autres libertés civiques aux citoyens, sur les plans économique, religieux, culturel, culinaire, vestimentaire et musical, ce qui, après la période maoïste, représenta pour les Chinois du continent un net allègement de la tutelle politique du Parti communiste chinois, même si, aux yeux des Taïwanais, des Hongkongais et des Occidentaux, cela semble encore très éloigné de l'idéal démocratique.
Plus tard, l'Assemblée populaire nationale adopta, le 31 mai 1984, une loi très importante à l'intention des nationalités: la Loi sur l'autonomie des régions ethniques dont l'entrée en vigueur était prévue pour le 1er octobre de la même année. Elle est divisée en sept chapitres et compte 67 articles. La politique linguistique prévoit que la langue d'enseignement est celle de la minorité nationale. Cependant, le chinois officiel est obligatoire à partir de la quatrième année (second cycle) ainsi que durant le secondaire.
Pendant ce temps, soit au cours des années 1980, la Chine s'est remise dans la création de banques de données terminologiques. Une banque de données en chinois et en anglais a ainsi pu être créée en 1985: la Commission technique nationale de normalisation terminologique. Puis des sous-comités techniques furent progressivement formés pour assurer la réalisation des travaux de lexicographie. En 1993, le Réseau chinois sur le travail terminologique fut créé pour promouvoir l'uniformisation et la diffusion de la terminologie spécialisée et renforcer les échanges et la coopération nationale et internationale. La Chine s'est également lancée dans la création et la mise sur pied de banques de données terminologiques. C'est la première fois qu'une banque du genre utilisait les caractères chinois. Les résultats de ces recherches ont été utilisés par la Communauté européenne.
- Vers l'économie de marché
En janvier 1987, Zhao Ziyang fut nommé secrétaire général du Parti. En avril 1989, une vague de protestation s'étendit à travers le pays, demandant plus de démocratie. Ce mouvement atteint son paroxysme en mai, pendant la visite à Pékin du chef d’État soviétique Mikhaïl Gorbatchev, destinée à mettre fin à trente ans de tensions entre les deux pays. Les manifestants occupèrent la place Tian'anmen à Pékin, jusqu’à ce que des troupes blindées pénètrent dans la ville et tirent sur la foule, tuant entre 3000 et 5000 civils.
En 1992, la Chine se lança officiellement dans l’économie de marché. En mars 1993, la VIIIe Assemblée nationale populaire élit Jiang Zemin président de la République. Lors du XIVe Congrès du Parti communiste chinois, en septembre 1995, l’accent fut mis sur un retour à l’idéologie politique, sans porter préjudice à l’économie. En effet, les instances du Parti, craignant d’être débordées par l’apparition d’une bourgeoisie issue des affaires et par une contestation parlementaire, renforcèrent leur autorité sur les députés de l’Assemblée nationale populaire (mars 1996) et accentuèrent le contrôle sur la presse, la répression contre les opposants et les religions non orthodoxes. Deng Xiaoping, dont la dernière apparition publique datait de février 1994, décéda en février 1997. Depuis le XVe Congrès du Parti communiste, en septembre 1997, une nouvelle ère semblait s’ouvrir. Le président Jiang Zemin annonça la privatisation des entreprises d’État et la relance des réformes économiques destinées à faire face à la concurrence internationale. Le gouvernement entreprit une réforme globale de l’administration chinoise: le nombre de postes et de ministères a été réduit, la moyenne d’âge des dirigeants est tombée à moins de soixante ans. Au cours de la même année, la colonie britannique de Hong-Kong fut rétrocédée par le Royaume-Uni à la Chine. La crise de confiance due à l’approche du transfert de souveraineté à la Chine en 1997 avait provoqué le départ de nombreux habitants de Hong-Kong (43 000 pour la seule année de 1995). Le 1er juillet 1997, la Chine rétablit sa souveraineté sur le territoire de Hong- Kong, après un siècle et demi de domination britannique. |
La petite garnison britannique fut remplacée par un contingent de 15 000 soldats de l’Armée populaire de libération chinoise. Tout en y exerçant le contrôle politique, la Chine laissait une certaine latitude au particularisme local, à l'exception des Affaires étrangères et de la Défense.
Arrivé en mars 1998, le nouveau premier ministre, Zhu Rongji, qui succédait à Li Peng, dont il était le vice-premier ministre, était un technocrate considéré comme un réformateur. À l’origine des réformes économiques entreprises depuis 1992, il lança le pays sur une nouvelle voie, ce qui provoqua l’inquiétude des conservateurs. Les principales réformes annoncées furent la privatisation des entreprises d’État, le renforcement du rôle de la Banque centrale, la réduction de la dette publique, le développement des travaux publics, du logement, des industries de pointe et l’amélioration du système éducatif.
7.1 L'intégration de Hong-Kong
À Hong-Kong, le gouvernement chinois, tout en prenant le contrôle politique, laissa au particularisme local une marge pour s’exprimer: aux élections de mai 1998, les partis démocrates recueillirent 60 % des voix et obtinrent 14 sièges. Cependant, l’économie de l’ex-territoire britannique fut touchée par la crise monétaire et financière asiatique : baisse de la bourse, faillites, récession, chômage et menace sur la monnaie et sur sa parité avec le dollar. Les langues officielles sont maintenant l'anglais et le chinois; la troisième langue est le cantonnais, mais c'est la langue d'usage de presque tous les Hongkongais. |
L'anglais est la langue officielle dont on faisait traditionnellement usage dans les domaines politique et commercial, tandis que dans l'industrie et le commerce intérieur recouraient davantage au chinois. La rétrocession de Hong-Kong à la Chine est en train de modifier ces habitudes. Pékin s'est vu forcé d'adopter le cantonais dans ses relations avec les élites et le gouvernement local. Bref, le chinois pourrait bien remplacer graduellement l'anglais dans les domaines politique et judiciaire et prendre la place qu'occupait auparavant l'anglais. Autrement dit, Hong-Kong est en train de passer du bilinguisme anglais-cantonais au bilinguisme chinois-cantonais.
7.2 La politique linguistique sur l'écriture
Au cours de l'année 1997, un projet de loi sur la langue et l'écriture communes (putonghua) nationales avait été élaboré après sollicitation d'avis de diverses parties et après plusieurs ébauches. Le 31 octobre 2000, la 18e session de la IXe Assemblée populaire adoptait la Loi sur la langue et l'écriture communes nationales de la République populaire de Chine. Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2001. On peut affirmer que c'est la première loi linguistique de l'histoire de la Chine. Sa promulgation témoigne que la Chine a emprunté, elle aussi, la voie de la législation en matière de langue.
L'un des objectifs visés lors de l'élaboration de cette loi était de «promouvoir la normalisation de la langue et de l’écriture communes et à leur assurer un développement sain afin de permettre un accroissement de leur utilisation dans la sphère sociale». La loi, qui compte 28 articles, établit une réglementation pour l'utilisation de la langue et de l'écriture communes dans l'Administration publique, les écoles, la presse, l'édition, la radio, la télévision, la publicité, les technologies de l'information, l'affichage, les raisons sociales, etc.
7.3 Les relations internationales et droits de l'Homme
L’inflexion de la politique chinoise favorise un dégel des relations sino-américaines : la visite officielle de Jiang Zemin aux États-Unis, en novembre 1997 — première visite d’un dirigeant chinois depuis dix-huit ans — fut suivie, en juin 1998, de celle du président Bill Clinton en Chine. Ensuite, les relations entre les deux pays se dégradèrent, Pékin accusant les États-Unis de soutenir le gouvernement taïwanais, Washington accusant la Chine de ne pas respecter les accords militaires et commerciaux conclus et dénonçant les dangereux transferts de technologie que ces accords ont générés.
La situation des droits de l’Homme en Chine continua d'être régulièrement dénoncée par les organisations internationales ou par le gouvernement des États-Unis, malgré la signature, le 5 octobre 1998, de la Convention internationale des droits civiques et politiques. De plus, les autorités chinoises persistèrent à empêcher toute manifestation pro-démocratique; d'ailleurs, la commémoration publique du dixième anniversaire de Tian’anmen, en juin 1999, ne fut pas autorisée. Le Portugal, comme l'avait fait le Royaume-Uni pour Hong-Kong, rétrocéda lui aussi Macao, qui devint une région administrative spéciale, selon le principe «un pays, deux systèmes». Le chinois et le portugais sont les langues officielles.
Au mois de septembre 2001, après quinze ans de discussions, un accord fut finalement signé à Genève entre la Chine et ses partenaires commerciaux en vue de l’adhésion de Pékin à l’Organisation mondiale du commerce. Elle fut formellement entérinée au mois de décembre lors de la conférence de l’OMC à Doha (au Qatar). Dans l’optique de cette nouvelle donne économique, les entreprises chinoises se réorganisèrent fébrilement afin de faire face à la concurrence internationale. Le dragon chinois, affaissé au début du siècle, fut à nouveau debout. Malgré ses succès, la Chine demeurait encore une «grande puissance» faible...
Le pays craquait de partout. Le Tibet, la Mongolie intérieure et le Xinjiang continuaient de gronder, mais surtout dans les campagnes du pays où vivaient 700 millions de Chinois. Lors de l'obtention des Jeux olympiques de 2008, la Chine s'était engagée à ce que la situation des droits de l'Homme s'améliore. La Chine resta évidemment encore loin du compte! C'est au cours de ces années que l'opinion publique chinoise s'est retournée contre le système en vigueur à l'égard des minorités, lorsque de violentes émeutes ethniques frappèrent les capitales du Tibet et du Xinjiang. Ces événements déclenchèrent des discussions sur l'équité des politiques préférentielles pour les minorités, un nombre croissant de Chinois hans décrivant les Tibétains et les Ouïghours du Xinjiang comme des «ingrats». D'autres firent valoir que le gouvernement devait plutôt se concentrer sur la lutte contre la discrimination, la répression policière et l'exploitation économique qui, selon eux, alimentaient les conflits ethniques.
Dès son arrivée au pouvoir à la fin de 2012, le président Xi Jinping procéda comme ses homologues d'autres pays post-communistes : il s'appropria la mainmise totale sur le Parti communiste chinois, l’État et l’armée; il s'organisa pour occuper les postes de président de la République et de président de la Commission militaire centrale; il utilisa sans scrupules la modernisation capitaliste et l'argent de ses plus fidèles oligarques dans le but de garantir le pouvoir du PCC, de préserver les acquis de la «nomenklatura» (appelée 太子党 : «Caste des princes rouges» en Chine) et de faire de son pays une superpuissance mondiale sur les plans géopolitique, stratégique et économique.
8.1 Un président autoritaire
Xi s'est révélé un président autoritaire, comme le fut Mao Tsé-toung; il s'est montré déterminé à mettre de l’ordre dans une «maison» rongée et gangrenée depuis dix ans par une profonde corruption au sein de toutes les structures du pays. Toutefois, au nom de la lutte à la corruption financière et morale, le régime censura les arts, emprisonna les dissidents, musela les médias et dénonça à chaque occasion les droits de l'Homme et la démocratie. De là à attendre la libéralisation du régime, il y a encore loin de la coupe aux lèvres.
De plus, le président Xi Jinping réussit, le 11 mars 2018, à faire abolir dans la Constitution la limite des mandats présidentiels. Cette limite prévue par la Constitution de deux mandats pour les hauts responsables de l’État comme le premier ministre et le président de la République était une prescription introduite dans la Constitution de 1982 après l'intervention de Deng Xiaoping (1978-1989). L’objectif de ce dernier était de briser la possibilité de voir le pouvoir revenir aux mains d’un seul dirigeant. À cette époque, il s'agissait de prévoir un mécanisme visant à institutionnaliser le système présidentiel et à établir un contrôle sur le pouvoir arbitraire des années Mao. Xi Jinping est la personne qui détient le plus de pouvoir en Chine. De nombreux chercheurs et intellectuels partagent l’opinion selon laquelle l’abolition de la limite des mandats présidentiels constitue un pas en arrière et un moyen pour Xi Jinping de rester au pouvoir indéfiniment. Cela pourrait conduire à la concentration excessive des tous les pouvoirs entre les mains d’un seul individu. Mais ce n'était pas suffisant, le Parlement chinois a modifié la Constitution pour faire entrer «la pensée de Xi Jinping sur le socialisme de style chinois de l'ère nouvelle» dans le préambule (n° 7) du texte constitutionnel. Que ce soit dans les écoles ou dans les bureaux de l'administration, les écrits et les discours de Xi sont considérés aujourd'hui comme des textes sacrés! |
8.2 La question minoritaire
Derrière le durcissement généralisé du régime chinois depuis l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping en 2012, certaines mesures témoignent d’un changement d’approche radical dans la gestion des minorités. L’objectif est désormais le suivant : l'abandon de l'autonomie au profit de l’assimilation des minorités, de l’imposition du mode de vie de la majorité han et de l’idéologie communiste, par la force s’il le faut. Depuis l'arrivée au pouvoir du président Xi Jinping dans les années 2010 et sa vision de construire un «rêve chinois» centré sur les Hans, son gouvernement s'est efforcé de marginaliser les langues minoritaires dans les écoles. Par exemple, au Tibet, cette politique que les autorités appellent «l'éducation bilingue» exige que les écoles, dès la maternelle, remplacent progressivement le tibétain par le chinois mandarin comme langue d'enseignement. Les enfants n'apprennent dorénavant la langue locale que dans le cadre d'un seul cours. De plus, les efforts déployés par les groupes minoritaires pour ouvrir des jardins d'enfants dans une langue minoritaire ont eu pour effet de faire surgir des fonctionnaires qui ont fait arrêter et emprisonner les dissidents.
Ces dernières années, la Région autonome du Xinjiang, au nord-ouest de la Chine, longtemps frappée par des attentats attribués à des séparatistes et des islamistes ouïghours, fait l'objet d'une répression menée au nom de l'antiterrorisme. Des études occidentales accusent la Chine d'y avoir interné au moins un million de Ouïghours et de membres d'autres minorités musulmanes dans des «camps de rééducation», voire d'imposer du «travail forcé» et des «stérilisations forcées», ce dont évidemment se défend Pékin. De plus, les Mongols ont manifesté, eux aussi, pour dénoncer la suppression de l’enseignement dans leur langue en Mongolie intérieure, au profit du mandarin. Les mêmes mesures avaient déjà relégué l'ouïghour et le tibétain au rang de langues étrangères.
Parmi les 55 minorités ethniques en Chine, les Tibétains, les Mongols et les Ouïghours ont été les plus opposés à la politique répressive de Pékin, mais toutes les minorités vivant dans les provinces frontalières sont vues aujourd'hui comme des menaces à la sécurité de l'État. Certains observateurs n’hésitent pas parler d'une «hanification» ("hànhuà": 汉化) au sujet des minorités, autrement dit, les rendre hans, comme la majorité. C'est davantage que la simple sinisation, car on veut également remplacer la culture, pas seulement la langue. Dans toute la Chine, Pékin a apparemment l'intention de remplacer les langues de toutes les minorités ethniques par le mandarin, afin d'uniformiser la langue et de renforcer l'identité des citoyens en tant que Chinois. On peut penser que les langues des minorités pourraient disparaître progressivement et, avec le temps, le mandarin deviendrait la seule langue en usage dans le pays.
Cette politique linguistique régressive préconisée par le président Xi Jinping reflète l'aggravation de la répression dans les zones minoritaires, laquelle contrevient aux obligations de la Chine en vertu des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, tels que la Convention relative aux droits de l'enfant, que la Chine a ratifiée en 1992. La convention garantit le droit des enfants à recevoir leur instruction dans leur langue maternelle. D'ici peu, il reste au président Xi de faire abroger dans la Constitution et les lois les dispositions favorables aux minorités.
La République populaire de Chine a fêté ses 70 ans (1949-2919). Si les conditions de vie de la classe moyenne se sont grandement améliorées depuis la naissance du régime de Mao Tsé-toung, certaines minorités ethniques sont plus malmenées que jamais par le gouvernement central. C'est le Grand Bond en arrière, car la Chine n'a pas encore appris à gérer la prédominance des droits de l'Homme ni à gérer autrement que par la contrainte et la violence l'équilibre entre la cohésion de l'État et les nationalismes régionaux qui terrorisent les autorités centrales. C'est le retour au lourd passé stalinien et totalitaire. |
Le président Xi Jinping est devenu un dictateur obsédé par les enjeux de sécurité, qui lui font prendre des décisions qui nuisent à la Chine. Plus il réussit à concentrer des pouvoirs entre ses mains, plus ses mauvaises décisions sont nombreuses. Par exemple, sa politique pour écraser le mouvement démocratique à Hong-Kong nuit à l'économie chinoise et contribue à l'instauration d'un gouvernement indépendantiste à Taïwan. Le génocide des Ouïghours, la sinisation de la religion musulmane au Ningxia, la suppression dans l'enseignement du mongol en Mongolie et du tibétain au Tibet sont des interventions inutiles et coûteuses pour l'image de la Chine. Ces politiques draconiennes mine non seulement l'économie chinoise, mais malmène également l'économie mondiale. On peut se poser la question: pourquoi Xi Jinping est-il obsédé par les enjeux de sécurité? Loïc Tassé, un politologue canadien et spécialiste de la Chine et de l’Asie, ayant séjourné quatre années en Chine à l’Institut des langues de Pékin et comme chercheur invité à l’Institut d’économie de l’Université de Pékin, répond à cette question dans un journal de Montréal (15 octobre 2022):
Xi est guidé par la peur. Il craint que les hauts membres du Parti communiste l’expulsent de son poste de président. Il craint que les minorités nationales se transforment en cinquième colonne. Il redoute que la démocratie de Hong Kong s’étende à toute la Chine. Il a peur que les autres pays du monde cessent de coopérer avec la Chine, que son armée monte un coup d’État contre lui, que la population chinoise cesse de le craindre et ainsi de suite. |
8.3 La dialectique maoïste
Xi Jinping a profité des politiques d'ouverture de Deng Xiaoping qui avait
placé la Chine dans une période faste. Avant lui, Mao Tsé-toung avait mené son
pays au bord du gouffre. Étant donné que le président Xi est retourné dans une
dialectique maoïste, il pourrait bien faire pire que Mao et précipiter son pays
dans la débâcle. Les Chinois d'aujourd'hui sont épiés par un vaste réseau de
caméras de vidéosurveillance et à la merci d’une «police des
données» qui enregistre tous leurs faits et gestes.
Ces données sont employées, d'après les autorités, à titre «préventif». Pourquoi un État fait-il si peu confiance à ses propres citoyens, sinon pour mieux les contrôler et perpétuer des privilèges à ses dirigeants? |
La Chine se révèle nulle dans la gestion des relations publiques et suscite de plus en plus de l'hostilité exprimée dans le monde occidental. Elle ne peut plus cacher la répression ouverte, car 230 millions de Chinois sont aujourd'hui branchés sur Internet pour dénoncer la situation.
La Chine continue sa marche vers la puissance qui passe par un renforcement du pouvoir exécutif du Parti communiste et du gouvernement. Pour combien de temps encore le régime chinois va-t-il pouvoir gouverner, sans démocratie multipartite, une société de plus en plus riche, instruite et branchée sur le monde? Certains sinologues croient que la démocratie finira bien par triompher en Chine, mais pas avant vingt ou même trente ans, le temps que cette génération au pouvoir s'enrichisse encore davantage! Pour le moment, la Chine lance un nouveau défi au monde du XXIe siècle avec un mélange de fascisme, de tradition impériale et de totalitarisme technologique. Elle est aujourd'hui un régime très autoritaire qui risque de commander à court terme la marche du monde, ce qui la rend plus dangereuse pour les droits de l'homme et le bonheur de ses propres citoyens! Un jour, ceux-ci n'accepteront plus ce régime hyper autoritaire qui mène la vie dure à la majorité des Chinois.
8.4 La plus grande puissance coloniale de la planète
En attendant, l'homme fort de la Chine ne se contente plus d'opprimer son propre peuple, il rêve maintenant d'opprimer la planète entière. Avec la Russie, la Chine est responsable de la hausse des dépenses militaires dans le monde au lieu d'investir cet argent dans des activités plus bénéfiques pour les populations. La Chine a développé un colonialisme économique sous-tendant son initiative "Belt and Road", c'est-à-dire la «nouvelle route de la soie». Elle s'est implantée un peu partout sur le continent africain en assujettissant des dizaines de nations africaines. D'ailleurs, l'Afrique est souvent considérée comme le terrain de chasse de la Chine qui, quant à elle, apparaît aussi comme le moteur ou la locomotive de la croissance africaine. En 2021, la Chine était devenue le plus grand partenaire commercial de l’Afrique, ce qui correspondait à quelque 200 milliards de dollars par an. La Chine a besoin de pétrole: elle est le second consommateur de pétrole du monde et l'Afrique lui fournit environ 47% de ses approvisionnements, ses premiers fournisseurs étant l'Angola et le Soudan. Les besoins en matières premières de l'Empire du milieu sont considérables (fer, bois, coton, diamant, cuivre, manganèse, etc.). Pour les combler, la Chine doit entreprendre de grands travaux d'infrastructures au Nigeria, au Niger, au Congo-Brazzaville, au Gabon, au Soudan, en Zambie, en Algérie, à Madagascar, au Mali, au Bénin, etc.
La présence chinoise en Afrique se manifeste par l'afflux de produits chinois, par l'augmentation des résidents chinois, par la multiplication des entreprises chinoises et par l'institutionnalisation des représentations chinoises. De plus, la Chine a fortement développé ses relations militaires avec l'Afrique; elle intervient donc par de l'encadrement et les ventes d'armes. L'aide chinoise multiple est en forte croissance; elle n'exige pour le moment comme contrepartie que la non-reconnaissance de Taiwan. À plus long terme, il est certain que la langue et la culture chinoise suivront le même mouvement de la croissance. Ainsi, l’Institut Confucius, les centres culturels chinois et les relais médiatiques sont considérés comme des institutions essentielles habilitées à propager une image favorable de la Chine dans les pays africains. Jusqu’en juin 2020, il existait 61 centres culturels (Institut Confucius) et 44 laboratoires de langue (Classe Confucius) dans 46 pays africains. La Chine n'hésite guère à envoyer des «volontaires» dans les pays d'Afrique; ceux-ci sont chargés d'offrir des services à la population locale dans le domaine de l’éducation, de la santé, des soins médicaux et d’autres secteurs sociaux. Parmi ces «volontaires» chinois, on trouve principalement des jeunes et des enseignants de langue chinoise. Toutes ces entreprises servent à fournir un appui politique favorisant le développement de l’Institut Confucius, dont la mission est d'encourager et de soutenir l’enseignement du chinois dans les pays africains. Bref, l’Institut Confucius est une «fenêtre» par laquelle la Chine peut établir des partenariats éducatifs et promouvoir les avantages du régime socialiste et des investissements chinois en Afrique, ainsi que renforcer l’opinion publique africaine à l’égard de la présence chinoise sur le continent.
Finalement, si l'Afrique a connu la décolonisation à l'égard principalement
de la France, de la Grande-Bretagne et du Portugal, elle est en train de se
recoloniser vers l’esclavage sous un autre groupe de maîtres.
À l’intérieur de ses frontières, la Chine incarcère des millions de membres de
sa minorité musulmane, les Ouïghours, les condamnant à des vies de travail forcé
et de prélèvement d’organes. Elle envoie 80 % des enfants tibétains dans des
pensionnats où ils ne sont pas autorisés à apprendre ou à parler leur langue.
Chine |
(1) Situation géopolitique | (3) Histoire de la Chine et ses incidences linguistiques |
(4) La politique linguistique à l'égard du chinois officiel | |
(5) La politique linguistique à l'égard des minorités nationales | (6) Bibliographie | Les cinq régions autonomes | Loi sur la langue et l’écriture communes nationales (2001) |